Herpès labial récurrent et grossesse

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DOI : 10.1684/med.2013.0917 STRATÉGIES Aurélie Damongeot Jean-Pierre Vallée médecins généralistes Pour le groupe d écriture de la SFDRMG Mots clés : grossesse, herpès labial, herpès génital Une patiente de 31 ans, enceinte (10 semaines d aménorrhée), consulte pour une récurrence d herpès labial qui lui semble croître depuis 3 jours de façon un peu plus importante qu habituellement. Cliniquement, la lésion labiale dépasse la lèvre supérieure de 5 mm et il existe une autre lésion typique à la base de la narine. Elle fait habituellement moins de 6 poussées d herpès labial récurrent chaque année, mais aussi parfois des récurrences herpétiques génitales. Elle s inquiète pour sa grossesse... Abstract. Recurrent herpes labialis in pregnancy Pregnancy is not in itself a special case for a recurrence of herpes labialis and therefore does not require systematic antiviral treatment. Recurrence of herpetic infection probably HSV1 (HSV2 being exceptionally concerned) responsible for a single herpes is more rarely a risk of intrauterine infection. Local antiviral treatments have no proven efficacy, whether it concerns recurrence or primary infection, except for ocular herpes. Systemic treatments have not demonstrated significant clinical efficacy in recurrence, and there is no a priori reason to use a systematic preventive treatment. Key words: Pregnancy; Herpes Labialis; Herpes Genitalis] Herpès labial récurrent et grossesse Au cours de cette consultation vécue en médecine générale se sont posées plusieurs questions, tant de la part du médecin que de la patiente : Quel est le virus en cause? La récurrence d herpès labial est-elle particulière du fait de la grossesse, ou à risque pour la grossesse? Quels sont les modes de transmission maternofœtale du virus herpétique, la prévalence et les risques encourus par le fœtus? Quels sont les indications et les risques d un traitement antiherpétique pendant la grossesse? Quel suivi pendant la grossesse et au moment de (ou juste après) l accouchement? L'herpès labial est habituellement dû au virus herpétique de type 1 La primo-infection par HSV1 (cf. encadré 1) a lieu le plus souvent au cours de la petite enfance. La séroprévalence du virus herpétique de type 1 (HSV1) atteint donc de très hauts niveaux chez l adulte dans de nombreux pays, bien que les données épidémiologiques soient pour le moins imprécises : plus de 50 % des adultes en Ontario (Canada) [1] ou aux USA [2], plus de 90 % en Allemagne [3], 40 à 60 % en France entre 20 et 40 ans 1 [4]. HSV1 se transmet par contact direct avec un sujet présentant une primo-infection, une récurrence ou une excrétion virale asymptomatique (le virus est aussi présent dans la salive). Le virus herpétique de type 2 (HSV2) est habituellement responsable de l herpès génital (60 à 80 % des cas selon la conférence de consensus de l ANAES [4]. Sa séroprévalence à l âge adulte est estimée à environ 15 % [1-4]. La primo-infection a lieu le plus souvent dans les deux premières décennies de la vie sexuelle. Les facteurs de risque associés à l infection à HSV2 sont le sexe féminin, la précocité du premier rapport sexuel, le nombre de partenaires sexuels, les antécédents de maladies sexuellement transmissibles, l infection à VIH et un niveau socio-économique faible. 1. La conférence de consensus française de 2001 a été réalisée selon les règles précédemment définies par l ANDEM (recueil de documentation, audit d experts). Mais on ne peut que regretter l absence totale de références, qui ont disparu même dans le texte dit «long» actuellement disponible sur le site de la HAS, bien qu ici ou là dans le texte apparaisse la notion de «grade» de recommandation. 22 MÉDECINE janvier 2013

