LES TROUBLES FONCTIONNELS INTESTINAUX ( T.F.I.)



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Transcription:

LES TROUBLES FONCTIONNELS INTESTINAUX ( T.F.I.) Marcelcave le 10 Avril 2007 EXPERT : Dr Bruno HEYMAN

SOMMAIRE Pré-test page 3 Cas cliniques : T.F.I. page 4 Introduction page 13 Physiopathologie page 14 Signes cliniques d appel page 16 Diagnostic positif page 17 Diagnostic étiologique page 18 Diagnostic différentiel page 19 Traitement page 20 Messages Page 26 Bibliographie page 27 2

PRE TEST VRAI FAUX 1. Les TFI sont présents dans 5 à 20% de la population 2. Les TFI peuvent débuter tôt dans l enfance X X 3. Après 50 ans, les TFI doivent bénéficier d une coloscopie X 4. Tout patient constipé doit bénéficier d un T.R. X 5. La prise en charge d un TFI doit être globale X 6. Un régime alimentaire strict est recommandé dans le cadre des TFI X 7. Un traitement médical de 15 jours est suffisant dans les TFI X 8. Le traitement anti-dépresseur est logique dans un TFI X 3 NSP

CAS CLINIQUE N 1 Madame Marie-Ange R., 31 ans, sans antécédent particulier, vous consulte pour des douleurs abdominales. En 2003, elle avait consulté car il existait des douleurs abdominales, pour lesquelles elle avait bénéficié d une gastroscopie et d une échographie, examens qui se sont avérés normaux ; un diagnostic de troubles fonctionnels digestifs avait été retenu. Il y a 3 mois Madame R a présenté une infection urinaire, traitée par antibiotiques. Elle a vu sa gynécologue, des frottis ont été réalisés, ainsi qu une échographie pelvienne. Les résultats sont rassurants. Mais depuis elle continue de présenter des douleurs abdominales à type de tension et de spasmes des 2 fosses iliaques droite et gauche, irradiant dans la région lombaire soulagées par l émission de gaz, s accompagnant d une impression de météorisme, et d une discrète tendance à la constipation. Ces douleurs se sont accentuées à la suite de la brève hospitalisation de sa fille de 11 ans. Il existe, d autre part, une anorexie, des nausées, une impression de malaise général, et une asthénie. CONDUITE A TENIR? L examen abdominal est sans particularité. L échographie abdominale est normale. Bilan biologique Normal CRP Normale. ECBU Normal TSH Normale Compte tenu de l âge, il n y a pas lieu d effectuer une coloscopie. DIAGNOSTIC? SYNDROME DE L INTESTIN IRRITABLE Il associe, pendant 3 mois (non nécessairement continus)dans l année écoulée, la présence de douleurs ou un inconfort abdominal avec au moins 2 des 3 signes suivants : Amélioration par l émission de gaz ou de selles. Modification de fréquence des selles. Modification de la consistance des selles. (T.F.I.) SONT UN HANDICAP 4

TRAITEMENT? Recommandations hygiéno-diététiques TTT médical : antispasmodiques ex: DEBRIDAT 200 3 cp/j pdt 7J puis 2/jour pdt 21 jours argiles ex: BEDELIX, 1 sachet après chaque repas, laxatifs ex: TRANSIPEG 5,9 1 sachet le matin. Prise en charge psychologique du patient Il nécessaire que le patient se sente : Cru dans sa plainte somatique et viscérale est Compris dans ses hésitations à verbaliser ses émotions Estimé LA DUREE DU TRAITEMENT NE DOIT PAS ETRE INFERIEURE A 28 JOURS LA PRISE EN CHARGE EST GLOBALE CAS CLINIQUE N 2 5

