L observatoire de l innovation en assurance

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Transcription:

[dossier] sommaire 50 Observatoire 2012 : remettre l innovation sur le dessus de la pile 54 Cinq priorités en matière d innovation 58 Le pari de l humain et du dialogue 62 Laurent Deganis, associé de Kurt Salmon : «Accélérer le rythme d innovation» 64 Une forte attente sur les tarifs L observatoire de l innovation en assurance Comment apprécier l innovation en assurance? Jamais encore cette thématique n avait été explorée. L Argus de l assurance s est associé à l Institut des actuaires, à Kurt Salmon et à Opinion Way pour élaborer le premier Observatoire de l innovation en assurance. L approche se veut la plus large possible : assureurs, actuaires comme clients ont été interrogés sur leur perception dans ce domaine, leurs critères de choix, leurs préoccupations. Sans oublier les leviers qui permettront de faire avancer cet enjeu stratégique pour le secteur. Car, quand viendra la sortie de crise, ceux qui n auront pas investi en la matière seront les perdants. L A rgus de l A s s u r a nc e. 0 0 moi s 2011. a rg usdelassu ra n ce. com 49

n Le climat général actuel apoussé L Argus, l Institut desactuaires,lecabinet de conseilkurtsalmonet Opinion Way às interroger sur laplace de l innovation dans l assurance. Ainsi est né l Observatoire de l innovation en assurance. en voici donc le premier rendez-vous. observatoire 2012 Remettre l innovation sur le haut de la pile nfrpictures - Fotolia Les assureurs sont formels, l innovation est un enjeu stratégique pour leur secteur. Delààdire qu il s agit d une préoccupation importante,ilyungrand pas que beaucoup ne franchissent pas. Voilà une posture qu il convient de rapprocher de positions, certes hétéroclites,mais particulièrement audibles dans le contexte actuel. Il yaunan, disparaissait Steve Jobs et, avec lui, une certaine dynami que créative qui semble aujourd hui manquer à Apple. Aussi, comment ne pas penser àcette phrase qu il se plaisait à répéter: «L innovation n arien àvoir avec la somme que vous êtes en mesure de dépenser en recherche et développement. C est une affaire depersonnes, de comment vous êtes dirigés, et de quelle énergie vous y mettez.» Les paroles d un entrepreneur ont toujours plus de poids que celles qui émanent d observateurs.néanmoins,il n est pas inutile de citer Gary Hamel, gourou américain du management, fondateur du cabinet Strategos et intervenant àharvard. Selon lui, «à court terme, il existe plusieurs types d alternatives à l innovation: réduire les coûts, faire des acquisitions ou racheter ses actions. Mais àmoyen et long terme, il n ya pas d alternative». Enfin, les circonstances économiques et financières actuelles obligent les pays européens,et la France en premier L Argus del AssurAnce.n 7294.14décembre2012.argusdelassurance.com 50

lieu, às interroger sur le rôle que l innovation doit pouvoir jouer dans une perspective desortie de crise. Or, les données de la Commission européenne, del Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou celles publiées lors de la Conférence nationale de l industrie (CNI) de février 2012 sont édifiantes: la France a consacré 2,26%de son PIB àlar&d,contre 2,78% en Allemagne ou 3,62% ensuède. Seules 40%des entreprises industrielles de l Hexagone sont innovantes,alors qu elles le sont à 50% en Suède et à53% en Finlande. Enfin, l innovation non technologique ne concerne que 23%des entreprises françaises,contre 47% en Allemagne et 60%au Japon. Notre pays d ingénieurs ne devraitil pas revoir sa définition de l innovation et opter pour celle proposée par la CNI: «L innovation est aujourd hui composite et ne se réduit pas àlaseule dimension technologique. Elle intègre aussi bien l amélioration des processus ou de l organisation, que le design [ ], l innovation sociale ou encore le développement de nouveaux modèles économiques.» L invention à la peine Ce contexte favorable àl innovation n a pas échappé aux dirigeants d entreprise qui, selon le Boston Consulting Group (BCG) (1),sont quelque 70%à la placer dans leur trio de tête des priorités. Mieux, ils sont 84% àconsidérer qu elle est un élément vital pour bénéficier de la reprise.en créant l Observatoire de l innovation en assurance, L Argus de l assurance, l Institut des actuaires, lecabinet de conseil Kurt Salmon etopinionway ont souhaité installer un rendez