Article. Jean-Pierre D. Chateau. L'Actualité économique, vol. 87, n 4, 2011, p. 445-479. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :



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Article «Contribution à la réglementation de Bâle-3 : de la consistance interne du continuum du crédit commercial en marquant à la "valeur de modèle" le risque de crédit des engagements de crédit» Jean-Pierre D. Chateau L'Actualité économique, vol. 87, n 4, 2011, p. 445-479. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/1012567ar DOI: 10.7202/1012567ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 18 September 2015 02:54

L Actualité économique, Revue d analyse économique, vol. 87, n o 4, décembre 2011 CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 : DE LA CONSISTANCE INTERNE DU CONTINUUM DU CRÉDIT COMMERCIAL EN MARQUANT À LA «VALEUR DE MODÈLE» LE RISQUE DE CRÉDIT DES ENGAGEMENTS DE CRÉDIT* Jean-Pierre D. CHATEAU Université de Macao, Chine Rouen School of Business, France jpchateau1@gmail.com Résumé Dans le cadre de Bâle-2, l étude vise à calculer pour les banques canadiennes la charge en capital afférente aux engagements de crédit hors bilan qui s avère consistante avec celle des prêts au comptant au bilan. Cette consistance s obtient en sélectionnant le risque de crédit des engagements (par similitude avec celui des prêts commerciaux) au lieu de la durée initiale des engagements (comme prescrit par Bâle-2) comme déterminant principal du calcul. Pour y arriver, nous proposons la «valeur de ou au modèle» comme approche avancée fondée sur les notations internes (NI) : dans celle-ci, le risque de crédit est appréhendé par une option de vente (put) basée sur une distribution de Johnson à quatre paramètres de la «valeur d endettement à terme» (ce terme désignant la valeur de modèle de l engagement). Ensuite, lors du calcul de la «juste» charge en capital d un engagement, le risque «réel» de crédit, évalué comme put à terme de Johnson, est combiné avec la proportion de tirage de la ligne de crédit. Cette charge étant très modérée, l approche «valeur de modèle» constitue une approche NI avancée «efficiente» puisqu elle réduit * J ai bénéficié des encouragements de l éditeur associé de L Actualité économique A. Coën et des commentaires d un arbitre anonyme. J ai également bénéficié des conseils de mes collègues D. Dufresne, A. Joffe et V.S. Lai ainsi que des échanges avec les participants à un séminaire à l Université de Macao en Chine et avec ceux des Journées de 2011 de l Institut de finance mathématique à HEC Montréal. Cet article constitue la version française évoluée du document de recherche «Towards Basel-3 Regulation : Bringing Internal Consistency to the Commercial Credit Continuum by Marking to Model Commitment Credit Risk», datée de mai 2011. La responsabilité des erreurs restantes m incombe.

446 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE la charge en capital par rapport à celle obtenue par l approche Bâle-2 simplifiée ou même par rapport à celles obtenues par d autres procédures NI avancées propres aux banques. Enfin, la valeur au modèle permet de déterminer la charge en capital additionnelle induite par une baisse de la cote de crédit d un emprunteur. Cette application pratique s appuie sur la correspondance entre valeurs d endettement et cotes de crédit d agences de notation externes ainsi que sur l existence d une matrice de probabilités de transition entre notations de crédit en début et fin de période. Abstract This research aims to bring some internal consistency to the computation of the credit-risk capital charge of loan commitments and commercial spot loans, namely the components of the commercial credit continuum. Consistency is achieved by using commitment credit risk (as for commercial-loan risk) instead of commitment initial term (as mandated by Basel-2) as the computation main determinant. This is done by proposing marking to model as the bank s advanced internal-ratings-based (AIRB) approach : credit risk is captured by a four-parameter Johnson distribution of the commitment marked-tomodel value (also known as the indebtedness futures value). Once priced as a Johnson s futures put option, true credit risk is combined with the commitment exercise-cum-funding proportion so as to compute the commitment fair capital charge. As the latter is quite moderate, marking to model is an efficient AIRB approach that offers capital relief with respect to Basel-2 simplified approach but also with respect to the banks own alternative AIRB procedures. Marking to model also helps determine the banks incremental capital cost caused by borrowers credit-rating downgrades. This policy implication hinges on mapping indebtedness values into borrowers credit ratings of external agencies and using transition probabilities between beginning and end-of-period credit ratings. Introduction Selon Bâle-2 1, le ratio de capital s obtient en divisant le capital réglementaire par l actif pondéré pour le risque (l APR). Par contre, Bâle-3 introduit de nouveaux ratios de capital et redéfinit sa composition, alors que Bâle-1 et Bâle-2 définissaient principalement les méthodes et paramètres utilisés pour calculer l APR. La présente recherche examine le continuum du crédit commercial afin que l APR des engagements de crédit hors bilan devienne consistant avec celui des prêts au comptant au bilan (spot loans). Actuellement, selon l approche Bâle-2 simplifiée, l échéance initiale des engagements détermine le facteur de risque de crédit, c.-à-d. le produit du facteur de conversion du crédit et du facteur principal du risque de crédit : pour les engagements irrévocables dont l échéance est d un an ou moins 2, le facteur de risque de crédit est de 20 %, alors qu il est de 50 % pour les engagements dont la durée est de plus d un an. Et tant pour les engagements courts que longs, Bâle-2 ne fait pas la distinction entre engagements au taux de base et hors taux de base, 1. Pour être bref partout, Bâle-2 fait référence en bibliographie à «Basel Committee on Banking Supervision» (2006) et Bâle-1 à «Basel Committee on Banking Supervision» (1988). 2. Au-delà de la distinction selon l échéance initiale de l engagement, Bâle-2 maintient aussi celle introduite par Bâle-1 entre engagements révocables et irrévocables : les premiers sont résiliables sans condition au gré de la banque en tout temps alors que les seconds ne le sont pas.

