Thierry Cornillet l Universit Paris Sud et l Universit Lyon 3 Thibault Soleilhac Docteur en droit l Universit Lyon 3 et l Ecole Centrale de Lyon Christophe Savonnet l Universit Lyon 3, l Ecole Centrale de Lyon et l ISARA Gilles Rigoulot l Ecole Nationale des Travaux publics de l Etat Monsieur le Pr sident Commission d enqu te En Mairie de PIERRELATTE Avenue Jean Perrin 26700 PIERRELATTE Mont limar, 9 octobre 2013 Cl ment Caron l universit Paris 1 Panth on- Sorbonne LRAR PIERREDOMACHAL / GRT GAZ 20130025 THC/GRI Monsieur le Pr sident de la Commission d enqu te, Mesdames, Messieurs les membres de la Commission, Je viens vers vous en qualit de conseil de l association PIERREDOMACHAL, ayant son si ge en Mairie de MALATAVERNE et repr sent e par son Pr sident en exercice, Monsieur Philippe HAIKAL. Ma cliente repr sente les int r ts de l ensemble des riverains impact s directement ou non par le projet du gazoduc ERIDAN pour lequel la Commission d enqu te que vous pr sidez devra rendre un rapport l issue de l enqu te publique en cours. Son champ d intervention et sa comp tence territoriale se situe sur les communes de Pierrelatte, de Donz re, de Malataverne, de Ch teauneuf du Rh ne, et d Allan. Apr s analyse du dossier, il apparait que ce projet est entach de plusieurs irr gularit s, de nature entra ner l annulation de l ventuelle D claration d Utilit Publique si le projet, tel qu il vous est pr sent, tait approuv. Ces points, qui vous seront expos s ci-apr s, portent la fois sur des consid rations propres au contenu du dossier et la l galit de ce dernier, tel qu il est soumis l enqu te publique, et sur le trac lui-m me, de nature faire na tre des risques excessifs pour la population. LYON PARIS MONTELIMAR 6, rue du Plat, Lyon 10 rue Dupont des Loges, 75007 Paris 8 Place Emile Loubet, 26200 Mont limar T l. : 33 (0)4 72 56 03 32 T l. : 33 (0)1 44 18 68 57 T l. : 33 (0)4 75 01 40 31 Fax : 33 (0)4 72 56 03 17 Fax : 33 (0)1 44 18 68 50 Fax : 33 (0)4 78 83 82 83 www.helios-avocats.com SELARL H lios Avocats au capital de 10 000 euros inscrite au RCS de Romans-sur-Is re sous le n 538 447 509
I.- SUR L ILLEGALITE DU DECOUPAGE DU PROJET DE GAZODUC QUALIFIE DE LIAISON NORD SUD En premier lieu, il est noter que le projet de gazoduc tel que port par la soci t GRT GAZ, ne pr sente aucune utilit sur le seul trac ERIDAN. Comme il est rappel dans le m moire non technique produit par la soci t GRT GTAZ, le gazoduc a vocation desservir l ensemble du territoire national et permettra, terme, d assurer une meilleure distribution de gaz pour l Europe, entre les deux points d entr e du r seau que sont SAINT MARTIN DE CRAU et DUNKERQUE. A la lecture du dossier soumis l enqu te publique, il apparait que rien ne fait tat des autres trac s quant l appr ciation globale des cons quences d un tel trac sur les milieux et sur les collectivit s travers es. Or, l'arr t d'ouverture de l enqu te publique, en application des dispositions de la loi n 2010-788 du 12 juillet 2010(L. n 2010-788, art. 236) doit, en premier lieu, mentionner l'objet de l'enqu te afin de permettre ainsi au public d' tre inform de la nature exacte du projet dont s'agit (TA Nancy, 3 oct. 2006, Assoc. Vivre dans la vall e de la Blette : Rev. jur. env. 2007, n 2, p. 251, obs. R. Hostiou). La jurisprudence veille ce que cet objet, tel qu'il figure dans l'arr t, corresponde bien la r alit de l'op ration. Le juge est en cons quence fond censurer toute erreur manifeste quant l'objet de l'op ration, et notamment quant sa localisation (CE, 22 avr. 1988, Cne Saint-Jean-de-V das : Rec. CE 1988, tables, p. 831 ; Dr. adm. 1988, comm. 309). De m me, il est juridiquement sanctionn de proc der un saucissonnage d un projet global, en proc dant plusieurs enqu te publique. (CE, 20 sept. 1993, Assoc. d fense riverains et usagers RN 117 : LPA 18 mars 1994, n 33, p. 5, obs. J. Morand-Deviller ; Gaz. Pal. 17-18 juin 1994, p. 11). 1.- 2.- Or c est pr cis ment ce que vous a soumis la soci t GRT GAZ, avec l accord de la Commission Nationale du D bat Public, puisque le projet comprend plusieurs tron ons dont l objet et l utilit pr sent e par le Ma tre de l ouvrage est identique : distribuer le gaz entrant sur le territoire fran ais dans toute l Europe, et augmenter l efficacit de la distribution nationale et internationale. A tout le moins, si la complexit de l ensemble de ces op rations imposait la mise en place d'une multiplicit d'enqu tes successives raison de 2
