Vous (ou une personne de votre entourage) êtes atteint d un cancer et votre médecin vous a proposé de participer à un essai clinique. Nous vous donnons les premières clés pour comprendre les enjeux de la recherche clinique en oncologie et ainsi ceux de votre participation. Avec le concours du Dr François Lokiec, chef du service de pharmacologie à l hôpital René Huguenin (Saint-Cloud), et du Pr Pierre Fenaux, chef du service d hématologie clinique de l hôpital Avicenne (Bobigny). Cette fiche ne se substitue pas aux recommandations de votre médecin, mais elle vise à répondre à vos premières questions. PARTICIPER à UN ESSAI CLINIQUE EN ONCOLOGIE collection comprendre et agir
Qu est-ce qu un essai clinique? les différentes phases Un essai clinique est une étude scientifique réalisée sur l homme. C est une étape indispensable et obligatoire au développement de nouveaux traitements contre le cancer. Elle permet d évaluer, chez des personnes volontaires, des traitements élaborés et préalablement testés en laboratoire. Un essai clinique a pour objectif de s assurer qu un nouveau traitement est plus efficace que celui de référence et qu il est bien toléré, ou parfois qu il est aussi efficace mais mieux toléré. En cancérologie, on évalue ainsi les nouvelles molécules, leurs différents modes d administration (voie orale ou par injection, fréquence ), les nouveaux protocoles de chirurgie, de radiothérapie ou encore les associations de traitements. D une durée variable, l essai est lancé à l initiative d un promoteur, le plus souvent une structure telle qu une université, un laboratoire pharmaceutique, un institut de recherche public ou privé, un hôpital, etc. La recherche clinique se réalise dans la continuité de la recherche fondamentale. L objectif de la recherche fondamentale est de trouver et d élaborer des nouveaux moyens de lutte contre la maladie. Ce travail de fond peut aboutir à la mise en œuvre d essais précliniques. Avant de devenir une option thérapeutique, un médicament est systématiquement étudié chez l homme, dans le cadre de plusieurs essais correspondant à différentes «phases». À chaque étape, l essai peut s arrêter si le nouveau traitement ne répond pas aux objectifs fixés. Un même patient ne participe pas à toutes les phases car les critères de participation changent d une étape à l autre. 50 personnes maximum une centaine de patients des centaines à des milliers de patients, divisés en deux groupes par tirage au sort (randomisation) > phase 1 étudier la tolérance de l organisme et les effets secondaires ; comprendre comment le médicament est transformé et éliminé par le corps ; déterminer la dose et le protocole d administration auxquels le médicament montre des signes d efficacité tout en entraînant le moins d effets secondaires. > phase 2 Déterminer dans quelles indications le dosage et le protocole d administration du médicament est le plus efficace. > phase 3 Montrer que le traitement à l essai est au moins aussi efficace que le traitement de référence ; un traitement qui n est pas plus efficace mais qui a moins d effets secondaires que le traitement de référence sera considéré supérieur à ce dernier. Autorisation de mise sur le marché délivrée par l Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ex Afssaps). > phase 4 On parle de pharmacovigilance : tout effet secondaire non répertorié doit être signalé aux autorités de santé. Qu est-ce qu un essai clinique? les différentes phases
Patients et médecins dans l essai clinique Participer à un essai clinique rend le patient acteur de la recherche et lui donne accès à un traitement innovant. Même la phase I apporte des bénéfices individuels : la tumeur peut régresser ou se stabiliser chez certains patients pendant un essai de phase précoce. Quand le médecin, responsable de l étude clinique, propose à son patient de participer à un essai, il lui présente le protocole ainsi que ses risques et recueille son consentement libre et éclairé (voir l encadré ci-contre). Le protocole doit avoir obtenu au préalable l autorisation de deux structures, l Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et un Comité de Protection des Personnes (CPP), et être enregistré au niveau européen (European Medicine Agencies). Le médecin vérifie que le patient présente tous les critères requis (âge, sexe, antécédents médicaux, types de tumeur...), appelés «critères d inclusion», propres à chaque essai : tous les patients ne peuvent donc pas participer aux essais. Le patient doit également être affilié à un régime de sécurité sociale ou être bénéficiaire d un tel régime. En France, toute personne qui participe à une recherche biomédicale est protégée par deux lois. Une participation très encadrée Le patient prend sa décision en toute liberté : le médecin lui transmet, oralement et par écrit, les informations nécessaires pour comprendre l essai clinique ainsi que les risques encourus. Une fois bien informé, un formulaire de consentement libre et éclairé lui est remis. Après un délai de réflexion, ce formulaire est signé par le médecin et le patient. Celui-ci est toutefois libre d interrompre sa participation à tout moment. Cette décision n aura aucun impact sur la qualité de sa prise en charge. En France, toute personne qui participe à une recherche biomédicale est protégée par la loi Huriet- Serusclat de 1988 (modifiée par la loi de santé publique du 9 août 2004) et la loi Jardé du 5 mars 2012, qui garantissent la sécurité des patients. Toutes les informations personnelles recueillies au cours de l essai sont confidentielles. ANSM Tout au long des essais, les médecins et les chercheurs, sous le contrôle de l ANSM et du CPP, évaluent l avancée des connaissances sur le nouveau traitement. Dans le cadre de l essai clinique, le patient a plus de rendez-vous médicaux que pour les traitements usuels. En effet, les effets secondaires et l efficacité du traitement doivent être étroitement surveillés par les médecins. C est pourquoi de nombreux examens cliniques, sanguins et radiologiques sont également entrepris afin de vérifier le comportement de la tumeur face au nouveau traitement. Tous les soins liés spécifiquement à l essai sont à la charge financière du promoteur. Pour les aspects pratiques de la prise en charge comme la prise de rendez-vous, le patient s adresse à un assistant de recherche clinique. À la fin de l étude, le patient est informé, s il le désire, des résultats globaux de l essai.