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 447 et, pour ces derniers, il ne tient pas non plus compte de leur note de crédit. Par opposition, les prêts commerciaux sont classifiés selon leur cote de crédit d agences de notation externes, la durée initiale des prêts ne constituant qu un facteur d ajustement secondaire. Or, lors du tirage d une ligne de crédit hors bilan, le montant tiré devient un prêt au bilan comme les autres prêts au comptant, avec les mêmes coefficients de calcul de l APR que pour ces derniers. Aussi, semblerait-il raisonnable que le risque de crédit des engagements et des prêts soit évalué d une manière consistante, même si celle-ci n est pas en tout point similaire. En effet, une parfaite concordance n est point souhaitable puisque certains aspects des engagements sont différents de ceux des prêts au comptant. De plus, afin que le risque de crédit devienne le facteur déterminant commun aux engagements et aux prêts, il nous faut d abord démontrer qu il constitue bien le principal facteur de risque des engagements hors bilan. Les concepts analytiques que nous allons développer devant être ensuite corroborés par des résultats empiriques, il nous faut expliquer pourquoi nous nous concentrons sur les engagements de crédit, et plus précisément, sur ceux irrévocables à court terme. Il y a deux raisons à cela. La première est que les engagements de crédit constituent le plus important des instruments de crédit hors bilan. Pour étayer cette affirmation, nous examinons certains agrégats canadiens couvrant les six plus importantes banques à charte 3. En 2010, le montant contractuel de tous leurs engagements irrévocables (362 milliards de $) représente 81,3 % des 445 milliards de l ensemble de leurs instruments de crédit hors bilan. Le montant inutilisé des engagements représente également 96,5 % des 375,1 milliards de $ de prêts commerciaux portés au bilan. Quant aux 139,7 milliards de $ d engagements irrévocables courts sur lesquels nous nous concentrerons, ils représentent 38,6 % du total des engagements irrévocables. En bref, les engagements de crédit sont essentiels à l activité de crédit commercial des banques. La seconde raison est que Bâle-2 modifie la façon dont est calculé l APR des engagements irrévocables à court terme. Dans l approche simplifiée, un facteur de conversion du crédit (FCC) de 20 % est tout d abord appliqué au montant contractuel des engagements, puis à cet équivalent-crédit est appliqué un facteur de risque principal (FRP) de 100 %; sous Bâle-1, ces deux facteurs étaient nuls 4. Au-delà de l approche simplifiée, Bâle-2 offre aussi des approches de base et avancée fondées sur des notations internes (NI); par souci de clarté, nous nous concentrons sur 3. Les données proviennent des rapports annuels de 2010 des six plus grandes banques canadiennes : soit les Banques de Montréal et de Nouvelle Écosse, la CIBC, les Banques Nationale et Royale ainsi que TD Canada Trust. Les données afférentes aux engagements proviennent de la note aux états financiers consolidés «garanties, engagements et passifs éventuels» et celles concernant les prêts commerciaux se trouvent dans divers tableaux des données supplémentaires de la section «rapport de gestion» des rapports annuels. 4. L approche Bâle-2 simplifiée laisse aussi inchangés les autres coefficients du risque de crédit des engagements introduits par Bâle-1 : les FCC et FRP demeurent nuls pour tous les engagements révocables quelle que soit leur échéance initiale, et les FCC de 50 % et FRP de 100 % demeurent aussi inchangés pour les engagements irrévocables dont la durée à courir jusqu à l échéance est à plus d un an.

448 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE l approche avancée qui permet à certaines banques de déterminer elles-mêmes la façon de calculer leur charge en capital, pour autant que leur méthode de calcul soit acceptée par les régulateurs au vu du processus de supervision prévu au second pilier de Bâle-2 5. Aussi, serons-nous guidés dans la recherche d une approche NI avancée par trois critères : l efficience de l approche retenue, son acceptation par les régulateurs et sa cohérence interne avec les prêts au comptant. Par efficience, nous entendons que la procédure NI avancée vise à minimiser la charge en capital afférente au risque de crédit des engagements. Son acceptation par les régulateurs découle du fait que la procédure d évaluation retenue est basée sur l absence d arbitrage, cette dernière étant déjà acceptée pour les nombreuses options sujettes aux règles de Bâle-2. Enfin, par cohérence du continuum du crédit commercial, nous entendons que la procédure NI avancée pour les engagements soit consistante avec celle utilisée pour les prêts au comptant. Au vu de ces critères, nous nous proposons de remplacer les facteurs de conversion et de risque de l approche Bâle-2 simplifiée par des concepts d un modèle qui est non seulement considéré comme une approche NI avancée mais est aussi consistant avec les coefficients utilisés pour les prêts commerciaux au bilan, soit la probabilité de défaut (PD), l exposition en cas de défaut (ECD), la perte en cas de défaut (PCD) et un ajustement de maturité (M). Par souci de clarté, nous faisons aussi abstraction des garanties et accords généraux de compensation (netting), tant pour les engagements que pour les prêts au comptant. Aussi, proposons-nous l approche de valeur déterminée par modèle (marking-to-model) dans laquelle la charge en capital des engagements est basée sur la «valeur de modèle» 6 de la ligne de crédit (valeur à laquelle nous ferons référence à partir d ici sous le vocable de valeur d endettement). Cette dernière comprend une mesure implicite du risque «réel» de crédit des engagements, laquelle sera combinée ensuite avec le montant moyen du tirage lorsque l engagement est exercé. Enfin, nous compléterons la valeur de modèle en introduisant une correspondance isomorphe entre valeurs d endettement et cote de crédit d agences de notation externes. Dès lors, la valeur de modèle du risque de crédit des engagements sera considérée comme une approche NI avancée présentant les propriétés suivantes : (i) elle combine la valeur de l option de vente (ci-après le put), qui capte le risque de crédit de l engagement, avec une proportion empirique du tirage de l engagement, (ii) elle substitue valeur du put et proportion de tirage aux facteurs de conversion et de risque prescrits par l approche Bâle-2 simplifiée, (iii) elle est acceptée par les régulateurs puisque la valeur du put d engagement est basée sur l absence d arbitrage, et enfin, (iv) ses nouveaux coefficients sont consistants avec ceux des prêts au comptant (soit PD, ECD, PCD et M). L approche «valeur au modèle» soulève au moins trois questions. Le put européen généré par Bâle-2 reflète-t-il effectivement le risque «réel» de crédit 5. Toute réduction de charge de capital pour risque de crédit des engagements irrévocables courts est toutefois partiellement compensée par une nouvelle charge pour risque opérationnel introduite lors de Bâle-2. Nous ne traiterons pas explicitement de ce risque ici (cf. à cet effet, Chateau, 2009). 6. En l absence d un marché secondaire d engagements de crédit, leur valeur n est point déterminée par le marché mais par un modèle. D où le terme «valeur au ou de modèle».

