Actualité juridique sociale mars 2016 1. Elections professionnelles Liste commune : la répartition des suffrages ne peut être aléatoire en fonction des résultats La jurisprudence encadre la constitution des listes communes dans le cadre des élections. Dans le cas d espèce ayant donné lieu à un arrêt de la Chambre sociale, la liste de deux organisations syndicales prévoyait la répartition suivante : - une répartition des voix à hauteur de 85 % pour FO et 15 % pour la CFTC ; - et si la répartition des suffrages recueillis en application de ces taux de 85 et 15% conduisait à ce que l'un de ces syndicats obtienne une audience inférieure à 10 %, la clé de répartition serait alors modifiée de façon à ce que ce syndicat obtienne les suffrages nécessaires à la reconnaissance de sa représentativité. La Chambre sociale affirme que la base de répartition des suffrages entre les syndicats d'une liste commune ne peut pas être modifiée a posteriori en fonction des résultats de l'élection. Un dispositif applicable de manière aléatoire après connaissance des résultats du scrutin doit être écarté La règle subsidiaire est donc écartée car elle "n'était applicable que de manière aléatoire après la connaissance du résultat des élections". Ainsi, la liste prévoyant une répartition 85/15%, permettant à l'électorat d'avoir une information claire, c'est cette répartition des suffrages qu'il faut retenir (Cass. soc., 10 mars 2016, n 15-16.807). 2. Droit du contrat de travail A fait l objet d importantes décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel sur les thèmes suivants : Paie - L assiette de calcul des congés payés : La chambre sociale apporte une précision importante concernant la prime de 13 ème mois. Cette dernière doit être exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés lorsqu'elle est calculée pour l'année entière, périodes de travail et de congés confondues, de sorte que son montant n'est pas affecté par le départ des salariés en congés (Cass. soc. 2-3- 2016 n 14-18.057). - Notion d avantage individuel acquis et structure de la rémunération : 1
La Cour de cassation vient mettre un terme à la liberté qu avaient les entreprises de modifier la structure de la rémunération suite aux changements d employeurs ou aux dénonciations des accords collectifs. Désormais, lorsque la structure de la rémunération résulte d un accord collectif dénoncé constitue à l expiration des délais de préavis, elle constitue un avantage individuel acquis que l'employeur ne peut modifier sans l'accord du salarié. Un engagement unilatéral de l employeur contraire à ce principe ne peut pas avoir force obligatoire (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-16.414). - Institution d une prime à une catégorie et égalité de traitement : L'employeur peut accorder aux seuls salariés qui travaillent en équipes alternées une prime destinée à compenser la sujétion particulière résultant du caractère variable des horaires des repas, cet avantage s'expliquant par des raisons objectives justifiant une différence de traitement entre ces salariés et ceux qui travaillent en poste fixe, qu'il soit de jour ou de nuit (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-11.991). - La subsidiarité de la prescription de l action en paiement des cotisations sociale : Dès lors que le droit du salarié au paiement des salaires dus pour une période donnée est éteint du fait de la prescription extinctive prévue par les articles 2224 du Code civil et L 3245-1 du code du travail, son action en paiement des cotisations sociales et de retraite, assises sur ces salaires, est nécessairement prescrite pour la même période (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-23.932). Durée du travail - Si le dépassement de la durée maximale annuelle de travail prévue par la convention collective applicable pour un contrat de travail intermittent ouvre droit au paiement d heures correspondant à ce dépassement et, le cas échéant, quand le salarié a effectué des heures de travail au-delà de la limite prévue à l article L 3123-34 du Code du travail, à des dommages intérêts en réparation du préjudice subi, il n