vous annuel permettant de prendre le pouls de l innovation, dans un milieu où les circonstances et les spécificités des métiers n en font pas toujours une priorité. «Il existe un une prise en compte qui n est pas à la hauteur de l enjeu Appréciation par les dirigeants et les actuaires du secteur de l assurance de l importance stratégique de l innovation et leur préoccupation à cet égard(réponses en%) L innovation est un enjeu important dirigeants 54 actuaires 62 39 36 les actuaires perçoivent plus fortement que les dirigeants l importance de la dimension capitale de l innovation pour l avenir. conservatisme des acteurs du secteur. Lepionnier en assurance, contrairement à celui de l industrie, ne récolte aucune reconnaissance de ses pairs», estime Jacques de Peretti, directeur général délégué d Axa France,qui ne fait qu exprimer tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Plus positif, mais néanmoins sur la réserve, Pierre Blachon, directeur général adjoint du groupe de protection sociale B2V, considère que «l innovation 7 2 dirigeants actuaires Étude qualitative et quantitative réalisée sur la base d un échantillon constitué de membres de l institut des actuaires et de dirigeants d entreprises de l assurance. 0 0 11 est un élément stratégique, mais pas une stratégie en soi». L observatoire a permis de mettre en lumière un écart entrel opinion des dirigeants et celle des actuaires. Si ces derniers sont 62,2%à estimer que l innovation est un enjeu stratégique pour le secteur (voir graphique ci dessus), les dirigeants ne sont que 54%. Mais le vrai décalage apparaît sur l importance de la «préoccupation innovation». Là, les dirigeants partagent leur L innovation est une préoccupation importante 28 43 43 46 26 source: observatoire de l innovation en assurance opinion àégalité entre les «plutôt» (43%) et les «plutôt pas»(43%), ne laissant qu une portion congrue aux extrêmes. De leur côté, les actuaires sont 74 % «tout àfait»ou«plutôt» sur cet item. Sans surprise, donc, l opinion des dirigeants est contrastée quant à l avancée de l innovation dans l assurance:54%sont «plutôt» mais 39 %«pas» avec l idée que le secteur 3 0 de même, les actuaires sont plus nombreux que les dirigeants à vouloir passer à la pratique. L Argus del AssurAnce.n 7294.14décembre2012.argusdelassurance.com 51

connaît une rupture, voire une accélération dans sa dynamique de création. Ainsi, Catherine Kerrevel, directrice générale de La Banque postale assurance santé, considère que «cette accélération n est pas de la seule initiative des assureurs, mais davantage due àl intensification du changement de l environnement et du marché de l assurance, qui leur est imposée, notamment, par l exigence du client dans un milieu très concurrentiel». Avis partagé par beaucoup, dont Xavier Larnaudie Eiffel, directeur général adjoint de CNP assurances, qui lance: «Larupture est moins dansl innovationquedanslesconditions de marché.» En revanche, Jean François Lequoy, délégué général de la Fédération française des sociétés d assurances (FFSA) défend la branche,convaincu que «l innovation dans l assurance est moins visible, moins fulgurante qu ailleurs. Pourtant, le secteur crée en permanence, car il est particulièrement concurrentiel». Changements marginaux Loin de revendiquer des innovations de rupture même s ils sont convaincus que la bancassurance, les réseaux de soins ou les courtiers grossistes en furent, les acteurs du marché considèrent que celles d aujourd hui relèvent davantage d innovations incrémentielles, autour du produit et non pas en son cœur, ou encore de réactions à l environnement réglementaire. Norbert Bontemps, directeur de l assurance santé individuelle de Groupama, analyse ainsi la situation: «L assurance est un secteur très réglementé, qui nécessite des adaptations fréquentes aux changements réglementaires. Cela ne favorise pas la réflexion sur des projets d innovation de rupture.» Sylvain Coriat, directeur des assurances de personnes chez Allianz France, complète: «En assurance Manao studio " l innovation dans l assurance est moins visible, moins fulgurante qu ailleurs. pourtant,le secteur crée en permanence, car il est particulièrement concurrentiel. " Jean-François Lequoy, délégué général de la Fédération française des sociétés d assurances 61% de ses dirigeants pensent quel assuranceconnaît uneaccélérationdans sa dynamique d innovation. (source: