Master 2 Algèbre appliquée Université Paris-Saclay. Algèbre effective

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Master 2 Algèbre appliquée Université Paris-Saclay Algèbre effective N. Perrin Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Année 2017-2018

Table des matières I. Théorème de Hilbert et bases de Gröbner 4 1. Quelques rappels 5 1.1. Polynômes, notations et rappels..................... 5 1.2. Idéaux, notations et rappels....................... 6 1.3. Théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable........ 8 2. Division des polynomes 10 2.1. Ordres admissibles............................ 10 2.2. Exemples d ordres admissibles...................... 11 2.3. Algorithme de division des polynomes.................. 12 3. Théorème de Hilbert 16 3.1. Idéaux monomiaux............................ 16 3.2. Le théorème de Hilbert.......................... 19 4. Bases de Gröbner 21 4.1. Définition................................. 21 4.2. Critère de Buchberger.......................... 23 4.3. Algorithme de Buchberger........................ 27 4.4. Bases de Gröbner réduites........................ 29

Première partie. Théorème de Hilbert et bases de Gröbner

1. Quelques rappels 1.1. Polynômes, notations et rappels Définition 1.1.1 Soit k un corps. 1. On note R = k[x 1,, x n ] l anneau de polynômes à coefficients dans k. Un élément de cet anneau est appelé polynôme. 2. On note k(x 1, ; x n ) le corps des fractions de R (rappelons que R est un anneau int`gre). C est le corps des fractions rationelles. Rapellons que l on a { P } k(x 1,, x n ) = P, Q R avec Q 0. Q Définition 1.1.2 Un monôme est un polynôme de la forme x α 1 1 x αn n avec α i N pour tout i [1, n]. On le note également x α avec α = (α 1,, α n ) N n. Le degré total de x α est α = α 1 + + α n. Remarque 1.1.3 1. Pour α = (0,, 0) on a x α = 1 l unité de l anneau R. 2. Les monômes forment une base du k-espace vectoriel R : tout polynôme P s écrit de manière unique comme somme finie de monômes : P = α a α x α avec a α k et a α = 0 sauf pour un nombre fini de α N. Définition 1.1.4 1. Dans l écriture, P = α a αx α, le scalaire a α est appelé coefficient du monôme x α dans P. 2. Le degré total de P est défini par deg(p ) = sup{ α a α 0}. 3. Un polynôme est dit homogène si tous les monômes apparaissant avec un coefficient non nul ont le même degré total. Exemple 1.1.5 Le polynôme x 1 x 2 x 3 + x 3 2 10x 2 1x 3 est homogène. Le polynôme x 1 2 + x 2 n est pas homogène.

6 1. Quelques rappels 1.2. Idéaux, notations et rappels Définition 1.2.1 Dans un anneau (commutatif) A, un idéal est un sous-ensemble I qui est un sous-groupe pour l addition et tel que l implication suivante est satisfaite : a A, b I ab I. Exemple 1.2.2 L exemple typique d un idéal est obtenu à partir d une combinaison linéaire déléments de l anneau : soit (a λ ) λ Λ une famille d éléments de A (cette famille est indexée par l ensemble Λ et peut être infinie). On définit (a λ λ Λ) l idéal engendré par la famille (a λ ) λ Λ comme l ensemble des combinaisons linéaires finies des (a λ ) λ Λ à coefficients dans A. Explicitement { } (a λ λ Λ) = b λ a λ bλ A et b α = 0 sauf pour un nombre fini de λ Λ. λ Λ Exercice 1.2.3 Soir A un anneau. 1. Vérifier que (a λ λ Λ) est un idéal de A. 2. Vérifiez que tout idéal de A est de cette forme. Exemple 1.2.4 Un cas particulier de l exemple 1.2.2 précédent est le cas d une famille (a λ ) λ Λ finie. Dans ce cas on indexe les élements de la famille par des entiers, typiquement a 1,, a r A avec r N, r 1. Dans ce cas on note (a 1,, a r ) l idéal engendré par cette famille. Exemple 1.2.5 Dans l anneau des polynômes R, voici quelque exemples de tels idéaux. 1. L idéal nul : (0) = {0}. 2. L anneau lui-même : (1) = R. 3. L idéal irrelevant : (x 1,, x n ) = R \ (k ) où k est l ensemble des éléments inversibles de k c est-à-dire k \ {0}. Définition 1.2.6 Soit A un anneau 1. Un idéal I de A est dit de type fini s il existe une famille finie d éléments a 1,, a r A telle que I = (a 1,, a r ). 2. Un anneau A est dit noethérien si tout idéal de A est de type fini. Le premier objectif de ce cours sera de donner une preuve constructive d un théorème classique dû à Hilbert. Théorème 1.2.7 (Théorème de Hilbert) L anneau R est noethérien.