diff rentes l gislations, l'article 4 du d cret n 85-453 du 23 avril 1985 permettait toutefois de proc der un regroupement de ces enqu tes selon deux modalit s : celle d'une organisation conjointe de celles-ci et celle d une enqu te unique pour l ensemble du projet. Tel n est pourtant pas le cas en l esp ce, alors pourtant que les tron ons pr sentent le m me objet et la m me utilit publique. Qu il n est par ailleurs pas contestable que chaque tron on, ne pr sente aucune utilit publique, ne permettant pas eux seuls, de r pondre l objectif poursuivi. Ceci est confirm par la Commission de R gulation de l Energie, qui, dans sa d lib ration du 19 avril 2011, d clare que les b n fices du projet ERIDAN portent sur le march fran ais, en d veloppant la fluidit de la zone et en facilitant, terme, la fusion des zones Nord Sud. De plus fort, au regard du saucissonnage du gazoduc NORD-SUD, les effets de la globalit du projet ne peuvent tre appr ci s par aucune des Commission d enqu te saisies, puisque chacune d entre elle ne dispose que d un champ d analyse limit dans l espace, alors qu il ne fait aucun doute que le projet ERIDAN n a de sens que lorsque tous les tron ons auront t autoris s. Au regard de cette violation des dispositions pr cit es et de la jurisprudence s y rapportant, l association sollicite un avis d favorable de la part de la Commission d enqu te, tant l appr ciation du projet ne peut se r aliser sur la globalit du trac. II.- SUR L INSUFFISANCE DU DOSSIER SOUMIS A ENQUETE PUBLIQUE 3.- 4.- Aux termes de l article L 123-12 du code de l environnement, le dossier d'enqu te publique comprend, outre l' tude d'impact ou l' valuation environnementale, lorsqu'elle est requise, les pi ces et avis exig s par les l gislations et r glementations applicables au projet, plan ou programme. Il comprend galement une note de pr sentation non technique, dans la mesure o ces l ments ne figurent pas d j au dossier requis au titre de la r glementation sp cifique du projet. Si le projet a fait l'objet d'une proc dure de d bat public organis e dans les conditions d finies aux articles L. 121-8 L. 121-15, d'une concertation telle que d finie l'article L. 121-16, ou de toute autre proc dure pr vue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de d cision, le dossier comporte le bilan de cette proc dure. Lorsqu'aucune 3
concertation pr alable n'a eu lieu, le dossier le mentionne. A l aune de ces dispositions, il est manifeste que le dossier soumis l enqu te publique doit tre complet et pr senter l ensemble des points envisag s par le ma tre de l ouvrage. En l esp ce, pourtant, la soci t GRT GAZ n a pas apport des pr cisions suffisantes quant plusieurs risques inh rents un tel projet. Cela ressort express ment de l tude de danger. Ainsi, concernant les risques li s aux ph nom nes climatiques, l tude de danger est particuli rement insuffisante quant la d monstration de la prise en compte du risque d inondation. Plus sp cifiquement, elle n apporte aucun l ment de nature tayer la prise en compte du risque caus par la pr sence du gazoduc dans la zone inondable se trouvant dans la plaine de PIERRELATTE. Cette zone est le r ceptacle naturel des crues du Rh ne, lorsque des pluies importantes surviennent sur le d partement. Elle subit r guli rement des inondations, d truisant cultures, et syst me d irrigation agricole. Mais surtout, il n est nullement fait tat des cons quences des travaux sur une telle zone, pas plus qu il n apparait la prise en consid ration des modifications apport es par le projet sur le secteur, pourtant compris dans un Plan de Pr vention des Risques d Inondation. 