Session Session 4 : Surveillances 1 : Philosophie individuelle du travail en réseau et collective de l état de santé en 2013 Action de prévention coordonnées par les SSTI : équilibre gagnant-gagnant entre partenaires Suivi de l état de Santé au travail en 2013 : travail en réseau de plusieurs SSTI autour des entretiens infirmiers Dominique FASOLA Médecin du travail SIMT Marne-la-Vallée Françoise FAUPIN Adjointe au directeur du service médical ACMS Suresnes Pierre GUINEL Directeur du service médical ACMS Suresnes Martine LEPLANQUOIS Médecin du travail GIMS Marseille Nathalie STARACE Médecin du travail AIST83 Toulon Introduction et objectifs L évolution de la courbe démographique des Médecins du Travail va impacter les modalités du suivi individuel et collectif de l état de santé au travail. En conséquence, les SSTI ont engagé une réflexion pour proposer des solutions permettant de maintenir un bon niveau du suivi individuel de l état de Santé au Travail. Avec l évolution du cadre réglementaire, les SSTI sont amenés à intégrer progressivement des Infirmiers en Santé Travail (IDEST) dans leurs nouvelles équipes pluridisciplinaires et le Médecin du Travail peut confier certaines de ses missions dans le cadre de protocoles écrits aux membres de ces équipes. La réglementation prévoit que ces professionnels paramédicaux puissent contribuer au suivi individuel de l état de santé de chaque salarié, de manière complémentaire à l activité du médecin du travail, ce dernier continuant à réaliser les visites relevant de sa compétence. La modulation de la périodicité des examens médicaux devient possible, à travers les agréments des services. Parallèlement, pour les SSTI, le maintien d un suivi de qualité en santé au travail et d une veille sanitaire au service des entreprises reste un enjeu primordial. L intégration de ces infirmiers aux équipes pluridisciplinaires de santé au travail y participe, en assurant à la fois un suivi individuel régulier de l état de santé des salariés (certains n ayant pas bénéficié d examen médical depuis plusieurs années) et le déploiement de nouvelles actions collectives sur les lieux de travail. Page 156
De nouvelles formes de coopérations entre professionnels de santé - médecins du travail et infirmiers en santé au travail - et plus largement entre les acteurs en santé au travail doivent être proposées en intégrant d emblée une démarche d harmonisation des pratiques au bénéfice des salariés et des entreprises. C est dans cette optique que dans chaque SSTI, des médecins du travail ont élaboré des documents utilisables pour les entretiens infirmiers. A l occasion de l évolution des nouvelles modalités du suivi individuel de l état de santé, les SSTI ont l opportunité d élargir leurs champs d action et de coopération en travaillant en réseau pour partager leurs expériences de terrain et leurs réflexions sur les pratiques. L ACMS est un service de santé au travail interentreprises présent sur toute l Ile de France avec 50 000 entreprises adhérentes et près d un million de salariés suivis, dans tous les secteurs d activité. L ACMS compte près de 1000 salariés dont 240 médecins ETP (équivalent temps plein), 35 infirmiers, 61 intervenants en prévention des risques professionnels et 72 assistantes techniques en santé au travail. L AIST83 est un service de santé interprofessionnel qui couvre la totalité du département du Var avec 28 000 entreprises adhérentes et 170000 salariés surveillés. L AIST83 compte près de 187 personnes ETC (équivalent temps complet) dont 67 Médecins du Travail, 2 Infirmières, 10 préventeurs et 8 Assistantes en Santé au Travail. Le GIMS est un service de santé travail interentreprises qui couvre une partie du département des Bouches du Rhône avec 16 000 entreprises adhérentes et 125 000 salariés suivis. Le GIMS compte près de 160 salariés dont 57 médecins du travail, 2 infirmières, 2 assistantes en santé travail et 11 intervenants en prévention des risques professionnels. Le SIMT est un service de santé travail interentreprises qui couvre le département de Seine et Marne et une commune du 93 avec 10 500 entreprises adhérentes et près de 110 000 salariés suivis. Le SIMT compte près de 135 salariés dont 38 médecins ETP (équivalent temps plein), 5 infirmiers, 6 assistants de santé au travail, 4 assistants de prévention en santé au travail-iprp et 1 ergonome. L ACMS, l AIST83, le GIMS et le SIMT, par l ouverture d un espace de discussion et malgré leurs différences d organisation se sont accordés sur l intérêt; d une part de proposer aux entreprises adhérentes des entretiens infirmiers pour le suivi en santé au travail avec l apport d un regard médecin - infirmier sur l approche de l état de santé au sein de l équipe pluridisciplinaire; et d autre part sur la nécessité de proposer une méthodologie maitrisée à travers des entretiens protocolisés. Ces derniers garantissent une fiabilité du suivi individuel en santé au travail et une veille collective sur l entreprise. L objectif principal de ce groupe de travail multi-ssti est d harmoniser les protocoles et les pratiques autour de l entretien infirmier, sous-tendu par la motivation implicite d optimiser le suivi en santé travail proposé aux entreprises adhérentes par les différentes équipes pluridisciplinaires. La Santé au Travail en 2013 : quelles actions des SSTI auprès des entreprises? Page 157