observatoire de l innovation en assurance.) " en assurance vie,les contraintes réglementaires rendent la nouveauté produits difficile. résultat, l innovation porte plus sur les services annexes au contrat,comme la possibilité d obtenir un prêt avantageux en nantissant un contrat. " Sylvain Coriat, directeur des assurances de personnes chez Allianz France vie, les contraintes réglementaires rendent la nouveauté produits difficile. Résultat, l innovation porte davantage sur les services annexes au contrat, comme la possibilité d obtenir un prêt avantageux en nantissant un contrat.» La distribution, la relation client, l organisation, les process tels sont les domaines sur lesquels s exerce l innovation. Stéphane Dedeyan et Bertrand Boré, directeur général et directeur du développement de Generali France, soulignent que les débats autour de cette thématique concernent souvent «l approche du client, c est à direlamanièredecommuniquer avec lui». Enfin, sans revenir sur l argument habituel portant sur l absence de protection par un système de brevets,paolo Crestani, directeur du pôlerisques et solutions au sein de la direction des grandes entreprises chez Gras Savoye,rappelle néanmoins qu «il est difficile de créer des avantages compétitifs, car tous les acteurs développent le même produit au même moment». D autres raisons viennent justifier une certaine frilosité. Tout d abord, le fait que le métier repose avant tout sur la pertinence des placements financiers,la bonne tarification des garanties et l efficacité opérationnelle. Le poids du stock dans les résultats,qui crée de l inertie,semble lui aussi forcer à un certain immobilisme. Selon Laurent Deganis,associé de Kurt Salmon en charge de la practice assurance,le caractèrecontractuel de l activité, ainsi que la durée de vie des contrats,entraînent un effet largement marginal de l innovation sur le résultat de l entreprise. arnaud Fevrier/MerGeo «Contrairement à d autres industries, celle de l assurance n a pas subi de bouleversements tels qu elle ait été contrainte dese réinventer radicalement, considère Stéphane Guinet, CEO d Axa Global Direct. Néanmoins, l accélération des mutations récentes, en particulier celles liées au numérique et aux nouvelles attentes des clients, va probablement créer des ruptures plus profondes dans les années à venir et obliger les assureurs à innover plus sérieusement, s ils ne veulent pas être dépassés par d autres types d acteurs.» Réveil indispensable Bien qu installés dans leur «zone de confort»,les assureurs semblent sur le point de changer d opinion vis à vis de l innovation. Certains vont même jusqu à évoquer une condition de survie. D autres, plus mesurés dans leur analyse, estiment qu il en va de leur différenciation. Néanmoins, l Observatoire de l innovation en assurance s est efforcé de les interroger sur les bénéfices attendus lorsqu ils s engagent dans la création. La productivité et la différenciation sortent largement du lot, avec, respectivement, 71% et64% des acteurs qui formulent cette attente (voir graphique en page de droite). Parmi eux, Patrick Degiovanni, directeur général adjoint de Pacifica, affirme que «l innovation est indispensable pour faire face àlacontraction des marges résultant d un marché mature oùle nombre d acteurs ne diminue pas». En revanche, les quêtes d image et de notoriété ferment, et de loin, la marche avec seulement 21 % d attentes prioritaires. Les effets de la crise sur les rendements des actifs,ainsi que l incertitude fiscale ambiante y compris sur l assurance vie entretiennent un climat accentué par une confiance des consommateurs L Argus del AssurAnce.n 7294.14décembre2012.argusdelassurance.com 52

innover pour être plus efficace et plus compétitif le secteurdel assuranceconnaît unerupture ou lesprincipauxbénéficesescomptés de leurs efforts d innovation accélérationdansladynamique d innovation(%) parles dirigeants du secteurdel assurance(réponsesen%) 7 54 39 une grande majorité de dirigeants de l assurance pensent que les choses bougent en matière d innovation. ils en attendent avant tout un gain de productivité et un moyen de différenciation concurrentielle. source: observatoire de l innovation en assurance dans la finance en général qui se trouve largement écornée. Parallèlement, les progrès technologique et l «hypercommunication» modifient l approche des clients au point de risquer de mettre 0 Productivité, efficacité Différenciation, compétitivité Attractivité des offres, services Maîtrise des risques Relais de croissance Image, notoriété 21 35 en danger la profession au regard de son devoir de conseil. Telest démarche de veille et en situation d innover, l assureur prend le risque n Anne LAvAud de se voir reprocher par ses l opinion de Patrick Burguet 1.