Investir sur les matières premières



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LES TABLES R NDES DE FUNDS MAGAZINE Investir sur les matières premières En sortie de crise et alors que le développement des pays émergents bouleverse les cycles traditionnels, nombreux sont les investisseurs à s intéresser aux matières premières. Funds a réuni trois professionnels pour en savoir plus sur l intérêt de cette thématique et la façon d y investir. Emmanuel Painchault, responsable de la gestion actions matières premières, Edmond de Rothschild Asset Management Marlène Hassine, responsable de la stratégie, Lyxor ETF Jean-Jacques Ohana, président de Riskelia, société de conseil en intelligence des risques 37

Investir sur les matières premières En sortie de crise et alors que le développement des pays émergents bouleverse les cycles traditionnels, nombreux sont les investisseurs à s intéresser aux matières premières. Funds a réuni trois professionnels pour en savoir plus sur l intérêt de cette thématique et la façon d y investir : Marlène Hassine, responsable de la stratégie - Lyxor ETF ; Emmanuel Painchault, responsable de la gestion actions matières premières - Edmond de Rothschild Asset Management : Jean-Jacques Ohana, président de Riskelia, société de conseil en intelligence des risques. Faut-il investir sur les matières premières? Emmanuel Painchault, responsable de la gestion actions matières premières, Edmond de Rothschild Asset Management : Les matières premières sont souvent assimilées à un investissement de diversification, de protection contre l inflation ou contre la baisse du dollar,mais avant tout, il s agit d une thématique d investissement à part entière où l analyse des problématiques d offre et de demande conduit à penser que les marchés devraient continuer à bien se comporter à l avenir.avec la crise,la demande s est effondrée faisant oublier les problématiques d offre qui étaient sur le devant de la scène quand le baril de pétrole a dépassé les 100 dollars et le cuivre les 4 dollars la livre.la demande chinoise a redémarré, alors que les Etats-Unis et l Europe vont entrer dans une phase de restockage qui va créer une demande apparente,avant d être relayée par une demande réelle avec la reprise économique.on va alors commencer à se souvenir des problématiques d offre qui ne se sont pas améliorées pendant la crise.en deux ans, de nombreux projets, dans le secteur minier en particulier,ont été ralentis ou stoppé. Faute de nouvelles découvertes de gisements, quand la demande reviendra l inflation sur les prix se fera sentir du fait de fortes contraintes au niveau de l offre.cela se produira évidemment de façon différenciée selon les matières premières. Sur le pétrole,on ne retournera pas tout de suite au-dessus des 100 dollars le baril, mais à un horizon 3-5 ans, on peut l imaginer. Jean-Jacques Ohana, président de Riskelia, société de conseil en intelligence des risques : L émergence de la Chine sur le marché des matières premières depuis 2002-2003 constitue une réelle rupture.les cycles traditionnels sur les matières premières ont été cassés.même la crise ne constitue pas un cycle en tant que tel. Emmanuel Painchault : De 1975 à 2002,les marchés de matières premières étaient sous l emprise des cycles traditionnels de croissance des pays de l OCDE en phase de maturité.il n y avait pas de demande additionnelle.depuis,on est passé dans un cycle structurel de demande,lié à l urbanisation des pays émergents,marqué par des à-coups.cependant,le comportement des industriels sur les phases de stockage et déstockage s est transformé.les producteurs ajustent bien plus rapidement leurs niveaux de production et leurs stocks, permettant une reprise plus rapide des prix. Jean-Jacques Ohana : Il nous semble qu il faut distinguer deux classes au sein des matières premières :les ressources épuisables (énergie,métaux,métaux rares,etc.) dont on peut attendre une appréciation sur le long terme du fait des contraintes d offre et de la montée en puissance de la demande des pays émergents ;et les matières premières renouvelables comme l agriculture qui obéissent à des cycles d offre et de demande relativement courts.au niveau social,le positionnement long sur les marchés agricoles nous paraît peu acceptable,il est de surcroît non rentable en raison de l impact structurellement négatif du «roll» des contrats à terme agricoles. Certes,l agriculture doit faire face à des enjeux de long terme, notamment l augmentation nécessaire de l offre,le changement cli- 38