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 449 des engagements? Ensuite celui-ci capte-t-il bien les phénomènes d asymétrie et d aplatissement présents dans la distribution de probabilité des accroissements proportionnels de la valeur d endettement? Finalement la «juste» charge en capital calculée à partir de la «valeur au modèle» constitue-t-elle une approche NI avancée «efficiente» par rapport à la procédure Bâle-2 simplifiée, voire même par rapport à d autres procédures NI avancées propres aux banques? Depuis l introduction de la valeur d endettement par Thakor et al. (1981), l évaluation du risque de crédit par un put d engagement se fait généralement dans le cadre de modèles structurels. Par exemple, Thakor et al. (1981) et Ho et Saunders (1983) dérivent la valeur du put implicite aux engagements à taux fixe, Thakor (1982) et Chateau et Dufresne (2002) obtiennent des formules de puts européen et américain respectivement pour les engagements à taux variable, et Chateau et Wu (2007) déterminent la valeur du put implicite aux engagements extensibles. Hawkins (1982) enfin détermine la valeur des lignes renouvelables (revolving lines) alors que Loukoinova et al. (2007) modélisent les engagements de crédits garantissant le papier commercial. Récemment toutefois, Jarrow et al. (1997), Hugston et Turnbull (2001) ainsi que Chava et Jarrow (2007) ont mis de l avant une approche indirecte (forme réduite) qui assimile l évaluation du risque des engagements à celle du risque de crédit d obligations sujettes à défaut (Jarrow et Turnbull, 1995). Cette approche a le mérite d évaluer simultanément les aspects au et hors bilan des lignes de crédit. Mais de ce fait même, elle ne tient pas compte, lors du calcul de la charge en capital, que les pondérations prescrites par Bâle-2 pour le risque de crédit des engagements sont différentes de celles prescrites pour celui des obligations corporatives. L approche indirecte est aussi problématique pour les principaux utilisateurs des engagements, les firmes petites et moyennes, qui n ont souvent pas accès au marché obligataire. Les engagements constituent un marché primaire sans marché secondaire : or, c est à partir du marché obligataire secondaire que l approche indirecte obtient le prix des obligations et l information spécifique aux firmes. En dernier lieu, l évaluation indirecte est très tributaire de la calibration des paramètres de la structure par terme des taux d intérêt, une problématique mise en évidence, entre autres, par Nawalka et al. (2007) et Pennacchi (2008). Quant à nous, nous proposons une approche structurelle étendue qui intègre les facettes suivantes : (i) la valeur du put à terme implicite à tout engagement reflète correctement son risque «réel» de crédit, (ii) cette valeur incorpore bien dissymétrie mais surtout excès d aplatissement positif de la distribution des variations de la valeur d endettement à terme 7 et (iii) le put de Johnson constitue une avancée par rapport à celui de Gram-Charlier sous contraintes utilisé, précédemment, entre autres, par Corrado (2007), Chateau (2009), ou encore Jurczenko et al. (2004). Notre expression finale 7. Corrado et Su (1996) et Brown et Robinson (2002) examinent l évaluation du call européen dont le sous-jacent présente une distribution asymétrique et leptocurtique. Ils utilisent une expansion en série du type A de Gram-Charlier de la fonction de densité normale lors de la dérivation de sa valeur analytique, laquelle intègre coefficients d asymétrie et d aplatissement. Parmi d autres références sur le sujet, on consultera Knight et Satchell (1997), Bakshi et Madan (2000), Li (2000), Jondeau et Rockinger (2001), Backus et al. (2004), ou encore Rompolis et Tzavalis (2007).

450 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE constitue dès lors la valeur du put à terme implicite à tout engagement irrévocable court. Dans la mesure où la valeur du put reflète correctement le risque de crédit des engagements, il semble raisonnable de déterminer son impact sur la charge en capital prescrite par Bâle-2 pour cet instrument financier. Dans le rapport annuel de la banque, la valeur agrégée des engagements courts inutilisés est portée hors bilan lors de la présentation du bilan consolidé. La date du rapport annuel coïncide aussi souvent avec celle de l audit de suffisance de capital de Bâle-2. Or, à cette date, pour de nombreux engagements d échéance initiale à un an, la durée restante à courir jusqu à l échéance de l exposition au risque de crédit est inférieure à un an. Bien que ce soit la marge fixe d un engagement à taux variable 8 qui donne naissance au put, c est la date d audit fixe de Bâle-2 qui confère à celui-ci son caractère européen. Dès lors, la valeur du put à terme européen constitue pour la banque un passif notionnel dû à ce qu elle détient un montant d engagements inutilisés lors de l audit de la suffisance de capital. Les développements de l approche «valeur de modèle» du risque de crédit des engagements comprennent trois étapes. Lors d une première étape analytique, nous définissons la valeur d endettement à terme et la proportion de tirage; cette dernière combine une fonction indicatrice (d exercer ou non l engagement) à la proportion de tirage qui elle croît avec le temps restant jusqu à l échéance de l engagement. Pour les montants des engagements inutilisés à la date d audit, nous évaluons la valeur des puts générés par Bâle-2, soit le put à terme de Johnson pour la valeur au modèle et ceux de Gram-Charlier et Black (1976) pour deux procédures NI avancées alternatives propres aux banques. Ces divers puts sont combinés ensuite avec la proportion de tirage pour calculer l APR des engagements et, finalement, la charge en capital correspondant à leur risque de crédit. Les puts implicites aux engagements ne constituant que des valeurs notionnelles, nous avons recours, dans une deuxième étape empirique, à des simulations qui permettent d évaluer le coût de l exposition des banques au risque de crédit des engagements. Lors de l estimation par simulation, nous examinons deux caractéristiques des puts. La première indique que la composante risque du put est systématiquement plus importante que sa composante temps. Quant à la seconde, elle montre que les estimations des puts de Black et Gram-Charlier sont significativement plus élevées que celles du put de Johnson. Finalement, la troisième étape traite de deux implications pratiques de l analyse. Après des préliminaires qui positionnent la valeur au modèle dans le cadre des procédures simplifiée et NI avancée de Bâle-2, la première implication vise le calcul de la «juste» charge en capital afférente au risque «réel» de crédit des engagements irrévocables courts. L approche valeur au modèle du risque de crédit 8. Un taux variable se définit comme «coût de financement stochastique plus marge à terme fixe». Sufi (2009) rapporte que, pour son échantillon de 4011 firmes publiques américaines couvrant la période de 1996 à 2003, les lignes de crédit représentent 74,8 % de leur financement bancaire; et la vaste majorité d entre elles est à taux variable.