«innovation2010: areturntoprominence Stefani, responsable recherche et clients de ne pas l avoir mis en andtheemergenceofanewworldorder», bostonconsultinggroup(innovation2010: développement chezverspieren: garde contre d éventuels risques retouraupremierplan,alorsqu émerge «À défaut de s inscrire dans une nouveaux qui ne seraient pas cou unnouvelordredu monde). verts par le marché.»avis renforcé par l analyse d Alain Rouché, directeur santé àlaffsa, qui insiste même en estimant que «plus les assureurs s éloignent de la prise en charge de l aléa, moins ils remplissent leur rôle fondamental». Convaincu que la voie de la création est la meilleure, Stéphane Dedeyan conclut sans appel : «L adaptation de l offre aux nouvelles conditions de marché passe par l innovation.» L Observatoire de l innovation en assurance s engage àréitérer son enquête dans les années à venir afin de vérifier si cette stratégie est en effet la bonne voire la seule. 53 50 64 71

[DOSSIER] La meilleure façon de ne pas créer,c est sans doute celle qui consiste àparlerdel innovation avec un grand «i»sans se fixer ni objectif ni priorité.l Observatoire de l innovation en assurance a,pour cettepremièreédition, établit les cinq priorités quiesquissentune stratégiegagnante. L INNOVATION EN CINQ PRIORITÉS 1L approcheclient 2Ledigital 3L expérience client 4Lamodélisation desrisques 5 Les nouveaux risques Cinq priorités en matière d innovation Si l analyse des verbatims recueillis à l occasion des entretiens menés par Kurt Salmon laisse réellement apparaître l importance de ces cinq priorités,l ordre dans lequel elles doivent intervenir relève évidemment de la stratégie de chacun. Le classement àsuivre nerépond donc pas àune logique hiérarchique, même sibeaucoup yont vu le choix du bon sens! L approche 1client Aucun moment n est plus orienté vers le client que les périodes de crise! En effet, il n est plus question de flatter le prospect à coup de gadgets, ils agit de répondre efficacement àses problématiques du moment :les tarifs, en IARD ;l assurance de conserver son capital, en vie. Laconfiance étant mise àmal, depuis bientôt cinq ans,le mot d ordre est de rassurer et, surtout, d informer. Mais attention, le parti pris est la transparence, aussi convient-il de remettre le risque et l aléa au cœur de la proposition de valeur présentée au client. «Ilfaudrait responsabiliser davantage le client, afin qu il prenne réellement conscience de l importance du produit assurantiel», estime un acteur majeur dans l assurance vie.néanmoins,les bases de cette confiance revisitée sont ambitieuses :accompagner le client, du début àlafindelavie du contrat; globaliser ses besoins en assurances et le guider dans ses choix et décisions de couverture. Dire que le monde devient digital est désormais d une banalité affligeante. Mais ne pas le dire consisterait à nier une réalité qui s impose comme une problématique majeuredans de nombreux secteurs, dont l assurance. Car, àentendre les acteurs du marché, le numérique est un must have et non plus un nice to have, etd autres vont plus loin en estimant qu il ne peut plus prétendre être une innovation tant il est «unprérequis» sans lequel l avenir se révèle incertain. «Il faut remettrelachaîne de valeur à plat en se tournant vers le digital», confie un acteur majeur usant de tous les canaux de distribution. Le cas particulier des réseaux sociaux est intéressant dans ce contexte.le tableau page suivante montre une grande disparité dans la mobilisation des acteurs.néanmoins,comment se passer de cette interaction qui donne la possibilité de récolter des données fines et segmentées sur les clients et d obtenir rapidement leurs réactions en direct? 