affecte pas, à lui seul, la qualification de contrat de travail intermittent (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-23.009). - L accord collectif octroyant à une catégorie de personnel, en considération de ses conditions particulières de travail, une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de 3 heures de travail effectif, à prendre à des conditions déterminées par le chef de service, permet aux salariés concernés de bénéficier d'un temps de pause rémunéré à l'intérieur d'un cycle de 3 heures de travail effectif. Mais ce temps de pause rémunéré ne doit ni augmenter le temps de présence, ni se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-25.896). Rupture du contrat de travail - Dommages et intérêts pour absence d information sur la portabilité de la prévoyance : Le salarié dont la prise d'acte de la rupture du contrat est prononcée aux torts de l'employeur peut obtenir, outre les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des 2
dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier des informations relatives à la portabilité de la prévoyance (Cass. soc. 2-3-2016 n 14-18.334). - Licenciement disciplinaire : faute grave ou faute lourde, où réside l intérêt d un choix dans la qualification l employeur? Le Conseil constitutionnel vient neutraliser les effets pécuniaires de la qualification du licenciement disciplinaire pour le salarié. Désormais, que la rupture intervienne pour faute grave ou pour faute lourde du salarié, ce dernier aura droit au paiement des indemnités de congés payés. Saisi d une question prioritaire de constitutionnalité sur l article L. 3141-26 alinéa 2 du code du travail, le Conseil Constitutionnel a censuré cette disposition pour «rupture d égalité entre les salariés» (Cons. const. 2-3-2016 n 2015-523 QPC : JO 4 texte n 120). Il s agit d une censure à effet immédiat, s appliquant à tous les contentieux en cours. L intérêt pour l employeur de choisir la qualification de faute lourde plutôt que la faute grave ne peut donc être financier. Il semble que la censure de la disposition légale laisse la voie ouverte aux demandes reconventionnelles des employeurs en réparation du préjudice subi du fait d une faute lourde du salarié. 3. L entrée en vigueur de l avenant à la convention d assurance le 29-2-2016 Suite à la décision du Conseil d Etat ayant annulé l arrêté d agrément de la convention d assurance chômage du 14 mai 2014, avec effet différé au 1er mars 2016 (CE 5-10-2015 n 383956, 383957 et 383958), les partenaires sociaux ont déterminé les nouvelles règles de calcul du différé spécifique d indemnisation du chômage par avenant du 18 décembre 2015 à la convention Unédic du 14 mai 2014. L avenant a été agréé par arrêté du 19 février 2016 (JO 28), permettant son application à compter du 29 février 2016 et devient applicable à partir de cette date. Désormais, les sommes et indemnités inhérentes à la rupture du contrat de travail et allouées par le juge sont exclues totalement du calcul du différé spécifique d indemnisation du chômage. 4. Enfin les décrets DUP Les décrets tant attendus sur la délégation unique du personnel et l instance regroupée sont enfin parus au journal officiel Concernant la DUP dans les entreprises de de moins de 300 salariés Le décret n 2016-345 du 23 mars 2016 a précisé la composition et le nombre de crédit d heures des IRP, ainsi que les modalités de désignation du secrétaire et du secrétaire adjoint, et les conditions d appréciation du seuil de 300 salariés. - Le nombre d IRP composant la DUP est fixé ainsi : 3
