La collaboration au sens large entre. calculé. Un rapprochement. Supply Chain & Finance. DOSSIER Supply Chain & Finance



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MOMIUS-FOTOLIA Un rapprochement calculé, une notion particulièrement vaste qui va de l optimisation du BFR jusqu à son financement. Sans oublier le rapprochement des directions financières et Supply Chain. Une chose est sûre : la Supply Chain se «financiarise»! K.-U. HÄSSLER-FOTOLIA 123DARTIST-FOTOLIA La collaboration au sens large entre Supply Chain (SC) et Finance est un sujet assez nouveau qui se matérialise de nombreuses façons. Dans la littérature anglo-saxonne, le terme «Supply Chain Finance» (SCF) désigne le financement du BFR (besoin en fonds de roulement) dans une problématique de filière et en particulier les solutions de financement de ses fournisseurs. Les raisons de l émergence de ce concept sont doubles. La raréfaction du crédit par les circuits traditionnels bancaires et un renchérissement de son coût, en particulier pour les petits fournisseurs, est une première explication. Par ailleurs, nous assistons à une réelle prise de conscience, particulièrement visible dans le secteur de l aéronautique, de la nécessité de sécuriser la relation avec le tissu de fournisseurs. Beaucoup de donneurs d ordre réalisent que les problématiques de solidité financière de leurs fournisseurs ont des conséquences extrêmement pénalisantes sur eux (qualité du produit, flexibilité, délais, etc.). Il devient donc fondamental de s assurer que ceux-ci ont les moyens de financer leur cycle d exploitation afin d éviter les situa- 62

tions de crise (rupture d approvisionnement, grande difficulté financière des fournisseurs, etc.). Le reverse factoring Une enquête menée par la société Demica auprès des principales banques internationales révèle que les services de financement de factures connaissent un taux de croissance annuelle de 30 à 40 %. Au-delà des solutions d affacturage classique (technique de financement de recouvrement de créances consistant à obtenir un financement anticipé par le biais d un affactureur dont les taux d intérêt sont en général élevés) existant depuis longtemps et du schéma où le donneur d ordre lui-même règle de façon ancipitée son fournisseur moyennant un rabais sur la facture, l affacturage inversé (reverse factoring) a le vent en poupe, même si sa part du marché total de l affacturage est encore très faible en France. Pour un grand nombre d experts, il équivaut même au concept de SCF. Le reverse factoring est aussi une solution de financement pour les entreprises mais à la différence qu au lieu d'être à l'initiative du fournisseur souhaitant financer ses créances clients, cette méthode est au contraire à l'initiative du donneur d ordre, qui permet ainsi à ses fournisseurs de financer leurs créances, avec l'aide d'une société d'affacturage, en profitant de ses conditions de crédit. Le fournisseur bénéficie ainsi de la notation de son client et donc de meilleurs taux d intérêts (voir ITW Auchan page 68). Le reverse factoring est apparu sous l impulsion des enseignes de la grande distribution et commence peu à peu à étendre son champ d action. De grands groupes industriels et de services s y intéressent également (EDF, etc.). «Historiquement, ces programmes ont démarré sous l impulsion de très grands groupes (Md ou dizaines de Md de chiffre d affaires). On observe aujourd hui que les fournisseurs de ces grands groupes (en M de chiffre d affaires) ayant bénéficié de programmes de reverse factoring essaient à leur tour d en mettre en place pour leurs propres fournisseurs», constate Fabien Jacquot, Président de Corporate LinX. Une solution limitée aux factures validées «Le Reverse Factoring ne devrait pas figurer au bilan du fournisseur comme opération de crédit mais bien de vente, à la différence du crédit court terme», souligne Fabien Jacquot. En France, cette Hervé Hillion, Associé de Say Partners SAY PARTNERS DÉCEMBRE 2013 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE N 80 63