2 Le digital Repenser 3 l expérience client "L assurance santé est l un des domaines les plus amenés àsetransformer." Un professionnel de l assurance Le vieillissement de la population et ses conséquences n ont pas échappé aux acteurs de l assurance. Aussi repositionnent-ils tous leurs offres en yincluant un volet service qui, bien présenté, peut permettre d installer la différenciation tant recherchée dans le climat concurrentiel actuel. Compagnies, mutuelles d assurances,mutuelles santé, bancassureurs, courtiers tous se retrouvent autour de cette question et cherchent à déterminer les attentes des clients,et surtout le prix qu ils sont prêts à mettre pour les satisfaire. «L assurance santé est l un des domaines les plus amené à se transformer,notamment avec les services àlapersonne et l automédication», estime un professionnel qui fait autorité, tandis que d autres soulignent que le «serviciel» est un terrain sur lequel il est le plus aisé d innover, car peu soumis aux freins et aléas réglementaires. En L ARGUS DE L ASSURANCE. N 7294. 14 décembre 2012. argusdelassurance.com 54

[DOSSIER] revanche,le business model se cherche toujours: intégrateur, agrégateur ou producteur de services, le sujet n est toujours pas tranché. La modélisation 4 desrisques Connaître les risques pour mieux lesanticiper,lesmaîtriseretlestarifer au plus juste, tel est, ni plus ni moins,le cœur du métier de l assurance. Unfondement majeur qui s inscrit pourtant parmi les priorités en matière d innovation, principalement en raison de l évolution des contraintes réglementaires, l Europeétantdevenuechampionne dans l art demultiplier les exceptions et les limites (âge, genre, état desanté...).«contrairementàl innovation produit ou à la création d un nouveau service facilement copiable et non brevetable, la nouveauté dans la segmentation des risques techniques et financiers est de nature à procurer à son auteur un avantage compétitif durable», selon un actuaire. Pour faire lepont avec les nouvelles technologies,les spécialistes estiment cruciale,par exemple,l exploitation des smartphones comme capteurs d informations sociales et comportementales. Les nouveaux 5 risques Le champ est vaste, voire illimité: cybercriminalité, catastrophes naturelles,risques climatiques,environnementaux et financiers, ou, plus proche de nous, ladépendance Les sujets ne manquent pas, etles enjeux sont colossaux, à entendre les prévisionnistes qui alignent des chiffres inquiétants lorsqu ils évoquent le coût sans cesse croissant des catastrophes naturelles ou environnementales, voire lorsqu ils mesurent le risque dépendance auquel les États seuls ne pourront suffire. Or, l assurance a montré àdemultiples reprises qu elle ales moyens de repousser les limites de «l assurabilité», comme elle l adéjà fait pour le terrorisme ou la prise en compte de certaines affections de longue durée (ALD). Un domaine qui fait aussi intervenir la force innovatrice, souvent méconnue,des réassureurs. A. L. SEULS QUELQUES ASSUREURS SORTENT DU LOT SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX RANG ASSURANCES SUR FACEBOOK FANS* 1 MMAZéro tracas, MMA 88172 2 Cerise de Groupama 37 566 3 Les Experts Malakoff-Médéric 21 428 4 La Thér Happy par le sourire de la Mutuelle générale 12 259 5 Aviva 11 272 6 MACSF 7 487 7 Défi Allianz 6 511 8 Euro-Assurances 5194 9 Mutuelle des motards 3 090 10 Swiss Life 1 586 RANG ASSURANCES SUR TWITTER ABONNÉS* 1 @AGR2RLAMONDIALEc 4 709 2 @AXAFrance 2 058 3 @generalifrance 1571 4 @ASSU2000 941 5 @euroassurance 872 6 @allianzfrance 620 7 @bnpp_cardif 559 8 @La_LMDE 525 9 @MASCF_Groupe 514 10 @mutuellemotards 414 * Chiffres d avril 2012. Les assureurs ont du mal à «décoller» sur les réseaux sociaux. Ainsi, sur Facebook, ils ne sont que cinq à dépasser les 10000 fans. Sur Twitter, c est encore plus flagrant. Pourtant, il est impossible aujourd hui de négliger ces médias qui permettent de recueillir les réactions des clients en direct. RETOURS D EXPÉRIENCES:LA PREUVE PAR L EXEMPLE 1 1 APPROCHE CLIENT ÉTATS-UNIS PROGRESSIVE Avec son programme enligne Name your price, Progressive(l un des cinq principaux assureurs auto outre-atlantique)ainvité ses clients àétablir eux-mêmes le montant delaprime de leur assurance auto. Cette offre inédite est intervenue en 2009,alors que la crise commençait àsefaire fortement ressentir sur les tarifs auto.eninversant le schéma traditionnel qui consiste àceque l assureur fixe leprix de l assurance etenredonnant au client le pouvoir de maîtriser son budget, Progressive anon seulement augmenté le nombre de souscriptions enligne, mais également recueilli des informations précieuses sur lecomportement duclient en question! APPROCHE CLIENT ALLEMAGNE IDEAL VERSICHERUNG Acteur historique del assurance enallemagne, IdealVersicherung fêterases 100ans en 2013. Fort de son expérience,l assureur achoisi,en 2010,deconcentrersastratégiederecrutement sur lacible des plus de55ans aisés.cechoix aconditionné une nouvelle approche del offre, mais aussi desadistribution:disponibilité des conseillers, entretiens en face àface... Bref, une priseencompteglobaleetpointue desbesoins, mais égalementdes soucis de cette population. 