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Entretien Le binôme assistante-infirmière : un projet de service innovant inventé en Sambre-Avesnois à destination des entreprises de moins de 20 salariés Odile Piette et Sabine Gumez, respectivement assistante santé-travail et infirmière santé-travail chez Santé-Travail Sambre-Avesnois (STSA Louvroil), ont testé une intervention en binôme à destination des TPE, pour présenter la réforme de la santé-travail, renforcer l action de l équipe pluridisciplinaire, et multiplier les actions en milieu de travail. ISTNF. Vous êtes l une et l autre diplômées en santé-travail : quel est votre parcours au sein de STSA? Odile Piette. J étais secrétaire médicale, dans le SST, depuis 19 ans, quand j ai décidé de suivre la formation d Assistante en santé-travail à l Institut social Lille Vauban, il y a six ans, influencée par le professeur Paul Frimat qui nous a expliqué les métiers d avenir. Je ne regrette pas d avoir suivi cette formation. Sabine Gumez. Je suis arrivée au sein du service en février 2012. STSA cherchait des infirmières, je venais du secteur médico-social. François Catry m a expliqué le rôle et la mission de l infirmière de santé au travail, ça m a plu. La seule condition pour exercer la profession était de s inscrire en licence santé-travail. Le mode opératoire ressemble finalement à ce que l on pratique dans les hôpitaux : l infirmière assure la surveillance et sollicite le médecin en cas de besoin. Je ne me suis donc pas du tout sentie perdue en arrivant dans ce nouveau métier. ISTNF. S agit-il vraiment d un nouveau métier? SG. C est un nouveau métier, car il n y a plus de soin, nous ne sommes pas dans la même relation avec le patient et avec le salarié rencontré au cours d un entretien. Quand vous voyez les gens, à l hôpital, ils sont contents de vous rencontrer parce qu ils ont besoin de vous et que vous les soulagez. Quand j ai choisi le sujet de mon mémoire, c est un peu ce que je voulais montrer : en santé-travail, les gens viennent nous voir parce qu ils sont convoqués, sans avoir envie de nous rencontrer, ils y sont obligés j ai vu arriver des gens complètement fermés, au début, au cours de istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 1

mes premiers entretiens infirmiers en santé-travail - c'est-à-dire comme ça (elle croise les bras) -, et qui me disaient : «De toute façon vous ne servez à rien». ISTNF. Les matières enseignées durant votre formation étaient-elles nouvelles pour vous? Vous ont-elles apporté de nouvelles capacités de travail? OP. Oui, parce qu il s agit d aller sur le terrain pour découvrir les gestes de travail et d aller au contact des entreprises Il faut des notions en ce qui concerne la sécurité et le fonctionnement des entreprises. Il faut aussi avoir de l aisance pour aller au contact des autres. La réforme de la santétravail, c est ça finalement : aller à la rencontre des gens. Heureusement qu il y a eu la formation, car c est une tâche qui ne s improvise pas. C est très enrichissant, j aime beaucoup ce que je fais. Nos contacts entrainent des actions, les retours sont positifs, on arrive à mettre beaucoup de choses en place et on se sent vraiment très utile. SG. A la demande de Monsieur Catry, avec notre médecin coordinateur «infirmières», j avais découvert les entretiens deux mois avant d entamer la formation ; avec la licence, j ai pu conforter notre trame d entretien. Beaucoup de domaines m étaient totalement inconnus. Quand je vais en entreprise, aujourd hui, grâce aux cours que j ai suivis en licence, je peux cibler les points importants et regarder les choses autrement. On ne s improvise pas professionnel de santé au travail, c est une spécialité. Il faut apprendre le métier, c est complètement différent de ce que je faisais à l hôpital. Ça fait deux ans qu on organise des entretiens infirmiers au sein du service, les personnes maintenant nous connaissent, le regard que les salariés portent sur nous a changé. ISTNF. L entreprise n est pas habituée à vous voir, faut-il expliquer votre profession? Faut-il convaincre les employeurs et les salariés qu ils peuvent vous parler? SG. Au démarrage d un entretien, les gens sont d abord réticents, on leur explique la réforme, on leur dit bien que le salarié a le choix et qu il peut voir un médecin s il le veut. Au fil de l entretien, on leur pose des questions sur leur métier, sur leur vécu, sur ce qu ils ressentent, sur ce qui est difficile pour eux... De fait, à la fin de l entretien, ces mêmes personnes ont du mal à sortir du bureau. Quand ils nous quittent, souvent, ils nous disent «A dans deux ans», mais on leur dit «Non ce