Mauvaise nouvelle aux urgences : comment l annoncer? Pauline Morel Interne au DAU/SMUR CHI Poissy 7 octobre 2014

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Transcription:

Mauvaise nouvelle aux urgences : comment l annoncer? Pauline Morel Interne au DAU/SMUR CHI Poissy 7 octobre 2014

Cas clinique M. N 27 ans Motif : douleur testiculaire Pas d antécédent, pas de traitement Marin dans la marine marchande

Histoire de la maladie Douleur testiculaire à type de gène depuis 4 mois Augmentation plus importante de la douleur depuis 24h Pas d irradiation, horaire mixte Pas de fièvre, pas d AEG Pas de RS à risque

Examen clinique Bonne hémodynamique, pas de fièvre, EVA 5/10 Pas d anomalie à l examen clinique, pas d adénopathie Examen génital : Pas d écoulement urétral Pas d anomalie de la coloration des bourses Bourse droite augmentée de volume Palpation : masse dure, hétérogène dans la bourse droite Signe de Prehn négatif

Examen complémentaire Bilan sanguin : pas de syndrome inflammatoire Echographie testiculaire : masse suspect hétérogène avec hydrocèle réactionnelle

Avis chirurgien viscéral : Suspicion cancer testicule Rendez vous de consultation pris avec oncologue à l hôpital de Foch 4 jours plus tard Dosage de marqueurs spécifiques réalisés à Poissy

Conclusion des urgences : Masse testiculaire d allure très suspect Rendez-vous pris avec urologue de Foch dans 4 jours, avec résultats de l écho et des marqueurs à récupérer dans 24h

Donc Suspicion clinique et radiographique d un cancer du testicule Comment annoncer ce diagnostic?

Ce qui a été fait Annonce de la suspicion à 2h du matin avec les résultats des CR à l ouest 1, sans autre patient dans le box Annonce du rv à Foch pour plus d examens et probable chirurgie Pas d indication sur le pronostic Avec notification de tout ce qui a été dit dans le CRU

Cadre juridique «annoncer une maladie grave, l exemple du cancer», Nahum S. ; Presse med ; 36 : 303-7 ; fev 2007 Loi du 4 mars 2002 : les patients ont droit à une information claire, à un accès partagé au savoir médical et accèdent à leur dossier Art. 16-3 du code civil : impose l information au patient pour un consentement éclairé aux procédures diagnostiques et thérapeutiques Art. 35 du code de déontologie : information «claire loyale et appropriée»

Le désir de la population? «patient s preferences concerning medical information : results of a prospective study in a french ED», E.Roupie, intensive care med 2000 ; 26 : 52-6 Parmi 1089 patients admis aux urgences pour une affection non préoccupante, 87,3% désireraient une information complète s ils étaient atteints d une maladie menaçant leur vie

Plan cancer 2003-2007 :

Consultation d annonce mesure 40 du plan cancer 2003-2007 l annonce du diagnostic la présentation de la stratégie thérapeutique préalablement définie lors de la réunion RCP la remise du Programme Personnalisé de Soins durée de la consultation : 45 minutes à 1 heure.

Et l urgentiste? Interaction limitée par : Un temps limité Des ressources limitées Un diagnostic incertain Première annonce diagnostique, suivie d une succession d annonces

Le point de vue du médecin Les difficultés que l on peut rencontrer : La peur de la maladie et la mort La peur d être désapprouvé La peur de faire mal Le sentiment d'impuissance, le renoncement, accepter ses limites Le sentiment de culpabilité La peur de ne pas être à la hauteur La peur des réactions émotionnelles

Mécanisme de défense des soignants : L identification projective : attribuer à l autre ses propres sentiments La rationalisation : discours hermétique et incompréhensible La fausse réassurance La fuite en avant : se libérer de son savoir La banalisation Le mensonge : pour préserver le patient

Les mots choisis l attitude et la posture du médecin constituent aussi des messages. Une information simple et progressive, respectueuse des mécanismes d adaptation de chacun et d un temps d intégration indispensable Une information répétée. Une information cohérente, une communication sincère et vraie Une attention particulière à la formulation, aux mots prononcés, éviter le jargon d expert. Un contrôle régulier de la compréhension et une reformulation si nécessaire L ouverture vers un espoir réaliste. La proposition d objectifs à court terme.

Le point de vue des patients Les mécanismes de défense L isolation : pas de manifestation d angoisse, semble non concerné Le déplacement : évocation d un sujet n ayant rien à voir avec l annonce La projection agressive La régression : le patient n assume pas les évènements et les laisse à la charge de l autre Le déni, en général partiel et transitoire

Ecueils et risques évitables 1. La dilution des responsabilités : le patient peut ressentir une absence d annonce, un manque de référent, une dilution des responsabilités. Il peut considérer que les professionnels se «renvoient la balle» et avoir le sentiment d'une absence de soutien. 2. L incohérence des messages transmis : il est important que, face au patient, la parole de l'équipe médicale et soignante soit cohérente. 3. Le retard à l information : une information progressive ne doit pas signifier rétention d information. Le rythme doit être adapté aux questions et aux besoins du patient.

Conclusion L'important c'est ce qui est compris, pas ce qui est dit. L'objectif est d'adapter l'information transmise à ce dont le patient a besoin à ce moment-là. Toujours se rappeler que ce qui est dit n'est pas ce qui est entendu par le patient