Effectif de l entreprise de 50 à 74 salariés de 75 à 99 salariés de 100 à 124 salariés de 125 à 149 salariés de 150 à 174 salariés de 175 à 199 salariés de 200 à 249 salariés de 250 à 299 salariés Nombre de représentants 4 titulaires et 4 suppléants 5 titulaires et 5 suppléants 6 titulaires et 6 suppléants 7 titulaires et 7 suppléants 8 titulaires et 8 suppléants 9 titulaires et 9 suppléants 11 titulaires et 11 suppléants 12 titulaires et 12 suppléants Etant précisé que l effectif s apprécie au niveau de l entreprise ou au niveau de chaque, cadre de mise en place de la DUP. - Le nombre de crédit d heures de délégation : Constitue l une des incidences majeures de la loi REBSAMEN sur l exercice des fonctions représentatives. Fixé initialement de manière uniforme à 20 heures par mois pour les membres de la DUP ancienne formule, désormais l article R. 2326-2 nouveau en fixe le nombre en fonction de l effectif de l entreprise : Effectif de l entreprise de 50 à 74 salariés de 75 à 99 salariés de 100 à 299 salariés Nombre d heure de délégation par mois 18 heures par mois 19 heures par mois 21 heures par mois Au regard du cumul et du partage des heures de délégation prévus à l article L. 2326-6 du code du travail (cumul dans la limite de 12 mois et répartition entre les titulaires et avec les suppléants de la DUP dans la limite de1, 5 fois le crédit d'heures du titulaire), le nouvel article l'article R. 2326-3 du code du travail prévoit l obligation de respecter un délai de prévenance de l employeur de 8 jours avant la date prévue : Pour l utilisation par le titulaire d une ou plusieurs heures de délégation qu'il a cumulé au-delà de son crédit d'heures mensuel ; Et pour la répartition d'une ou plusieurs heures de délégation entre les membres de la DUP. L'information de l'employeur se fait par un document écrit précisant leur identité ainsi que le nombre d'heures mutualisées pour chacun d'eux. - Le secrétaire et du secrétaire-adjoint de la DUP : Prévus à l article R. 2326-4 nouveau, doivent être choisis parmi les membres titulaires et exercent conjointement les fonctions dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT. Il appartient à la DUP de prévoir les règles de répartition de leurs attributions respectives. - Les modalités de l expertise commune sur les sujets relevant des attributions du CE et de la CHSCT : 4
Prévue à l article L. 2326-5, 5, sont précisées par l'article R. 2326-5 nouveau. Elle doit : Elle : Donner lieu à l'établissement d'un rapport d'expertise commun ; Etre prise en charge par l'employeur des frais des experts ainsi que, le cas échéant, les contestations relatives à l'expertise se font selon les règles propres à l'expertise du CE et à celle du CHSCT. Ne peut faire l objet d opposition par l employeur concernant l entrée des experts dans l entreprise qui doit leur fournit les informations nécessaires à l'exercice de leur mission, ces derniers sont tenus aux obligations de secret et de discrétion applicables aux expertises CE et CHSCT ; Et fait l objet d un rapport commun d'expertise remis au plus tard 15 jours avant l'expiration du délai dans lequel la DUP est réputée avoir été consultée. - L appréciation du seuil de 300 salariés : Est faite selon les mêmes modalités que pour le seuil de 50 salariés applicable à la mise en place du CE (article R. 2326-6 nouveau). Concernant l instance regroupée mise en place par accord d entreprise ou d établissement dans les entreprises d au moins 300 salariés Le décret n 2016-346 du 23 mars 2016 en précise également le nombre minimum de représentants à élire ainsi que de crédits d heures, et les règles relatives à la formation des représentants du personnel. - Le nombre minimum d IRP à élire : Lorsque l instance regroupe CE, DP et CHSCT Lorsque l instance regroupe CE/DP ou CE/CHSCT < à 300 salariés 5 titulaires et 5 suppléants < à 300 salariés 4 titulaires et 4 suppléants 300 à 999 salariés 10 titulaires et 10 suppléants 300 à 999 salariés 6 titulaires et 6 suppléants A partir de 1000 salariés 15 titulaires et 15 suppléants A partir de 1000 salariés 8 titulaires et 8 suppléants L effectif s appréciant toujours de manière classique au niveau du cadre de mise en place de l instance commune. - Le nombre minimum d heures de délégation : Instance regroupant 2 institutions (DP/CE ou CHSCT/CE ou CHSCT/DP) 12 heures par mois Instance regroupant 3 institutions (CE/DP/CHSCT) 16 heures par mois - La formation des membres de l instance : 5
L article R. 2391-4 nouveau prévoit le droit à la formation des membres du CE et du CHSCT qui doivent bénéficier : D un stage de formation économique lorsque l instance comprend le comité d entreprise ; D un stage de formation lorsque l instance comprend le CHSCT. 6