sera le médecin qui vous verra». Il faut expliquer la réforme : les entretiens infirmiers et les visites médicales sont complémentaires, les gens le comprennent très facilement. ISTNF. Les visites médicales sont très courtes en général, l infirmier dispose-t-il de plus de temps? SG. Nos rendez-vous sont pris toutes les demi-heures : on a une demi-heure pour nous entretenir avec chaque salarié. Parfois ça dure plus longtemps. Les gens ont tendance à se livrer. En général, quand on arrive à la fin de l entretien et qu ils comprennent qu ils peuvent s ouvrir, c est à ce moment que des choses sortent Heureusement, il y a notre psychologue du travail, je peux dire aux gens : «Voilà, là je sens que vous n êtes pas bien, on a pu en discuter, voulez-vous un rendez-vous avec la psychologue du service?». On leur explique ce qu elle peut leur apporter. ISTNF. Comment fonctionne le binôme assistante-infirmière? OP. Le binôme nous permet de réaliser une visite d entreprise par semaine avec une infirmière. Quand j appelle l entreprise, je propose que le binôme rencontre le chef d entreprise pour un istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 2

entretien d une durée d une heure et demi minimum, pour construire la fiche d entreprise et rencontrer l IDEST qui effectue le suivi et la surveillance de leur salarié en collaboration avec le médecin du travail en charge de leur entreprise. On en profite pour présenter le service de santétravail et les prestations qu il propose et après, au cas par cas, sur le terrain, on identifie des actions à mettre en place : besoin de formation, mesures de bruit on réfléchit ensemble, on fait le repérage des sujets à transmettre au médecin qui, si besoin, confiera à l équipe les actions à mener. SG. Avec le projet binôme, on cible des TPE, des entreprises de moins de 20 salariés, des personnes qui étaient inscrites avant 2011, parce qu à partir de 2011 notre service a déployé un accueil spécifique pour tout nouvel adhérent. En général, les chefs d entreprise n ont pas eu de contact avec la santé-travail en dehors des visites médicales, ils n ont donc pas de fiche d entreprise. On leur explique que la fiche d entreprise est une obligation légale, que c est à nous de faire la démarche : avec de tels arguments, forcément, rare sont ceux qui refusent de prendre rendez-vous. ISTNF. Comment avez-vous inventé le projet binôme? SG. Comme je vous l ai dit, quand j ai commencé mes entretiens l image de la santé au travail que me renvoyaient les salariés ne me convenait pas, et des réflexions telles que «c est bien vos histoires de prévention, mais c est au patron qu il faut dire ça» Alors en discutant avec Odile sur l accueil nouvel adhérent, je me suis dit qu en mettant en place ce genre d action pour les anciens adhérents, non seulement j aurai la fiche d entreprise pour mener à bien mes entretiens infirmiers, mais en plus cela me permettrait d avoir un premier contact avec le chef d entreprise pour discuter des risques professionnels liés aux postes de travail. Odile avait l expérience des entreprises, elle savait quelles informations donner et savait comment s y prendre. On a décidé d aller à la rencontre des entreprises, en binôme, pour présenter la réforme, expliquer les entretiens infirmiers et mettre en lumière ce qu est un service de santé travail. J en ai fait mon sujet de mémoire. Monsieur Catry nous a donné carte blanche. Odile a fait le point sur les établissements qui n avaient pas leur fiche d entreprise, parmi les adhérents d avant 2011, j ai ciblé des domaines dans lesquels les risques étaient multiples, c est-à-dire, plutôt le BTP, la métallurgie Nous avons pris les rendez-vous. OP. Sabine avait construit un questionnaire pour son mémoire. Nous avons réadapté ce questionnaire afin de nous aider à cerner le niveau de connaissance des entreprises. Nos regards sont complémentaires, c est l avantage du binôme. Sabine pose des questions au début de la visite, ce qui nous permet de cibler les informations que nous pourrons leur délivrer. Si le chef d entreprise connait le rôle de l infirmier, elle lui donne seulement une plaquette d information sans entrer dans le détail, s il ne connait pas son rôle, elle se présente et explique le fonctionnement des entretiens infirmiers. On s adapte aux besoins identifiés. ISTNF. Les entreprises assimilent-elles facilement votre message? SG. Les entreprises ont nos méls, si les chefs d entreprises ont besoin d informations complémentaires, ils nous envoient un message. Nous donnons beaucoup d informations d un coup, il est donc nécessaire de pouvoir revenir sur certaines d entre elles. En pratique, on fait le questionnaire, on donne les infos sur la réforme, sur le service, sur le pourquoi des cotisations, on revient sur l équipe pluri, on explique le passage de la médecine du travail vers la santé au travail, et on analyse les fiches de données de sécurité : c est complet. On demande aux chefs d entreprise de istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 3