STRATÉGIES Cependant, la notion que HSV1 est exclusivement responsable des infections herpétiques de la partie supérieure du corps (oro-faciale en particulier) et HSV2 de la partie inférieure du corps n est plus vraie [1-4]. HSV1 a été mis en cause de façon croissante dans l infection herpétique génitale ces dernières décennies, même si les taux de 15 à 40 % rapportés en 2001 [1, 3, 4] sont sans doute excessifs aujourd hui avec peut-être une inversion de tendance : aux USA, entre les deux vagues de l étude épidémiologique NHA- NES (1988-94 et 1999-2004), ce taux a diminué significativement de 21 à 19 % [2], passant même à 16 % en 2010 (mais 39 % chez les Afro-Américains) [5]. Inversement, HSV2 se retrouve parfois dans les lésions de l herpès labial en raison d un possible contact bucco-génital ou du transfert de main à bouche. Différentes études (in [3]) rapportent une prévalence de l infection herpétique de 0,5 à 2 % durant la grossesse. L infection de la mère par l un ou l autre type de virus comporte un risque d infection herpétique intra-utérine du fœtus durant la grossesse, ou du nouveau-né durant l accouchement avec herpès néonatal [3]. Qualité de preuves : élevée (niveau 1 : nombreuses études observationnelles de grande qualité) 2 Encadré 1. Définitions Primo-infection herpétique : premier contact infectant muqueux ou cutané, symptomatique ou asymptomatique, avec le virus HSV1 ou HSV2. Infection initiale non primaire : premier contact infectant symptomatique ou asymptomatique avec le virus HSV1 ou HSV2, chez un sujet préalablement infecté par l autre type viral. Récurrence : expression clinique d une réactivation virale chez un patient préalablement infecté par le même type viral. Excrétion virale asymptomatique : détection d HSV1 ou HSV2 en l absence de signes fonctionnels ou de lésions visibles par le patient ou le médecin. Réactivations : surviennent soit sous la forme de récurrence clinique, soit sous la forme d excrétion virale asymptomatique. Ce sont des périodes de réplication virale, séparées par des périodes de latence. particulière à la grossesse est l hépatite herpétique, exceptionnelle et grave tant pour la mère que le fœtus. Elle se présente sous la forme d une hépatite aiguë fébrile anictérique, surtout au troisième trimestre de la grossesse [3, 4]. Qualité de preuves : faible (niveau 3 : études observationnelles sur de petites populations et séries de cas) Transmission mère-enfant du HSV La transmission materno-fœtale in utero est rare (5 % des atteintes herpétiques néonatales), due 8 à 9 fois sur 10 à HSV2 [3, 4], par voie hématogène transplacentaire, plus rarement transmembranaire, plus souvent lors d une primoinfection génitale de la mère que lors d une récurrence [3, 4]. Ce danger est maximum durant les 20 premières semaines de gestation, avec un risque de fausse couche, d accouchement prématuré et d anomalies congénitales sévères mais exceptionnelles [3, 4]. La transmission mère-enfant la plus fréquente a lieu durant l accouchement (8 à 9 fois sur 10), par contact direct avec les sécrétions cervico-vaginales maternelles infectées par le virus (70 à 85 % HSV2, HSV1 pour le reste) ; le pronostic des infections à HSV2 est le plus péjoratif, mais HSV1 peut être responsable de cas sévères. Le risque de transmission est : très élevé en cas de primo-infection génitale maternelle dans le mois précédant l accouchement, plus faible lors d une infection initiale génitale non primaire ou d une récurrence maternelle : pour que la transmission ait lieu) elle doit survenir dans la semaine précédant l accouchement [4]. Le plus souvent (2/3 des cas) l herpès néonatal survient en dehors de tout antécédent d herpès maternel clinique, probablement parce qu il y a alors excrétion virale asymptomatique [4]. La figure 1 schématise les risques liés à l herpès génital durant la grossesse (figure adaptée de [3]). Qualité de preuve : modérée (niveau 2 : nombreuses études observationnelles et effets de grande amplitude) Herpès néonatal Herpès et femme enceinte Les primo-infections ou des récurrences herpétiques se manifestent cliniquement de la même façon chez la femme enceinte ou non. La seule forme d infection herpétique 2. Les niveaux de preuves indiqués utilisent la cotation du système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) qui fera l objet d un prochain article dans Médecine. Sa prévalence est variable d un pays à l autre : 5,9 cas pour 100 000 naissances au Canada [1], entre 6 et 20 aux USA [1], au moins 3 pour 100 000 en France (soit environ 20 cas par an) [4], 7 pour 100 000 selon une revue de la littérature de 1988 (in 3]. Le nouveau-né est asymptomatique à la naissance. Les premiers signes cliniques apparaissent entre le 5 e et le 12 e jour. L herpès néonatal est rare mais grave puisqu il expose le nouveau né à un risque de mort ou de séquelles neurologiques élevé. Il se présente sous trois formes principales : cutanéomuqueuse, neurologique, systémique. La mortalité est MÉDECINE janvier 2013 23

