Quel lien social encore avec les quartiers et les populations en difficulté 140224-17 Question de Madame la Conseillère Malika El Bourezgui Il suffit de visiter Charleroi et ses quartiers pour se faire une idée de la situation socioéconomique d une partie de notre population et de notre jeunesse. Chômage, famille monoparentale, décrochage scolaire, assuétudes, etc. sont de plus en plus à l origine de situation de mal vivre, de pauvreté, d exclusion et de marginalisation. La situation de crise actuelle et la récente réforme socio-économique n ont fait qu amplifier cette réalité. Votre majorité vient d adopter le budget 2014 qui ne semble pas indiquer clairement une volonté politique et budgétaire fortes pour renforcer le lien social avec un pan de la population qui sombre inexorablement dans une certaine misère sociale et culturelle dont un taux préoccupant de jeunes. Des écoles maternelles et primaires ainsi que des acteurs de la santé sont quotidiennement confrontés à cette pauvreté qui s étend au sein des quartiers avec des risques d impacts dommageables sur l évolution des plus jeunes. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger des quartiers, au contraire nous nous devons d y investir toutes nos énergies, d y consacrer une action collective renforcée pour sauvegarder la cohésion sociale, d autant qu investir dans l humain au présent permet de limiter le coût social plus tard Parmi les actions à mener, faut-il encore rappeler par exemple le rôle fondamental des éducateurs de rue pour faire le lien avec les acteurs sociaux et publics. Leur travail de rue permet non seulement de garder un contact, une relation avec ses populations en carence dont les problématiques sont difficilement abordables ou poursuivies par les structures sociales et éducatives en place mais permet aussi de diffuser une éducation informelle. C est pourquoi, je reviens vers vous pour vous demander quel bilan vous faites de la situation et de vos stratégies? Quels sont les quartiers répertoriés en difficulté? Quels sont les moyens et les actions développés pour maintenir le lien social? Quelles sont les synergies développées avec les acteurs sociaux et partenaires privés? Quels projets ont pu émerger et quelle valeur ajoutée a pu être apportée par les actions menées jusqu à présent? Combien d éducateurs de rue sont actifs sur le terrain pour assurer encore le lien social et dans quel quartier? Quelles sont les difficultés rencontrées ainsi que les perspectives à venir? Réponse de Monsieur l Echevin Serge Beghin Tout d abord permettez-moi de vous remercier pour votre question qui témoigne de l intérêt porté à nos actions de quartier qui, si elles sont nombreuses, sont malheureusement peu connues du grand public parce que très peu médiatisées. Comme vous l indiquez, nos populations souffrent de chômage, de décrochage scolaire, de problèmes d assuétudes, de situation de pauvreté et d exclusion qui ne peuvent rester sans réponse de notre part.
Nous ne pouvons nous permettre face à cette détresse d une partie importante de nos concitoyens de négliger les quartiers qui sont plus que d autres, touchés par les problématiques invoquées dans votre question. C est pour cette raison que la Ville de Charleroi au travers de sa Direction de la Prévention et de la Sécurité et en particulier de la Division Prévention Quartiers, a mis en place depuis de nombreuses années un ensemble intégré de dispositifs destinés à apporter des réponses toujours plus ajustées aux besoins des personnes qui vivent au quotidien des situations d exclusion. Je ne pourrai pas être exhaustif dans ma réponse vu le peu de temps qui m est attribué, mais je souhaiterais néanmoins informer cette assemblée des principales actions mises en œuvre afin de maintenir du lien social dans les quartiers les plus paupérisés de notre Ville. 1. La Ville a introduit, en 2013, un projet de Plan de cohésion sociale approuvé par le Conseil communal, auprès de la Région wallonne, plan qui est donc bien connu des conseillers communaux, et auquel je me permets de vous renvoyer. Dans ce projet, la part Ville est fixée à 25% minimum de l enveloppe de subsides RW, qui est de 1.776.494. Une enveloppe complémentaire «article 18» est attribuée par la RW dans le cadre du soutien à des asbl (140.623 ). Le PCS, comme son nom l indique, rencontre le souci et les multiples questions qui sont les vôtres Madame El Bourezgui concernant le lien social dans les quartiers et qui ciblent les publics les plus défavorisés. Il est impossible de résumer le Plan de Cohésion Sociale dans le cadre de cette réponse, mais on peut y évoquer quelques projets du PCS qui visent directement à améliorer le lien social au sein des quartiers en difficulté : - la Médiation de quartier est très active en matière de conflits de voisinage ; - le Développement social de quartier gère 3 maisons de quartier, qui développent de nombreuses activités inclusives dans les quartiers fragilisés de Charleroi Broucheterre, Gilly Sart Allet et Montignies Roctiau. Il faut bien sur y ajouter les trois Espaces Citoyens du CPAS situés à la Docherie, Dampremy