Madame Helena M, patiente âgée de 36 ans présente de longue date une constipation avec manifestations douloureuses abdominales à type de pesanteurs, d impression de trop plein, et un certain degré de météorisme. Vous l aviez vue en début d année, l examen clinique était normal ; un traitement associant Lactulose et Dicetel avait été proposé. Elle consulte à nouveau devant l aggravation de ses troubles digestifs. Les défécations sont très irrégulières : périodes sans défécation durant 5 à 7j entrecoupées de selles dures mais aussi parfois liquides. L état général est conservé. CONDUITE A TENIR? L examen abdominal et périnéal (toucher rectal systématique) particularité. Bilan biologique Normal CRP Normale. ECBU Normal TSH Normale. DIAGNOSTIC? est sans CONSTIPATION FONCTIONNELLE associe pendant 3 mois (non nécessairement continus) dans l année écoulée 2 ou plus des symptômes suivants : Fréquence des selles < 3 /semaine Selles fermes ou dures (plus d 1 fois sur 4) Efforts de poussée (plus d 1 fois sur 4) Sensation d évacuation incomplète (plus d 1 fois sur 4) Sensation d obstruction ou de blocage ano-rectal (plus d 1 fois sur 4) Manœuvres digitales pour favoriser l évacuation des selles (plus d 1 fois sur 4) TRAITEMENT? REGLES HYGIENODIETETIQUES : L alimentation visera à enrichir la ration en fruits et légumes frais, en fibres et assurer une prise de boisson suffisante. On conseillera de choisir un horaire physiologique de défécation et de se présenter à chaque besoin. MEDICAMENTS : 6

Transilane 2 à 3 c-m / j ou Movicol Eductyl 1/3j, voire petits lavements à l eau tiède 1/7j. Suivi régulier puis décroissance progressive du traitement. En cas d échec : avis spécialisé et coloscopie LE DIAGNOSTIC NE DOIT PAS ETRE PORTE PAR EXCES CONSEILS HYGIENO-DIETETIQUES POUR EVITER LA CONSTIPATION 7

Conseils alimentaires 1 / Consommer quotidiennement sous quelque forme que ce soit (potages, tisanes, boissons sucrées ou non) au minimum 1 litre 1/2 de liquide. Prendre un grand verre d'eau ou de jus de fruits le matin au lever. 2 / Remplacer les féculents (pommes de terre et riz) par des légumes,de préférence,cuits, type navets, poireaux, épinards, salades, haricots verts, courges, aubergines) 3 / Consommer, en dessert, des compotes (rhubarbe, pommes ou poires), compotes qui seront faites avec le fruit complet, c'est à dire non épluché, sauf pour la rhubarbe. 4 / Remplacer progressivement le pain ordinaire par du pain complet ou du pain de Son. 5 / Utiliser des céréales complètes (ALL BRAN, etc) Conseils d'hygiène générale Se présenter aux toilettes quotidiennement et dès que vous en ressentez le besoin. Effectuer une activité physique, adaptée à votre âge. Ces mesures ne sont pas à observer de façon séparée les unes des autres mais il faut les associer et d'autre part, les utiliser de façon régulière si l'on veut obtenir un résultat à long terme. 8

Grilles de suivi 1er mois # Selles Sachets Suppositoires 2 mois # Selles Sachets Suppositoires 3 mois # Selles Sachets Suppositoires

CAS CLINIQUE N 3 Madame J.COUR, est une patiente âgée de 64 ans, sans autres antécédents qu une appendicectomie en 1944 et une cure d éventration étranglée en début d année. Elle est par ailleurs suivie pour une hypertension artérielle, une insuffisance veineuse des membres inférieurs et a déjà présenté une agoraphobie. Depuis 3 mois, à la suite d une diarrhée aiguë, d allure infectieuse, Madame J.COUR, présente une tendance diarrhéique avec essentiellement une défécation liquide, impérieuse, difficilement contrôlable et survenant de façon inopinée, surtout quand la patiente est à l extérieur. L état général reste cependant parfait avec un poids stable. CONDUITE A TENIR? Recherche d antécédents familiaux : absents Recherche de prise médicamenteuse : absence de prises de veinotoniques. Examen clinique : Normal Biologie normale : NFS C.R.P. ionogramme et glycémie normaux TSH normale Coproculture : négative Coloscopie avec biopsies coliques étagées : normale Gastroscopie avec biopsies duodénales : normale DIAGNOSTIC? DIARRHEE FONCTIONNELLE Associe pendant 3 mois (non nécessairement continus) dans l année écoulée : Selles liquides Sans douleur abdominale dans 75% des cas TRAITEMENT? Prise en charge globale : psychologique, règles hygiéno-diététiques et traitement médical L alimentation visera à limiter l excès de glucides d absorption rapide, d alcool, de caféine. Les traitements reposeront sur : Les ralentisseurs du transit : Ioperamide, Arestal Les argiles : Smecta Actapulgite. Les pro biotiques : Lacteol fort 10