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 451 des engagements produit une charge en capital modérée et aligne les exigences en capital réglementaire des engagements avec celles des autres prêts au bilan. En considérant ensuite la «juste» charge en capital de l approche valeur au modèle comme étalon de mesure, nous démontrons que celle-ci est inférieure non seulement à celle de la procédure Bâle-2 simplifiée mais aussi à celles de procédures NI avancées alternatives basées sur les puts de Black et Gram-Charlier. Finalement, la seconde implication pratique constitue une application intéressante de l approche «valeur de modèle» : comment les banques déterminent-elles l accroissement de charge en capital induit par une baisse de la note de crédit de leurs emprunteurs? L article est organisé de la façon suivante. La première section définit la valeur d endettement des engagements et détermine la valeur des puts européens à terme de Black, Gram-Charlier et Johnson implicites aux engagements irrévocables courts; elle détermine aussi la proportion de tirage des engagements. Les estimations des simulations sont présentées à la deuxième section et utilisées dans la troisième section pour étayer les implications pratiques. De brèves conclusions sont présentées dans la dernière section. 1. Évaluation des engagements irrévocables à court terme 1.1 Les engagements irrévocables courts dans le cadre réglementaire de Bâle-2 Dans le diagramme décisionnel, nous ne retenons que les caractéristiques strictement nécessaires à l analyse d un engagement présentant une marge à terme fixe. Le diagramme vise un engagement à court terme, mais demeure aussi valable pour un engagement à plus long terme (seuls changent le terme de l engagement et la durée du prêt). À l étape 1 et en S1, la banque offre à la date 0 un engagement irrévocable court présentant les caractéristiques suivantes : (i) la période d engagement, [0, T], est d une année, (ii) la durée du prêt, [T, T * ], est d un an à partir de T si la ligne de crédit est tirée (nous expliquons plus tard dans cette sous-section comment la date d audit fixe confère au put son caractère européen), (iii) la valeur maximale de la ligne est fixée à L = 100 $, et (iv) le taux de base variable comprend deux composantes additives. La première, c T, le coût du financement stochastique payable à la date T, est supporté par l emprunteur, le taux sur acceptations bancaires (AB) étant souvent utilisé comme indice exogène 9. La seconde, la marge à terme fixe, m est fixée par la banque lors de la création de l engagement à la date 0. Pour 0 faciliter les références ultérieures, l engagement d un maximum de 100 $ est créé le 1 er juillet (date 0), vient à échéance le 30 juin (date T) et a une marge à terme fixe de 2 % par an 10. Qui dit engagements irrévocables dit contrats non résiliables 9. Libor et taux sur certificats de dépôt (CD) constituent d autres indices exogènes. 10. Celle-ci est représentative de la marge récente comprise dans le taux de base variable au Canada (cf. à cet effet la sous-section 1.2 et le graphique 1). Pour les engagements hors taux de base, la marge de crédit comprend une marge de base fixe plus un ajout (+25 points de base, +50 points de base, et ainsi de suite). L association de marges croissantes avec des notations de risque de crédit décroissantes est exploitée lors de la sous-section 3.3.

452 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE en ce qui concerne leur évaluation par absence d arbitrage. C est sans doute la raison pour laquelle Bâle-2 a introduit de nouveaux coefficients (FCC de 20 % et FRP de 100 %) pour ces engagements irrévocables courts. Bien que les engagements inutilisés au taux de base ne présentent presque pas de défaut de paiement, le risque minime de défaut potentiel pour ceux déjà exercés (ils deviennent alors des prêts au bilan susceptibles de défaut de paiement) justifie une marge à terme positive. De plus, leur probabilité de défaut est encore réduite par une clause standard de «changement adverse significatif» (material-adverse-change clause) qui les rend résiliables au gré de la banque 11. Enfin, notons que Bâle-2 traite différemment des corrélations du continuum de crédit commercial : il ne tient pas compte des corrélations entre engagements hors bilan mais bien de celles du portefeuille de prêts commerciaux au bilan. DIAGRAMME 1 Diagramme décisionnel d évaluation, à la date d audit fixe de Bâle-2, de la fraction non encore tirée d un engagement irrévocable court dont le taux de base variable comprend une marge à terme fixe Étape 1. Les caractéristiques retenues a lors de la création de l engagement à la date 0, le 1 er juillet : maximum de la ligne = 100 $, sa marge fixe m = 2 % par an et 0 l engagement est un contrat non résiliable. Étape 2. L audit de Bâle-2 a lieu à une date fixe s, le 31 décembre : j = s fonctionne comme date d évaluation de l option et T j, la durée jusqu à l échéance de l engagement, peut varier de j = 1,, 12 mois. Période d engagement d un an Durée potentielle du prêt S1 x + Création t=0 j T(erme) T* 1 er juillet 30 juin S2 x s = 31 décembre La date d audit j = s constitue la date 0 d évaluation de l option. Note : a. Celles-ci font abstraction des montants compensatoires, du coefficient de réserve bancaire, de diverses commissions (commissions initiale, d utilisation, de frais annuels et d annulation), ainsi que des garanties. Concernant ces aspects, on consultera Chava et Jarrow (2007), Saunders et Cornett (2010) ou encore Stanhouse et al. (2011). 11. Quoique la présence d une clause de changement adverse significatif rende les engagements résiliables du moins légalement, les banques s abstiennent de faire jouer cette clause afin de ne point entamer leur capital de réputation (Boot et al., 1993).

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 453 Afin d intégrer l engagement dans le cadre réglementaire de Bâle-2, nous introduisons maintenant deux dates : l âge de l engagement et la date fixe de l audit de suffisance de capital de Bâle-2. Dans la partie S1 du diagramme, la première date j (avec t = 0 j T = 12 mois) définit deux périodes : T j, la durée restante de l engagement initial d une année et j t, l âge de l engagement. Par exemple, si j = 5 mois, l engagement d un an est maintenant âgé de cinq mois (j t = 5) et il reste 7 mois à courir jusqu à son échéance (T j = 7). En S2, la seconde date s est celle de l audit fixe qui coïncide ici avec j par souci de clarté. Dès lors, l engagement (âgé) de j mois est évalué à la date d audit fixe s et la durée à courir jusqu à son échéance est inférieure à la période initiale d un an. Au vu de notre engagement de juillet à juin, la date d audit fixe de Bâle-2 coïncide avec celle de la fin de l année fiscale de la banque, le 31 décembre. La date d audit j = s fonctionne dés lors comme la date 0 d évaluation du put européen (cf. la sous-section 1.3 concernant le put implicite à l engagement). Enfin, la décision d exercer ou non l engagement ainsi que celle de la proportion du tirage de la ligne de crédit de la date s jusqu à la date T sont formalisées à la sous-section 1.5. 1.2 Brève analyse des données chronologiques Le taux de base variable canadien comprend deux composantes : le taux sur les acceptations bancaires (AB) plus une marge. Les séries chronologiques du taux de base, du taux sur AB et de la marge comprennent 276 observations mensuelles de janvier 1988 à décembre 2010 (janvier 1988 coïncidant avec l introduction de la réglementation de Bâle-1). L inspection des séries temporelles du graphique 1 révèle certaines caractéristiques intéressantes. Pour les engagements à taux variable, l évolution des taux de base et sur AB est très similaire (témoin leur corrélation ρ = 0,994 presque parfaite). Par contre, l autre composante du taux de base, la marge, demeure relativement stable au cours du temps mais évolue différemment des taux de base et sur AB (par exemple, la corrélation entre marge et taux sur AB est de -0,578). Actuellement, la marge moyenne évolue autour de deux pour cent par année. Les variations mensuelles des séries révèlent aussi certaines tendances intéressantes (qui ne font pas l objet d un graphique séparé par souci de parcimonie) : l amplitude des baisses mensuelles dans le taux sur acceptations est généralement plus grande que celle des baisses dans le taux de base, alors que les hausses mensuelles du taux sur acceptations sont plus petites que celles du taux de base. De plus, les variations mensuelles des acceptations ont lieu un mois avant celles dans le taux de base. En d autres termes, la marge ne constitue qu une variable d ajustement qui absorbe les variations mensuelles avant de retourner progressivement vers sa valeur moyenne. 1.3 Le put à terme européen implicite aux engagements irrévocables courts et l évidence statistique afférente aux variations de la valeur d endettement Commençons par définir la valeur d endettement, F. Selon l approche d absence d arbitrage, la valeur d endettement à terme à la date 0, F 0, est égale à la valeur