EY EY CAPGEMINI CONSULTING Sabine Bechelani, Associée Responsable de l'amélioration de la performance des Directions Financières chez EY Xavier Personnic, Directeur Associé chez EY Thierry Desnos, Directeur Operations Excellence chez Capgemini Consulting solution est très majoritairement utilisée pour des factures validées, garantissant ainsi aux banquiers et affactureurs un niveau de risque d impayé pratiquement nul. Le donneur d ordre rembourse la banque plus tard, économisant ainsi sa propre trésorerie. «L affacturage inversé ne permet que de financer des produits déjà livrés et facturés. Cette solution de financement est donc limitée puisque très tardive dans la SC. Elle ne permet pas de financer les besoins d achats, de stocks et d encours. La SCF dont je parle aujourd hui repose sur des schémas beaucoup plus ouverts et beaucoup plus innovants, et répond à des besoins de financement plus en amont», indique Hervé Hillion, Associé de Say Partners (voir projet RCSM page 69). Faisant référence au projet RCSM, Edi Poloniato, SVP Strategy and Corporate Development chez Kyriba (dans le consortium de RCSM), déclare : «Actuellement, le financement de bons de commande est très peu répandu et c'est pourquoi nous travaillons avec nos partenaires bancaires sur ces sujets en amont afin d'être leur partenaire technologique privilégié quand le marché sera prêt». Un jeu à trois Des plates-formes technologiques collaboratives (intégrant partenaires financiers, fournisseurs et acheteurs) existent déjà sur le marché : Kyriba, Prime revenue, CBC Trade Finance, Corporate LinX, GT Nexus/Tradecard, etc. Les acteurs qui gèrent ces plates-formes recherchent des accords avec des institutions financières. Celles-ci s abonnent alors au système et mettent en ligne les différentes solutions économiques qu elles proposent. «Nous relions donneur d ordre, fournisseurs et financiers au travers de notre portail web (SaaS). Chacun peut suivre ainsi l avancement ; commande, facture, litige, paiement. Le fournisseur connaît parfaitement les échéances de règlement. Les propositions financières de règlement anticipé faites aux fournisseurs doivent être compétitives. Nous réinterrogeons nos correspondants financiers pour chaque client», décrit Fabien Jacquot. S agissant des autres maillons de la chaîne, en particulier le financement des stocks, il existe les solutions classiques uniquement financières, consistant à faire appel aux banquiers ou des alternatives comme celle proposée par la société Atlantiq (voir page 66). Optimiser le BFR avant de le financer! Etudier les leviers opérationnels ou commerciaux au préalable est une première étape indispensable. «Avant de parler de solutions de financement du BFR, il est nécessaire dans un premier temps de se concentrer sur son optimisation en adoptant de meilleures pratiques, plus collaboratives, en ROBERT KNESCHKE-FOTOLIA matière de planification et de pilotage. Ces actions permettent déjà de dégager des liquidités. Les dernières études menées en France, toutes filières confondues, estiment que 200 Md d excédents de fonds de roulement sont bloqués dans les entreprises (stocks, délais de paiement, etc.). L idéal, avant d aborder la question du financement externe, est de recycler ces liquidités dans la chaîne», explique Hervé Hillion. Le stock est un des composants majeurs du BFR et malgré toutes les actions menées ces dernières années visant à le réduire, le niveau de collaboration dans les SC entre les différentes parties prenantes reste insuffisant. Ce manque de collaboration génère des asymétries d informations contribuant à «l effet coup de fouet». «Dans le cadre d une mission d optimisation des niveaux de stocks, nous sommes amenés à redimensionner les paramètres de stock dans un réseau donné, ou encore à optimiser les processus de planification. Mais des résultats plus significatifs peuvent être obtenus en travaillant sur la redéfinition du réseau logistique, ou en repensant le modèle opérationnel même de l entreprise : ainsi, passer d un mode de fabrication sur stock à un mode d assemblage à la commande permet de générer des gains financiers très importants. Mais il s agit alors d un projet de transformation d entreprise, résultant d un changement de stratégie», illustre Thierry Desnos, Directeur - Operations Excellence chez Capgemini Consulting. Toujours dans cette logique d optimiser le BFR, il est également courant de jouer sur les délais de règlement, et ce, des deux côtés de la chaîne (voir schéma page 65). Supply Chain et Finance, main dans la main? Mais au-delà de ces problématiques de financement des fournisseurs et d optimisation du BFR, le rapprochement opéré dans certaines entreprises entre Direction Financière et Direction SC est également d actualité. Ces différentes initiatives confirment en tout cas la tendance à «financiariser» les pratiques de la SC. Par définition, la SC gère et optimise les flux physiques, d information et financiers. Force est de constater qu historiquement, les flux physiques et d information étaient majoritairement au cœur des préoccupations des Directeurs SC. Mais les choses évoluent EY a récemment publié une étude portant sur 64

