PROBLÈMES STRUCTURELS RECHERCHE ÉCONOMIQUE 29 octobre 14 N 866, : l arbitrage des entreprises industrielles entre perte de compétitivité et perte de profitabilité La et l sont confrontées à un niveau de coûts salariaux trop élevé compte tenu de leur niveau de gamme, avec la concurrence de pays à coûts salariaux plus faibles et de niveau de gamme similaire. Les entreprises industrielles françaises et italiennes ont alors le choix entre : préserver leur profitabilité, ne pas baisser leurs prix, et, ayant alors perdu leur compétitivité, perdre des parts de marché ; préserver leur compétitivité-prix et leurs parts de marché, donc renoncer à passer leurs coûts dans leurs prix et dégrader leur profitabilité. Nous analysons la nature du choix fait entre ces deux possibilités par les entreprises françaises et italiennes. Malgré le recul de la profitabilité, dans les deux cas les entreprises ont préféré limiter ce recul et accepter une perte importante de parts de marché. La situation de l est beaucoup plus grave que celle de la. Rédacteur : Patrick ARTUS
Coûts salariaux élevés en et en compte tenu du niveau de gamme La et l sont confrontées à des coûts salariaux unitaires élevés compte tenu de leur niveau de gamme (graphique 1). 1 Graphique 1 Coût salarial unitaire (en monnaie commune, = ) Allemagne Espagne Etats-Unis Emergents yc Chine 1 Sources : IHS Global Insight, NATIXIS 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 L analyse statistique montre un niveau de gamme de la production industrielle en et en semblable à celui de l Espagne, inférieur à celui de l Allemagne et des Etats-Unis, mais supérieur à celui des émergents et de la Chine. On voit que le coût salarial est nettement plus élevé en et en qu en Espagne. On peut aussi regarder, à l intérieur de la zone euro, le niveau du coût salarial unitaire dans l industrie (graphique 2). Il montre aussi le handicap de la et de l par rapport à l Espagne. 0,8 0,7 Graphique 2 Niveau du coût salarial unitaire manufacturier* Allemagne Espagne (*) Masse salariale yc charge sociales manufacturière / valeur ajoutée manufacturière 0,8 0,7 0,6 0,6 0,5 0,5 Sources : Datastream, Eurostat, Insee, INE, NATIXIS 0,4 0,4 Si leurs coûts salariaux unitaires sont trop élevés par rapport à ceux des concurrents à même niveau de gamme, la et l ont le choix entre : ne pas baisser leurs prix, passer leurs coûts de production élevés dans leurs prix afin de préserver leur profitabilité ; ceci entraîne bien sûr une perte de compétitivité-prix, une perte de parts de marché ; Flash 14 866-2
baisser leurs prix, renoncer à passer leurs coûts de production dans leurs prix afin de préserver leur compétitivité-prix malgré la dégradation de la compétitivité-coût ; ceci entraîne bien sûr une perte de profitabilité. Quel choix a été fait par les entreprises industrielles françaises et italiennes? Il faut donc que nous regardions : l évolution comparée des prix et des coûts de production de l industrie ; l évolution de la compétitivité-prix et des parts de marché ; l évolution de la profitabilité (des marges bénéficiaires). #1 Prix et coûts de production de l industrie Nous comparons le coût salarial unitaire de l industrie manufacturière et le prix de la valeur ajoutée de l industrie (ce qui permet de tenir compte aussi de l effet des prix des consommations intermédiaires sur les marges bénéficiaires, graphiques 3a-3b). Graphique 3a : coût salarial unitaire et prix de la valeur ajoutée dans le secteur manufacturier ( en 1996:1) Prix de la valeur ajoutée (1) Coût salarial unitaire (2) Ratio (1) / (2) 1 1 Graphique 3b : coût salarial unitaire et prix de la valeur ajoutée dans le secteur manufacturier ( en 1996:1) Prix de la valeur ajoutée (1) Coût salarial unitaire (2) Ratio (1) / (2) 