STRATÉGIES Figure 1. Infections génitales à HSV durant la grossesse et conséquences élevée, de l ordre de 15 % dans les formes neurologiques et de 40 à 70 % dans les formes systémiques [3, 4]. L herpès labial ne peut être en cause que dans le cas d une transmission directe par contact des lésions herpétiques de la mère (ou d un personnel possiblement contaminant), exceptionnellement par transmission nosocomiale indirecte. Malgré l absence d étude significative, on recommande de ne pas partager le linge de toilette en cas de lésion herpétique évolutive [4]. Le pouvoir infectieux de HSV est court dans des conditions expérimentales : 1 à 2 heures sur la plupart des supports, 72 heures sur des compresses humides [4]. Qualité de preuve : modérée (niveau 2 : nombreuses études observationnelles et expérimentales ; effets de grande amplitude) 24 MÉDECINE janvier 2013 Pour notre patiente Nous pouvons la rassurer par rapport à la manifestation clinique de son herpès labial. La grossesse n est pas en soi un cas particulier nécessitant un traitement par antiviraux. Nous pouvons la rassurer quant au risque pour sa grossesse : une récurrence d infection herpétique probablement à HSV1 (HSV2 étant exceptionnellement en cause) responsable d un simple herpès labial représente plus qu exceptionnellement un risque d infection intra-utérine. Nous pouvons à cette occasion lui demander de veiller à signaler une éventuelle récurrence d herpès génital, surtout dans la semaine précédant l accouchement. Mais ce n était pas la question directement posée, bien que la récurrence d herpès génital ait aussi été évoquée. Nous pouvons la sensibiliser au risque de transmission directe par contact avec son nouveau-né en cas de récurrence labiale au moment ou juste après l accouchement, en raison de la possibilité d un risque d encéphalite herpétique lié à HSV1.

STRATÉGIES Quelles sont les indications et les risques d'un traitement antiherpétique pendant la grossesse? Trois antiviraux sont commercialisés pour traiter l herpès (encadré 2) : aciclovir (Zovirax et génériques), valaciclovir 3 (Zelitrex et génériques) et famciclovir 4 (Oravir et génériques). Ce dernier, mis sur le marché en 1996 (mais plus tard en France), n est à ce jour pas pris en charge par l assurancemaladie dans l indication traitement de l herpès. Le valaciclovir est métabolisé plus rapidement que l aciclovir. L absorption de la crème aciclovir est quasiment indétectable chez l adulte [1, 4]. 3. Ou acyclovir et valacyclovir, orthographe plutôt utilisée dans la littérature anglo-saxonne. 4. Selon la fiche Vidal du produit, les analyses cumulatives portant sur moins de 300 cas de grossesse (rétrospectifs et prospectifs) ne montrent pas de risque de malformations fœtales ou d anomalies congénitales liées au famciclovir. Les études animales n ont pas mis en évidence d effets embryotoxiques ou tératogènes du famciclovir ou du penciclovir (son métabolite actif). Encadré 2. Indications pour les infections à HSV chez le sujet immunocompétent (RCP) Aciclovir Valaciclovir Infections cutanées ou muqueuses Traitement des formes sévères : il s'agit en général de primo-infections (gingivo-stomatites aiguës et herpès génital). Récurrences d'herpès génital. Prévention des infections à HSV chez les sujets souffrant d'au moins 6 récurrences par an. (crème : traitement de la primo-infection génitale à VHS et des récurrences ultérieures éventuelles). Infections ophtalmologiques Prévention des récidives d'infections oculaires à HSV : kératites épithéliales après 3 récurrences par an ou en cas de facteur déclenchant connu, kératites stromales et kérato-uvéites après 2 récurrences par an, chirurgie de l'œil. Traitement des kératites et kérato-uvéites à HSV. Infections oro-faciales récidivantes Prévention chez le sujet souffrant au moins de 6 récurrences par an. Infections génitales Traitement du 1er épisode et des récurrences ultérieures éventuelles. Infections oculaires Traitement des kératites et kérato-uvéites à l'exclusion des atteintes sévères. Prévention des récidives. MÉDECINE janvier 2013 25