EVOLUTION : Un mois plus tard, il n y a aucune amélioration malgré un traitement maximum, associant 8 gélules d Imodium, 4 sachets de Smecta,3 gél de lactéol fort et 600mg de trimebutine. La patiente a quatre selles liquides par jour post-prandiales et parfois nocturnes. Elle ne sort plus en voiture, se garnit de couches. Elle n a pas maigri. CONDUITE A TENIR? Biologie dosage de sérotonine, 5-HIAA VIP(?) normaux Prise en charge globale TRAITEMENT? Traitement d exception : hypnose ou Psychothérapie comportementaliste LA RELATION MEDECIN-MALADE EST ESSENTIELLE 11

CAS CLINIQUE N 4 Monsieur J DUS, patient âgé de 68 ans, présente des antécédents de dépression réactionnelle depuis le début des années 1960. A cette époque a débuté une symptomatologie digestive pour laquelle il a bénéficié assez régulièrement d examens complémentaires, lavements barytés en 1966, puis diverses coloscopies. En 2002, devant une diarrhée une coloscopie a mis en évidence une diverticulose intense, ainsi qu un petit polype adénomateux. Le contrôle de 2005 ne montrait pas de récidive. Depuis le mois de Juillet les douleurs sont réapparues, à type de spasmes du flanc droit, légèrement soulagées par les défécations. Le transit est accéléré avec des «poussées», il n y a pas de sang ni de glaires. CONDUITE A TENIR? Examen abdominal et toucher rectal Bilan biologique : Normal. DIAGNOSTIC? SYNDROME DE L INTESTIN IRRITABLE EVOLUTION : La symptomatologie résiste cependant au traitement que vous avez proposé initialement Meteospasmyl puis Debridat et Smecta associé à l Acticarbine et au Creon. CONDUITE A TENIR? Reprendre les conseils diététiques et d hygiène générale Réécouter et démasquer toute la souffrance derrière la plainte somatique Simplifier le traitement : Remplacer Smecta,Acticarbine et Creon par un mucilage : Polykaraya Proposer en cas d échec un traitement antidépresseur à dose filée. Ex : desipramine 150 mg ELAVIL* Et/ou une cure thermale (Châtel- Guyon, Plombières) DES TRAITEMENTS D EXCEPTION PEUVENT PARFOIS ETRE PROPOSES 12

INTRODUCTION Les Troubles Fonctionnels Intestinaux (T.F.I.) représentent une des pathologies les plus fréquemment rencontrées en gastro-entérologie. 5 à 20 % de la population présentent des symptômes entrant dans le cadre des T.F.I. Il s agit pour nos patients d un handicap chronique à l origine d une consommation de soins importante. Un nouveau cadre nosologique a été défini avec la classification de Rome II (1999), permettant maintenant de distinguer, au sein des T.F.I.: Le syndrome de l intestin irritable La constipation fonctionnelle La diarrhée fonctionnelle Le ballonnement fonctionnel 13

PHYSIOPATHOLOGIE Les troubles fonctionnels intestinaux se caractérisent par un dysfonctionnement des mécanismes normaux de régulation de la motricité et de la sensibilité gastro-intestinales et plus particulièrement de leurs intégrations centrales (notion d hyper vigilance de l axe cerveauintestins). Système nerveux central SN Sympathique + S.N. Parasympathique Système nerveux entérique Récepteurs sensoriels de la paroi intestinale : Mecano-,chémo-,thermo- Système effecteur gastrointestinal : Motricité, sécrétion, absorption, libération d hormones Fig. 1 organisation fonctionnelle du système nerveux entérique Les origines de ce dysfonctionnement sont certainement multifactorielles. 14

Génétique Facteurs de risques Stress pathologique Abus sexuels Facteurs déclenchants Stress physiologique Interventions chirurgicales, Infections, antibiotiques Hypersensibilité DOULEURS viscérale Anomalies motrices Constipation Diarrhée Ballonnements Facteurs d entretien Anxiété consécutive aux Symptômes Alimentation Evolution du patient 15