avis d expert quels sont les enjeux de la recherche clinique en oncologie? Pr Pierre Fenaux Chef du service d hématologie clinique de l hôpital Avicenne à Bobigny (université Paris 13) Les essais cliniques apportent un bénéfice individuel pour les patients inclus mais aussi un bénéfice collectif. Le nombre de patients participant à de telles études est crucial pour assurer le bénéfice collectif. Pour que la molécule innovante obtienne au plus vite l Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et soit disponible pour l ensemble des malades, il faut en effet recruter un grand nombre de volontaires. Plus le nombre de patients est important, plus on peut montrer rapidement, par des analyses statistiques, la différence d efficacité et de tolérance entre le traitement à l essai et le traitement de référence. Un grand nombre de patients volontaires permet aussi de diviser la population en sous-groupes selon le type précis de tumeur. Certains nouveaux médicaments peuvent n être efficaces que sur certains sous-types de tumeurs, ou Naomiki Sato / June Maekawa chez les patients d une certaine tranche d âge. Dans ce cas, la supériorité d un nouveau médicament peut ne pas être décelée globalement, mais seulement si l analyse est effectuée sur des sousgroupes de participants. Par ailleurs, un autre enjeu en cancérologie est de ne laisser aucune chance à la tumeur afin d éviter les récidives. Pour y parvenir, il faut généralement administrer des associations de plusieurs molécules. Seuls les essais cliniques peuvent répondre sur l efficacité de telles associations par rapport à celle de chacun des médicaments administrés seuls. Pour finir, je voudrai insister sur un principe éthique qui me semble important : ne proposer à un patient de participer à un essai clinique qu après s être demandé si on proposerait aussi cet essai clinique, dans la même situation, à un membre de sa famille. > Pour aller plus loin, n hésitez pas à en parler à votre équipe médicale. Le lexique Essai préclinique étape de la recherche durant laquelle le traitement innovant, ou la nouvelle approche thérapeutique, est testé sur des modèles expérimentaux Randomisation Répartition aléatoire en deux groupes des patients qui participent à un essai clinique : un groupe reçoit le nouveau traitement, l autre celui de référence. Ces groupes sont le plus comparables possible. Les essais randomisés peuvent être réalisés en double aveugle : ni les patients volontaires ni les médecins ne connaissent la nature du produit administré. Protocole Description précise des conditions et du déroulement de l essai clinique. Comité de protection des personnes (CPP) Comité d éthique indépendant qui vérifie que l essai clinique est conforme aux règles d éthique et que tout a été mis en œuvre pour une protection optimale des participants. à consulter L INCa référence les essais cliniques en cancérologie ouverts à l inclusion en France. www.e-cancer.net,rubrique recherche. D autres répertoires existent sur le plan international : - clinicaltrials.gov - myclinicaltriallocator.com patients et médecins dans l essai clinique
La Fondation ARC, reconnue d utilité publique, est la première fondation française 100 % dédiée à la recherche sur le cancer. Son objectif : guérir deux cancers sur trois d ici 2025. En France et à l international, la Fondation ARC identifie, sélectionne et finance les meilleurs projets de recherche. Les nouvelles voies préventives et thérapeutiques ainsi ouvertes permettent aujourd hui de guérir un cancer sur deux. Grâce à la recherche, chaque année, ce sont des dizaines de milliers de vies qui sont sauvées. Guérir 2 cancers sur 3, nous on y croit! 1 er tirage : juin 2013 - Compédit Beauregard. Conception éditoriale & Création graphique. Pour découvrir et commander gratuitement toutes nos publications : www.fondation-arc.org (rubrique Publications) publications@fondation-arc.org Fondation ARC 9 rue Guy Môquet BP 90003 94803 Villejuif Cedex Les ressources de la Fondation ARC proviennent de la générosité de ses donateurs et testateurs Pour agir à nos côtés, contactez-nous au : 01 45 59 59 09 ou contact@fondation-arc.org et rendez-vous sur : www.fondation-arc.org