Pleurésie purulente et épanchement para pneumonique : stratégie thérapeutique. Gilles Mangiapan Pneumologie CHIC de Créteil

Documents pareils
LA DOULEUR INDUITE C EST PAS SOIGNANT!

A. Sardet *, O. Marteletti, I. Maboudou. Service de pédiatrie, centre hospitalier Docteur-Schaffner, 99, route de la Bassée, Lens cedex, France

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins

Tuméfaction douloureuse

Maladies neuromusculaires

MODULE D EXERCICE PROFESSIONNEL NOTION MÉDICO-ÉCONOMIQUE DES DE RADIOLOGIE ET IMAGERIE MÉDICALE. Dr F Lefèvre (1-2), Pr M Claudon (2)

Le sevrage de la trachéotomie

Apport de la TDM dans les cellulites cervico-faciales

Cette intervention aura donc été décidée par votre chirurgien pour une indication bien précise.

Ouverture d un pavillon médical : Mesures mises en œuvre pour la mise en eau et suivi bactériologique

Le donneur en vue d une transplantation pulmonaire

Que savoir sur la chirurgie de LA HERNIE DE LA LIGNE BLANCHE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE en hospitalisation AMBULATOIRE?

Traitement des Pseudarthroses des Os Longs par Greffe Percutanée de Moelle Osseuse Autologue Concentrée

Accidents des anticoagulants

Contrôle difficile non prévu des voies aériennes: photographie des pratiques

TRAITEMENT DE LA MPOC. Présenté par : Gilles Côté, M.D.

ORGANISATION D UN SECTEUR DE RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

Conduite à tenir devant une morsure de chien (213b) Professeur Jacques LEBEAU Novembre 2003 (Mise à jour mars 2005)

La Broncho-Pneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Dr Pierre-François Lesault Hôpital Privé de l Estuaire Le Havre

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

o Non o Non o Oui o Non

APRES VOTRE CHIRURGIE THORACIQUE OU VOTRE PNEUMOTHORAX

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Les maladies valvulaires

Infections nosocomiales

LA TUBERCULOSE Docteur ALAIN BERAUD

Association lymphome malin-traitement par Interféron-α- sarcoïdose

Infiltrats pulmonaires chez l immunodéprimé. Stanislas FAGUER DESC Réanimation médicale septembre 2009

quelques points essentiels

Que savoir sur la chirurgie de la HERNIE INGUINALE A la clinique SAINT-PIERRE en hospitalisation AMBULATOIRE?

Actualités s cancérologiques : pneumologie

Docteur, j ai pris froid!

Définition de l Infectiologie

LITHIASE URINAIRE USAGER PRÉSENTANT UNE LITHIASE URINAIRE OC-091. Uroscan. Rx abdominal

La ventilation non invasive aux soins intensifs

Le traitement du paludisme d importation de l enfant est une urgence

24/01/ 2014 EQUIPE «REFERENTE» POUR L UTILISATION DES CATHETERS VEINEUX PERIPHERIQUES ET CENTRAUX : QUELLE PLACE POUR L INFIRMIERE?

Infection à CMV et allogreffe de cellules souches hématopoïétiques : Expérience du Centre National de Greffe de Moelle Osseuse, Tunis.

Patho Med Cours 5. Maladie Pulmonaires Obstructives BPCO Asthme

IMR PEC-5.51 IM V2 19/05/2015. Date d'admission prévue avec le SRR : Date d'admission réelle : INFORMATIONS ADMINISTRATIVES ET SOCIALES

4eme réunion régionale des référents en antibiothérapie des établissements de Haute-Normandie

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 3 septembre 2008

Mise en place du contrôle du bon usage des carbapénèmes: expérience d une équipe pluridisciplinaire

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Evaluation péri-opératoire de la tolérance à l effort chez le patient cancéreux. Anne FREYNET Masseur-kinésithérapeute CHU Bordeaux

LA CHOLÉCYSTECTOMIE PAR LAPAROSCOPIE

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

Evaluation d un nouveau vidéo endoscope bronchique à usage unique avec canal opérateur en réanimation

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

Collection Soins infirmiers

Actualité sur la prise en charge de l arrêt cardiaque

Principales causes de décès selon le groupe d âge et plus

La douleur induite par les soins

G U I D E - A F F E C T I O N D E L O N G U E D U R É E. La prise en charge de votre mélanome cutané