SIGNES CLINIQUES D APPEL Douleurs abdominales De type variable : spasme voire torsion, brûlure, aiguille De localisation classique en fosse iliaque gauche, parfois sous- ombilicale épigastrique ou en fosse iliaque droite ou plus diffuse, en cadre. Son Intensité est très variable : de la simple gène à la crise intolérable voire syncopale. Soulagées par l émission de selles ou de gaz. Sans rythme bien net : réveille-matin, post- prandiales, exceptionnellement nocturne. Avec une certaine périodicité : quelques semaines 2 à 3 fois par an. Constipation Définie comme une diminution de fréquence des défécations (moins de 3 fois par semaine), avec l émission de selles fermes ou dures, occasionnellement enrobées de mucus. Cette constipation est parfois entrecoupée de fausse diarrhée. On précisera l existence de signes dyschésiques : efforts de poussée, sensation d évacuation incomplète, sensation d obstruction ou de blocage ano-rectal, manœuvres digitales pour faciliter l évacuation des selles, perianales ou intra vaginales. Diarrhée Définie comme l émission de selles liquides, le plus souvent plus de 3 fois par jour. Diurne, matinale ou post-prandiale, impérieuse, s accompagnant parfois d incontinence. Ballonnement Sensation de plénitude épigastrique, post-prandiale ou déclenchée par un stress, une émotion, parfois permanente. Souvent soulagé par l émission de gaz, les éructations. 16

DIAGNOSTIC POSITIF Il repose sur 5 éléments : Notion de cas familiaux Chronicité des troubles Présents pendant au moins 12 semaines, non nécessairement consécutives, au cours des 12 derniers mois, parfois depuis l enfance ou au décours d une infection intestinale. Association à d autres troubles : o Digestifs hauts : nausées, satiété précoce, pesanteurs postprandiales, éructations, pyrosis. Ou bas prurit anal, proctalgies fugaces, névralgies ano-rectales essentielles o Extra-digestifs : genito-.urinaires, impériosité mictionnelle, dyspareunie, dysménorrhée. rhumatologiques, lombalgies, fibromyalgie. o Neuropsychologiques : tendance à l anxiété, à la somatisation,aux troubles du sommeil, à la dépression. o Généraux : Asthénie fréquente et invalidante, Amaigrissement parfois. Normalité de l examen clinique Toucher rectal (toujours réalisé) et palpation abdominale normale. Normalité des examens complémentaires : o NFS, CRP, E.C.B.U., bilan thyroïdien seront demandés facilement. o Echographie abdomino-pelvienne, gastroscopie, coloscopie seront demandés en cas de suspicion d organicité (patient âgé, symptômes atypiques, mauvaise réponse au traitement, suivi difficile) DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE 17

Le Syndrome de l intestin irritable associe pendant 3 mois (non nécessairement continus) dans l année écoulée des douleurs ou un inconfort abdominal à 2 des 3 signes suivants Amélioration par l émission de gaz ou de selles. Modification de fréquence des selles. Modification de la forme des selles. La Constipation fonctionnelle Associe pendant 3 mois (non nécessairement continus) dans l année écoulée 2 ou plus des symptômes suivants : Fréquence des selles < 3 /semaine Selles fermes ou dures (plus d 1 fois sur 4) Efforts de poussée (plus d 1 fois sur 4) Sensation d évacuation incomplète (plus d 1 fois sur 4) Sensation d obstruction ou de blocage ano-rectal (plus d 1 fois sur 4) Manœuvres digitales pour favoriser l évacuation des selles (plus d 1 fois sur 4) La Diarrhée fonctionnelle Associe pendant 3 mois (non nécessairement continus) dans l année écoulée Selles liquides Dans au moins 75% des cas sans douleur abdominale Le Ballonnement abdominal fonctionnel Consiste en une Sensation de plénitude abdominale de ballonnement ou de météorisme visible Sans critères d un autre trouble fonctionnel intestinal DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL 18