3 SERVICIEL FRANCE HISCOX En 2011,Hiscox France alancé un service d auto-évaluation des risques pour les PME.Une cibleque l assureur connaît bien elle représente plus de 60%deson portefeuille client et dont il peut mesurer la vulnérabilité en période de crise. Les chefs d entreprise ont apprécié l ouverture du site mon-risque-entreprise.com qui permet l estimation,par eux-mêmes,de la nature et de l intensité des risques auxquels ils sont exposés. 4 MODÉLISATION DES RISQUES ESPAGNE MAPFRE Afin de mieux comprendre l impact des facteurs psycho-physiques dans lasinistralité auto chez les jeunes, Mapfre amenéune étude auprès de 16 000 jeunes conducteurs. Tout aété passé aucrible,ycompris de nouveaux facteurs de risques, tels que lenombre de kilomètres parcourus,lavitesse, la conduite de nuit,letype deroute... Autant de données qui, analysées, ont permis d établir une typologie riche d enseignements pour la gestion duportefeuille client. L ARGUS DE L ASSURANCE. N 7294. 14 décembre 2012. argusdelassurance.com 56

n L innovation ne se satisfaitpas de beaux discours. Elle nécessite des objectifs,des actes, des résultats et un retour surinvestissement. Aussi les assureurs doivent-il relever certains défis pour mettre en ordre demarche leurs stratégies d innovation. C estl undes enseignements de l Observatoire de l innovation en assurance. lesdonnées,nerfdelaguerre Selon vous, quel est le frein principal à l innovation en actuariat?(réponses en%) 21 Réglementaire* 47,1 Qualité des données** 9,2 Traitement des données*** 22,7 Autres * Confidentialité, données discriminatoires... ** Fiabilité, complétude, historique... *** Capacités de calcul... Selon les actuaires, maîtriser les données, tant en termes de quantité que de qualité, permettra de lever une partie des freins à l innovation en assurance. la rechercheexiste... En tant qu actuaire,êtes-vous suffisamment informés des travaux de recherche en actuariat?(réponses en%) 8,4 54,6 34,5 2,5 SOURCE: OBSERVATOIRE DE L INNOVATION EN ASSURANCE défis à venir Le paridel humain et du dialogue Selon le rapport réalisé par le Boston Consulting Group (BCG), la sélection des projets d innovation pose problème à 43% des dirigeants et leur commercialisation à61%d entre eux. C est dire si le premier frein vient d en haut, ce qui ne facilite pas la création d une vraie culture de l innovation. «Or, nous savons d expérience qu elle est indispensable pour mobiliser les équipes autours de projets novateurs, explique Laurent Deganis, associé en charge de la practice assurance chezkurtsalmon (lire aussi p. 62). Indiscutablement, quel que soit le secteur d activités, les cultures du statu quo et de la prédictibilité constituent les principaux obstacles à l innovation.» Un immobilisme aux racines multiples. La crise, tout d abord. Tandis que certains, sous le couvert del anonymat, jugent que la transformation d une nouveauté en modèle économique viable est compliquée, d autres, tel Patrick Degiovanni, directeurgénéraladjoint de Pacifica, estiment qu «une innovation "si l innovation fait partie intégrante de notreadn, ce sont les collaborateurs, à travers la voix du client,qui y contribuent le plus." Nelly Brossard, directrice générale déléguée d Amaline assurances nécessite de multiples échecs préalables. Mais les acteurs ont peu de moyens actuellement à consacrer à l innovation et àlar&d,au retour sur investissement incertain». L échec peut être apprécié... comme un succès Autre raison, d ordre psychologique, mais commune àtous les secteurs: lapeur de l échec. Elle est soulignée par Catherine Kerrevel, directrice générale de La Banque postale assurance santé, qui considère que «l une des difficultés de l innovation, c est d accepter de se tromper». Olivier Girard, directeur du marketing, stratégie et innovation chez April, va même plus loin lorsqu il considère qu il faudrait «réussir à faire qu en termes de nouveautés, l échec L ARGUS DE L ASSURANCE. N 7294. 14 décembre 2012. argusdelassurance.com 58