Taux de base, sur AB et marge, en % GRAPHIQUE 1 Taux de base, taux sur acceptations bancaires (AB) et marge de crédit, Canada, de 1988.01 à 2010.12 0,16 0,14 0,12 0,01 0,08 0,06 0,04 0,02 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 220 230 240 250 260 270 454 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE -0,02-0,04 Series1 Series2 Series3 Séries chronologiques mensuelles (n = 276 observations): La série 1 réfère au taux sur AB, la série 2 au taux de base et la série 3 à la marge

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 455 nominale de la ligne de crédit, L, car la marge à terme fixe m est égale à la marge 0 stochastique sur prêt au comptant, m 0 = l 0 c 0, cette dernière étant définie comme la différence entre l 0, le taux de crédit de base, et c 0, le taux de financement sur le marché des acceptations bancaires. Étant donné les marges à terme fixe et au comptant variable, nous définissons alors la valeur d un endettement à terme (âgé) de j mois, F j. Soit : F j = exp{(m m )(T* T)}L, avec 0 j T < T* (1) 0 j où (m m ) définit la différence entre la marge à terme à la date 0 et la marge au 0 j comptant à la date j, (T* T) la durée du prêt (un an) à partir du moment où l engagement est exercé, et L la valeur nominale constante de la ligne de crédit. Pour un engagement d échéance initiale d un an par exemple, F 5 définit une valeur d endettement (âgée) de cinq mois dont la durée à courir jusqu à son échéance est de sept mois. Supposons maintenant qu à la date j = s de l audit de Bâle-2 (le 31 décembre), les fluctuations du taux de base variable sur les prêts au comptant entraînent l inégalité suivante : m < m. Selon l équation 1, le détenteur de l engagement décide alors de tirer sur la ligne de crédit car la marge à terme fixe est 0 j inférieure à celle au comptant stochastique. Par exemple, si la marge à terme de 2 % de la sous-section 1.1 est combinée avec une marge au comptant, disons, de 3 %, l équation 1 donne naissance à un put à terme implicite, puisque la valeur d endettement, F j, est inférieure au prix d exercice, L. En d autres termes, les fluctuations de la marge au comptant à la date fixe j = s d audit de Bâle-2 donnent naissance à une valeur d endettement de cinq mois ainsi qu à un put européen à terme de sept mois généré par un engagement initial d un an. Au vu de l équation 1, nous considérons maintenant la distribution des variations mensuelles proportionnelles de la valeur d endettement. Soit ln[ t F(j)/ t 1 F(j)], (2) où t F(j) désigne la valeur à la date t d une valeur d endettement (âgée) de j mois. L expression (2) génère dès lors une série chronologique de changements mensuels proportionnels de la valeur d endettement à terme qui, elle, demeure continuellement de j mois. Dans le document 1, nous présentons les variations proportionnelles de F j du troisième au neuvième mois. Au vu de l évidence statistique présentée dans la deuxième colonne, la moyenne des variations proportionnelles de la valeur d endettement est proche de 0 % pour toutes les valeurs d endettement, ce qui corrobore notre hypothèse que F j est effectivement une valeur à terme. Nous inférons également des valeurs rapportées dans les colonnes 6 à 8, qu au cours de ces 23 années, la plupart des valeurs d endettement varient dans l intervalle de 96,2 $ à 104,1 $. Dans la troisième colonne, la volatilité des distributions empiriques fluctue peu dans l intervalle étroit de [1,58 % par an à 1,69 % par an] pour les variations du log de F calculées pour les mois considérés. Les intervalles de confiance pour les coefficients d asymétrie et d aplatissement pour un échantillon normal comprenant 276 observations sont calculés dans la note au bas du document 1. Selon les estimés présentés dans les colonnes quatre et cinq, plusieurs

456 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE coefficients d asymétrie positifs et négatifs ainsi que tous les coefficients d aplatissement se trouvent hors de leurs intervalles de confiance respectifs. Ceci indique que les distributions empiriques présentent principalement une faible asymétrie couplée à une forte tendance leptocurtique (excès d aplatissement positif). Les estimations historiques du document 1 ne constituent que des approximations des coefficients de volatilité, d asymétrie et d aplatissement qui seront utilisées à la section 2 lors de l estimation du put implicite aux engagements de crédit. DOCUMENT 1 Analyse statistique des 276 observations mensuelles de la série chronologique des pourcentages de variations de la valeur d endettement calculés à partir de l équation 2 pour la période 1988.01 à 2010.12 t F( j) Ln t 1 F( j) Moyenne s 1 b 1 b 2 Min Max d.a. 2 F j = 3m 1,57 E-05 1,58 0,706 22,28-0,025 0,034 6 F j = 4m 9,52 E-06 1,67 0,196 28,15-0,035 0,037 4 F j = 5m 2,10 E-05 1,69-0,061 28,65-0,037 0,037 5 F j = 6m 1,37 E-05 1,68 0,536 36,24-0,037 0,041 4 F j = 7m 9,64 E-06 1,61-0,157 28,55-0,36 0,033 5 F j = 8m 1,15 E-05 1,64-0,543 30,16-0,037 0,034 4 F j = 9m 1,23 E-05 1,63-1,06 27,74 -,038 0,030 5 Note 1. Valeur mensuelle non biaisée (divisée par n 1) 12 = s en pourcentage par année. 2. d.a. indique le nombre de données aberrantes ou de valeurs extrêmes (outliers). Pour un échantillon de taille n = 276 observations, l intervalle de confiance à 95 % des coefficients de Pearson d asymétrie b 1 et d aplatissement b 2 d un échantillon de la distribution normale sont : ± 1,96(6/276) ½ = ± 0,289 et 3 ± 1,96 (24/276) ½ = 3 ± 0,578, respectivement. Source : Statistique Canada, séries chronologiques mensuelles V122495 et V122504 du taux de crédit de base et de celui des acceptations bancaires à un mois des banques à charte, respectivement. 1.4 Le put à terme européen à quatre moments implicite aux engagements de crédit Selon Bâle-2, au-delà de l approche simplifiée basée sur des facteurs comptables donnés, les banques peuvent proposer leur propre procédure NI avancée. La plus simple consiste à appréhender le risque de crédit des engagements à l aide du put à terme européen de Black (1976), un choix qui ne peut qu être approuvé par les

