CONTRIBUTION DU GROUPE CGT C est dans un contexte conjoncturel difficile que l année 2015 s annonce. Le taux de chômage aquitain s établit à 9.9 % de la population active au 4 ème trimestre 2014. La hausse est de même ampleur en France métropolitaine ou le taux de chômage atteint 10 %. Fin mars 2015, le nombre de demandeurs d emploi inscrits à Pôle emploi de catégorie A s établit à 181 009 en Aquitaine. Sur un an, il est en hausse de 6.4%. Par département, s agissant de la catégorie A, le nombre de demandeurs d emploi varie en mars 2015 par rapport au mois précédent entre 0,3 et +2.5% : Dordogne (0,9%), Gironde (1.6%), Landes (+2.5%), Lot-et-Garonne (+1.1%) et Pyrénées-Atlantiques (0,3%). Au 4 ème trimestre en Aquitaine le nombre de demandeurs d emploi de catégorie A, B, C, augmente de 1,8 %. Sur un an, la région enregistre une des plus fortes hausses du nombre de demandeurs d emploi du pays avec +8,1 % au 4ème trimestre par rapport au 4ème trimestre 2013, contre 6,4% au niveau national. On peut noter, l augmentation constante et élevée du nombre de demandeurs d emploi de plus de 50 ans qui est préoccupante dans le contexte du recul de l âge de départ à la retraite. Ces derniers représentent un tiers des inscrits de plus d un an et 45% des inscrits de plus de 3 ans. (Source : Pôle emploi Dares). Parallèlement, les offres d emploi chutent de 10,3 % sur un trimestre et diminuent de 5,1 % sur un an. (Insee Aquitaine Conjoncture, avril 2015, n 4). L évolution du contexte économique de ces dernières années a contribué à accentuer un déséquilibre démographique et économique avec ses conséquences sur l emploi en zones rurales et pôles urbains. La région possède des territoires avec des enjeux très différents entre une métropole très puissante (Bordeaux), des pôles urbains dynamiques (Pau et le Pays basque) et des territoires ruraux en mutation en particulier en Dordogne et en Lot-et-Garonne. Ces deux départements figurent parmi les plus pauvres de France : les taux de pauvreté y sont respectivement de 16,9% et 17,4%, contre 13,5% en Aquitaine et 14,3% en France. En Aquitaine, un arc reliant la pointe du Médoc à Agen en passant par le sud de la Dordogne se distingue par un taux de bénéficiaires du RSA particulièrement élevé. Cet arc de la pauvreté correspond aux zones d emploi où le taux de chômage dépasse 11,8% (il atteint 12,8% à Bergerac - Direccte Aquitaine Collection»Etudes» n 38 avril 2015). En 2013, 54 % des allocataires du RSA ont moins de 40 ans. L évolution conjoncturelle est à l origine de l augmentation des travailleurs pauvres qui est passé de 900 000 à un 1,1 million entre 2002 et 2011 (+17 %). Le taux de travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 3,7 à 4,2 %. De plus en plus d'actifs occupés, salariés ou indépendants, doivent se contenter de revenus du travail inférieurs au seuil de pauvreté, soit 814 par mois en 2011. Les jeunes restent les premiers touchés par le chômage, ils vivent une diversité de situations, mais ils ont en commun d être une génération frappée par le chômage, la précarité et le déclassement. Ils sont les premières victimes de la précarité et des inégalités. En 10 ans, le nombre de moins de 30 ans vivant sous le seuil de pauvreté a ainsi augmenté de 50%. Ce phénomène est lié aux difficultés de