... mais les résultats doivent être utilisés Les résultats des travaux de recherche en actuariat sont suffisamment mis à profit dans le secteur de l assurance. êtes-vous... (réponsesen%) 2,5 29,4 63,9 soit envisagé comme un succès!». Bref, pour faire bouger les lignes, il ne reste donc qu à insuffler un vent d innovation àtous les niveaux de l entreprise afin qu elle s impose comme une évidence. Le collectif pourrait être lasolution. C est du moins l avis partagé par Pascale Le Lann, directrice générale de Capra prévoyance, Catherine Kerrevel et Anne Charon, PDG de Zurich General 4,2 à en croire les actuaires, si les travaux de recherche sont assez importants, ils restent largement sous-exploités. Un enjeu à relever pour la profession. Insurance France.La première en appelle à «l âme d un chef d orchestre pour rassembler les créations qui sommeillent dans toute l entreprise»; la deuxième estime que l innovation «est l affaire de tous ou n est pas». Enfin, la dernière considère que les collaborateurs d une compagnie d assurances étant son meilleur actif, c est par eux que doit passer l innovation. Une vision confirmée par Nelly Brossard, directrice générale déléguée d Amaline assurances (Amaguiz) : «Alors même que l innovation fait partie intégrante de l ADN de notre entreprise, ce sont clairement les collaborateurs à travers, notamment, la voix du client qui y contribuent le plus.» Le client,clé de voûte de l innovation réussie Le marketing comportemental et l importance de la connaissance du client ne sont pas des nouveautés du jour. Loin du compte! En revanche, le secteur de l assurance semble accuser un sérieux retard dans l art etlamanière d organiser ces données pour les mettre au service de l innovation. Or, aujourd hui, les concepts de self tracking (1) et de big data (2) font mouche, l exploitation de la matière recueillie montrant son efficacité dans bien des cas. Selon une étude réalisée par McKinsey, l assurance pourrait l utiliser pour lutter contre lafraude et mieux couvrir les risques grâce àune meilleure segmentation. Conscients de leur retard, les acteurs interrogés par nos soins le reconnaissent ouvertement. «Le secteur accuse un retard sur la transformation digitale et la connaissance client. La première innovation consiste àlecombler. Les usages numériques comme les réseaux sociaux sont d excellents outils pour comprendre les attentes des clients», souligne, pour sa part, Sébastien Loubry, directeur de la communication interne chez Axa, avant de poursuivre: «Des acteurs comme Google, par exemple, qui ont accès au client pourraient devenir des ac- lesseptpiliers du succès n Créer une culture de l innovation n Développer uneconnaissance intime du client n Réconcilier actuariat et marketing n Avoiraccès auxdonnées n Améliorer la qualité desdonnées n Composer avec le pouvoir régalien et les régimes obligatoires(en santé et en dépendance) n Mettreàprofit les capacités de recherche universitaires Source:Observatoire de l innovation en assurance

A. GOULARD/CA teurs importants du secteur.»en attendant, Norbert Bontemps, directeur de l assurance santé individuelle de Groupama, relève que «les assureurs disposent de nombreuses données clients encore inexploitées et doivent, en premier lieu, travailler sur l optimisation du traitement de ces informations. Certes Google ou Facebook pourraient, à terme, révolutionner le traitement des données clients, mais cela pose un certain nombre dequestions et prendra du temps». Ainsi, le débat actuel autour de l innovation en assurance porterait davantage sur l approche du client que sur les produits euxmêmes.c est du moins l avis partagé par Stéphane Dedeyan et Bertrand Boré, respectivement directeur général de Generali France et directeur du développement chez Generali France, rejoints par Xavier Larnaudie-Eiffel, directeur général adjoint de CNP assurances, convaincu qu «on ne révolutionne pas le produit, mais la manière d aborder le client». L art de mélanger actuariat et marketing Reste àsavoir comment mener l intégration du comportemental dans le produit assurantiel. Selon Patrick Degiovanni, cela se fera sous l impulsion de deux tendances : «D une part, les clients vont rechercher de plus en plus à payer le juste prix; d autre part, nous allons assister à la prise de conscience des actuaires sur le sujet qui fera christophe eberlé, PRÉSIDENT D OPTIMIND WINTER ET VICE-PRÉSIDENT