et Marchienne Etat, largement financé, faut-il le rappeler dans le cadre de la Politique des Grandes Villes (613.328 par an) - J attire également votre attention qu une maison citoyenne sera mise en place à Jumet Hamendes dans le cadre d un dispositif participatif également financé dans le cadre PPGV (952.676 inscrit au budget 2014). Notons que le choix du quartier a fait l objet d une analyse multi-critères réalisée dans le cadre d un marché passé avec l association Espace- environnement» - La Médiation interculturelle et sociale développe des projets d intégration sociale et culturelle des populations issues de l immigration : intégration scolaire, primoarrivants, demandeurs d asile, femmes immigrées, Pointons la mise en place d un espace individuel d accueil et d information tels que l élaboration d un «welcom pack», la traduction, le recours à l interprétariat et des séances d accueil collectives. La sensibilisation des agents communaux à la communication interculturelle ainsi que la constitution d un point-relais via une plate-forme communale de l immigration qui sont au programme de cette année. - Le service Relations au citoyen travaille sur la qualité de vie dans les quartiers, sur les plaintes diverses de la population, sur la participation citoyenne, sur l événementiel (ex : la fête des voisins)
- Le service Cohésion sociale mène un projet pilote de conseil de participation sur le périmètre Vauban de la Ville haute. Ce dispositif sera évalué dans le cadre d un marché attribué à l Université de Liège et ensuite mis en place dans d autres quartiers de l entité. Le service soutient également les jardins partagés et les animent dans le cadre de la mise en place du réseau Jacquady, une première en Wallonie. Ces jardins permettent à de nombreuses personnes de contribuer à l embellissement de leur quartier, de sortir de l isolement tout en s investissant dans un projet positif pour leur quartier. - l Accueil de soirée des personnes en grande précarité et des SDF est géré par le Carolorue, en partenariat avec le Relais social et l asbl Comme Chez Nous. - le service d intégration par le sport, (financé notamment dans le cadre du Programme Politique des Grandes villes) développe ses activités au sein du centre sportif de la Porte Ouest, il touche de nombreux jeunes défavorisés, qui n ont pas toujours les moyens d intégrer des clubs de sport et qui grâce à cela pratiquent des sports les plus divers tels le football en salle, le Volley, le basket, le tennis de table, etc, - dans le cadre du PCS ou d un volet particulier du PCS, les projets «article 18», la Ville soutient les actions de divers partenaires associatifs : Comme chez toit, Funoc, Solidarités nouvelles, Le Comptoir, Entre2, Resto du cœur,.. Par ailleurs, le Plan stratégique de sécurité et de prévention (Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention), subsidié par le Service Public Fédéral Intérieur à hauteur de 2.739.790 et co-financé par la Ville, sera renouvelé prochainement pour la période 2014-2017. Il permettra de continuer à développer divers projets en lien avec les questions soulevées dans votre question. A titre d exemple, on peut citer : - les projets centrés sur la problématique de la prévention de la toxicomanie et de la grande précarité ; - le Carolorue est un service de 7 éducateurs de rue qui prestent des services de soutien, de réduction des risques et de médiation visant les toxicomanes et les SDF, principalement en centre Ville ; il travaille en partenariat avec Le Comptoir asbl et le Relais social - l abri de nuit Dourlet, géré par le CPAS, est financé dans le cadre du PSSP - Diapason asbl gère une «file active» de plusieurs centaines de toxicomanes participant à un programme de traitement de substitution et de soutien psycho-social - D autres publics sont également visés par des projets d inclusion sociale et de prévention : - «Jeunes jugés dérangeants» travaille sur les conflits/tensions entre jeunes/bandes de jeunes et reste de la population (5 éducateurs de rue), surtout dans des quartiers sensibles (Gilly cité du Rambulant, Cité parc à Marcinelle, Esplanade de la gare du sud à Charleroi, Cité de la Paix à Montignies- sur-sambre, mais également certains quartiers de Gosselies et de Jumet) et souvent sur requête des habitants
- le Fan coaching développe des actions de soutien aux jeunes défavorisés gravitant autour du Sporting de Charleroi et de ses clubs de supporters (encadrement lors des matchs et activités sociales et culturelles (écoles de devoir, actions contre le racisme, ) en partenariat avec le Sporting dans le cadre des actions sociales du stade. Des actions spécifiques en faveur de la jeunesse sont également mises en œuvre dans le cadre des activités du département jeunesse de la Ville dans une optique de renforcement du lien social dans les quartiers : Voilà quelques années déjà que les «Plaines de Quartiers, Plaines d'idées» ont été mises sur pied par le Département Jeunesse de la Ville de Charleroi, le Centre d'animation et d'information Jeunesse (CAIJ) et les Centres d'entraînement aux Méthodes d'education