Consignes de remplissage - Grille de recueil - Thème DAN2

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

Intérêt diagnostic du dosage de la CRP et de la leucocyte-estérase dans le liquide articulaire d une prothèse de genou infectée

CRITERES DE REMPLACEMENT

Bienvenue aux Soins Intensifs Pédiatriques

INTRODUCTION GENERALE :

SUTURE D EPISIOTOMIE ET PRISE EN CHARGE DE LA CICATRICE; RECOMMANDATIONS AUX PATIENTES

Vaccination et tuberculose en Gériatrie. Unité de Prévention et de Dépistage: Centre de vaccination et centre de lutte anti tuberculeuse CH Montauban

Leucémies de l enfant et de l adolescent

GHUPC Projet de transformation du site Hôtel Dieu. Pr S CHAUSSADE, Dr I. FERRAND

Quelles sont les maladies hautement contagieuses susceptibles d être hospitalisées en réanimation en France?

Item 182 : Accidents des anticoagulants

«Actualités et aspects pratiques de l antisepsie»

CEPHALEES POST-BRECHE DURALE. Post Dural Puncture Headache (PDPH)

La raison d être des systèmes d information

Le Centre de documentation du C.H.T. Est situé au rez de chaussée du Bâtiment T 7 Avenue Paul Doumer BP J Nouméa.

GUIDE PATIENT - AFFECTION DE LONGUE DURÉE. La prise en charge du cancer du rein

INFECTIONS POST- TRAUMATIQUES SUR MATÉRIEL D'OSTÉOSYNTHÈSE. Accidentologie et épidémiologie bactérienne

La chirurgie dans la PC

Livret de Présentation (Extrait du livret des patients distribué à leur accueil)

GUIDE D'ENSEIGNEMENT PRÉOPÉRATOIRE Pour la clientèle admise avant l'opération

La prise en charge de votre polyarthrite rhumatoïde

dossier de presse nouvelle activité au CHU de Tours p a r t e n a r i a t T o u r s - P o i t i e r s - O r l é a n s

La campagne québécoise des soins sécuritaires volet prévention et contrôle des infections

Causes d insatisfactions du patient pris en charge en ambulatoire

Gastric Bypass, Mini-Gastric Bypass et Sleeve Gastrectomy

INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE Dr Dassier HEGP

Prépration cutanée de l opéré

ASPECT ECHOGRAPHIQUE NORMAL DE LA CAVITE UTERINE APRES IVG. Dr D. Tasias Département de gynécologie, d'obstétrique et de stérilité

Guide à l intention des patients et des familles. Le don d un rein.

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

Guide du parcours de soins Titre GUIDE DU PARCOURS DE SOINS. Bronchopneumopathie chronique obstructive

La prise en charge de votre spondylarthrite

Publicité Une nouvelle vision de la complémentaire santé

Réparation de la communication interauriculaire (CIA) Informations destinées aux patients

Médecin Responsable volet hospitalier - Koulikouro - MALI

BPCO * La maladie respiratoire qui tue à petit feu. En France, 3,5 millions de personnes touchées dont 2/3 l ignorent morts chaque année...

recommandations pour les médecins de famille

HTA et grossesse. Dr M. Saidi-Oliver chef de clinique-assistant CHU de Nice

Clinique de chirurgie dentaire (Budapest) Résultat Audit

Bio nettoyage au bloc opératoire

STAGE D'INITIATION AUX SOINS INFIRMIERS D'ACCES EN PCEM2 ou en 2ème ANNEE DE CHIRURGIE DENTAIRE

RÉFÉRENCES ET RECOMMANDATIONS MEDICALES

Transcription:

Pleurésie purulente et épanchement para pneumonique : stratégie thérapeutique Gilles Mangiapan Pneumologie CHIC de Créteil

Définitions Pleurésies para pneumoniques Pleurésie compliquant une pneumonie ou un abcès. (70 à 80%) Pleurésie infectieuse primitive (5 à 10%) Pleurésie compliquée : pleurésie infectieuse nécessitant une intervention thérapeutique spécifique! (cloisonnée, à risque de cloisonnement : Bactério+ et/ou ph acide) Empyème Présence de pus franc dans la cavité pleurale

