M. CHAABOUNI, S. HADDAR, S. CHAABOUNI, H. ABID, C. DABBECH, H. NEJI, K. BEN MAHFOUUDH, J. MNIF Service d imagerie médicale-chu Habib Bourguiba-Sfax-Tunisie
Introduction L encéphalomyélite aiguë disséminée ou «acute disseminated encephalomyelitis» (ADEM) est une maladie inflammatoire démyélinisante multifocale du système nerveux central. Mécanisme auto-immun suite à une vaccination ou un épisode infectieux le plus souvent viral. Plus fréquente chez l enfant que chez l adulte.
Présentation clinique variable. Apport diagnostique majeur de l imagerie cérébrale, essentiellement l IRM. Objectifs de notre travail: étudier les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, radiologiques, thérapeutiques et évolutives de l ADEM; montrer l apport de l IRM et surtout des nouvelles séquences dans le diagnostic des ADEM, leur suivi et leur pronostic.
Patients et Méthodes Etude rétrospective portant sur 21 patients: 16 hommes et 5 femmes (sex-ratio = 3,2). Age moyen: 10 ans 3 mois avec des extrêmes de 19 mois et 30 ans. Infection récente (n = 12). Vaccination récente (n = 1). Motif d hospitalisation: fièvre (n=11) ; convulsions (n=6) ; et troubles du comportement (n=5).
Signes physiques: troubles de la conscience (n = 10) ; syndrome méningé (n = 7) ; déficit moteur (n = 13) ; troubles de la marche (n = 11) ; atteinte des paires crâniennes (n = 12) ; et troubles sphinctériens (n = 7). Ponction lombaire (n=19): formule normale (n=6) ; et une méningite lymphocytaire (n=13).
Imagerie cérébrale initiale: TDM (n=8) ; IRM (n=20). IRM médullaire complémentaire (n=15). Imagerie de contrôle chez 8 patients: TDM (n=2) ; IRM (n=8).
Suivi clinique moyen: 6 mois, avec des extrêmes de 0 (décès) et 2 ans 2 mois. Réalisation d une étude du pronostic des patients en fonction des paramètres cliniques et radiologiques. Analyse statistique univariée à l aide du logiciel SPSS 18.0.0, utilisant le test Chi-2 pour les variables qualitatives et le test de Student pour les variables quantitatives.
Résultats Lésions encéphaliques: hypodenses à la TDM (n = 8) ; Isosignal (n = 8) ou hyposignal T1 (n = 11) ; hypersignal T2 (n = 19), FLAIR (n = 3) et diffusion avec un ADC bas (n = 3). Nous avons noté une seule IRM normale (sans diffusion), réalisée à J3 du début des symptômes. Une TDM, réalisée à J19 chez le même patient, a montré des lésions suggestives d ADEM.
Siège des anomalies: sus tentoriel (n=19) ; sous tentoriel (n=12) ; Sus et sous tentoriel (n=10). Atteinte de la substance: blanche (n=19) ; grise (n=15), cortex (n = 3), noyaux gris centraux (n = 14) ; blanche et grise (n=13). Atteinte médullaire associée (n=10).
Délai moyen des contrôles radiologiques: TDM: 96 jours ; IRM: 54 jours. Résultats de l imagerie de contrôle: disparition des lésions (n=3) ; régression (n=1) ; aggravation (n=4) ; séquelles (n=2).
Evolution clinique: favorable (n = 11) ; séquelles modérées (n = 5) ; séquelles importantes (n = 1) ; décès (n = 4). Pronostic: bon (n = 16): évolution favorable ou séquelles modérées ; mauvais (n = 5): séquelles importantes ou décès.
Pronostic Bon Mauvais p Paramètres étudiés Score de Glasgow 13,75/15 8,67/15 0,049 Taille de la lésion en IRM (cm) 3 5,8 0,001 Atteinte du corps calleux en IRM (%) 25 100 0,036 - Score de Glasgow < 7/15 a été corrélé à un mauvais pronostic. - Taille lésionnelle en IRM > 3,5 cm a été corrélée à un mauvais pronostic.
a b c Enfant âgé de 14 ans. Morsure par un chien. Sérothérapie + vaccination anti-rabique le même jour. Fièvre + vomissements + somnolence. Tableau clinique développé après 20 jours. IRM à J6 en coupes transversales en pondération T2: lésions hyperintenses du bulbe (a), des putamens (b), des têtes des noyaux caudés (b) et du splénium du corps calleux (c). Diagnostic: ADEM post-vaccinale.