l'évolution du rôle du Directeur financier et du Responsable Supply Chain dans le monde, révélant que 70 % des Directeurs financiers et 63% des Responsables SC affirment que leur collaboration s'est améliorée au cours des trois dernières années. «La notion de SCF est étroitement liée au working capital. Jusqu à présent, une fois assuré le service aux clients, le Directeur SC se focalisait essentiellement sur les stocks. Il s intéresse aujourd hui davantage aux problématiques des conditions de vente et d achat. Il s implique également sur des sujets tels que les stocks de consignation (dont la valeur reste dans les livres comptables des fournisseurs) ou les aspects d optimisation fiscale (par exemple, pour les choix d implantation géographique internationale). Cela requiert une plus grande coopération avec la direction financière, analyse Hervé Galon, Consultant International en Supply Chain. Et de poursuivre : Pendant longtemps, la relation entre Directeur Financier et Directeur SC était déséquilibrée et les deux fonctions ne se rencontraient la plupart du temps que pour évoquer des sujets qui fâchent (écarts de stocks, coûts, provisions pour obsolescence, etc.). Mais la situation change. La présence des Directeurs SC dans les Comités de Direction n est pas étrangère à cette évolution. Ces deux fonctions sont particulièrement attachées à la justesse des chiffres, notamment dans le cadre des scénarios de S&OP (Sales & Operations Planning), les ventes et la production ayant parfois tendance à minorer les prévisions et le marketing à les majorer. Le Directeur SC dispose par ailleurs d'une visibilité sur la réalisation du chiffre d'affaires qui lui permet d'alerter le Directeur Financier (commandes insuffisantes, mix problématique, etc.) au nom d une certaine transparence et transversalité». Le S&OP comme levier de rapprochement A propos de la fiabilité des informations, Sabine Bechelani, Associée Responsable de l'amélioration de la performance des Directions Financières chez EY, revient sur une des conclusions de l étude : «Il faut s'assurer que les décisions «business» s appuient sur un jeu de données unique et juste. La collaboration entre Directeur Financier et Directeur SC permet de fiabiliser l information utilisée par un Comex pour prendre des décisions». L étude EY souligne aussi le sujet de l optimisation fiscale autour de la chaîne logistique. «Ce sujet émerge dans plusieurs groupes internationaux. De nombreux projets sont menés actuellement sur la question. Ils sont gérés conjointement par le Directeur Financier (et/ou fiscal) et la Direction SC et consistent à repositionner les flux de marchandises de façon optimale», observe Sabine Bechelani. Le Directeur Financier peut aussi apporter à BFR-TM la SC sa pratique de la gestion des risques, comme la couverture de change dans les opérations d achat. Le S&OP participe largement à ce rapprochement entre les deux fonctions. «La composante financière du processus S&OP et donc l intégration de la fonction finance est fondamentale pour y inclure les dimensions working capital et pilotage budgétaire. Par ailleurs, l intégration de la finance amène de l apaisement dans le processus, de par sa position neutre, pour arbitrer proactivement des sujets délicats entre la SC et les autres directions», confirme Xavier Personnic, Directeur Associé chez EY. A propos de S&OP, d autres parlent même d IBP (Integrated Business Planning). «L IBP présente un niveau de maturité plus important que le S&OP, en intégrant davantage la finance. La fonction financière a un rôle majeur à jouer dans le cycle de planification, en définissant un langage commun et des processus partagés entre Supply Chain et Marketing, dans le but d obtenir une