7 L objectif n est pas tant le résultat en lui même mais plutôt la méthode, completement effective, ainsi que les outils développés qui serviront par la suite pour d autres problèmes algébro-géométriques. Avant celà, nous rappelons quelques résultats qui donnent une caractérisation de l idéal (a λ ) λ Λ ainsi qu un critère effectif d égalité entre idéaux. Lemme 1.2.8 Une intersection quelconque d idéaux est un idéal. Exercice 1.2.9 Donner une preuve du lemme précédent. Proposition 1.2.10 Pour tout sous-ensemble E d un anneau A il existe un unique plus petit idéal contenant E. C est l idéal (E) engendré par la famille des éléments de E. Exercice 1.2.11 Donner une preuve de la proposition précédente. Corollaire 1.2.12 Soit A un anneau et I un idéal. Soient a 1, a r des éléments de A. ALors on a l équivalence (a 1,, a r ) I a i I, pour tout i [1, r]. Exercice 1.2.13 Donner une preuve du corollaire précédent. On obtient enfin un critère simple d égalité d idéaux. Corollaire 1.2.14 Soit A un anneau et soient a 1, a r, b 1,, b l des éléments de A. Alors on a l équivalence { ai (b (a 1,, a r ) = (b 1,, b l ) 1,, b l ) pour tout i [1, r] et b j (a 1,, a r ) pour tout j [1, l]. Exercice 1.2.15 Donner une preuve du corollaire précédent. Exemple 1.2.16 Pour un corps k de caractéristique différente de 2, on a l égalité (x + y, x y) = (x, y). En effet, l inclusion de gauche à droite est claire et valable pour tout corps. Par contre, on a x = 1 2 (x + y) + 1 2 (x y) et x = 1 2 (x + y) 1 (x y). 2 En caractéristique 2, on a l inclusion stricte (x + y, x y) = (x + y) (x, y). Exercice 1.2.17 Dans l anneau k[x 1, x 2 ], pour quels corps de base k a-t-on l égalité d idéaux (2x 2 1 + 3x 2 2 11, x 2 1 x 2 2 3) = (x 2 1 4, x 2 2 1)?

8 1. Quelques rappels 1.3. Théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable C est un résultat bien connu que l anneau des polynômes à une variable est principal. Nous en presentons une preuve constructive qui sera le modèle de la preuve du théorème de Hilbert dans le cas général. Définition 1.3.1 Soit P k[x] un polynôme. Pour P 0, il existe des scalaires a 0,, a r k avec a r 0 tels que P = a r x r + +a 0. On a deg(p ) = r. Le polynôme a r x r est appelé terme dominant de P. On écrira LT(P ) = a r x r. Remarque 1.3.2 On a deg(p ) = deg(lt(p )). Exemple 1.3.3 Soit P = 2x 3 + 4x 7 x 4. On a LT(P ) = 4x 7. Remarque 1.3.4 Divisibilité des monômes. 1. Il est très simple de tester si un monôme ax r non nul de k[x] divise un autre monôme non nul bx l de k[x]. En effet ax r divise bx l si et seulement si r l. En particulier ax r divise bx l si et seulement si deg(ax r ) deg(bx l ). 2. La même chose est vraie pour les polynômes à plusieures variables. Le monôme ax α divise bx β si et seulement si α β pour l ordre (non total) qui compare chaque coefficient. Proposition 1.3.5 (Division euclidienne) Soient P 1 k[x] un polynôme non nul. Pour tout P k[x], il existe un unique couple (Q, S) d éléments de k[x] tels que P = QP 1 + S avec S = 0 ou deg(s) < deg(p 1 ). Preuve. On donne une preuve sous forme d algorithme. ALGORITHME : Entrée : P, P 1. Sortie : Q, S. Q := 0 et S := P. Tant que S 0 et que LT(P 1 ) divise LT(S) faire : Q := Q + LT(S)/LT(P 1 ) et S := S (LT(S)/LT(P 1 ))P 1. Donner (Q, S). FIN. Vérifions que cet algorithme fait ce qu on lui demande. À chaque tour de l algorithme, on a toujours l égalité P = QP 1 + S = (Q + LT(S)/LT(P 1 ))P 1 + (S (LT(S)/LT(P 1 ))P 1.

9 Par ailleurs, l algorithme s arrète lorsque (S 0 et LT(P 1 ) divise LT(S)) est fausse. On a donc en sortie l alternative S = 0 ou LT(P 1 ) ne divise pas LT(S)) c est-à-dire l alternative S = 0 ou deg(lt(p 1 )) > deg(lt(s)) c est-à-dire l alternative S = 0 ou deg(p 1 ) > deg(s). Il reste à verifier que l algorithme termine. À chaque étape, soit S devient nul, soit son degré diminue. En effet, l opération S := S (LT(S)/LT(P 1 ))P 1 consiste à éliminer grâce à P 1 le terme dominant de S. Au bout d un nombre fini d opérations, si S n est pas nul, son degré sera donc plus petit que celui de P 1. Vérifions enfin que cette écriture est unique. Si on a deux écritures P = QP 1 + S et P = Q P 1 + S, alors on a P 1 (Q Q ) = S S. Si S S, alors P 1 (Q Q ) 0 et on a deg(p 1 ) deg(p 1 (Q Q )) = deg(s S) max(deg(s), deg(s )) < deg(p 1 ). Une contradiction. On en déduit S = S et comme k[x] est intègre et P 1 0, on a Q = Q. Corollaire 1.3.6 Tout idéal de k[x] est principal : tout idéal I est de la forme I = (P ) avec P k[x]. De plus P est unique à multiplication par un scalaire non nul près. Preuve. Si I = (0), on a fini. On suppose donc que I contient au moins un élément non nul et on pose r = min{deg(q) Q I et Q 0}. Par hypothèse l ensemble ci-dessus est non vide et admet donc un minimum. Soit alors Q I tel que Q 0 et deg(q) = r. On montre l égalité I = (Q). Comme Q I, on a l inclusion (Q) I. Soit donc P I. La division euclidienne nous donne des polynômes R et S tels que P = QR + S avec S = 0 ou deg(s) < deg(q). On peut réécrire S = P QR et comme P, Q I, on obtient S I. Par minimalité de r = deg(q), on déduit S = 0 donc P = QR (Q). Il reste à monter l unicité. Si (P ) = (P ) alors P = QP et P = Q P. On obtient P = QQ P et donc QQ = 1 (lanneau est intègre). En particulier deg(q)+deg(q ) = 0 donc deg(q) = deg(q ) = 0 donc Q et Q sont des constantes non nulles.