1 1 1 1 Sources : Eurostat, NATIXIS Sources : Eurostat, NATIXIS Le prix de la valeur ajoutée arrête de suivre le coût salarial unitaire de l industrie en 2 en, en 2 aussi en. De 1996 à 14, un écart de 6% s est creusé entre le coût salarial unitaire et le prix de la valeur ajoutée en, de 19% en. Ceci montre que les entreprises industrielles de ces deux pays ont choisi de ne pas passer la totalité des coûts de production dans leurs prix et de préserver, au moins en partie, leur compétitivité-prix. Ce choix est plus clair encore en qu en. #2 Compétitivité-prix et parts de marché Le graphique 4a montre l évolution du taux de change effectif réel (par les prix) de la et de l depuis 1996. Le graphique 4b montre l évolution des prix des exportations de la et de l. Flash 14 866-3
Graphique 4a Taux de change effectif* réel (déflaté par les prix, en 1996:1) 135 Graphique 4b Prix des exportations ( en 1996:1) 135 (*) hausse = appréciation réelle de la monnaie 130 125 130 125 Sources : Datastream, FMI, NATIXIS Sources : Datastream, INSEE, ISTAT, NATIXIS L a donc un problème de compétitivité nettement plus grave que la. Les graphiques 5a-5b montrent l évolution des parts de marché à l exportation (en volume) de la et de l. Graphique 5a Commerce mondial et exportations (volume, en 1996:1) Graphique 5b Commerce mondial et exportations (volume, en 1996:1) 2 (1) : (exportations) (2) : Commerce mondial Ratio (1)/(2) 2 2 (1) : (exportations) (2) : Commerce mondial Ratio (1)/(2) 2 1 1 1 1 Sources : Datastream, Istat, NATIXIS Sources : Datastream, Insee, NATIXIS Les parts de marché à l exportation de la baissent à partir de 3 ; celles de l à partir de 1996. Quand on regarde les taux de change effectifs réels (par les prix) de ces deux pays, on voit que ceci correspond au mouvement d appréciation réelle du change de 2 à 9 en, qui débute en 1996 en. Le fait que les entreprises industrielles françaises et italiennes aient réduit leurs prix de valeur ajoutée par rapport à leurs coûts salariaux unitaires n a donc pas suffi pour empêcher la dégradation de la compétitivité-prix de ces deux pays et la perte de parts de marché. Celle-ci, de 1996 à 14, atteint 26% en et 42% en. #3 Profitabilité, marges bénéficiaires Les graphiques 3a-3b plus haut montrent déjà la perte de profitabilité de l industrie en et en. Le graphique 6 montre l évolution des marges bénéficiaires de l industrie. Le recul de la profitabilité, dû au choix de ne pas passer (totalement) les coûts de production dans les prix, est beaucoup plus important en qu en. Flash 14 866-4
35 Graphique 6 Marges bénéficiaires de l'industrie manufacturière (en %) 35 30 30 25 25 15 15 Sources : Datastream, Insee, Istat, NATIXIS 10 10 Synthèse : quel choix finalement a été fait par les entreprises industrielles françaises et italiennes? En : la profitabilité de l industrie a baissé et les parts de marché à l exportation ont baissé ; pour empêcher la baisse de parts de marché à l exportation, compte tenu de l élasticité-prix des exportations, il aurait fallu que les prix industriels soient aujourd hui plus bas de 37%. Comme ils ont baissé de 6% par rapport aux coûts salariaux unitaires, on voit que les entreprises françaises ont privilégié le maintien de la profitabilité. En : la profitabilité de l industrie a beaucoup baissé et les parts de marché à l exportation ont beaucoup baissé, ce qui montre l ampleur du problème de l. Pour empêcher la baisse de parts de marché à l exportation, il aurait fallu que les prix industriels soient aujourd hui plus bas de %. Comme ils ont baissé de 19% par rapport aux coûts salariaux unitaires, on voit que les entreprises italiennes ont aussi privilégié la profitabilité. Flash 14 866-5
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