planification optimale. Malheureusement, la maîtrise des processus IBP reste encore très faible dans les entreprises françaises», estime Thierry Desnos. Supply Chain & Finance, un sujet en pleine évolution! BRUNO SIGUICHE Fabien Jacquot, Président de Corporate LinX Hervé Galon, Consultant International en Supply Chain Démonstration par l'exemple réalisée par le cabinet BFR - Tools Management Hypothèse : Entreprise de 120 M de chiffre d'affaires (CA): délai de paiement moyen des clients à 65 jours {DSO) dont 9 jours de retard, stock équivalent à 40 jours de vente 50 M d'achats annuel TTC, délai de règlements fournisseurs à 50 jours nets. Cette entreprise qui se fait payer par ses clients à 65 jours en moyenne prête en permanence 20 M à ses clients. Si pour des raisons notamment liées à une dégradation économique, Ies clients de cette entreprise retardent leurs paiements et payent en moyenne à 72 jours, il faut donc trouver plus de 2 M de cash pour financer cette dégradation. A l'inverse, cette même entreprise qui négocie mieux ses délais de paiement et qui arrive à se faire payer à 50 jours en moyenne améliore ainsi sa trésorerie de près de 5 M. Si cette même entreprise demande à ses commerciaux d exiger 30 % d'acompte à la commande à ses clients elle génère près de 7 M de cash. Cette même entreprise de 120 M qui a constitué un stock de marchandises de matière première ou de produits finis équivalent à 40 jours de ventes immobilise en permanence plus de 13 M de cash. Une réduction de 15 % des stocks avec le même taux de service génère immédiatement 2 M de cash. Cette entreprise, avec un poste clients équivalent à 60 jours de chiffre d'affaires peut obtenir immédiatement près de 15 M de cash par un factor, de façon ponctuelle ou durable. Si cette entreprise met en place une solution de financement de ses fournisseurs (Supply Chain Finance) et propose un escompte à ses fournisseurs largement accepté, elle peut générer près de 250.000 de marge nette supplémentaire. CORPORATE LINX JP GUILLAUME DÉCEMBRE 2013 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE N 80 65

Interview de Damien Dufour, Président d Atlantiq «Nous sommes des commerçants et non des financiers» Créée il y a trois ans, Atlantiq propose une solution de «Global Supply Chain Finance» comprenant une source de financement et une prestation de service. Elle offre notamment la possibilité à ses clients de sortir les stocks de leur bilan. DD Damien Dufour, Président d Atlantiq Supply Chain Magazine : Votre offre allie une source de financement à une prestation de service. Pouvez-vous nous en détailler le contenu? Damien Dufour : Nous proposons des solutions pour financer le BFR (besoin en fonds de roulement) de nos clients mais également pour les aider dans le cadre de la facturation à leurs propres clients (émission de la facture, encaissement et recouvrement). Nous gérons les achats auprès des fournisseurs référencés par nos clients en appliquant les termes de leur négociation. Atlantiq achète à la place de ses clients les produits. Le stock de produits apparaît donc dans notre bilan et non dans celui de nos clients. SCMag : Qu est-ce qui distingue votre offre du financement de stock traditionnel? D. D. : Nous sommes des commerçants et non des financiers! Nous ne prêtons pas d argent, contrairement au financement de stock traditionnel. Nous achetons le stock que nous revendons ensuite en appliquant un coefficient de marge. SCMag : Gérez-vous également la marchandise physique? D. D. : Non, la gestion des flux physiques n est pas dans notre périmètre. Atlantiq n intervient que sur les flux comptables et financiers. Nous avons toujours un accord avec le logisticien du client, ou le client lui-même s il assure sa logistique. Nous suivons la gestion physique uniquement d une manière informatique, avec des inventaires physiques périodiques. SCMag : Vos clients sont-ils majoritairement des prestataires logistiques ou des chargeurs? D. D. : Nos clients sont les chargeurs. Notre offre est particulièrement adaptée aux entreprises organisées en réseaux, avec une unité centrale disposant d un stock à distribuer et à facturer rapidement à une multitude de points de vente. Les prestataires logistiques (Staci, etc.) sont des partenaires en charge des opérations physiques de nos