Le Syndrome de l intestin irritable Le tableau peut être aigu et simuler une urgence chirurgicale : appendicite, sigmoïdite, colique hépatique ou néphrétique. Chez la femme le diagnostic des affections gynécologiques est parfois difficile et peut justifier une coelioscopie à la recherche d une endométriose d une tumeur de l ovaire Une pathologie digestive ulcère gastrique ou duodénal, affections pancréatiques seront reconnues par écho- et gastroscopie Le diagnostic de cancer du colon sera éliminé par la coloscopie La Constipation fonctionnelle Les constipations iatrogènes seront reconnues par l interrogatoire ; les constipations secondaires aux lésions périnéales, par l examen clinique soigneux voire la défécographie. Outre le cancer du colon, il conviendra d éliminer les constipations chroniques secondaires de l hypothyroïdie des maladies neurologiques (Parkinson ) ou psychiatriques. La Diarrhée fonctionnelle Les coprocultures normales écarteront le diagnostic de colites infectieuses ou parasitaires. Les biopsies duodénales élimineront une maladie coeliaque ou de Whipple, une lambliase, les biopsies coliques une colite microscopique (iatrogène) ou collagène, la coloscopie une M.I.C.I. un cancer colorectal. Enfin la diarrhée fonctionnelle devra être différentiée des autres diarrhées motrices (diabète, hyperthyroïdie tumeurs carcinoïdes, etc. ). Le Ballonnement abdominal fonctionnel Ne pose en général pas de problème diagnostique TRAITEMENT 19

Prise en charge psychologique du patient. Dans une pathologie aussi complexe que les T.F.I., il convient d adopter une relation particulière avec le patient, de telle sorte que le médecin puisse entendre l ensemble de sa plainte somatique et psychique, faire admettre les mécanismes en cause dans l origine de la maladie, l absence de gravité somatique des troubles, et la relation existant entre les émotions et l évolution de ces mêmes troubles, avec intérêt parfois du recours à une psychothérapie. Pour cela, il est nécessaire que le patient se sente : Cru dans sa plainte somatique, viscérale. Compris dans ses hésitations à verbaliser ses émotions Estimé. Il franchira ensuite quatre étapes (identiques à celles décrites pour l accompagnement des mourants) : Phase de refus, sans possibilité pour le patient de faire le lien entre sa souffrance à vivre et son retentissement sur ses symptômes. Phase de dépression, longue et difficile à gérer, nécessitant une étroite collaboration entre médecin traitant et spécialistes (psychiatre et gastro-entérologue). Phase de marchandage avec quête de nouveaux examens ou de nouveaux traitements. Phase d acceptation ou il s avère possible d établir un projet thérapeutique distinguant ce qui relève de la gastroentérologie de ce qui relève d un éventuel travail psychothérapique. Règles hygiéno-diététiques 20

Des conseils souples d hygiène de vie générale seront toujours de mise : Activité physique ou sportive régulière, adaptée aux envies et à l âge du patient. Prise des repas dans le calme, à heures régulières et sans précipitation. Diminution de la ration calorique absorbée sous forme de graisses. Mesures favorisant le sommeil. D autres mesures seront éventuellement nécessaires selon les différents syndromes cliniques Les traitements médicamenteux Il seront proposés en mono ou bithérapie selon l intensité des symptômes. La durée des traitements ne sera pas inférieure à 28 j, afin d éviter une récidive précoce. On préviendra le patient d un certain temps de latence dans l efficacité des traitements. Leur arrêt sera au mieux programmé selon un mode progressif, en particulier en cas de troubles du transit. Une évaluation sera proposée en cas de symptômes récents et/ou sévères. 1. Traitement du Ballonnement abdominal fonctionnel L alimentation évitera les excès d aliments réputés «fermentescibles» : choux, haricots en grains, poireaux, oignons, courgettes, de boissons gazeuses et /ou sucrées. Les traitements font appel au Charbon végétal seul ou en association Carbo-levure, Carbosylane avec un risque d induire une constipation secondaire Argiles type Bedelix 2. Traitement de la Constipation fonctionnelle 21

L alimentation visera à enrichir la ration en fruits et légumes frais, en fibres et assurer une prise de boisson suffisante. On conseillera de choisir un horaire physiologique de défécation et de se présenter à chaque besoin. Les traitements laxatifs : Les laxatifs de lest : à base de fibres ou de mucilages obtenues à partir de gomme de graines ou d algues : Poly-karaya, Spagulax, Transilane,Normacol Les laxatifs osmotiques : on préférera les macrogols aux laxatifs sucrés à condition d en adapter la posologie aux besoins : Movicol 13g, Forlax 10g, Transipeg 5,9g ou 2,5g. On évitera les laxatifs stimulants, salins, lubrifiants. On interdira les tisanes du commerce et les produits dits naturels qui contiennent généralement des laxatifs irritants. La rééducation du réflexe exonérateur peut nécessiter l utilisation temporaire de suppositoires : Eductyl 1/3j, voire de petits lavements à l eau tiède 1/7j. 3. Traitement de la Diarrhée fonctionnelle L alimentation visera à limiter l excès de glucides d absorption rapide, d alcool, de caféine. Les traitements reposeront sur : Les argiles : Smecta Actapulgite. Les pro-biotiques : Lacteol fort Les ralentisseurs du transit : Ioperamide, Arestal 4. Traitement du Syndrome de l intestin irritable 22