Dans cette communication les SSTI partagent leur démarche commune, leur modèle commun d entretien protocolisé, leurs consensus et leurs questionnements autour de ce que les entretiens infirmiers peuvent offrir aux adhérents. Ils ont invité un chef d entreprise à témoigner sur l impact qu ont ces nouvelles modalités de suivi de l état de Santé au Travail. Méthodologie utilisée Dans un premier temps les SSTI, en accord avec leur CMT, se sont engagés dans une réflexion sur les documents nécessaires à l intégration d infirmiers au sein des équipes. Cette démarche a amené les Médecins du Travail impliqués dans la formation et l intégration d IDEST dans leurs services respectifs à communiquer afin de confronter leurs idées et leurs pratiques. C est dans la continuité logique de ces échanges que s est créé le groupe de travail multi-ssti constitué de deux services de la région parisienne et deux services de la région PACA, avec pour objectif principal l harmonisation des protocoles d entretien infirmier. Depuis juillet 2012, chaque service a mis en commun ses guides d entretien et protocoles en cours ou déjà élaboré, ceux-ci ont servi de base de réflexion. Des réunions trimestrielles ont permis des échanges réguliers. A la lumière des expériences rapportées par chaque participant, des modèles communs de trame d entretien et de protocoles de prescription ont été élaborés. En parallèle, les médecins du groupe ont fait remonter vers leurs services les résultats de ce travail, ce qui a permis d enrichir et faire évoluer les pratiques au sein des services et a conforté la démarche du groupe. Actions et/ou résultats Le modèle commun d entretien infirmier créé par le groupe est composé d une trame d entretien standard évolutive et adaptable aux réalités locales des secteurs et de protocoles de prescription associés nécessaires à la conduite et à la synthèse de l entretien. - -La trame d entretien standard contient les grands chapitres classiquement abordés en Santé Travail. L ordre des items et le développement de certains chapitres peuvent être modifiés en fonction des équipes et des spécificités des secteurs. On retrouve : 1. Les renseignements administratifs personnels et professionnels : le dossier Santé Travail existant déjà, toutes ces données sont complétées ou modifiées selon l évolution de la situation personnelle ou de travail du salarié. 2. Les évènements depuis la dernière visite : le but de ce chapitre est de noter les arrêts de travail avec leur nature et leur durée, les nouveaux évènements de santé survenus depuis le dernier examen médical. 3. Les conditions de travail décrites par le salarié : poste de travail, changements de conditions de travail depuis la dernière visite, horaires et contrainte de temps, expositions aux facteurs de risque (charge physique, produits chimiques, bruit, agents biologiques ), équipements de protections individuelle utilisés, appréciations sur le travail. 4. Le mode de vie : sport, tabac, alcool, sommeil. Page 158
5. L état de santé : Traitement, suivi médical éventuel, plaintes par appareil, vaccinations, biométrie et examens complémentaires réalisés suivant les pratiques du SSTI et du médecin prescripteur. 6. La synthèse de l état de santé : l IDEST conclut avec l aide de l arbre décisionnel «synthèse de l état de santé» sur l éventuelle nécessité de l avis du Médecin du Travail 7. La synthèse professionnelle : l IDEST conclut sur l éventuelle nécessité de l avis du Médecin du Travail à l aide de l arbre décisionnel «synthèse professionnelle». 8. Les informations et conseils donnés au salarié : l IDEST note quels conseils et/ou quelles plaquettes, ordonnances de prévention, documentation ont été donnés au salarié. 9. Les orientations et attestation de suivi : L IDEST remet au salarié une attestation de suivi infirmier datée, signée et consigne dans la trame les orientations finales de l entretien : «RAS» (entretien sans orientation nécessaire) ou «Information du médecin du travail avec présentation du dossier en Staff pour avis» ou «Avis immédiat du médecin du travail» (si lors de l entretien apparait un problème de santé urgent ou un problème immédiat concernant l aptitude) ou «Orientation du salarié vers le secteur soins avec information systématique du médecin du travail» (dans tous les cas où le salarié est orienté vers le secteur soins, l IDEST doit montrer le dossier au médecin concerné). -Le - modèle standard étant évolutif et adaptable, il est possible de créer des modèles d entretien orientés suivant un risque particulier (SMR ou non), un métier, une branche professionnelle ou une entreprise. Afin de conserver le fil rouge de la démarche d harmonisation, la trame est ajustée en respectant le cadre initial. Les questions sont orientées en fonction des risques professionnels