clients. PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE INDUSTRY CAPITAL Alphadio Olory-Togbe, Président d Industry Capital De la location opérationnelle d équipements industriels «Notre métier consiste à faire de la location opérationnelle d équipements industriels : outils de production et outils logistiques principale- ment. Dans le cadre de notre offre «Industry Capital» (avec des durées de contrat entre trois et cinq ans, en général), nous intervenons en support de nos clients (prise de possession de l installation et mise en location) qui prennent euxmêmes leurs propres décisions techniques. Nous proposons aussi une offre baptisée «Flowsrental» dédiée à la location de flottes de contenants logistiques (caisse plastique, caisse métallique, palette plastique). Nous offrons en outre une solution de «sales & leaseback» (vente et relocation) permettant à nos clients de récupérer leur trésorerie et d alléger leur bilan en déconsolidant certains actifs. La rationalisation des ressources de l entreprise est la première motivation de nos clients souhaitant utiliser leur Capex à des investissements qui ont un impact direct sur la valorisation de leur entreprise. Le recours à la location permet de préserver et de mieux utiliser ses capitaux propres. Nos analyses de risques diffèrent de celles menées par les banquiers. En effet, audelà de la méthode traditionnelle consistant essentiellement à étudier le bilan, nous prenons en compte la nature de l actif loué et le rationnel de l investissement c est-à-dire la valeur qu il va permettre à notre client de générer. Par exemple, prenons le cas d une PME qui, pour servir un client grand compte avec laquelle elle a signé un contrat de cinq ans, doit financer l automatisation d un entrepôt pour un montant égal à son chiffre d affaires. Un banquier n acceptera jamais un prêt d un tel montant à cette PME. A l inverse, nous sommes susceptibles de l accompagner si le rationnel est considéré comme solide et que les revenus générés par cet investissement sont suffisants. Parmi nos récents projets, pour n en citer qu un, nous avons loué à la société Orchestra (distribution de vêtements) les équipements d automatisation de son nouvel entrepôt. Ce projet terminé début 2013 représentait un investissement d un peu moins de 4 M». BS 66

Interview d Arnaud Crouzet, Directeur Général de la société Asap (Groupe Auchan) «Compte tenu du faible niveau de risque, les banques proposent aux fournisseurs des taux extrêmement intéressants» Le Groupe Auchan a lancé le programme Asap pour soutenir les besoins de trésorerie de ses fournisseurs. Ce service leur permet de recourir à un paiement anticipé des factures dès leur validation. Il concerne l ensemble des entités du Groupe dans tous les pays. ASAP Arnaud Crouzet, Directeur Général de la société Asap (Groupe Auchan) Supply Chain Magazine : En quoi consiste le programme «Asap» et quelles sont les raisons de sa création? Arnaud Crouzet : Le programme Asap a été lancé suite à différents retours de nos fournisseurs nous faisant part de leurs difficultés d accès au financement bancaire ou à des coûts d affacturage importants. Nous avons alors étudié la possibilité de les accompagner dans cette démarche. Cela a abouti à la création du programme «Asap». Cette plate-forme (développée par l éditeur Kyriba) permet de suivre en temps réel les factures bonnes à payer et de bénéficier de leur paiement ancipité (dès leur validation) à des taux compétitifs. Nous proposons ainsi à nos fournisseurs un mode de paiement alternatif en les faisant bénéficier de la marque et de la garantie du Groupe Auchan. Ce service concerne l ensemble du Groupe. Il est donc multi-langues, multi-devises et multi-activités. JOGYX-FOTOLIA SCMag : A qui s adresse-t-il et est-il obligatoire? A. C. : Nous avons ciblé principalement les PME. Pour autant, ce programme répond à tout type d entreprise quelle que soit sa taille. Ce programme n est pas obligatoire. Il s agit d une solution alternative que nos fournisseurs peuvent utiliser selon leurs besoins. Asap est un programme très souple fonctionnant selon trois modes d utilisation, plus ou moins automatisés. SCMag : Vous dites qu Asap permet de recourir à des paiements anticipés à des taux compétitifs. Qu est-ce que cela signifie concrètement? A. C. : Compte tenu du faible