matique et l appauvrissement des sols. Cependant, il nous semble plus pertinent de jouer ces thèmes en investissant dans les sociétés qui fournissent des solutions aux agriculteurs : semenciers, producteurs d engrais (potasse), recherche et développement dans l agronomie. L investissement sur les producteurs et les fournisseurs de services peut s entendre dans une optique de long terme.dans le cadre des matières renouvelables,un investissement tactique et actif peut avoir du sens. Emmanuel Painchault : Sur la thématique agricole,il y a des besoins d augmentation de la production qui nécessitent une amélioration des rendements.a noter que le marché des céréales et produits tropicaux est très sensible à des facteurs que l on ne maîtrise pas comme la météo ou les décisions politiques, comme le fait de favoriser les biocarburants D une saison à l autre,les équilibres du marché agricole peuvent évoluer de façon importante,ce qui n est pas le cas des matières non renouvelables sur lesquelles les cycles d exploration et de production sont très longs. Nous préférons ainsi jouer la thématique agricole par le biais des producteurs d engrais. Jean-Jacques Ohana : Les critères sociaux et environnementaux prennent en effet de plus en plus d importance sur ces secteurs. Il faut également tenir compte de l impact réglementaire sur l investissement en instruments financiers sur les matières premières.il faut également penser aux conséquences sociales de ces investissements. Il y a au moins 200 milliards de dollars gérés sur les principaux indices de matières premières (GSCI et DJ UBS). Les investisseurs sur ces indices ne sont pas permanents. De l ordre de 70 milliards de dollars ont été retirés pendant la crise.ces flux ont des impacts sur les consommateurs de matières premières et sur l horizon d investissement des producteurs. Cela crée un risque systémique sur les marchés de matières premières. La crise a montré ce qui peut se passer lorsque la liquidité se tarit sur ces marchés. Marlène Hassine, responsable de la stratégie Lyxor ETF : Les ETF ont bénéficié de ces préoccupations des investisseurs au niveau de la liquidité. Nous avons connu une croissance de 200 % des encours des ETF en Europe sur cette classe d actifs en 2009, notamment du fait de la sécurité sur leur liquidité. Comment investir sur les matières premières? Emmanuel Painchault : Jouer les matières par le biais des actions peut permettre de profiter d un levier démultiplicateur d une hausse des cours sur les résultats des entreprises du secteur, une fois les coûts fixes absorbés. Du fait des contraintes sur l offre,il existe aussi un facteur spéculatif lié à d éventuelles opérations de fusions et acquisitions sur des marchés où les intervenants sont à la recherche de réserves supplémentaires.ainsi sur le secteur pétrolier, on préférera des sociétés d exploration production qui pourraient être les cibles de rachats, plutôt que les grands groupes intégrés.il faut toutefois tenir compte sur ce type de sociétés du risque important inhérent à leur activité d exploration qui ne débouche pas toujours sur la découverte et l exploitation de gisements à hauteur des prévisions.les mouvements de cours de bourse peuvent être très violents. D où la nécessité de bien diversifier ses investissements sur une cinquantaine de lignes. Dans le cadre d un investissement boursier,on est également soumis à l impact des flux d investissement sur des segments de marchés qui peuvent être relativement étroits.pendant la crise,les cours des sociétés du secteur de l or ont été mis sous pression par les flux sortants du marché des actions. Si on fait la somme des capitalisations des sociétés aurifères, on arrive à moins de 1 % du MSCI World. C est un petit secteur qui est très sensible aux flux.les titres du secteur ont perdu de l ordre de 40 % entre septembre et novembre 2008. Ensuite, les niveaux de valorisation aberrants ont été rapidement corrigés. Aujourd hui, les valorisations restent attractives. Si on devait revenir à la moyenne historique de valorisation des titres par rapport au cours de l or,il faudrait que l or perde 30 % ou que les titres gagnent plus de 40 %, ce qui nous fait dire que les titres des valeurs aurifères recèlent un important effet de levier potentiel par rapport au cours de l or. Emmanuel Painchault, responsable de la gestion actions matières premières, Edmond de Rothschild Asset Management «LES MATIÈRES PREMIÈRES SONT SOUVENT ASSIMILÉES À UN INVESTISSEMENT DE DIVER- SIFICATION, DE PROTECTION CONTRE L INFLA- TION OU CONTRE LA BAISSE DU DOLLAR, MAIS AVANT TOUT, IL S AGIT D UNE THÉMATIQUE D INVESTISSEMENT À PART ENTIÈRE.» 39