ciblés et tiennent compte des référentiels de bonnes pratiques déjà validés. Si la participation à une étude est décidée, des questionnaires supplémentaires peuvent y être intégrés. Pour conserver une durée d entretien raisonnable, il est nécessaire d alléger les parties du modèle standard moins concernées par l orientation choisie. Par exemple, il est possible de faire une trame d entretien infirmier orienté par rapport au secteur Médico-social/petite enfance ou adapté spécifiquement au travail de nuit en respectant les recommandations de la haute autorité de la santé (HAS). - -Les protocoles de prescription associés prennent des formes différentes. Certains aident à la réalisation de l entretien, d examens complémentaires ou leur interprétation en fonction des données recueillies pendant l entretien infirmier : tableau synthétisant la biométrie et les examens complémentaires prescrits par les médecins et à réaliser par l IDEST ; conduite à tenir en cas de tension artérielle élevée ; document pour le contrôle des vaccinations (en référence au calendrier vaccinal en cours) ; arbre décisionnel pour l acuité visuelle ; protocole de réalisation d EFR. Des protocoles aident l IDEST à conclure l entretien infirmier : arbre décisionnel nouvel évènement de santé ; arbre décisionnel synthèse de l état de santé ; arbre décisionnel synthèse professionnelle. D autres encadrent les situations particulières : protocole d urgence médicale en l absence de médecin du travail ; conduite à tenir en cas de trouble aigu du comportement. La Santé au Travail en 2013 : quelles actions des SSTI auprès des entreprises? Page 159
Ces protocoles de décision à l issue des entretiens vont permettre à l IDEST de réorienter le salarié vers le médecin du travail si nécessaire. -Les - prescriptions autour de l entretien sont complétées par des plaquettes d information ou ordonnances de prévention présélectionnées par l équipe de Santé Travail, et que l IDEST pourra donner au salarié pour des informations et conseils en vue d une éducation sanitaire adaptée au poste de travail et aux risques professionnels. Discussion Au-delà de la création de modèles d entretiens infirmiers protocolisés, ciblés et harmonisés, cet espace de discussion a permis un questionnement sur les pratiques respectives des SSTI en matière de suivi en Santé Travail. Les points pouvant faire consensus et ceux qui ne peuvent pas l être actuellement se sont affirmés à la lumière des comparaisons et des différences relevées. Le débat a également mis en avant l intérêt des regards croisés ; entre SSTI et aussi entre Médecins du Travail et Infirmiers en Santé Travail. Certains principes sur la pratique des entretiens infirmiers ont fait consensus et apparaissent importants à souligner ici. L entretien infirmier n a pas pour objet d être un substitut d examen médical et n a pas de rapport avec la notion d aptitude. A l occasion de l entretien, l infirmier contribue au suivi individuel de l état de santé de chaque salarié, de manière complémentaire à l activité du médecin du travail. Cela permet la continuité du suivi périodique de l état de santé au travail des salariés avec d une part transmissions d informations utiles au médecin si nécessaire et d autre part la prévention et l éducation adaptée au poste de travail et aux risques professionnels. Enfin, les données collectées permettent de contribuer à la veille sanitaire. Il faut souligner l importance de la qualité de la formation des infirmiers pour leur intégration dans les équipes pluridisciplinaires de santé au travail. L entretien infirmier en santé au travail protocolisé s effectue sous la responsabilité du médecin du travail dans le cadre de prescriptions du médecin vers l infirmier, y compris pour les examens complémentaires. La trame d entretien peut être modifiée suivant les branches d activité et les orientations choisies par les équipes avec toutefois une conservation des items dont la collecte est nécessaire en vue d une exploitation collective de données. Par contre, les protocoles engagent la responsabilité des prescripteurs et du SSTI. Ils doivent être harmonisés et arrêtés au sein d un même service. Il est essentiel d assurer des temps d échanges réguliers et programmés dans le fonctionnement de l équipe et plus particulièrement le retour sur les entretiens que l infirmier en Santé Travail doit effectuer auprès du Médecin du Travail. Ceci est fondamental pour établir et renforcer la relation de confiance entre le médecin du travail et l IDEST. En outre, le lien entre les équipes du SSTI et les entreprises adhérentes persiste à la fois au niveau individuel et au niveau collectif Proposer l utilisation par les équipes d un même outil protocolisé, ciblé et harmonisé présente plusieurs avantages. Tout d abord de proposer aux entreprises adhérentes le maintien du suivi de l état de santé avec un outil fiable. Ensuite, uniformiser les données collectées permet une vision globale de l entreprise, voire d un secteur d activité et de proposer des actions ciblées aux entreprises partenaires. Page 160