STRATÉGIES Le traitement de la femme enceinte est-il efficace? Différentes études contrôlées ont testé l efficacité de l aciclovir et du valaciclovir aux doses recommandées (tableau 1). Leurs limites communes sont la petite taille des échantillons, le manque de données concernant la sécurité fœtale et les variations de durée du traitement. Ainsi, une étude randomisée américaine a testé l efficacité du valaciclovir vs placebo auprès de femmes sujettes à des récurrences d herpès génital [6]. Les auteurs ont inclus 112 femmes enceintes séropositives à HSV2 au cours de leur 36 e semainedegestation,57recevant 2 500 mg/j de valaciclovir, 55 du placebo, jusqu à l accouchement. Il y a eu significativement moins de récurrences dans le groupe valaciclovir : 10,5 % vs 27,3 % ; RR 0,4 (0,2-0,9) ; p = 0,023, mais pas de différence significative concernant l excrétion du virus ou le taux de femmes atteintes de lésions cliniques génitales herpétiques à l accouchement. Il n y a eu aucune infection HSV néonatale dans cette étude et aucun effet indésirable du médicament n a été rapporté. Tableau 1. Traitement de l herpès génital durant la grossesse (adapté de 3] Une méta-analyse Cochrane de 7 essais contrôlés (1 249 participantes au cours de leur dernier trimestre de grossesse, 5 essais aciclovir vs placebo, 2 essais valaciclovir vs placebo) concluait en 2008 que les données étaient insuffisantes pour déterminer si ces traitements réduisaient le risque d herpès néonatal [7]. En effet, il n y avait aucun cas d herpès néonatal symptomatique dans les groupes traités ou placebo. La détection de HSV, les récurrences d herpès génital et le taux de césariennes pour herpès génital étaient significativement réduits lors de l accouchement chez les femmes traitées : risques relatifs RR respectivement de 0,14 (0,05-0,39) ; 0,28 (0,18-0,43) et 0,30 (0,20-0,45). Finalement, il semble que l utilité d un traitement préventif chez la femme enceinte aux ATCD d herpès génital porte sur le moindre risque d accoucher par césarienne. Qualité de preuves : élevée (niveau 1 : essais randomisés contrôlés, méta-analyse de ces essais) Indication (administration) Posologie Durée de traitement Primo-infection génitale (traitement oral) Récurrence d'herpès génital (traitement oral) Traitement prophylactique (traitement oral) Quels sont les risques de malformations fœtales liées à l'aciclovir et valaciclovir Aciclovir : 5 200 mg/j Valaciclovir : 2 500 mg/j Aciclovir : 5 200 mg/j Valaciclovir : 2 500 mg/j Aciclovir : 3 400 mg/j Valaciclovir : 2 250 mg/j Les données ont été collectées dans les registres de grossesse habituellement instaurés par les firmes pharmaceutiques. Le plus ancien (1984-1998) concerne l aciclovir : 1 234 grossesses ont été colligées dans 24 pays, dont 756 expositions à l aciclovir durant le 1 er trimestre de grossesse. Le taux de malformations à la naissance a été de 3,2 % (285 %), comme en population générale. La limite de l étude tient surtout aux nombreux perdus de vue (27 %) [in 1]. Le second registre concerne le valaciclovir, réalisé entre 1995 et 1999 : 110 grossesses, 1 malformation sur 28 expositions en cours de 1 er trimestre, 2 sur 31 dans le 2 e trimestre, 1 sur 51 dans le 3 e trimestre. Aucune conclusion n est possible sur ce nombre et cette durée d enregistrements [in 1]. Les données des registres danois de grossesse 1996-2008 (plus de 800 000 grossesses) concernent 1804 grossesses exposées durant le 1 er trimestre à l aciclovir, au valaciclovir ou au famciclovir récent [8]. Il n y a pas de différence significative du taux de malformations des grossesses exposées vs grossesses non