Marlène Hassine : L investissement en matières premières est un investissement risqué.au sein des actions, le secteur porte un risque particulier qui se traduit par une volatilité supérieure aux marchés actions dans leur globalité. Sur les matières premières, il est important de bien connaître les différents outils dont on dispose et d analyser les configurations de marché dans lesquelles on doit privilégier les uns ou les autres. La classe d actifs au sens large va des actions aux ETC, indexés sur la valeur d une seule matière première par le biais des contrats futures, en passant par les ETF, fonds investis sur des indices diversifiés de matières premières. Certains indices sont plus ou moins pondérés sur l énergie. Il faut en tenir compte dans le choix de l indice sur lequel on intervient. Notre analyse des flux sur les instruments financiers de matières premières sur le marché américain montre que l essentiel des encours se porte sur les instruments mono-matières (ETN, ETC) et plus particulièrement sur les métaux précieux. Ces produits ont ouvert l accès à un éventail très large d investisseurs, notamment les particuliers qui représentent aux Etats-Unis quasiment la moitié du marché. Il y a un véritable souci de diversification des portefeuilles au-delà des investisseurs privilégiés. On commence à voir ces tendances se développer en Europe où 2/3 du marché se concentre sur les mono-matières premières et 1/3 sur les indices globaux. L investissement dans les indices globaux répond à des préoccupations de diversification et de protection contre l inflation. Les utilisateurs professionnels ou institutionnels d ETF se dirigent plutôt vers les actions des secteurs des matières premières (energy, oil and gaz, basic ressources ). De leur côté, les investisseurs qui n ont pas accès aux futures, se portent vers les indices. Jean-Jacques Ohana, président de Riskelia, société de conseil en intelligence des risques «LES MATIÈRES PREMIÈRES SONT AUJOURD HUI BEAUCOUP PLUS CORRÉLÉES AUX AUTRES CLASSES D ACTIFS RISQUÉS QU AUPARAVANT. LES PRIX S EXPLIQUENT BEAUCOUP MOINS DIRECTEMENT PAR LES FONDAMENTAUX DU FAIT DE L IMPACT CROISSANT DES FLUX.» 40 Comment mesurer l impact de la spéculation sur les marchés de matières premières? Jean-Jacques Ohana : Les indices représentent de l ordre de 200 milliards de dollars et les ETP 50 milliards dont 1/3 d ETF. L ensemble des ETP sur l or représente aujourd hui l équivalent des réserves d or de la sixième banque centrale. Du fait des mécaniques spéculatives sur les instruments financiers de matières premières, on constate une augmentation importante de la corrélation entre l évolution des différents sous-jacents, notamment en période de crise. Quand on investit sur les matières premières, il faut savoir que l on prend le risque de s exposer à des pertes en capital importantes, au-delà de la simple volatilité. Les matières premières sont aujourd hui beaucoup plus corrélées aux autres classes d actifs risqués qu auparavant.les prix s expliquent beaucoup moins directement par les fondamentaux du fait de l impact croissant des flux. C est assez compliqué à suivre. Il faut en avoir conscience. Il n y a pas de méthode miracle pour détecter les bulles et leur éclatement. Les phénomènes moutonniers au-delà des fondamentaux offre/demande brouillent l analyse. On est en terrain miné sur cette classe d actifs. A titre d exemple, on constate ces derniers mois une décorrélation importante entre prix et stocks sur les métaux de base avec une augmentation importante des stocks (nickel, aluminium, etc.) et une augmentation très importante des prix. C est un phénomène assez inédit. Il nous semble que ces stocks sont la contrepartie physique des investissements massifs sur les instruments de matières premières (ETN, ETC, etc.). Les vendeurs étant des acteurs physiques sur ces marchés qui stockent la contrepartie aux investissements en futures. Cette anomalie peut durer longtemps. C est ce que l on constate sur le marché de l or. Ces métaux deviennent ainsi des valeurs de réserve au-delà de la valeur d usage, dans le cadre d une stratégie patrimoniale pour les matières faciles à stocker. Cela induit un risque systémique plus important, si ces stocks devaient sortir un jour. Cela peut conduire à une succession de krachs et de bulles dans le cadre d une tendance structurellement haussière. L argument de la décorrélation des matières premières dans ce cadre perd de sa validité.