Épidémiologie Parapneumonique : 70% Empyeme primitif : 5% Post opératoire : 12% Traumatique : 3% Iatrogène (drain) : 4% Infection abdominale : 2% Autres : 5% Perforation œsophage, rupture abcès pulmonaire Maskell in Textbook of pleural disease, Light 2003

Épidémiologie 40% des pneumonies se compliquent d une pleurésie Terrain favorisant : 2/3 Diabète, alcool, toxicomanie Maladie pulmonaire chronique ( IRCO, KBP) Mauvais état buccodentaire RGO, fausses routes, ID Dénutrition +++

Microbiologie Isolement bactérien : 60% CGP : 50 % Strepto milleri : 30% Staph: 12% Pneumocoque : 10% BGN : 30% Klebsielle : 14% Pyo : 5% E coli, Hemophilus Anaérobies : 20% Maskell 2003

Evolution Mortalité (à 6 mois) : Empyème : 20% Immunodéprimé : 30% Rôle des comorbidités dans la mortalité Morbidité: Durée d hospitalisation Séquelles à long terme

Prise en charge Thérapeutique Prise en charge : -précoce -agressive mais pas trop car patient fragile! Quelle pleurésie faut-il évacuer? Quand faut-il recourir à la chirurgie?

3 Phases J1-J3 S2 S3-S4 Exsudative Fibrino purulente Enkystement Ponction/évacuation Drainage/fibrinolyse Chirurgie/ décortication

Doul tho+ fièvre à 19h Radio à H 8 Début ATB à H 9 Radio à H 36

Echo à J1 : lame d épanchement Echo à J2 : pleurésie enkystée 600ml J1 J4 J5

Classification de Light 1 : non significatif : <10 mm 2 : parapneumonique «simple» >10 mm. ph>7.2. Glycopleurie>2.5 mmol/l 3 : PP en voie de complication : ph 7.0 à 7.2. LDH>1000. 4 : PP «compliquée simple» : ph<7.0. Bactério+ (D ou C). 5 : PP compliquée complexe ph<7.0. Bactério+ (D ou C). Cloisonnement 6 : Empyème simple Pus franc. Non cloisoné et fluide 7 : Empyème complexe Pus franc. multicloisoné Light 1995

Prise en charge Thérapeutique ATB Evacuation pleurale Kinésithérapie Support nutritionnel Trt comorbidités

Antibiothérapie Couvrant strepto, CGP, anéro Adapté au germe Pénétration dans cavité pleurale et actif en milieu acide Pénicillines, céphalosporines, métronidazole, clindamycine Amoxicilline+ Clavulanate Adaptée au germe isolé Durée dépend de l évolution 3 à6 semaines

Evacuation pleurale Quand? A qui? Comment?

Quand? Le plus précocement possible Epanchement pleural fébrile = ponction en urgence Si indication de drainage : drainage en urgence

Qui Toute pleurésie infectée Pus franc (empyème) Germes au direct ou en culture Majoritéde PNN altérés Toute pleurésie compliquée: cloisonnement Toute pleurésie à risque de complication : ph<7,2 (glycopleurie<0.35g/l (1.9mmol/l) ou LDH>1000)

Comment? Quel opérateur? Quel drain?

Le drainage thoracique : Qui le fait? Pneumologue? Chirurgien? Réanimateur? Radiologue? Urgentiste? Celui qui sait le faire ET qui sait le surveiller

Dissection et pose à la pince

Drain à mandrin interne

Drain et trocart de Monod

Drain et trocard de Monod 1 2 3 4

Technique de seldinguer drain guide interne creux et flexible dilatateurs fil guide

Technique de seldinguer

Drain monorail

Quel drain? Gros drain 20-30 F Viscosité du pus Fibrine? Pigtail 8-12 F ou Seldinger 12-14 F Radiologues: guidage US ou CT Protocole entretien +++

Choix du site Repérage échographique +++ Pour toutes les pleurésies Obligatoire pour les pleurésies cloisonnées Par l opérateur Au lit du patient Dans la position du drainage