exposées. Le nombre de grossesses exposées au famciclovir est cependant trop faible (26 grossesses, 1 malformation) pour conclure. Les auteurs ont en outre colligé les expositions aux traitements topiques locaux (crèmes aciclovir ou penciclovir) sans constater de différence à quelque moment que ce soit de la grossesse. Les données du CRAT sur les risques malformatifs étant rassurantes, il est conseillé de bien discuter au cas par cas et avec la 10 jours 5 jours Thérapie prolongée de la 36 e semaine de gestation jusqu'à l'accouchement patiente de l indication préventive de l aciclovir ou valaciclovir en fin de grossesse. Qualité de preuves : faible (niveau 3 : études observationnelles portant sur des échantillons restreints). Pour notre patiente Faut-il lui prescrire un traitement? Le cas envisagé d une récurrence d herpès labial n est pas spécifique du fait du début de grossesse. Les traitements antiviraux locaux n ont pas d efficacité démontrée, qu il s agisse de récurrence ou de primo-infection, sauf pour l herpès oculaire. Les traitements systémiques n ont pas démontré d efficacité clinique significative dans les récurrences et il n y a aucune raison a priori d utiliser un traitement préventif systématique. Il n existe d ailleurs aucune donnée sur le bien-fondé d une telle décision qui ne peut relever que de cas très particuliers [9]. La discussion sur les antiviraux lors des récurrences d herpès génital sort du cadre imparti. Rappelons qu un traitement n est conseillé dans ce cas que lors d une poussée dans la dernière semaine de grossesse. La place de la césarienne et des examens éventuels n est pas en discussion ici. Conflits d intérêts : aucun. Remerciements au groupe d écriture et de relecture de la SFDRMG : Gérard Bergua, Elisabeth Chorrin-Cagnat, Eric Drahi, Hélène Fanton, Philippe Hild, Marie-Françoise Huez-Robert, Yves le Noc, Claude Scali. 26 MÉDECINE janvier 2013

STRATÉGIES Références : 1. Kang SH, Chua-Gocheco A, Bozzo P, Einarson A. Safety of antiviral medication for the treatment of herpes during the pregnancy. Can Fam Physician. 2011;57(4):427-8. 2. Xu F, Sternberg MR, Kottiri BJ, McQuillan GM, Lee FK, Nahmias AJ et al. Trends in Herpes Simplex Virus Type 1 and Type 2 Seroprevalence in the United States. JAMA. 2006;296:964-73. 3. Sauerbrei A, Wutzler P. Herpes simplex and varicella-zoster virus infections during pregnancy: current concepts of prevention, diagnosis and therapy. Part 1: Herpes simplex virus infections. Med Microbiol Immunol. 2007;196:89-94. 4. Anaes. Conférence de consensus. Prise en charge de l herpès cutanéo-muqueux chez le sujet immunocompétent (manifestations oculaires exclues). Novembre 2001. 5. Sur http://www.cdc.gov/std/herpes/stdfact-herpes-detailed.htm 6. Andrews WW, Kimberlin DF, Whitley R, Cliver S, Ramsey PS, Deeter R. Valacyclovir therapy to reduce recurrent genital herpes in pregnant women. Am J Obstet Gynecol. 2006;194:774 81. 7. Hollier LM, Wendel GD. Third trimester antiviral prophylaxis for preventing maternal genital herpes simplex virus (HSV) recurrences and neonatal infection. Cochrane Database of Systematic Reviews 2008, Issue 1. Art. No.: CD004946. 8. Pasternak B, Hviid A. Use of acyclovir, valacyclovir, and famciclovir in the first trimester of pregnancy and the risk of birth defects. JAMA. 2010;304:859-66. 9. http://www.lecrat.org/articlesearch.php3?id_groupe=12 Herpès labial récurrent et grossesse La grossesse n est pas en soi un cas particulier pour une récurrence d herpès labial et ne nécessite donc pas de traitement antiviral systématique. Une récurrence d infection herpétique probablement à HSV1 (HSV2 étant exceptionnellement en cause) responsable d un simple herpès labial ne peut être qu exceptionnellement un risque d infection intra-utérine. Les traitements antiviraux locaux n ont pas d efficacité démontrée, qu il s agisse de récurrence ou de primo-infection, sauf pour l herpès oculaire. Les traitements systémiques n ont pas démontré d efficacité clinique significative dans les récurrences et il n y a aucune raison a priori d utiliser un traitement préventif systématique. MÉDECINE janvier 2013 27