L investissement sur les matières premières peut-il servir de protection contre l inflation? Marlène Hassine : Sur les flux que nous observons, nous comprenons qu une grande partie de l intérêt pour les ETF de matières premières est liée à un désir de protection contre l inflation. Nous constatons en parallèle beaucoup d intérêt sur les obligations indexées inflation. La thématique des matières premières est également liée à celle des pays émergents. On voit des stratégies se mettre en place sur les ETF pour jouer les pays producteurs contre les pays consommateurs. Emmanuel Painchault : On parle souvent de l or pour se protéger de l inflation. Mais la protection n est réelle que dans le cas d une hyperinflation, beaucoup moins si celle-ci est contenue. Jean-Jacques Ohana : L or est passé de 400 dollars à 1 100 dollars l once sans aucune inflation. Ce qui est important sur l or,ce n est pas l inflation, mais le niveau des taux réels. Emmanuel Painchault : En effet,quand les taux réels sont inférieurs à 2 % la configuration de marché est particulièrement favorable à l or.aujourd hui, les taux réels sont nuls voire négatifs, ce qui est positif pour l or qui n a pas de rendement et ne verse pas de coupon et qui prend tout son intérêt quand les autres classes d actifs ne rapportent rien. Jean-Jacques Ohana : On peut très bien avoir une inflation globale faible et une inflation des matières premières élevée.les forces déflationnistes à l œuvre dans les pays de l OCDE actuellement sont très puissantes. Un investisseur peut tout à fait gagner de l argent sur les matières premières sans que ne se manifeste d inflation globale. Sur quelles thématiques faut-il se positionner? Jean-Jacques Ohana : Il faut cibler les vecteurs d investissement les plus porteurs : métaux précieux, métaux de base,produits pétroliers. Miser sur les explorateurs-producteurs nous semble également très cohérent.ce qui compte pour les producteurs ce sont les réserves disponibles et sécurisées sur le long terme. Emmanuel Painchault : Les investisseurs particuliers sont susceptibles d avoir un point de vue sur les sousjacents les plus visibles comme l or ou le pétrole,ce qui leur permet d intervenir sur des instruments monoproduits.ceux qui n ont ni le temps, ni la connaissance iront plutôt sur les indices,et achèteront à cette occasion des sous-jacents dont ils ne veulent pas forcément.en tant que gérant,je peux aller dans le détail de la sélection des matières premières et des profils des sociétés. Dans le domaine des matières premières,il faut être capable d ajuster ses positions et ses anticipations à tout moment. Nous croisons les approches «top-down» d analyse des fondamentaux des différentes matières premières et «bottom-up» de sélection des sociétés pour déterminer nos investissements.il faut également savoir profiter des mouvements tactiques ou saisonniers de marché,comme dans l or ou le domaine du raffinage de pétrole. Marlène Hassine : La valeur ajoutée qu un gérant actif est susceptible d apporter ne se retrouvera évidemment pas dans un indice. C est en termes d outils complémentaires qu il faut aborder la gestion passive selon les configurations de marché et la valorisation relative des marchés d actions ;ou selon les stratégies de portefeuille (alpha,bêta).la multiplication des instruments qui rendent possible l investissement sur les matières premières conduit à attirer l attention des investisseurs sur cette classe d actifs et pourrait bien les amener globalement à renforcer leur exposition que ce soit en gestion active ou passive.aujourd hui,les matières premières représentent encore une part restreinte des encours du marché des ETF en Europe,de l ordre de 4 milliards sur 150 milliards. Propos recueillis par Guitel Cohen-Cebula Marlène Hassine, responsable de la stratégie, Lyxor ETF «UNE GRANDE PARTIE DE L INTÉRÊT POUR LES ETF DE MATIÈRES PREMIÈRES EST LIÉE À UN DÉSIR DE PROTECTION CONTRE L INFLATION. LA THÉMATIQUE DES MATIÈRES PREMIÈRES EST ÉGALEMENT LIÉE À CELLE DES PAYS ÉMERGENTS.» 41