Les politiques industrielles des pays industrialisés Concept absent jusqu ici: la compétitivité - concept pas très clair sur le plan économique quand il s applique à un pays (parallèle trompeur entre une entreprise et un pays) - à court terme, mouvements de taux de change peuvent avoir un impact sur les différentiels de prix (impact sur les parts de marchés, le déficit commercial etc ) mais à long terme concept peu opératoire - confusion entre productivité et compétitivité - Productivité: concept clair à la fois pour une entreprise et un pays: productivité du travail: Y/L (production par heure de travail par exemple) - idée répandue (politiques, journalistes, patrons etc ) que «besoin d augmenter la productivité pour rester compétitif dans la «guerre économique» des marchés» - idée fausse fondée sur plusieurs incompréhensions - implicitement vision mercantiliste que exportations sont «bonnes» pour un pays et importations «mauvaises» - en fait on exporte plus donc on importe et consomme plus : gains mutuels de l échange - argument de l avantage comparatif: ce n est pas la productivité absolue qui détermine qui exporte et importe quoi mais la productivité relative (cf exemple empirique sur les US et la GB) - la croissance de la productivité est très importante mais pas à cause de la «compétitivité» 1
Exemple de l Europe et des États-Unis: différentiel s est creusé dans la seconde moitié des années 1990 taux de croissance du PIB par heure 3 2,5 2 1,5 1,1 US 2,0 2,4 Euro-4 1,3 1 0,5 0 1990-1995 1995-2000 1990-1995 1995-2000 taux de croissance du PIB par travailleur 3 2,5 US 2,5 Euro-4 2 1,7 1,5 1,2 1,2 1 0,5 0 1990-1995 1995-2000 1990-1995 1995-2000 - Dans le même temps creusement du déficit commercial américain (au maximum en 2000 à 4,5%) et augmentation de l excédent commercial européen - peu de rapport entre productivité et «compétitivité» : les salaires ont augmenté plus vite aux États-Unis qu en Europe pendant la même période et le dollar s est apprécié entre 1995 et 2000 - le taux de croissance de la productivité est important en soit pour déterminer le taux de croissance des salaires et du PIB/hab mais pas grand rapport avec compétitivité (exactement pareil en économie fermée et ouverte) 2
- obsession sur la compétitivité d un pays dangereuse (voir argument de Krugman) voir les indicateurs de compétitivité du World Economic Forum (Davos): indice composite (productivité, niveau éducation, etc ) classement très sensible à la composition de l indice - en général instrumentalisé sur le plan politique - Plus justifié d analyser le taux de croissance de la productivité et ses déterminants - aux États-Unis une grosse partie des gains de productivité s est fait du fait d une accélération dans le secteur des services non échangeables (car très forte proportion du PIB) - Faut il aider les secteurs à haute valeur ajoutée? Puisque PIB = somme des valeur ajoutées - politique industrielle ou de protection des secteurs à haute valeur ajoutée permettrait d augmenter le PIB Mais: - industries à haute valeur ajoutée par travailleur sont celles qui sont intensives en capital donc de telles politiques tendent à diriger le capital dans ces industries, à les rendre plus capitalistiques et peut-être à éliminer des emplois - les industries à haute valeur ajoutée ne sont pas celles qu on croit (haute technologie) Valeur ajoutée par travailleur (en milliers de $) Industrie Habillement 41,6 Electronique 113,4 Aéronautique 131,5 Raffinerie de pétrole 372,8 3
- argument en faveur de politiques protectionnistes luttant contre la «désindustrialisation», la perte de bons emplois (hauts salaires) dans les secteurs manufacturiers transformés en emplois de services La France n a pas perdu de parts de marché sur le secteur manufacturier: faux d incriminer le commerce Part marché mondial 1999/Part marché Mondial 1970 Corée: 9,79 US: 0,86 Chine: 5,96 Allemagne: 0,85 Mexique: 4,6 Canada: 0,81 France: 0,96 GB: 0,78 Les secteurs de haute technologie - industries «stratégiques» (celles où part de R&D est élevée en % du chiffre d affaires) Argument valable:les effets induits technologiques (pas d Airbus sans Concorde?) - existence d un échec de marché: bénéfice en terme de connaissance acquise est acquis par d autres agents que les entreprises elles-mêmes - incitation insuffisante par les mécanismes de marché à innover Problèmes usuels des politiques de subvention aux secteurs «stratégiques»: la stratégie de «pick the winners» - comment les identifier? - comment quantifier le subside si on ne peut quantifier les effets externes? (le marché ne sait pas, il est pas évident que l État le sache) - une part des gains technologiques seront appropriés par les pays étrangers (les études empiriques montrent que ces effets induits se diffusent internationalement) 4
Autre argument plus récent: la politique commerciale stratégique (Brander et Spencer) - défaillance de marché identifié: la concurrence imparfaite, coûts fixes élevés, faible nombre de firmes et l existence de sur-profits dans certains secteurs Objectif de la politique stratégique: faire gagner les sur-profits aux firmes nationales en découragent les firmes étrangères d entrer sur le marché L exemple Boeing contre Airbus: - choix pour chaque firme (identique en termes de coûts): produire ou pas un nouveau type d avion - si les deux produisent: coûts fixes importants et concurrence : profits négatifs - si un des deux produit: position de monopole et profits importants Airbus Produire Pas produire Boeing Boeing Airbus Boeing Airbus Produire - 5-5 100 0 Pas produire 0 100 0 0 Quel équilibre de Nash? - le rôle de l histoire Boeing ou Airbus construisent Chacun a intérêt à décourager l autre d entrer 5
Si Airbus reçoit un subside à la production de 25 Airbus Produire Pas produire Boeing Boeing Airbus Boeing Airbus Produire - 5 +20 100 0 Pas produire 0 +125 0 0 Quel équilibre de Nash? - stratégie dominante pour Airbus : produire quelque soit la stratégie de Boeing - du coup Boeing se retire Problèmes: information imparfaite sur les coûts Si Boeing a des coûts plus faibles que Airbus Airbus Produire Pas produire Boeing Boeing Airbus Boeing Airbus Produire 5 +20 110 0 Pas produire 0 +125 0 0 équilibre de Nash: les deux produisent et le subside n est pas compensé par le profit Autre problème: les représailles ou guerre des subsides - les politiques commerciales stratégiques en pratique: 1) Japon: les semi-conducteurs (puces électroniques) jusqu aux années 1970, industrie dominée par les US - protection du marché intérieur et subventions et prise d une part importante sur le marché mondial dans les années 1980 - mais difficile d évaluer le rôle des subsides - surtout, à partir des années 1990, le Japon a perdu des parts de marché au profit de la Corée et d autres NPI, le marché est devenu très concurrentiel et le produit peu stratégique 6
2) l Europe et l industrie aéronautique - Concorde: désastre financier - Airbus: réussite en terme de parts de marchés mais pas encore clair en terme de profitabilité; danger d une guerre de subsides avec Boeing 3) La France: subvention à l industrie informatique et télécom (minitel) - informatique: désastre financier - minitel: réussite technologique délogée par l internet Conclusion: pas clair que les États aient beaucoup plus d information que les marchés pour déterminer ce qu est une industrie «stratégique» 7