a b c d IRM de contrôle du même patient à J35, en pondération T2, en coupes transversales (a et b), coronale (c) et sagittale (d) sur l encéphale et en coupe sagittale à l étage cervical (e): extension des lésions hyperintenses qui intéressent la substance blanche sus tentorielle, les noyaux gris centraux, le tronc cérébral, les hémisphères cérébelleux et la moelle cervicale. Ces lésions sont en plage, bilatérales et symétriques. e
a b c Homme âgé de 30 ans. d Céphalées + fièvre puis troubles de l état de conscience et convulsions. IRM à J8 en coupes transversales T2 (a, b et c) et T1 Gado (d): lésions mal limitées hypointenses en T1, hyperintenses en T2 et se rehaussant faiblement après injection de gadolinium (d). Ces lésions sont situées aux pédoncules cérébelleux moyens (a), au pont (a), aux capsules internes (b), dans le centre semi-ovale gauche (c) et à la substance blanche souscorticale frontale gauche (c).
a b c IRM de contrôle du même patient à 3 mois en coupes transversales T2 (a, b et c): disparition complète des lésions cérébrales initiales.
a b c d e Enfant âgée de 14 ans. Fièvre + détresse respiratoire + tétraplégie. IRM à J1 en coupes transversales T2 (a), FLAIR (b), diffusion (c et d) et cartographie ADC (e): anomalies de signal du corps calleux (genou et splénium) et des centres semi-ovales, non visibles en T2, discrètement hyperintenses en FLAIR et mieux mises en évidence en diffusion avec un ADC bas. Evolution : décès.
a b c Enfant âgée de 4 ans. Fièvre + convulsions. IRM à J16 en coupes transversales T2 (a et b) et T1 Gado (c): hypersignal T2 des noyaux lenticulaires, des têtes des noyaux caudés et de la substance blanche périventriculaire en regard des carrefours ventriculaires. Prise de contraste leptoméningée pathologique.
Garçon de 11 ans. Fièvre + altération de l état de conscience + quadriparésie. PL: méningite lymphocytaire. b c Coupes IRM cérébrale transversale T2 (a) et du rachis cervical sagittales T2 (b) et T1 Gado (c): Hypersignal T2 de la SB péri ventriculaire et du corps calleux. Lésions en hypersignal T2 et isosignal T1 de la jonction bulbo médullaire et de la moelle cervicale. a
Fille de 10 ans. Fièvre + paraparésie + troubles sensitifs et sphinctériens. PL: méningite lymphocytaire. b Coupes IRM cérébrale transversale T2 (a) et coronale T2 (b): lésions de la SB péri ventriculaire, nodulaires, bilatérales, asymétriques et en hypersignal T2. a
a b Coupes IRM du rachis cervical sagittale T2 (a) et dorsal sagittale T1 Gado (b): lésion intramédullaire cervicale en hypersignal T2, étendue et associée à un gonflement du cordon médullaire. Prises de contraste de la moelle dorsale après Gado.
Garçon de 4 ans. Altération de l état de conscience + quadriparésie. PL: méningite lymphocytaire. b c Coupes IRM du rachis cervical sagittale T2 (a) et cérébrale coronale T2 (b) et transversale FLAIR (c): lésion étendue de la moelle cervicale en hypersignal T2. Anomalies de signal du corps calleux et de la SB péri ventriculaire. a
d a b c Coupes IRM du rachis cervical sagittale T2 (a) et T1 Gado (b), dorsal sagittale T2 (c) et cérébrales transversales T2 (d) et T1 Gado (e): lésions en hypersignal T2 de la jonction bulbo médullaire, de la moelle cervicale et dorsale et du pédoncule cérébelleux moyen droit avec un rehaussement nodulaire ou périphérique après Gado. ADEM chez un garçon de 9 ans. e
Discussion L encéphalomyélite aigue disséminée ou ADEM est une maladie inflammatoire démyélinisante du SNC, de mécanisme autoimmun. Elle est la forme le plus fréquente des encéphalites virales aigues de l enfant. caractérisée par des lésions intéressant essentiellement la myéline entourant les veines de moyen et de gros calibre, avec exsudation péri-vasculaire et prolifération microgliale diffuse ou localisée.
Actuellement, on exige 3 critères réunis pour porter le diagnostic d ADEM: des signes neurologiques multifocaux en rapport avec des lésions du SNC ; des lésions de la substance blanche détectées sur l IRM et/ou le scanner et compatibles avec le diagnostic d ADEM ; et absence de lésion ancienne de la SB ou d épisode clinique antérieur similaire dans les 3 mois précédant l épisode actuel.