l intégration sur le marché du travail : croissance du chômage, contrats de travail non renouvelés, recours massifs aux contrats précaires (CDD, stages ) Le recrutement sous la forme de contrats atypiques, initialement prévu pour encourager les entreprises à recruter et pour réduire le chômage, encourage paradoxalement le travail précaire. Les emplois précaires sont devenus à la fois un préalable à l embauche et un prélude au chômage. Dans un contexte économique et social difficile, la situation est particulièrement périlleuse pour les personnes les plus modestes et les moins qualifiées pour accéder au logement. Bien que les capacités d accueil en hébergement ou en logement se soient étoffées ces dernières décennies, elles restent saturées à tous les niveaux face à l accroissement des demandes : 467 000 logements sociaux attribués face à 1,8 million de demandes en attente. C est aussi le cas des jeunes qui disposent bien souvent de ressources insuffisantes face à des marchés privés trop chers et aux exigences des propriétaires. Ils se confrontent souvent aussi à l insuffisance des petits logements dans le parc social. Malgré les efforts engagés depuis tant d années, l action publique ne parvient pas à traiter le problème de l exclusion du logement dans notre pays, tout juste à l endiguer et à en limiter les conséquences les plus violentes (qui restent malgré tout présentes, comme en témoignent encore dramatiquement les décès de personnes vivant dans la rue). Cela doit nous inviter à porter un regard attentif et critique sur les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour favoriser l accès au logement des plus fragiles. Le logement est un des secteurs dans lesquels les inégalités sont les plus criantes. La part des dépenses consacrées au logement est celle qui différencie le plus nettement les ménages : en 2011, pour les 20 % des ménages les plus modestes, elle est supérieure de 8,3 points à celle des 20 % les plus aisés. Une inégalité qui dépend aussi de la composition familiale, et qui pénalise avant tout les ménages modestes et les nouvelles générations. Dans le même temps, la vulnérabilité énergétique s accroît, un cinquième des ménages aquitains sont dits vulnérables énergiquement : ils consacrent soit plus de 8 % de leur budget pour le chauffage ou l eau chaude sanitaire, soit plus de 4,5 % en dépenses contraintes de carburant. Certains d entre eux, 37 % sont vulnérables au regard de ces deux critères. La vulnérabilité liée aux déplacements touche 175 000 ménages soit 12 %, celle liée au logement 158 000. Les moins de 30 ans et les seniors de 75 ans ou plus sont particulièrement concernés. La vulnérabilité énergétique se répartit inégalement sur le territoire régional : les départements de la Dordogne, de Lot et Garonne et des Landes sont davantage impactés. Isolement, sous-occupation du logement, ancienneté du bâti, taille du logement, coûts de certains combustibles constituent des facteurs aggravants pour les ménages. Elle est supérieure à celle de France métropolitaine (10,2 %). Insee Analyses Aquitaine n 9 - Avril 2015 A travers les interactions entre le parcours professionnel et la santé, les effets de l intermittence dans l emploi et de la précarité du travail ont des conséquences sur la santé des travailleurs. Ces troubles se traduisent par une souffrance pouvant parfois conduire jusqu au suicide. Outre cette souffrance, ce phénomène à un coût non seulement pour les victimes, mais aussi pour la Sécurité sociale et l entreprise. La CNAMTS a dénombré 640 891 cas d accidents du travail en 2012 et 54 015 cas de maladies professionnelles. Si, de manière générale, les accidents de travail sont en recul de 13% sur les 10 dernières années, les accidents concernant les femmes (principalement les accidents de trajet et les maladies professionnelles) eux sont en progression de 20%. C est le constat que fait l ANACT (Agence nationale pour l amélioration des conditions de travail) dans son étude des données publiées par l Assurance Maladie.