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 457 régulateurs puisque les options de Black-Scholes sont utilisées pour d autres instruments sujets à la réglementation de Bâle-2. Plus spécifiquement, ce put européen à terme P B s écrit : avec P B = e -rt [LN(-d 2 ) F 0 N(-d 1 )] (3) d 1 = {ln[f 0 / L] + 1/2s 2 T}(s T) -1, où d 1 désigne le seuil (avec d 2 = d 1 s T ) de N(.), la distribution normale standard, r le taux d intérêt sans risque à court terme, s l écart type de la valeur d endettement à terme et T la date d échéance du put, les autres termes ayant été déjà définis précédemment. Se pose alors la question de comment améliorer le put à deux moments de Black par un modèle qui tienne compte simultanément des coefficients de volatilité, d asymétrie et d aplatissement du document 1? L approche la plus couramment utilisée pour évaluer les options comprenant quatre moments est celle de Gram-Charlier proposée par Corrado et Su (1996), cette dernière étant aussi utilisée par d autres auteurs, parmi lesquels, Bakshi et Madan (2000), Jurczenko et al. (2004) ou Corrado (2007). L expansion de type A de Gram-Charlier des variations proportionnelles de la valeur d endettement ne constitue toutefois une vraie densité de probabilité que si cette dernière satisfait la contrainte de Jondeau-Rockinger (2001) sur les coefficients d asymétrie et d aplatissement. Numériquement, ceci implique que ces derniers se trouvent dans l ellipse admissible définie par les valeurs des coefficients d asymétrie et d aplatissement, soit les intervalles [-1,0493, 1,0493] et [3, 7] respectivement, ce afin d éviter qu il y ait des probabilités négatives dans les queues de la distribution. La distribution de Gram-Charlier est introduite ensuite dans la condition de rémunération terminale (payoff) de l option qui est développée jusqu à l obtention de la forme analytique du put européen à terme comprenant quatre moments. Pour les engagements de ligne de crédit, la dérivation de la valeur du put de Gram-Charlier sous les contraintes de martingale et de Jondeau-Rockinger est présentée chez Chateau (2009). Soit : où avec et P GC = P B + m 3 Q 3 + (m 4 3)Q 4 (4) P B = e -rt [LN(-d 2 ) F 0 N(-d 1 )] (5) d 1 = {ln[f 0 /(L(1 + w))] + 1/2s 2 T}(s T) -1 w = (1/6) m 3 s 3 T 3/2 + (1/24)(m 4 3)s 4 T 2. De plus, m 3 et m 4 désignent les moments centrés d ordre i, pour i = [3, 4], ω tient compte de ces moments dans d 1 (notez la différence avec d 1 dans l équation 3) et

458 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE Q 3 = [6] -1 F 0* s T { [2s T d 1 ]n(d 1 ) s 2 TN(-d 1 )} (6) et Q 4 = [24] -1 F 0* s T {[d 1 2 1 3s T (d 1 s T )] n(d 1 ) s 3 T 3/2 N(-d 1 )}, (7) où F 0 * F 0 (1 + w) -1 et n(d 1 ) désigne la densité de probabilité normale standardisée de d 1. Plus concrètement, le put d engagement de Gram-Charlier P GC de l équation 4 comprend le put d engagement à terme de Black P B, plus deux termes d ajustement afférents à l asymétrie et à l excès d aplatissement positif, respectivement. Les banques peuvent alors utiliser le put de Gram-Charlier pour proposer une deuxième approche NI avancée plus sophistiquée que celle basée sur l équation 3. Toutefois, l examen du document 1 révèle que, si les valeurs du coefficient d asymétrie se trouvent bien dans l intervalle de Jondeau-Rockinger, ce n est clairement pas le cas pour celles du coefficient d aplatissement, qui elles varient entre 22,28 et 36,24 12. Il nous faut dés lors trouver une autre distribution qui tienne compte des valeurs d aplatissement du document 1 supérieures à sept, la borne supérieure de la contrainte de la distribution de Gram-Charlier. La réponse affirmative se trouve dans une famille de courbes de fréquence basée sur le système de «translation» de Johnson (1949) où la variable transformée z = h(x) est considérée comme ayant une distribution normale. Cette transformation basée sur quatre paramètres est introduite ensuite dans la condition de rémunération terminale de l option que nous développons jusqu à l obtention de la formule analytique du put européen à terme. Ces développements sont présentés dans l annexe et l expression finale P J est appelée la valeur du put à terme européen de Johnson. Soit : P J e rt (L )N(Q) + 2 e ( 1 2 2 ) [e ( ) N(Q + 1 ) e ( ) N(Q 1 )] (8) où γ, δ, ξ et λ désignent les quatre paramètres du système non borné S U défini dans l annexe, Q = γ + δ sinh -1 [(L ξ)/λ] où sinh -1 désigne l inverse de la fonction sinus hyperbolique, les autres termes ayant été déjà définis précédemment. L avantage du put de Johnson est qu il tient compte des valeurs fortement leptocurtiques du coefficient d aplatissement du document 1, versus une valeur maximale de 7 pour le put de Gram-Charlier sous contrainte. En d autres termes, la méthode d ajustement par les moments constitue une extension de l approche de Gram-Charlier sous contrainte; extension qui se traduit par des différences significatives dans les valeurs des puts présentées dans le tableau 1 ci-après. Aussi, proposons-nous que l évaluation 12. Des valeurs fortement leptocurtiques se retrouvent ailleurs: témoin les valeurs de 10 rapportées par Jha et Kalimipalli (2010) concernant les distributions des rendements annuels sur l'indice S&P500 couvrant la période 1990 à 2002. Quant à Rompolis et Tzavalis (2007), ils obtiennent les coefficients d aplatissement en neutralité au risque à partir des options sur l indice S&P500 pour les années 1997 et 2001 : ceux-ci vont de 4,5 à 8,8. Enfin, Erikson et al. (2009) indiquent que la plupart des options aux États-Unis présentent des coefficients d asymétrie et d aplatissement dont les valeurs se trouvent en dehors de l ellipse admissible de l approche Gram-Charlier.