3 formes cliniques: ADEM monophasique: premier épisode clinique fait d un tableau d encéphalopathie associant de façon variable des signes neurologiques multifocaux en rapport avec des lésions démyélinisantes de la SB, d installation aigüe ou subaigüe. Absence de lésion ancienne de la SB ou d épisode clinique antérieur similaire. Si une rechute survient dans les trois mois qui suivent l épisode initial ou dans les quatre semaines suivant l interruption de la corticothérapie, alors elle sera considérée comme faisant partie de l épisode initial.
ADEM récurrente: définie par un nouvel événement remplissant les critères d ADEM, survenant au minimum trois mois après l épisode initial et au moins quatre semaines après l interruption de la corticothérapie, de présentation clinique identique, affectant les mêmes territoires à l IRM que l épisode initial. ADEM multiphasique: définie par une ou plusieurs récurrences avec encéphalopathie et déficits multifocaux, intéressant de nouvelles régions du SNC, cliniquement et à l IRM.
L ADEM se voit plus chez l enfant que chez l adulte. Habituellement, absence de prédominance liée au sexe. Notion d infection récente ou de vaccination précédant l apparition des signes cliniques, retrouvée dans 50 à 75 %.
Une phase prodromique faite de fièvre, malaise, céphalées, nausées et vomissements peut précéder le développement des signes neurologiques de quelques heurs à quelques jours. Le tableau neurologique une fois constitué peut être très hétérogène en fonction de la distribution des lésions de démyélinisation au sein du SNC.
Les signes neurologiques les plus souvent rapportés sont les troubles de la conscience, les signes pyramidaux et extrapyramidaux (en cas d atteinte des NGC), des déficits moteurs, une ataxie, une atteinte des paires crâniennes (surtout la névrite optique), une atteinte médullaire, des troubles du langage et rarement des convulsions. PL: pléiocytose et hyperprotéinorachie. Absence de bandes oligoclonales dans le LCR.
Imagerie Localisation des lésions: atteinte multifocale, souvent bilatérale mais asymétrique ; peut toucher le cerveau, le cervelet, le tronc cérébral et la moelle épinière ; atteinte prédominant à la SB sous corticale, aux centres semi-ovales et à la jonction SB-SG ; la SB périventriculaire peut être touchée également (30-60%) ; atteinte fréquente des noyaux gris centraux surtout les thalami, habituellement symétrique ; le corps calleux est rarement touché, généralement par extension d une large lésion de la SB hémisphérique.
Imagerie Dans notre série, une lésion du corps calleux objectivée sur l IRM a été corrélée à un mauvais pronostic (p = 0,036). En effet, le rôle d une atteinte calleuse dans les troubles de l état de conscience est bien connu en milieu de réanimation. Ce signe radiologique pourrait être un bon indicateur d un mauvais pronostic.
Imagerie-TDM Le scanner initial est normal dans environ 40% des cas. Il s agit le plus souvent de lésions hypodenses multifocales de la SB. Rehaussement possible sous forme punctiforme, nodulaire ou annulaire.
Imagerie-IRM L IRM est la technique de choix, avec une sensibilité supérieure à la TDM. Hypo ou isosignal en T1 et d un hypersignal en T2 mieux visible en séquence FLAIR. Généralement, lésions multifocales punctiformes ou floconneuses larges et étendues.
Imagerie-IRM Dans notre travail, la taille lésionnelle en IRM a été corrélée au pronostic (p = 0,001) avec une valeur seuil de 3,5 cm. L étendue des lésions radiologiques a été longtemps considérée comme facteur de mauvais pronostic sans qu une étude antérieure ne l ait démontrée statistiquement.
Imagerie-IRM A la phase aigue, les lésions sont tuméfiées avec un effet de masse possible mais habituellement modéré. Rehaussement des lésions dans environ 30% des cas, sous forme punctiforme, en mottes ou en anneau incomplet.
Imagerie-IRM La plupart des auteurs décrivent au stade aigu un hypersignal en séquence diffusion avec un ADC bas. L ADC s élève au stade subaigu de la maladie. L imagerie de perfusion ne montre pas d informations spécifiques. La spectroscopie protonique montre des anomalies peu spécifiques: baisse du NAA avec aspect normal des autres métabolites. On observe habituellement une disparition des anomalies métaboliques après résolution clinique et radiologique.
Imagerie-IRM Les lésions IRM au cours de l ADEM sont classiquement subdivisées en quatre groupes: groupe A : petites lésions < 5 mm ; groupe B : larges lésions de la SB (> 5 mm), confluentes parfois d aspect pseudo-tumoral ; groupe C : lésions de la SB, quelque soit la taille, s associant à une atteinte bi-thalamique symétrique ; groupe D : présence de lésions hémorragiques au sein des zones de démyélinisation définissant l encéphalomyélite aigue hémorragique. Cette classification lésionnelle ne paraît pas avoir de corrélation ni avec la sévérité du tableau clinique initial, ni avec le pronostic.