niveau de risque (considérant que le Groupe Auchan gère le programme et valide les factures), les banques partenaires proposent aux fournisseurs des taux extrêmement intéressants et beaucoup plus compétitifs que l affacturage classique. Par ailleurs, les paiements restent une dette commerciale et permettent une nouvelle source de trésorerie sans impacter les lignes de financement de l entreprise. Cela permet d offrir un maximum de flexibilité aux fournisseurs. SCMag : Quels avantages présente votre solution par rapport à d autres types de financement? A. C. : Avec Asap, lorsque les fournisseurs génèrent des demandes de paiement anticipé, la demande porte sur l intégralité de la facture. Dans le cas d une demande faite auprès d un affactureur, celui-ci prélève une partie du montant en raison du niveau de risque. Le fournisseur peut parfois n être payé qu à hauteur de 80% du montant de la facture. Les fournisseurs doivent payer un ticket d entrée (correspondant aux frais de service) pour intégrer notre plate-forme mais cette participation est très faible, de l ordre d une petite dizaine d euros. Par ailleurs, l autre point de différence concerne la simplicité et la rapidité de sa mise en œuvre. SCMag : Quelles sont les prochaines étapes du programme? A. C. : Au 1 er novembre 2013, cinq entités du Groupe Auchan proposent cette prestation (les hypermarchés en France, en Pologne et en Roumanie, les supermarchés en France et Alinéa). Notre plan d action 2014 prévoit de poursuivre le déploiement d Asap dans les autres entités du Groupe et à l international. En complément, de nouveaux partenaires bancaires rejoindront la plate-forme. PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE 68

Projet RCSM La Supply Chain Finance de demain? Le projet RCSM (Risk, Credit Chain & Supply Chain Management) a démarré officiellement il y a quelques semaines. A la cible? Une plate-forme technologique de planification du BFR et d intégration des flux financiers entre différents acteurs de la chaîne (donneur d ordre, fournisseurs, investisseurs, etc.). Dans la famille solution innovante de Supply Chain Finance, je demande le financement mutualisé du BFR (besoin en fonds de roulement) de filières industrielles! L idée consiste à réduire le BFR excédentaire et à libérer de la liquidité par une meilleure collaboration entre donneurs d ordre et fournisseurs. Pour ce faire, deux leviers d action principaux : quantifier le risque SC (Supply Chain) fournisseur et diminuer le risque global par une meilleure gestion de la SC globale ; créer un fonds commun de créances (regroupant des grandes entreprises industrielles et des investisseurs publics et privés) dédié au financement du BFR de la filière. Sans oublier le développement d une plate-forme technologique de planification du BFR mutualisé, de gestion des risques et de financement court et moyen terme (projet RCSM - Risk, Crédit Chain & Supply Chain Management). «Il y a de la liquidité bloquée actuellement dans les SC. Notre idée est de dégager cette liquidité grâce à une meilleure gestion collaborative du BFR. Liquidités qui seront réinvesties dans le fonds commun de créances, levier de financement et de croissance des PME/PMI», détaille Hervé Hillion, Associé de Say Partners (cabinet de conseil qui porte le projet RCSM). Et d ajouter : «Les ressources financières de ce fonds proviendront prioritairement des liquidités des industriels, les banques ayant aujourd hui fortement diminué le crédit aux PME / PMI en raison des ratios de solvabilité. Néanmoins, nous constatons que ce schéma intéresse beaucoup les investisseurs institutionnels ainsi que les régions et l Etat». Un projet sur trois ans C est ainsi que le top départ officiel du projet RCSM a été donné en septembre 2013. Ce projet, labellisé par trois pôles de compétitivité (Finance Innovation, EMC2 et Novalog) est prévu sur trois ans. «RCSM a été sélectionné pour recevoir des fonds publics dans le cadre du Fonds Unique Interministériel (FUI)», commente Amélie Royer, Chargée de mission chez Finance Innovation, qui revient sur les raisons du soutien par Finance Innovation : «Cette prise de conscience par les donneurs d ordre du besoin de soutenir et de mutualiser leur trésorerie avec les fournisseurs nous semblait être en rupture avec les outils existants. Nous