5.- En outre, autant dans l tude de danger que dans les autres pi ces du dossier, rien ne permet de signaler la pr sence des stations de compression, pourtant voqu es dans le m moire non technique. Plus particuli rement, celle envisag e initialement proximit de DONZERE n est plus d actualit Or, sans de telles stations, il est admis par GRT GAZ que le maintien de la pression 80 bars serait impossible. (Voir m moire non technique) Conform ment la l gislation pr cit e, le dossier soumis enqu te publique se devait de contenir des pr cisions suffisantes sur les l ments constituant la nature m me du projet, et notamment sur les l ments b tis. Ce d autant que concernant les stations de compression, leur installation ne n cessite pas seulement l instauration d une servitude, mais bien d une expropriation pure et simple des propri taires concern s par leur 4
implantation. Il tait ainsi indispensable de pouvoir toutes les mat rialiser, pour permettre tous les propri taires concern s d en estimer le bien fond et d en valuer les cons quences autant patrimoniales que juridiques. A ce titre, le projet est vici, et doit tre rejet par la Commission d enqu te. L association entend galement faire valoir les graves insuffisances quant la question de la puissance r elle du projet. En effet, il n aura pas chapp aux membres de la Commission d enqu te que le projet port par GRT GAZ ne fait pas tat d une puissance nominale de fonctionnement r aliste, compte tenu de sa capacit, et au regard de la puissance effective du gazoduc encore en activit et r alis dans les ann es 70. Il est hautement improbable qu un gazoduc de 1200mm soit limit une puissance de 120 GWh/jour, alors que le gazoduc pr sent entre SAINT MARTIN DE CRAU et SAINT AVIT, de seulement 600mm, est d une puissance nominale de 150 GWh/jour. (Voir r sum non technique, page 16). Par un simple calcul math matique, il ressort qu au contraire de ce qui est voqu par GRT GAZ, la puissance du projet ERIDAN pourra tre port e jusqu plus de 600 GWh/jour, ce qui devrait alerter la Commission sur la bonne foi du maitre d ouvrage dans l estimation des cons quences d un incident, aussi peu probable soit-il. A ce titre, une telle sous-estimation de la puissance du projet est de nature alt rer l effectivit des mesures prises par GRT GAZ pour garantir la s curit des riverains et pour justifier de la non-pr sence, sur l ensemble du trac, des stations de compressions, qui sont indispensables pour un tel ouvrage. Au regard de tout ce qui pr c de, l association sollicite un avis d favorable de la Commission d enqu te, tant l appr ciation du projet ne peut tre r alis e sur des donn es sinc res et fiables, et tant le dossier est insuffisant en l tat de ce qui le compose. III.- SUR L ATTEINTE A LA SURETE NUCLEAIRE 6.- 7.- La Commission d enqu te ne saurait ignorer que le trac du projet pr voit un passage sous le canal Donz re-mondragon, se trouvant proximit de la centrale nucl aire du Tricastin. 5
Un tel choix tait de nature alerter l autorit gestionnaire des sites nucl aires, et devait fonder un contr le approfondi des risques en cas d incident sur le gazoduc. A ce titre, le Maitre d ouvrage a t contraint, par sa proximit avec la Centrale, de consulter l Autorit de Suret Nucl aire et devait apporter des solutions techniques satisfaisantes pour d montrer l absence d atteinte au site nucl aire susvis. Cette d monstration fait manifestement d faut dans le contenu du dossier soumis enqu te publique, puisqu en effet, les interrogations soulev es tant par l association que par l ASN elle-m me, n ont pas t prise en compte, en