L alimentation sera adaptée selon les troubles prédominants du transit. On testera un régime d exclusion du lait à la recherche d une intolérance au lactose. Les traitements reposeront sur : les antispasmodiques, à doses fortes la première semaine de traitement, à dose normale ensuite. Trimébutine (Débridat 200) Antispasmodiques musculotropes (Meteospasmyl, Dicetel, Duspatalin ) Phloroglucinol (Spasfon lyoc), d action plus rapide, utilisé à la demande en cas d acmé douloureux Anticholinergiques : Buscopan, Librax, Visceralgine anciens, efficaces ont cependant des effets secondaires marqués (tachycardie, sécheresse de bouche) Il est inutile d associer deux antispasmodiques. Selon les troubles du transit on y associera éventuellement : Une argile en cas de diarrhée. Un mucilage en cas de constipation. Traitements d exception 23

Des formes rebelles de T.F.I. peuvent justifier des traitements ou prises en charge spécialisés. La Constipation fonctionnelle peut profiter de rééducation par biofeedback en cas de troubles dyschésiques sans anomalie organique à la défécographie ou avec des signes d anisme à la manométrie ano-rectale. La chirurgie de réduction colique peut exceptionnellement être indiquée en cas de constipation sévère, résistante à des doses importantes de macrogol, et le plus souvent associée à un dolichocôlon. La Diarrhée fonctionnelle Peut justifier une prise en charge par relaxation, hypnose ou psychothérapie comportementaliste. Le Syndrome de l intestin irritable peut parfois bénéficier du recours à un traitement antidépresseur à doses filées : les tricycliques ont prouvé leur efficacité mais pas les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (I.R.S.). Desipramine 150 mg, posologie atteinte par palier en 3 semaines et poursuivie durant 6 mois, avec décroissance progressive des doses. La crénothérapie est un recours précieux pour des S.I.I. résistant au traitement et surtout récidivant fréquemment. Plombières et Châtel-Guyon ont soigné des milliers de» colopathies post-amibiennes», archétype ancien du S.I.I. postinfectieux (S.I.I.P.I.). Traitements d avenir??????? 24

o Les a- et anta- gonistes des récepteurs à la sérotonine (5-HT) Les antagonistes des récepteurs 5-HT3 (- sétrons) Ils diminuent la réponse motrice, ralentissent les transits coliques accélérés, augmentent le seuil douloureux. L Alocetron et le Cilancetron ont été testés dans les diarrhées fonctionnelles et retirés du marché (efficacité médiocre effets secondaires graves, colites ischémiques, décès) Les antagonistes des récepteurs 5-HT4 Ils ont des effets similaires aux précédents. Les agonistes des récepteurs 5-HT4 Le Prucalopride diminue le temps de transit augmente le nombre de selles émises et augmente le seuil douloureux. Le Tegaserod a des effets identiques mais une efficacité modeste.il est commercialisé dans certains pays dans l indication SII avec constipation. o Les antagonistes des récepteurs à la cholécystokinine (CCK) Le Dexloxiglumide pourrait être intéressant chez les patients sans diarrhée. o Les agonistes des récepteurs opiacés malgré l échec de la Fédotozine, d autres études seraient en cours. o Les antagonistes des récepteurs à la neurokinine (NK1) Développement en cours. 25

LES MESSAGES LES TFI SONT UN HANDICAP LA DUREE DU TRAITEMENT NE DOIT PAS ETRE INFERIEURE A 28 JOURS LA PRISE EN CHARGE EST GLOBALE LE DIAGNOSTIC NE DOIT PAS ETRE PORTE PAR EXCES LA RELATION MEDECIN-MALADE EST ESSENTIELLE Bibliographie sommaire 26

1 Physiopathologie du SII 2 Quand et comment adresser un colopathe en psychothérapie? P Denis 3 Constipation de l adulte Prescrire n254 4 Sensibilité viscérale Michel Delvaux Springer digest distribué par Mayoli 27