Active (CEMEA). Les Plaines de Quartiers sont actuellement organisées à Gilly, Jumet, Mont-sur- Marchienne, Monceau, Montignies-sur-Sambre et Couillet, chaque dernière quinzaine d'août. Plus de 250 enfants de ces quartiers investissent chaque année ces plaines dont le projet pédagogique préconise de proposer aux plus jeunes des méthodes d'animation active fondées sur l'action, l'expérimentation, la découverte de soi et des autres en respectant le rythme de chaque enfant, en adaptant les activités en fonction de l'âge et des envies des enfants. Ils vont à la rencontre du quartier, de leur quartier. Ils sont encouragés à le respecter et à respecter ses habitants. Le respect étant indispensable à l'instauration et/ou à la «réparation» du lien social, ces «Plaines de Quartier, plaines d'idées» sont essentielles. 2. Pour ce qui concerne le ciblage des quartiers ou des publics prioritaires, je rappelle : - que le PCS a été basé sur une étude des besoins de la population carolorégienne centrée sur les indicateurs de bien-être de l IWEPS (Institut wallon de l étude, de la prospective et de la statistique) Rappelons également que le PCS finance un Observatoire de la Cohésion sociale, géré par le CPAS. Nous ne manquerons pas de réorienter la localisation de nos actions sur base de l évaluation des dispositifs et des statistiques émanant de cet observatoire. 3. Pour ce qui est des synergies avec les opérateurs privés ou publics, outre les partenariats de terrain cités ci-avant de façon non exhaustive, une Commission du PCS existe et fonctionne, sous la présidence du président du CPAS; elle regroupe tous les opérateurs locaux actifs en matière de cohésion sociale, plus particulièrement dans les 4 axes structurant le PCS : l insertion socioprofessionnelle, l accès à la santé et le traitement des assuétudes, l accès à un logement décent et enfin le retissage de liens sociaux, intergénérationnel et interculturels. 4. Concernant la plus value des projets, on peut dire : - que toutes les évaluations des pouvoirs subsidiants sont extrêmement positives, tant pour les projets subsidiés par la RW/PCS, que le SPF Intérieur/PSSP, que le Relais social,..
- que la Ville de Charleroi, son CPAS et leurs partenaires font souvent référence dans le monde des professionnels de la prévention et de la cohésion sociale (ce n est malheureusement pas toujours le cas à Charleroi même), par le caractère innovant et l excellence de leurs projets, par leur culture de l évaluation, même si, soyons modestes, des ajustements ou correctifs doivent, comme c est bien normal, toujours être mis en œuvre ci et là. 5. Enfin, pour ce qui concerne les difficultés rencontrées et les perspectives à venir, je citerais ceci : - les difficultés structurelles de la Ville ne sont bien sûr pas sans influence sur la mise en œuvre des projets, sur leur dimensionnement, sur leur efficacité ; le blocage des recrutements lié aux plans d embauche successifs imposés par le PDGA (Plan d embauche généralisé) ont marqué durement certains projets - le gel des enveloppes de subsides, voire leur réduction (PSSP), peuvent constituer un frein important au développement d initiatives bien utiles pour les populations fragilisées, les quartiers paupérisés ou sinistrés - les incertitudes liées au PSSP (Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention) : le renouvellement successif de 6 en 6 mois en 2012 et 2013 a fragilisé les projets liés à ce dispositif de subsidiation par une absence de perspectives. - les incertitudes liées au projet de transfert au CPAS de certains projets de la Ville/Direction de la prévention et de la sécurité ont grandement affecté le fonctionnement de cette direction, fragilisée et remise en cause, décrédibilisée, - l espoir renait cependant vu la prochaine reconduction pour 6 ans du PCS 2014-2019 - même chose pour le PSSP 2014-2017 - Le transfert au CPAS de certains services de la Ville/DPS devrait être effectif dans les mois qui viennent. N oublions pas que la Ville soutient et finance l action du CPAS au travers d une dotation annuelle qui couvre un grand nombre d actions dans les quartiers et qu il conviendra de questionner mon Collègue Président du Cpas afin d obtenir plus d informations sur les actions menées. Je terminerai mon intervention en vous affirmant que si l ensemble de ces dispositifs ne permettent pas de mettre fin de manière définitive à la pauvreté à Charleroi, à éradiquer le chômage, à permettre à tous citoyens de retrouver rapidement un logement décent, il convient toutefois de reconnaître que l ensemble des dispositifs évoqués a le mérite de concourir à maintenir du lien social dans les quartiers les plus affectés par ces phénomènes et à faire en sorte que chacun puisse trouver sa place dans notre société. Notons que les évaluations internes ainsi que les rapports des administrations régionales et fédérales chargées du suivi et du contrôle de l octroi des subventions, révèlent que ces projets répondent aux critères d attribution et ont globalement atteint les objectifs fixés, cela ne signifie pas pour autant qu il faut en rester là.