ce qui concerne le canal du Rh ne, entre Donz re et Mondragon. Ainsi, la division de Lyon de l ASN informait le Pr fet de la Dr me, dans un courrier en date du 15 f vrier 2013, que bien que la canalisation de gaz ne passe pas moins de 3,7 kms du site nucl aire du TRICASTIN ( ) n ayant aucun effets directs sur le site nucl aire, il convient de mentionner que la soci t GRT GAZ n a pas tudi le risque d endommagement des digues du canal Donz re-mondragon par les effets d un ph nom ne dangereux issu de la canalisation proximit du canal, en particulier l o le gazoduc le traverse ou le longe, entre Donz re et Pierrelatte. Or, il convient de s assurer, en prenant compte les tudes r alis es par les exploitants dans le cadre du retour d exp rience de l accident nucl aire de Fukushima-Daiichi, qu un tel endommagement ne risquerait pas d avoir des cons quences sur la s ret des installations nucl aires du site du Tricastin. ( ) Il convient donc que la soci t GRT GAZ tudie les cons quences ( ) qu un tel sc nario n est pas susceptible : - De remettre en cause le refroidissement de r acteurs nucl aires du centre nucl aire de production lectrique (CNPE) du Tricastin, assur par les prises d eau du canal. - De provoquer un champ d inondation affectant significativement la zone d implantation des installations nucl aires du Tricastin au regard de l altim trie de leur plateforme. ( ) A d faut, le gazoduc devra pr ventivement tre suffisamment loign du canal Donz re-mondragon. Manifestement, cette analyse n a pas port ses fruits aupr s de GRT GAZ, qui n a pas daign int grer, dans son dossier soumis enqu te et dans son tude de danger, les cons quences d un tel ph nom ne dangereux sur le site nucl aire du Tricastin. L atteinte la suret nucl aire est donc parfaitement tablie, de sorte que comme le sugg re l ASn, le trac doit tre loign de mani re significative des berges du canal, et du secteur du Tricastin. 6
8.- A ce titre, et titre d aggravation du ph nom ne susvis, il apparait en outre que la soci t GRT GAZ n a pas donn d l ments pr cis quant la technique de construction et d implantation retenu pour traverser le canal Donz re- Mondragon. Qu une telle insuffisance est de nature carter la prise en compte du risque voqu par la division de Lyon de l ASN dans son avis du 15 f vrier 2013. Enfin, la jurisprudence, sans qu il soit question de risque nucl aire, a d j pu juger ill gale des ouvrages et canalisation traversant une digue, comme l voque l ASN et le dossier soumis enqu te. En effet, il a t jug que les digues taient, l poque des inondations qui ont donn lieu au pr sent litige, fragilis es par l infiltration d eau le long des canalisations traversant le corps des digues et install s par les exploitants riverains aux fins d irrigation de leurs terres (CAA Marseille, 28/ 04.2008, req. n 05MA02583, Soci t Civile d exploitation agricole (SCEA)) Qu une telle atteinte aux digues est constitutive d une faute, de nature entra ner la responsabilit du maitre d ouvrage ayant r alis la perforation des digues. En cons quence, il est parfaitement tabli que la l galit du trac est compromise, d s lors que le projet pr voit, notamment par la travers e du canal Donz re-mondragon, une atteinte aux digues du canal, proximit du site du Tricastin. Et ni l tude d impact, ni l tude de danger, ne permettent d carter tout risque d atteinte la suret nucl aire, comme pourtant l exigeait l ASN dans son avis du 15 f vrier 2013. Au regard de tout ce qui pr c de, il est ainsi parfaitement tabli que l association PIERREDOMACHAL est bien fond e solliciter un avis d favorable de la Commission d enqu te. Dans l attente de votre rapport, et vous souhaitant bonne r ception des pr sentes, Je vous prie de croire, Monsieur le Pr sident, Mesdames, Messieurs les membres de la Commission, en l assurance de mes sentiments distingu s. Gilles RIGOULOT gilles.rigoulot@helios-avocats.com 7