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 459 au modèle, dans laquelle le put de Johnson capte le risque de crédit des engagements, soit considérée comme une procédure NI avancée. 1.5 Exercice de l engagement et exposition en cas de tirage (ECT) Une fois le put de Johnson évalué, la détermination de la proportion de la ligne de crédit qui sera tirée à partir de la date j = s jusqu à T se fait en deux étapes : (i) l exercice de l engagement est appréhendé par l indicateur 1 condition, qui est égal à 1 si la condition se vérifie et à 0 autrement, et (ii) il est combiné avec d j, la proportion de tirage de lignes de crédit âgées de j mois. La proportion moyenne conditionnelle à la date j pour la période T j, désignée par 0 p T j 1, est : p T j = E[d j 1 ] = d P(F Fj L) (9) L j j et sa proportion complémentaire est 1 p T j = (1 d j ) P(F j L) + P(F j > L). (10) Étant donné qu au niveau de la banque, l audit de Bâle-2 s applique à l agrégat des engagements irrévocables courts, nous proposons la solution de calcul suivante : i. la proportion moyenne de tirage est une fonction croissante de la durée à courir jusqu à l échéance de l engagement, et ii. l engagement de 100 $ fonctionne comme unité de référence qui est soit tirée complètement soit pas du tout, tout tirage partiel étant réalloué à ces deux proportions. En pratique, le montant total du tirage des engagements (âgés) de j mois s obtient en multipliant la proportion moyenne p T j par le montant agrégé des engagements inutilisés à la fin du mois j. Nous appelons ce montant l exposition en cas de tirage (ECT) à la date d audit, et, lorsqu il y a effectivement tirage, le montant tiré se transforme alors en prêt au bilan qui devient, selon Bâle-2, une exposition en cas de défaut (ECD) à laquelle est attachée une probabilité de défaut (PD). Quant à (1 p T j ), appliqué au montant agrégé du même mois, il détermine pour la banque le montant total inutilisé des engagements, soit le total des portions inutilisées d engagements exercés partiellement et des montants des engagements totalement inutilisés. L évidence empirique concernant exercice et tirage est parcellaire et incomplète. Morgan (1993) indique que la fraction du montant maximum de l engagement qui est réellement tirée par les emprunteurs au taux de base variable est de 55 % entre 1988 et 1990; malheureusement, il ne donne pas le nombre des engagements qui demeurent totalement inutilisés. Martin et Santomero (1997) rapportent que les firmes ne tirent typiquement que 65 % du maximum de la ligne de crédit. Par contre, Sufi (2009) rapporte que seulement 38 % des lignes de crédits sont utilisés par les 4011 firmes américaines publiques de son échantillon couvrant la période de 1996 à 2003. Enfin, dans l étude de Jimenez et al. (2009) concernant les firmes espagnoles

460 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE pour la période de 1984 à 2005, la proportion de tirage des lignes de crédit, qui ne sont pas en défaut, est de 47 % 13. Ils indiquent aussi que 16 % des lignes demeurent inutilisés, que 6 % sont utilisés en totalité et que la distribution du tirage des autres autour de 47 % est relativement symétrique. Au vu de cette évidence, nous choisissons une proportion de tirage p T j qui varie avec la durée restante jusqu à l échéance de l engagement. Par exemple, une proportion p T j p 3m = 45 % indique que, pour les engagements irrévocables courts pour lesquels il ne reste que trois mois jusqu à leur échéance, 45 % du montant total inutilisé est tiré; cette proportion monte à p 9m = 75 % pour les engagements pour lesquels il reste neuf mois jusqu à leur échéance, étant donné que les emprunteurs ont plus de temps et d opportunités pour procéder aux tirages. À ce stade, nous possédons maintenant tous les éléments pour passer à l estimation du risque de crédit des engagements. 2. Estimation par simulations 2.1 Paramètres de la simulation et signification des estimations Les valeurs d endettement n étant point transigées sur un marché, les estimations de leur put implicite ne constituent que le coût notionnel de l exposition de la banque au risque de crédit d engagements irrévocables courts. Pour calculer ces passifs notionnels, nous utilisons l évidence statistique présentée dans le document 1 de la sous-section 1.3. La plupart des valeurs d endettement à terme du document 1 variant entre 96,2 $ et 104,1 $, nous fixons les valeurs de F j à 100 $, 99,5 $, 99 $, 98,5 $, 98 $ et 97,5 $ pour un put d engagement qui devient progressivement en jeu (in the money) 14 puisque la valeur d exercice est de L = 100 $. Pour ces valeurs d endettement, les simulations sont basées sur un taux d intérêt court sans risque r de 3 %, une durée à courir jusqu à l échéance (T j) de 3 à 9 mois ainsi que sur les valeurs de volatilité et d asymétrie du document 1. Concernant le coefficient d aplatissement, nous choisissons pour le put de Gram-Charlier la valeur 6,5, juste inférieure à la limite supérieure définie par Jondeau-Rockinger. Pour le put de Johnson, nous utilisons la procédure itérative d Elderton-Johnson (1969) qui accommode les valeurs plus élevées du coefficient d aplatissement du document 1. Il existe aussi une bonne raison pour préférer une simulation à un test sur le passé (back-testing). Depuis 1988, les règles de Bâle ont été modifiées constamment, permettant aux banques de pratiquer, pour les engagements, les arbitrages réglementaires suivants : sous Bâle-1, elles accroissaient leurs engagements courts au détriment des engagements longs puisque les facteurs de conversion et de risque étaient inférieurs pour les premiers. Même actuellement sous Bâle-2, les banques continuent à substituer des engagements révocables courts à ceux irrévocables 13. L'examen des déterminants du tirage (défaut, non-respect de conventions contraignantes (covenants) et baisse de la notation de crédit, entre autres) se situe au-delà du domaine de notre recherche. Consulter à cet effet, Agarwal et al. (2006), Jimenez et al. (2009), Sufi (2009) ou Norden et Weber (2010). 14. Comme il n y a que trois valeurs d endettement inférieures à 97,5 $ sur les 276 observations mensuelles, ces données aberrantes ne présentent que peu d intérêt.

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 461 courts étant donné que les facteurs de conversion et de risque des premiers sont encore nuls. Dans de telles circonstances, un test rétrospectif ne présente qu un intérêt limité. Avant d analyser les résultats des simulations, nous clarifions la signification des estimations des puts à terme européens pour ce qui constitue notre scénario de référence, soit les coordonnées F = 99 $ et T j = 6 mois, dans la première matrice du tableau 1. Cette estimation correspond à un put dont la valeur d endettement F = 99 $ est légèrement en jeu et dont la durée à courir jusqu à son échéance est de 6 mois. Selon l estimation (soulignée) P J = 0,985 $, le put de Johnson a une valeur d équilibre légèrement inférieure à 1 % des 100 $ de l engagement si la marge fixe à terme est de 2 % par an, lorsque simultanément la marge stochastique au comptant est de 3 % par an. Par contre, les valeurs correspondantes des puts à terme de Black et de Gram-Charlier, P B = 1,114 $ et P GC = 1,127 $ dans les deuxième et troisième matrices du tableau sont significativement plus grandes : ceci implique qu elles sont surévaluées en termes de P J. 2.2 Évaluation du risque de crédit en termes du put de Johnson Deux tendances significatives se dégagent des matrices du tableau 1. La première concerne la valeur du put lui-même, qui reflète le coût encouru par la banque qui porte hors bilan à la date fixe d audit de Bâle-2 des lignes de crédit inutilisées dont la durée jusqu à expiration est variable. La matrice P J du tableau 1 présente les sensibilités à la durée et au risque du put de Johnson : les variations de la durée restante jusqu à l échéance sont représentées par les lignes et celles au risque (c.-à-d. à la valeur d endettement) par les colonnes. Dans ce dernier cas, pour la quatrième colonne de la matrice P J pour laquelle T j = 6 mois, les valeurs croissent fortement de 0,011 $ pour la valeur d endettement au pair (F = 100 $) à 2,463 $ pour celle qui est la plus en jeu (F = 97,5 $) ces deux valeurs étant en caractères gras dans le tableau 1. Une croissance exponentielle similaire est observée pour les engagements dont les termes jusqu à l échéance sont différents. Examinons ensuite les lignes de la matrice qui captent la sensibilité au terme du put. Sur la troisième ligne de la matrice P J caractérisée par une valeur d endettement de 99 $, les estimations du put de Johnson croissent à peine de 0,978 $ à 0,993 $ pour des durées à courir jusqu à l échéance qui décroissent de 9 à 3 mois. Les autres lignes présentent cette même croissance très légère. En d autres termes, la matrice P J indique clairement que les coûts du risque de crédit des engagements irrévocables courts sont beaucoup plus sensibles aux variations de risque qu à celles de terme. Les commentaires concernant les valeurs des puts de Black et Gram-Charlier des deuxième et troisième matrices seront brefs. Les valeurs correspondantes de Black et Gram-Charlier sont généralement supérieures à celles du put de Johnson et, pour chaque ligne, elles ont généralement tendance à décroître lorsque la durée décroît de 9 à 3 mois, alors que c est l inverse pour celles du put de Johnson. Notons toutefois qu il y a, pour les lignes de la matrice P GC dont les valeurs déclinent avec le temps restant jusqu à l échéance, une bosse ou un léger accroissement au terme de 6 mois pour les valeurs d endettement de 99 $ et moins.