Quant aux maladies professionnelles reconnues, elles sont en forte hausse pour les deux genres et plus particulièrement pour les femmes + 169,8% pour les femmes mais aussi pour les hommes avec + 91,2%. De façon plus générale nous constatons dans tous les secteurs d activité une très forte tension sur le travail. Plusieurs études traduisent cette réalité avec leurs dimensions contradictoires : d un côté les salariés sont très attachés à leur travail parce que c est essentiel à leur existence, à leur reconnaissance sociale, à leur réalisation individuelle ; d un autre ils sont de plus en plus nombreux à mal vivre leur travail, à exprimer de l insatisfaction, de la souffrance. La multiplication du nombre de cas de Fatigue professionnelle constatés (voire Burn-out) est de ce point de vue un révélateur. 3 millions de salariés seraient concernés. Cela témoigne de conditions de travail et d un rapport au travail qui se dégrade régulièrement pour les salariés. Un récent sondage IFOP 2014 montre que pour une majorité de salariés, le travail est devenu une «contrainte», alors que cela était l inverse auparavant. Ce sont les employés ou les ouvriers qui vivent moins bien leur travail (66 et 65 % respectivement), mais aussi les cadres (50%). Chez ces mêmes salariés, 54% se disent «stressés» au travail et 55% disent que leur travail «n'est pas reconnu à sa juste valeur» dans leur entreprise. Chez les cadres selon un autre sondage (2014), 42% disent travailler plus de 50H par semaine, 55% que leur temps de travail a augmenté et 27% disent travailler pendant leurs vacances. Enfin ils sont 68% à estimer que leur charge de travail a augmentée. La pénétration massive des TIC et du numérique dans les processus et les organisations du travail, et leur utilisation, n est de ce point de vue pas sans lien avec cette évolution. La Dares dans une étude parue en juillet 2014 indiquait que la période était marquée par une reprise de l intensification du travail chez les salariés. Cette intensification est par ailleurs plus marquée dans la fonction publique que dans le secteur privé. Les tensions sont plus fréquentes avec les collègues ou les clients et usagers. De même, les salariés sont plus nombreux à vivre au travail des situations exigeantes sur le plan émotionnel (accueil des usagers, situation de détresse sociale, ) selon la Dares. En Aquitaine ces tendances sont très nettement perceptibles par exemple dans le secteur de la construction et des travaux publics où nous assistons à une course au moins disant dans les appels d offres, a une spirale vers des prix cassés, à l émergence d un nouveau modèle économique, basé sur la multiplication de situation de travail illégal signalés, de surexploitation, de maltraitances de salariés en particuliers étrangers. (Voir situation des salariés espagnols chantiers grand stade). Mais aussi dans le secteur de la santé, des services à la personne où les salariés sont confrontés à la fois à une nécessité de répondre à des besoins en hausse (en quantité et qualité) et aux restrictions budgétaires, au manque d effectifs qui pèsent sur la qualité des soins, l accueil des usagers, et aussi sur les conditions du travail, le bien-être au travail. Les politiques d austérité budgétaires conjuguée à la tendance à la financiarisation de l économie sont directement en cause. Elles modifient en profondeur le système des valeurs en rendant le travail de plus en plus «invisible» (ce ne serait plus qu un cout?) et en faisant de la finance un objectif en lui-même. Les nouvelles organisations du travail, l individualisation du travail qui en découlent et se mettent en place minent pour une grande part le rapport des salariés au travail, les collectifs de travail et le rapport des salariés entres eux, leur travailler et vivre ensemble. Pour la CGT, la crise actuelle de notre société prend sa source aussi dans cette maltraitance faite au travail et aux salaries. Il est grand temps de replacer le travail dans sa centralité, sa finalité sociale et sociétale en le revalorisant, en se donnant des moyens de le transformer dans le concret. C est d autant plus important que le cout du mal travail, de la souffrance au travail coute cher, très cher. Ce coût est en très grande partie reporté par les entreprises sur la collectivité et la nôtre
protection sociale. Le Bureau international du travail (BIT) l évalue jusqu à 3 % à 4 % du PIB des pays industrialisés. Les politiques dans leur ensemble doivent œuvrer pour un développement socialement durable qui passe avant tout par l accès à un emploi de qualité pour tous, la lutte contre la précarité, les inégalités, la pauvreté. Les situations de fragilité (voir différents rapports sur la pauvreté, les inégalités, la précarisation de l emploi, ) qui n obtiennent pas réponse efficace de la part des pouvoirs publics finissent par s aggraver. Les conséquences sont de plus en plus lourdes dans tous les domaines et à terme les coûts toujours plus élevés pour les populations et la collectivité, qui paient finalement au prix fort l inefficacité des politiques menées actuellement. Les éléments de redémarrage de l économie sont bien loin d être présents. Ces résultats vont à l encontre du discours largement dominant sur la compétitivité et soulignent l inefficacité des politiques macroéconomiques centrées sur l offre. Ce sont les carnets de commandes qui font l activité et l emploi et non les baisses de coût salarial, la dérégulation du «marché du travail». Ce sont les perspectives de débouchés, dans lesquels la dynamique de la consommation des ménages pèse pour 60%, qui tirent la croissance, commandent l investissement et non le taux de marge des entreprises. Ni la stabilité du coût salarial qu a entraîné le crédit d impôt compétitivité emploi (CICE), ni le redressement du taux de marge des entreprises constaté au premier trimestre n ont ainsi permis de créer des emplois ou de relancer l investissement.