nous préparer les fiches de données de sécurité, et on leur explique que les assistantes vont saisir ces informations et qu ils seront destinataires d un tableau récapitulatif élaboré par notre Ingénier HSE, tableau précisant toutes les précautions à prendre par rapport au risque ou au produit utilisé. ISTNF. Qui vous reçoit en entreprise? SG. C est le responsable de sécurité dans les entreprises moins de 20 salariés, c est donc en général le chef d entreprise ou son épouse. Souvent, dans les TPE, ce sont les compagnes qui s occupent de toutes les questions liées à la sécurité ou aux visites médicales. Quand on leur expose le sujet, elles nous répondent qu elles vont en parler à leur mari. Les épouses secondent leur mari. ISTNF. Les six infirmières du service travaillent-elles sur le même modèle? SG. La CMT a validé notre action : le binôme est devenu un projet de service. Au départ, il s agissait d une démarche volontaire, mais finalement, toutes les infirmières du service ont trouvé intéressant de pouvoir aller à la rencontre de l employeur. C étaient le médecin et les AST, auparavant, qui se chargeaient de ce travail, du coup l infirmière était placée dans un entre-deux. Nous sommes aussi là pour relayer l information au médecin, qui coordonne l ensemble de ces actions. Une fois par mois on se rencontre toutes les six avec le médecin coordonnateur pour échanger sur les projets en cours, sur les entretiens, sur nos pratiques, et sur la façon dont les entreprises réagissent. ISTNF. Les médecins du travail ont-ils compris votre mission? SG. A la base, quand je suis arrivée, il y avait déjà des infirmières, il fallait se faire une place : elles travaillaient avec le médecin coordonnateur, mais tous les médecins ne voulaient pas travailler avec une infirmière. On a posé la question aux médecins au cours d une réunion d échanges ; tout le monde a dit «Oui», ils avaient compris qu il fallait se lancer. On a élaboré un protocole, on a peu à peu montré ce qu on pouvait apporter. Aujourd hui, les médecins savent comment ils peuvent nous solliciter, ils ont appris à nous faire confiance. On leur fait des comptes-rendus, ils les complètent. ISTNF. Comment transférez-vous les informations? Disposez-vous d un outil informatique? OP. On utilise le logiciel Dynamit. Toutes les entreprises adhérentes y sont référencées avec la liste de leurs personnels. On y rattache les documents qu on construit - documents validés par les médecins du travail -, pour que tout le monde puisse en prendre connaissance en réseau. Les infirmières qui vont recevoir des salariés en entretien pourront consulter la fiche d entreprise et disposeront d un certain nombre d informations, comme les fiches de données de sécurité. Les mesures de bruit faites en entreprise, par exemple, on les scanne et on les rattache au dossier. SG. Avant, chacun faisait son travail et remettait un document dans la pochette adhérent. Quand vous êtes en extérieur, avoir accès à la pochette adhérent, c est compliqué, alors que pouvoir disposer de l information sur Dynamit est plus simple. Les AST ont donc entamé un gros travail de mise en liaison des fiches d entreprise sur Dynamit. Quand on fait une mesure de bruit, quand on écrit un compte-rendu, au cours d un entretien, on le rattache à Dynamit. Ces informations seront utilisées par le médecin du travail au cours des visites médicales. L intérêt est évident. istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 4

OP. Les documents uniques récupérés sont scannés et rattachés au logiciel, comme ça on réunit un maximum d informations autour d une entreprise. SG. Pour nous c est très important, parce que parfois, sur les documents mis à disposition par l entreprise, on lit «risque bruit», ce qui est très relatif, alors que si on va sur Dynamit, on peut consulter la mesure de bruit réelle de l entreprise. «Vous êtes à quel poste? Tiens la mesure est à 95db, vous portez vos bouchons? Non? Je vais vous faire un test audiométrique» : au cours de l entretien infirmier, Dynamit nous permet de mieux sensibiliser le public, c est très important. Bien sûr, dans Dynamit il y a différents niveaux de lecture : certaines informations ne sont pas accessibles aux secrétaires, par exemple, afin de garantir le secret médical. C est la