Le groupe a appliqué le principe fondamental de respect de l indépendance de fonctionnement de chaque SSTI. Ainsi il n a pas été possible d établir un consensus sur les questions relevant de l organisation même des services. Certains protocoles, trop reliés à l organisation interne d un service et non applicables pour tous, n ont pas pu être intégrés dans le modèle commun. Les questions relevant de la place de l IDEST dans les services, sur les plans hiérarchique et organisationnel dans les équipes, l évolution des missions confiées n ont pas été discutées car en cours de réflexion pour certains et dépendant des moyens et des décisions propres à chaque SSTI. Les discussions dans cet espace de travail ont pu mettre en avant l intérêt des regards croisés à plusieurs niveaux. Des regards croisés entre plusieurs SSTI, est né un consensus possible entre SSTI de différentes régions, malgré leurs organisations différentes, leurs différence de logiciels et des pratiques très diversifiées. Cela permet d envisager dans l avenir des pratiques harmonisées de suivi en Santé Travail. De la relation Médecin du travail et Infirmier en Santé Travail naissent de nouvelles approches de santé au travail induites par des regards croisés de ces professionnels. L intégration d infirmiers dans les services a été motivée initialement par le besoin de répondre à la pénurie de médecins du travail. Les compétences et les actions de l IDEST en appui du Médecin du travail peuvent être une valeur ajoutée dans la qualité du suivi en santé travail. D une part les entretiens infirmiers, en assurant en partie le suivi périodique systématique en santé des salariés, permettent de libérer du temps pour que le médecin puisse se concentrer sur les missions relevant de l expertise médicale et coordonner les actions de l équipe pluridisciplinaire auprès des entreprises. D autre part, avec l apport des compétences propres de l infirmier, les adhérents bénéficient également du déploiement de nouvelles actions collectives sur les lieux de travail. Cependant, cet exercice collectif de la santé au travail va amener le médecin du travail à renoncer en partie au «colloque singulier» qui, depuis l antiquité, est au cœur de la pratique hippocratique et transforme la médecine en art. Ce colloque singulier était jusqu alors la principale modalité de la relation bilatérale et protégée, en confiance, du médecin et de son patient ; une notion essentielle de la pratique médicale, protégeant en particulier le secret médical mais posant aussi les limites d une démarche de rationalisation des pratiques. Désormais, comme pour d autres spécialités médicales, notamment en milieu hospitalier, le médecin travaille en équipe, avec des professions nouvelles et des régulations qui se multiplient. Il est amené à intégrer l évolution de sa pratique vers l instauration d un colloque pluriel. L approche de la santé au travail par un professionnel paramédical et l obligation de concevoir des protocoles pour confier en partie ses missions va amener le médecin à s interroger sur ses propres pratiques et la nécessité d une rationalisation pour des références communes, entre professionnels issus de disciplines différentes, qui permettront de communiquer et se comprendre sur les actions en santé travail. Cette rationalisation des échanges et des pratiques sur le suivi en santé travail au sein de l équipe pluridisciplinaire ouvre vers une uniformisation des langages. La Santé au Travail en 2013 : quelles actions des SSTI auprès des entreprises? Page 161
Conclusion L objectif initial de ce travail des quatre SSTI était d harmoniser les protocoles et les pratiques autour de l entretien infirmier, avec pour motivation implicite de proposer aux entreprises adhérentes une qualité et une fiabilité optimales au niveau du suivi individuel en santé travail. Le modèle créé est composé d une trame d entretien standard et de protocoles de prescription associés. C est un modèle évolutif et adaptable aux réalités d autres services tout en respectant les organisations internes, les spécificités et les moyens de chacun. A travers leur volonté de consensus, ces quatre SSTI ont partagé et comparé leur savoir en matière de suivi de qualité en santé au travail ainsi que les champs d expertise de leurs équipes de terrain. Certains points peuvent faire consensus et d autres pas actuellement. Au-delà, a émergé l intérêt du regard croisé Médecins du Travail et Infirmiers en Santé Travail. A travers celui-ci, se dévoile la mutation de la santé au travail avec glissement du colloque singulier vers un colloque pluriel pour les médecins. La pluridisciplinarité introduit la nécessité de rationalisation des pratiques au sein des nouvelles équipes en santé travail. Les entreprises peuvent alors bénéficier d un redéploiement des actions en direction de risques professionnels ciblés. Le regard d un chef d entreprise sur ces nouvelles actions et modalités de suivi de l état de Santé au Travail offre aux SSTI un enseignement utile sur la portée que l évolution de leurs pratiques a sur leurs adhérents. Page 162