DE L INSTITUT DES ACTUAIRES «Le rôle de l actuaire est de démontrer l absolue nécessité d innover» le métier d actuaire est-il tourné vers l innovation? Évidemment, oui. Qui mieux que l actuaire est en mesure d apprécier les risques à couvrir, de les peser et de concevoir les produits et les garanties les plus adaptés aux besoins des assurés? Plus qu une tendance, l actuariat est au cœur même de l innovation assurantielle. Dans le même temps, l actuaire se doit d être dual, à la fois attaché au passé et au déroulement des risques qui sont sous sa responsabilité, avec une approche rétrospective, et sensible à l avenir, avec une anticipation forcément prospective. L innovation dans l assurance a besoin de ces deux approches. Quels rôles les actuaires jouent-ils ou pourraient-ils jouer dans les stratégies d innovation menées par les structures qui les emploient? Les actuaires sont sollicités par leurs employeurs de diverses manières. L air du temps est aux problématiques réglementaires et financières, à savoir Solvabilité 2 en temps de crise. L innovation, certainement à tort, n est pas au centre des préoccupations des organismes d assurances. Et pourtant, le rôle de l actuaire est de montrer, voire de démontrer, l absolue nécessité d innover en utilisant la gestion des risques comme levier principal de la conception de nouvelles couvertures. En mai 2013, le thème du congrès annuel de l Institut des actuaires sera d ailleurs «Innovation et gestion des risques au profit d une performance pérenne». évoluer la modélisation des risques pour intégrer le comportemental.» Ainsi, le rôle des actuaires devrait s étendre etparvenir jusqu au marketing. Tel est du moins l avis chez Generali, où les deux dirigeants interrogés dans le cadre decet observatoire esti- "les clients vont rechercher de plus en plus àpayer le justeprix; et nous allons assister à la prise de conscience des actuaires sur le sujet qui fera évoluer la modélisation des risques pour intégrer le comportemental. " patrick degiovanni, directeur général adjoint de Pacifica ment que «l acteur qui mixera l actuariat et le marketing découvrira des poches de valeur». Ne pas négliger la sphère publique Àcetitre, les remontées de l enquête réalisée auprès des actuaires (voir page 58) soulignent l intérêt majeur qu aurait la profession àtisser des liens plus forts avec le monde académique. Ils proposent ainsi d admettre des pôles de recherche actuarielle dans les compagnies, ouencore d organiser l accès aux chapitres théorique de tous les mémoires des actuaires via le site de l Institut des actuaires. VINCENT COLIN «L innovation peut aussi se trouver dans l articulation avec les pouvoirs publics et, notamment, la Sécurité sociale.» Jean-François Lequoy, délégué général de la Fédération française des sociétés d assurances (FFSA), pose la problématique en termes clairs et néanmoins choisis. Pourtant, on entend, çà et là, que la législation française est très contraignante pour la prise en compte du comportemental, car la tarification au regard de l état de santé est interdite. Selon Alain Rouché, directeur santé de la FFSA, «l assurance complémentairesanté évolue vers un modèle de plus en plus solidaire, mais les critères de cette solidarité doivent être discutés, et son modèle, en la matière, doit être différent de celui de l assurance maladie obligatoire.» L indispensable accès aux données Une position renforcée par les propos d un acteur du marché qui souhaite rester dans l ombre et qui considère que «lacaisse nationale d assurance maladie (Cnam) et la Commission nationale de l informatique et des libertés (Cnil) s opposent àceque les assureurs accèdent aux données de santé, alors que les clients n y semblent pas opposés». Or, selon le même, cet accès aux données est indispensable en termes d évolution pour proposer les parcours de soins les plus adaptés. Indiscutablement, les acteurs du marché sont conscients des défis qu il leur faut relever mais également des difficultés qu ils vont rencontrer dans les mois et les années àvenir pour se donner les moyens de satisfaire leurs stratégies d innovation. n ANNe lavaud 1. Le fait qu une société s organise pour collecter elle-même et volontairement des données individuelles. 2. Base de données gigantesque offrant des possibilités de segmentation riches d enseignements. L ARGUS DE L ASSURANCE. N 7294. 14 décembre 2012. argusdelassurance.com 60