462 L ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE TABLEAU 1 Valeurs des puts de Johnson, Black et Gram-Charlier implicites aux engagements de crédit irrévocables à court terme Matrice P j : les valeurs du put européen à terme de Johnson de l équation 8. Matrice P B : les valeurs du put européen à terme de Black de l équation 3. Matrice P GC : les valeurs du put à terme de Gram-Charlier de l équation 4. Définition des paramètres : F = valeur d endettement à terme en $ calculée à partir de l équation 1; L = 100 $, la valeur d exercice de la ligne de crédit en $; r = le taux d intérêt à court terme sans risque exprimé en % par année; T = date d échéance de l engagement; et T j = durée à courir jusqu à l échéance du put, en mois. Risque Terme T j 9 ms 8 ms 7 ms 6 ms 5 ms 4 ms 3 ms P J F = 100,0 0,01 0,01 0,01 0,011 0,01 0,011 0,011 99,5 0,489 0,49 0,491 0,493 0,494 0,495 0,496 99,0 0,978 0,98 0,983 0,985 0,988 0,99 0,993 98,5 1,467 1,47 1,474 1,478 1,481 1,485 1,489 98,0 1,956 1,96 1,965 1,970 1,975 1,98 1,985 97,5 2,444 2,451 2,457 2,463 2,469 2,475 2,481 P B F = 100,0 0,534 0,533 0,506 0,467 0,409 0,372 0,323 99,5 0,812 0,812 0,788 0,753 0,702 0,67 0,629 99,0 1,157 1,159 1,140 1,114 1,078 1,058 1,035 98,5 1,557 1,560 1,549 1,534 1,514 1,506 1,500 98,0 1,996 2,001 1,997 1,991 1,985 1,985 1,987 97,5 2,461 2,467 2,468 2,470 2,471 2,476 2,482 P GC F = 100,0 0,455 0,454 0,431 0,399 0,349 0,318 0,275 99,5 0,772 0,756 0,728 0,719 0,656 0,622 0,575 99,0 1,167 1,143 1,116 1,127 1,07 1,043 1,013 98,5 1,607 1,582 1,561 1,578 1,533 1,516 1,501 98,0 2,061 2,042 2,027 2,040 2,007 2,00 1,991 97,5 2,518 2,508 2,498 2,504 2,485 2,483 2,483 Note : Paramètres communs : L = 100 $; r = 3 % par an; T j = 3,..,9 mois, avec T = 12 mois. Les valeurs des paramètres de volatilité, d asymétrie et d aplatissement sont celles des colonnes 3 à 5 du document 1.

CONTRIBUTION À LA RÉGLEMENTATION DE BÂLE-3 463 L autre tendance reflète les différences entre les valeurs des cellules correspondantes des matrices (elles ne font pas l objet d un tableau séparé par souci de parcimonie) : celles-ci mettent en évidence l impact des coefficients d asymétrie et d aplatissement sur le coût du risque de crédit des engagements. Cet impact est mesuré par les différences entre valeurs des puts des matrices de Black et Gram- Charlier et celles correspondantes de la matrice de Johnson, ces dernières étant choisies comme étalons de mesure. D une façon générale, les valeurs des puts des matrices de Black et Gram-Charlier surestiment les valeurs correspondantes de la matrice de Johnson. Cette surestimation est très significative pour les valeurs d endettement au pair ou faiblement en jeu, alors qu elle demeure minimale pour les valeurs plus en jeu (98 $ ou moins). Par contre, la sur- ou sous-évaluation des valeurs de P B par rapport à celles de P GC est relativement mineure et non symétrique : pour les valeurs faiblement en jeu, la surévaluation des valeurs du put de Black peut atteindre 17,6 % alors que sa sous-évaluation pour les valeurs en jeu (98,5 $ ou moins) ne dépasse jamais 3,2 %. Mais pourquoi les différences entre valeurs de Black, Gram-Charlier et Johnson sont-elles plus importantes pour les valeurs d endettement au pair? Au vu des développements de l annexe, c est la valeur temps du put de Johnson qui fait toute la différence. Comme pour toute option, cette valeur est la plus grande pour les valeurs au pair. Mais comme la valeur temps au pair est plus petite pour les valeurs du put de Johnson que pour celles des puts de Black et Gram-Charlier, il s ensuit que c est là que la différence de valeur temps est la plus grande. Aussi proposons-nous l explication suivante : pour une distribution à asymétrie faible mais très leptocurtique, les valeurs du put de Johnson sont très rassemblées autour de la valeur moyenne d une distribution qui ne présente que peu de volatilité. Les valeurs du put de Johnson sont alors inférieures à celles du put de Black basé sur deux paramètres ainsi qu à celles du put de Gram-Charlier basé sur quatre paramètres car, dans le cas de Black, le coefficient d aplatissement normal est de 3 et, dans le cas de Gram-Charlier sous contrainte, il est limité ici à 6,5. Les estimations de la simulation sont utilisées dans la section suivante pour calculer la charge en capital afférente au risque de crédit de l engagement : le put de Johnson caractérise la procédure de valeur au modèle alors que les puts de Black et Gram-Charlier sont représentatifs de procédures NI avancées alternatives propres aux banques. 3. Engagements évalués a la valeur de modèle : préliminaires et implications pratiques 3.1 Préliminaires Afin de positionner la «valeur au modèle» par rapport aux procédures réglementaires de Bâle-2, le document 2 présente comment calculer, selon les approches simplifiée et NI avancée, l actif pondéré pour le risque (l APR) des engagements hors bilan et des prêts au bilan. Tous les APRs représentent 12,5 fois les expressions E(1) à E(4) puisque le coefficient de capital minimum est de 8 %. Afin d améliorer la comparabilité, nous faisons abstraction des garanties, des accords généraux de