Diagnostic différentiel 1) Sclérose en plaques (SEP): Maladie chronique démyélinisante du SNC. Adulte jeune. Tableau clinique pauvre, monosymptomatique PL souvent normale. Présence de bandes d IgG oligoclonales dans le LCR.
Diagnostic différentiel-sep IRM: lésions bien limitées «en plaques». Atteintes périaqueducale, du corps calleux et de la SB péri-ventriculaire: caractéristiques. Atteinte de la SG: rare. Lésion médullaire: cervicale, petite taille, siège postéro-latéral au niveau du cordon. Le pronostic à long terme de la SEP est péjoratif comparativement à celui de l ADEM.
Diagnostic différentiel-maladies métaboliques 2) Maladies métaboliques: Leucodystrophies: anomalie de la substance blanche consécutive à une erreur innée du métabolisme ou de la structure de la myéline ; souvent péri-natale ; régression progressive des acquisitions psychomotrices; lésions de la SB, en hyposignal T1 et hypersignal T2 ; évolution vers l atrophie cérébrale et cérébelleuse.
Diagnostic différentiel-maladies métaboliques Mitochondriopathies: appartiennent aux poliodystrophies ; déficits enzymatiques variés situés dans la mitochondrie ; atteinte prédominante de la SG, atteinte associée de la substance blanche possible ; lésions bilatérales et symétriques sans atrophie.
Traitement Le traitement repose sur les corticoïdes malgré l absence d étude démontrant leur intérêt thérapeutique et pronostique. Bolus de méthylprednisolone à la dose de 10-30 mg/kg/24h sans dépasser 1g/24h, répété 3 à 5 jours, relayé par une corticothérapie orale pendant 4 à 6 semaines, puis décroissance progressive en fin de traitement.
Traitement Echanges plasmatiques: utilisés en cas d échec des corticoïdes, notamment au cours d une poussée sévère chez des patients hospitalisés en réanimation. Immunoglobulines intraveineuses: alternative chez les patients ne répondant pas ou ayant une contre-indication aux corticoïdes fortes doses. Anticonvulsivants.
Evolution L ADEM présente une bonne évolution clinique dans 70 à 90 % des cas. L évolution des lésions radiologiques se fait le plus souvent vers la régression et la disparition dans les 6 premiers mois. En cas de récurrence clinique, les lésions en IRM sont de même topographie mais peuvent augmenter de taille, sauf en cas d ADEM multiphasique. Au stade tardif, on observe parfois des séquelles à type de lésions cavitaires ou d atrophie parenchymateuse.
Points clés ADEM: maladie inflammatoire démyélinisante du SNC. Enfant > adulte. Diagnostic évoqué devant un tableau d encéphalite survenant au décours d une vaccination ou d une maladie infectieuse. L IRM, et particulièrement les séquences FLAIR et diffusion: clef du diagnostic positif. Elle doit être réalisée le plus tôt possible afin d instaurer à temps le traitement adéquat (corticoïdes). Taille lésionnelle en IRM > 3,5 cm et atteinte du corps calleux: possibles facteurs de mauvais pronostic. L IRM: rôle important dans le suivi des ADEM.
QCM 1 L encéphalomyélite aigue disséminée: A) est plus fréquente chez l enfant que chez l adulte. B) survient toujours au décours d une infection virale. C) se présente habituellement sous forme monosymptomatique. D) se caractérise par la mise en évidence de bandes oligoclonales d IgG dans le LCR. E) comporte des anomalies IRM (en FLAIR et diffusion) de façon constante.
QCM 2 Concernant les anomalies radiologiques au cours des ADEM: A) elles touchent fréquemment le corps calleux. B) elles peuvent intéresser le tronc cérébral. C) l atteinte médullaire est plus fréquente à l étage dorsal. D) elles peuvent toucher la SB péri-ventriculaire. E) les séquences FLAIR et diffusion sont les plus sensibles.
QCM 3 Les éléments suivants sont plus en faveur d une ADEM que d une SEP: A) l âge de survenue < 10 ans. B) présentation clinique polysymptomatique. C) atteinte du corps calleux. D) atteinte des noyaux gris centraux. E) la survenue de nouveaux signes cliniques à plus de 3 mois de l épisode initial.
Réponses QCM 1: AE QCM 2: BCDE QCM 3: ABD