même chose pour les infirmières : le médecin peut très bien inscrire des informations particulières, qu il sera seul à pouvoir lire. En général, sur le dossier médical, médecins et infirmières ont accès aux mêmes informations. Tout ce qui a une incidence sur le travail sera signalé et communiqué au médecin. Je n ai pas le droit de mettre un salarié en danger parce qu il aurait estimé qu il ne fallait pas signaler telle ou telle situation. Je mets tout de suite les choses au point avec le salarié quand je le reçois en entretien. ISTNF. Comment se fait le passage de relais au sein du service? OP. Je suis très chek list. Quand on va en entreprise, je collecte les fiches de données de sécurité, que je saisis sur un tableau créé par notre ingénieur HSE ; elle revient vers moi s il y a des actions à mettre en place ; quand les entreprises sont intéressées par une formation, je sollicite la formatrice SST ou PRAP par mél en lui demandant de se rapprocher de l établissement. En entreprise, on vérifie aussi toutes les informations administratives de la société, on édite alors une fiche de liaison que l on transmet aux secrétaires médicales pour qu elles puissent être à jour avec les coordonnées de l entreprise. En fait on a vraiment un contact avec tout le monde. SG. Pour l équipe pluri, un protocole a été mis en place. Il y a un coordinateur de l équipe pluridisciplinaire et il y a des demandes spécifiques. Par exemple, si on revient de l entreprise avec une demande de mesure de bruit, on remplit un tableau sur Dynamit, après accord du médecin en charge de l entreprise, et ça envoie une requête à l équipe pluri : la secrétaire pluri traite les demandes. Ces situations sont discutées en réunion, avec le médecin coordinateur, l équipe pluri examine les demandes auxquelles elle peut répondre et donne des délais. OP. Un tableau récapitulatif permet de savoir quelles sont les demandes, si on y a répondu, si c est en cours de traitement. Un courrier part aux entreprises pour les informer que la demande a été prise en compte. SG. Ces mesures permettent d identifier certains besoins pour l équipe. Je veux dire par là que grâce à cette quantification, notre Direction, de façon éclairée, peut prendre toute décision relative aux investissements en compétences nouvelles ou supplémentaires. ISTNF. Vous aurez un jour rencontré toutes les entreprises? SG. Dans 25 ans : on a 3000 entreprises à rencontrer (rires). Nous y avons réfléchi. On a mis au point un protocole. La cible, ce sont les TPE de moins de 20 salariés, adhérentes avant 2011, n ayant pas de fiche d entreprise ou disposant d une fiche datant d avant 2008. Comme on a beaucoup d entreprises, on s est demandé comment prioriser. On a pris l Atlas régional, on a fait un tableau istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 5

croisé avec les CTN surreprésentés dans la région, les secteurs où il y avait des accidents de travail en hausse, les CTN les plus accidentogènes, les CTN où les accidents de travail étaient les plus élevés, et ceux où les accidents de travail coutaient le plus cher. Du coup on a ressorti des secteurs prioritaires dans nos visites : les industries du BTP et l industrie du bois pour les deux premières années OP. En fait, avec Dynamit on a recroisé toutes les infos avec notre portefeuille d adhérents, en plus de ces deux CTN prioritaires, nous avons rajouté les entreprises du funéraire, parce qu une infirmière du service avait fait un travail sur ces métiers lors de sa licence et qu elles font parties du projet bien être auquel le service participe, et ainsi on optimise les actions en milieu de travail. SG. Rien n est figé. Au cas par cas, en fonction des demandes, on peut inclure de nouveaux établissements. L action binôme est une porte d entrée, pour pouvoir mettre en place, par la suite, des actions dans les entreprises. On fait un travail préparatoire par rapport à ces CTN, on sensibilise davantage, on leur parle de ce qui les intéresse, les chiffres sont réels. ISTNF. Est-ce que cette démarche peut inciter l entreprise à aller plus loin? OP. On les suit de près : six mois après les avoir rencontrées on rappelle les entreprises pour faire le point sur ce que nous avons pu aborder lors de notre visite - DU, mise en place de moyen de prévention - ou si elles ont de nouvelles demandes. SG. Quand c est fait, on transmet la fiche, les courriers, les informations communiquées à l entreprise, et le médecin complète le dossier, ce qui peut entrainer des demandes pour l équipe pluri. Tous les groupes de travail finissent par se correspondre. istnf.fr Sabine Gumez et Odile Piette, STSA Louvroil 03 décembre 2014 6