Prise en charge de la pré-éclampsie sévère

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Prise en charge de la pré-éclampsie sévère Référence Nea_protocole_go_2015_08 Date de validation 27/01/2015 Dernière version 21/06/2016 Dans la définition clinique de la pré-éclampsie, la pression artérielle systolique est supérieure à 140 mmhg et la pression artérielle diastolique à 90 mmhg. La protéinurie, c est à dire la concentration de protéines dans les urines, est supérieure à 300 mg par 24 heures. Ces manifestions peuvent s accompagner de divers symptômes comme des céphalées violentes, des troubles visuels (hypersensibilité à la lumière, «mouches», taches ou brillances devant les yeux), des acouphènes, des douleurs abdominales, des vomissements ou encore la diminution ou l arrêt des urines. Des œdèmes massifs peuvent apparaître et s accompagner d une prise de poids brutale (plusieurs kilos en quelques jours). Hospitalisation en maternité de type adapté à l âge gestationnel. Bilan maternel Sondage pour diurèse et protéinurie des 24 h NFS, plaquettes, TP, TCA, fibrinogène, ionogramme, urée, créatinine, acide urique, LDH, haptoglobine, transaminases (TGO-TGP), bilirubine directe et conjuguée (bilan datant de < 6h si l on veut envisager une péridurale) Surveillance tensionnelle par moniteur (Dinamap ) ECG maternel selon les cas (pour la surveillance du traitement). Bilan fœtal Biométrie Estimation de poids fœtal Doppler Critères de sévérité TA systolique 160 mm Hg ou TA diastolique 110 mm Hg Signes fonctionnels : céphalées, troubles visuels, acouphènes Barre épigastrique, nausées, vomissements HELLP syndrome (défini avec des plaquettes < 100 000 /mm 3 ) Diurèse < 400ml/24h. Objectifs Avant 32 SA, l objectif est d assurer la maturation pulmonaire fœtale et de prolonger la grossesse aussi longtemps que possible. Mais l extraction peut être décidée à tout moment selon l aggravation maternelle ou fœtale. Entre 32 et 34 SA : l objectif minimal est d obtenir un délai de 24 heures pour la maturation pulmonaire. L extraction fœtale est envisagée devant toute aggravation maternelle ou fœtale aussi minime soit-elle. Page 1/5

Après 34 SA, la décision d extraction fœtale peut être prise, la voie d accouchement sera fonction du degré de gravité. Avant 24 SA, dans certains cas, l interruption médicale de grossesse pour sauvetage maternel peut être discutée. Critères imposant une extraction quel que soit le terme TA incontrôlable sous traitement intraveineux Signes de pré-éclampsie sévères et persistants Crise d éclampsie Métrorragies ou HRP Hématome sous capsulaire Œdème pulmonaire Insuffisance rénale ou une oligurie persistante après remplissage Plaquettes < 50000 Trouble de la coagulation (chute du fibrinogène < 3g/l) Anomalies du RCF. Le traitement de la pré-éclampsie sévère 1. Corticothérapie pour les grossesses < 35 SA 2. Traitement de l HTA (TA 160/100 mm Hg) : Le contrôle de la pression artérielle a pour objectif de réduire de 20 % le chiffre de pression artérielle moyenne. Nicardipine (Loxen ) pure (ampoule de 10 cc contenant 10 mg): - Bolus de 0,5-1 mg toutes les minutes en surveillant la TA par minute au Dynamap jusqu à obtention d une diminution de 20% de la PAM = (Syst + 2xDiast) / 3, en ne dépassant pas 6 mg/h. - Perfusion d entretien : on passera sur 1 heure la quantité totale de Loxen donnée en bolus pour faire baisser la TA. - Relais : le traitement sera poursuivi à la concentration atteinte durant la dernière heure. 3. En cas d HTA de forme «neurologique» (prévention des convulsions) : a) Débuter par du Sulfate de magnésium : Mettre dans un pousse-seringue 3 ampoules de sulfate de magnésium à 15 % (1 ampoule = 10cc = 1,5g) Compléter avec 15cc de sérum physiologique pour obtenir une concentration de 1g/10cc. Perfusion de Sulfate de magnésium: 1-2 g/h. Effet anti-convulsivant entre 2-2,9 mmol/l (Attention mmol et non meq) Disparition des réflexes à 5 mmol/l Bradypnée, apnée à 6 mmol/l. Contre-indications : Insuffisance rénale (débit urinaire < 25 ml/h) Fréquence respiratoire < 16/mn Page 2/5