Anesthésie locale CONFORT SECURITE+++ Lidocaïne à 1% Max 3mg/kg

Fibrinolyse Objectif : Casser les cloisons Liquéfier la fibrine Favoriser la réexpansion pulmonaire Faire disparaitre les logettes résiduelles

Fibrinolyse Produits Streptokinase : 250 000UI Urokinase : 100 000 UI rtpa : 10 à 25 mg Dans 30 à 50 ml Injecté dans le drain. Laissé 2 à 4H Renouveler tous les? Jours, 2 jours Jusqu à? Guérison radio? Diminution débit Davies 1997. Bouros 1997, Diacon 2004, Maskell 2005,Misthos 2005

Place de la Fibrinolyse Médecine fondée sur les preuves : pas de réponse claire : plutôt en faveur! «L absence de preuve n est pas la preuve de l absence!!!» Certainement utile à certains patients: Syndrome inflammatoire non contrôlé ( on traite un malade, pas une image) Cloisonnement Elle doit être précoce Elle ne doit pas faire retarder une décision d abord chirurgical Tokuda 2008, Cameron 2009

Place de la Fibrinolyse Médecine fondée sur les preuves : pas de réponse claire Cameron 2009

Population : pus, Microbio+, ph<7.2 1 : non significatif : <10 mm 2 : parapneumonique «simple» >10 mm. ph>7.2. Glycopleurie>2.5 mmol/l 3 : PP en voie de complication : ph 7.0 à 7.2. LDH>1000. 4 : PP «compliquée simple»: ph<7.0. Bactério+ (D ou C). 5 : PP compliquée complexe ph<7.0. Bactério+ (D ou C). Cloisonnement 6 : Empyème simple Pus franc. Non cloisoné et fluide 7 : Empyème complexe Pus franc. multicloisoné Rahman NEJM 2011

CCL : tpa et DNase améliore le drainage et diminue le recours à la chirurgie et la durée d hospitalisation Mortalité Placebo tpa/dnase tpa DNase M3 2/50(4%) 4/48(8%) 4/48 (8%) 6/46 (13%) M12 4/48 (8%) 5/47 (11%) 5/46 (11%) 9/45 (20%)

Traitement chirurgical Recours rare? 20 à 30% dans les études anglosaxones Rare en France? Chirurgie précoce = contrôle sepsis Chirurgie tardive = réexpansion pulmonaire EPITHOR Débridement et décortication : 2.2% de l activité de chirurgie thoracique Débridement : mortalité 2.5%, morbidité 15% Décortication : mortalité 2.5%, morbidité 26%

Débridement par Vidéothoracoscopie (VTS) Anesthésie générale, Intubation sélective Contre indication : celle de l AG Etat général altéré Comorbidité sévère (fréquente dans la PP) Instabilité hémodynamique Détresse respiratoire Intubation sélective impossible

Quand? VTS Évacuation pus Effondrement cloisons Lavage pleural Adhésiolyse +/- décortication 50-90% conversions Décision 3-10 jour Thoracotomie 10-30% morbi-mortalité Collice Chest 2000

ET LA KINE. PRECOCE INTENSE PROLONGEE

S2 M3 EFR : CPT100% CV 100%

Traitement des comorbidités Dénutrition : fréquente, précoce A rechercher systématiquement A traiter activement (suppléments, SNG d alimentation )

Recommandations BTS 2003 Davies, Thorax 2003

Recommandation ACCP 2000 Colice, Chest 2000

Proposition de PEC Pneumonie Pleurésie Cloisonnement? - >1/2 thorax? - Pus ou Germe +? - ph<7,20? Evacuation + kiné ACCP consensus statment. CHEST 2000 ;18 :1158-1171 BTS Guidelines fo the management of pleural infection Thorax 2003;58:ii18-ii28 - + + + + Drainage

Proposition de PEC Amélioration clinique et radio Débit<50ml/j (séreux) Ablation drain Cloisonnement Fièvre opacité TDM Fibrinolyse Envisager chirurgie (J3-J10) Cloisonnement Fièvre opacité ACCP consensus statment. CHEST 2000 ;18 :1158-1171 BTS Guidelines fo the management of pleural infection Thorax 2003;58:ii18-ii28

Conclusion Maladie multidisciplinaire (pneumologue, chirurgien, infirmière, Kinésithérapeute, diététicienne) Coopération médico chirurgicale