avons apprécié cette notion de filière industrielle, de solidarité et de coopération dans toute la chaîne de valeur. Cette solution permet de régler à la fois les besoins en financement des sous-traitants ainsi que le surcoût opérationnel que peuvent représenter les stocks de sécurité chez les donneurs d ordre pour se prémunir des défail- AR Amélie Royer, Chargée de mission chez Finance Innovation Le principe de la plate-forme de financement RCS («Risk, Credit Chain & Supply Chain Management») RCSM Commandes / Prévisions Produits Cash ( ) Créances RCS Allocation Fonds Industriels Rang 3 Rang 2 Rang 1 DO Plate-forme technologique de Supply Chain Finance Investissements Institutionnels Etats / Région Scoring Risques Fonds de Créances BFR Banque / Assurance Evalue / simule / consolide le BFR (Besoins en Fonds de Roulement) au niveau d un cluster et identifie les besoins de liquidité Fournit les indicateurs et tableaux de bord de la performance financière et opérationnelle Assure le rating des risques financiers et opérationnels Opère la mutualisation des besoins et des excédents de trésorerie entre les parties prenantes Réalise le placement des créances (titres) / arbitre les décisions d allocation des fonds Synchronise le cash-flow avec les flux physiques Coordonne les aides publiques et privées Assure le recouvrement des créances DÉCEMBRE 2013 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE N 80 69

KYRIBA KYRIBA Alexandre Grux, Directeur de la recherche et de l'innovation chez Kyriba Edi Poloniato, SVP Strategy and Corporate Development chez Kyriba lances des sous-traitants». La première étape du projet, dont le démarrage est prévu début 2014, consistera à cartographier l état de l art en matière de Supply Chain Finance (recherche, solutions opérationnelles et financières, plates-formes technologiques) puis à concevoir le modèle de planification du BFR collaboratif au niveau d une filière ainsi que le modèle d évaluation des risques (opérationnels et financiers). «Nous prévoyons de présenter tous les ans un prototype à l ensemble des partenaires du projet», précise Alexandre Grux, Directeur de la recherche et de l'innovation chez Kyriba (éditeur de logiciel et dans le consortium du projet RCSM). Les utilisateurs visés sont les filières à cycle long et dépendant de programmes de donneurs d ordre, comme l aéronautique, le ferroviaire et l énergie. «D autres filières seront également concernées, telles que l automobile et les filières de service», complète Hervé Hillion. Etendre le financement à toute la chaîne Cette plate-forme permettra d évaluer, simuler et consolider le BFR au niveau d une filière et d identifier les besoins de liquidité. Par ailleurs, elle assurera l évaluation des risques financiers et opérationnels ainsi que la mutualisation des besoins et des excédents de trésorerie. Sans oublier le placement des créances et l arbitrage des décisions d allocation des fonds (voir illustration «RCSM» p.69). «Nous commercialisons aujourd hui une plate-forme d affacturage inversé autour de la facture (approuvée ou non approuvée) qui offre la possibilité aux fournisseurs d utiliser leurs créances commerciales vis-à-vis de leur donneur d ordre comme base de financement. Les fournisseurs qui se connectent ont accès à l état de validation de leurs factures et ont la possibilité d être payés avant la date d échéance. La créance est alors vendue à des partenaires financiers avec des conditions liées au risque donneur d ordre et non fournisseur (donc à des taux de financement meilleurs). A terme, l acheteur rembourse la banque qui a avancé les fonds. Dans le cadre du projet RCSM, nous souhaitons que ce modèle ne concerne pas que les factures validées. Les fournisseurs ont besoin de liquidités plus en amont. L idée est d aller plus loin que l affacturage inversé et de financer toute la SC (facture avant validation, bon de commande, stock, etc.)», développe Edi Poloniato, SVP Strategy and Corporate Development chez Kyriba. Et Alexandre Grux de conclure : «Par ailleurs, RCSM souhaite disposer d une vision allant au-delà de celle du donneur d ordre et de ses fournisseurs de rang un (comme pour de l affacturage classique) afin de proposer des facilités de financement aux fournisseurs de rangs deux, trois, etc.». BRUNO SIGUICHE FOTOMEK -FOTOLIA 70