Extrasystoles Hypotension Association avec la gentamycine, les béta-mimétiques. Surveillance : Surveillance horaire des réflexes ostéo-tendineux. Le traitement sera arrêté si les réflexes ostéotendineux redeviennent normaux. La magnésémie n est pas nécessaire si la diurèse est bonne. Antidote : 1 g de gluconate de calcium en IV lente. Deux ampoules de gluconate de calcium doivent donc être laissées en permanence à proximité de la patiente. b) Si HTA sévère, on associera au Sulfate de magnésium du Loxen en IV : Cf. ci-dessus (2). c) Si l HTA n est pas contrôlée avec le Loxen : On ajoutera du Trandate : (Ampoule de 20 cc à 100 mg par ampoule) 2 ampoules de 100 mg = 40 cc (= 5 mg/ml) à passer avec un pousse-seringue Commencer par 2 cc/h, soit 10 mg/h. Les doses sont ensuite augmentées de 1cc/15 minutes pour atteindre un maximum de 12 cc/h ou 60 mg/h, si la fréquence cardiaque maternelle reste > 60/min. Si la TA < 90 mm Hg, on diminuera de 1 cc/h toutes les 15 min. 4. Expansion volémique : Un apport hydrique total quotidien de 1500 ml (dont 300-500 ml d albumine à 4%) peut être conseillé en cas de protidémie faible (< 12). Dans les autres cas, un volume total de 2500 ml constitue un apport hydrique raisonnable. La surveillance repose sur des moyens simples : TA, fréquence cardiaque, SpO2. La reprise de la diurèse témoigne de l adéquation de la circulation systémique, malgré sa faible sensibilité et sa faible spécificité. 5. Traitement de l éclampsie : 5.1 Traitement préventif de la récidive après la crise d éclampsie Bolus de Sulfate de magnésium : 4 g en IV sur 15 min, puis entretien 1-2g/h Envisager l extraction fœtale. 5.2 Traitement préventif de l éclampsie en cas de pré-éclampsie sévère Perfusion de Sulfate de magnésium: 1-2g/h. 5.3 En cas de crise En l attente de l anesthésiste, mettre la patiente en décubitus latéral gauche de sécurité et mise en place d une canule de Guedel. Intubation par l anesthésiste après Pentothal /Celocurine. Page 3/5

Traitement du HELLP Le HELLP est défini par l association d une : Hémolyse (élévation des LDH > 600 UI/ml, chute de l haptoglobine, présence de schizocytes) Elévation des transaminases (ASAT, ALAT X2, LDH > 500.) Thrombopénie < 100 000/mm3 Un traitement conservateur du HELLP a été proposé avant 32 SA sous forme d une corticothérapie prolongée : Diprostène ou Célestène chronodose pendant 2 j (2 amp/jour), puis Cortancyl per os 1 mg/kg. Le même traitement est proposé dans le post-partum (en réanimation en général). L efficacité de ce traitement et l innocuité de l attitude expectative ont été remis récemment en question et font discuter aujourd hui le bien-fondé de ce traitement corticoïde. Selon les RPC 2008 : l administration de corticoïdes pour le traitement du Hellp syndrome n est pas recommandée, car elle n améliore pas le pronostic maternel et/ou néonatal. Il devra donc être discuté au cas par cas et seulement en cas de terme très précoce. CAT dans le post-partum en cas de pré-éclampsie Le risque d éclampsie ou d aggravation du HELLP est important jusqu à J4. Hospitalisation en réanimation ou soins intensifs si : HELLP syndrome avec plaquettes < 80 000/mm 3 Oligurie Polypnée ou OAP TA non contrôlée Le traitement antihypertenseur est diminué progressivement jusqu à la stabilisation de la TA. La bromocriptine est contre-indiquée. L anticoagulation préventive est systématique pendant 6 semaines dans les cas de pré-éclampsie sévère et/ou < 28 SA. Bilan étiologique de la pré-éclampsie Il faut le réaliser 3 mois après l accouchement. 1. Bilan de pré-éclampsie : Il comprendra : NFS, plaquettes Créatininémie, urée Ionogramme sanguin (Na, K, Cl, HCO 3 - ) Protides totaux, albuminémie Protéinurie des 24H, sédiment urinaire, ECBU Bilan hépatique : ALAT, ASAT, phosphatases alcalines, gamma-gt Bilan immunologique (si signes d appel extra-rénaux) : AC antinucléaires, anti-dna, CH50 Bilan d hémostase : TP, TCA Page 4/5

2. Bilan de thrombophilie : Il se justifie en cas de : Mort in utero Pré-éclampsie sévère ou < 28 SA RCIU sévère HRP Eclampsie précoce Récidive de pré-éclampsie Il comprendra : L antithrombine III La protéine C La protéine S L homocystéïne Facteurs II et VIII La détection d un AC antiprothrombinase et/ou anticardiolipide La recherche d une résistance à la protéine C activée La recherche du gène de la prothrombine La recherche du gène de la méthylène tétrahydrofolate réductase (MTHFR) si le taux d homocystéïne est élevé. 3. Bilan rénal (à adresser en service spécialisé) : Recherche d une néphropathie : ionogramme sanguin et urinaire échographie-doppler rénale. 4. Bilan métabolique : Recherche d un diabète par HGPO. Page 5/5