2. Division des polynomes 2.1. Ordres admissibles On a vu qu un point crucial de la preuve du théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable est l utilisation de l ordre pour comparer les monômes et déterminer la divisibilité. Les choses sont plus complexes lorsqu on a au moins deux variables et nous aurons besoin de choisir des ordres ayant de bonnes propriétés sur l ensemble des exposants des monômes. Rappelons la notion d ordre et d ordre total. Définition 2.1.1 Soit E un ensemble et R une relation. 1. La relation R est une relation d ordre si elle est réflexive (pour tout e E, on a ere), antisymétrique (si erf et fre alors e = f) et transitive (si erf et frg alors erg). En général, on note une relation d ordre avec le symbole. La relation (a b et a b) est notée a < b. 2. Une relation d ordre est dite totale si pour tout e, f E, on a e f ou f e. Définition 2.1.2 Un ordre admissibleordre!admissible sur R = k[x 1,, x n ] est une relation d ordre < sur l ensemble des monômes (ou de manière équivalente sur l ensemble N n des exposants) vérifiant des conditions suivantes : 1. L ordre < est total. 2. L ordre < est compatible avec la multiplication : si x α < x β alors x α+γ < x β+γ. 3. L ordre < est bien ordonné : tout ensemble non vide de monômes a un élément minimal pour <. Remarque 2.1.3 1. La première condition permet d écrire tout polynôme comme une suite strictement décroissante de monômes. 2. La seconde condition parle d elle même : compatibilité avec la multiplication, si x α < x β alors x α x γ = x α+γ < x β+γ = x β x γ. 3. La troisième condition impose la propriété très utile suivante : il n existe pas de suite décroissante infinie. 4. L ordre usuel sur les monomes (x n ) n N est le seul ordre admissible.

11 2.2. Exemples d ordres admissibles Définition 2.2.1 L ordre lexicographique < lex est défini par : x α < lex x β le premier coefficient non nul de β α est > 0. Il est à noter que l on lit les éléments α et β de gauche à droite. Définition 2.2.2 L ordre lexicographique inversé < revlex est défini par : x α < revlex x β le dernier coefficient non nul de β α est > 0. On peut voir cet ordre comme un ordre lexicographique où on lit les éléments α et β de droite à gauche. Définition 2.2.3 L ordre lexicographique gradué est défini par : α < β x α < deglex x β ou α = β et x α < lex x β On compare d abord les degrés puis on applique l ordre lexicographique. Définition 2.2.4 L ordre lexicographique gradué inversé est défini par : α < β x α < degrevlex x β ou α = β et x α > revlex x β On compare d abord les degrés puis on applique l opposé de ordre lexicographique inversé. Remarque 2.2.5 Une définition équivalente de l ordre lexicographique gradué inverse est la suivante : α < β x α < degrevlex x β ou α = β et le dernier coefficient non nul de β α est < 0. Exemple 2.2.6 Soit n un entier et R = k[x 1,, x n ]. 1. On a les ordres suivants sur les monômes de degrés 1. Pour < lex : x 1 > x 2 > > x n. Pour < revlex : x 1 < x 2 < < x n. Pour < deglex : x 1 > x 2 > > x n. Pour < degrevlex : x 1 > x 2 > > x n.

12 2. Division des polynomes 2. Pour n = 3, on a les ordres suivants sur les monômes de degrés 2. Pour < lex : x 2 1 > x 1 x 2 > x 1 x 3 > x 2 2 > x 2 x 3 > x 2 3. Pour < revlex : x 2 1 < x 1 x 2 < x 2 2 < x 1 x 3 < x 2 x 3 < x 2 3. Pour < deglex : x 2 1 > x 1 x 2 > x 1 x 3 > x 2 2 > x 2 x 3 > x 2 3. Pour < degrevlex : x 2 1 > x 1 x 2 > x 2 2 > x 1 x 3 > x 2 x 3 > x 2 3. 3. On a x 2 1x 4 2x 6 3 < lex x 5 1x 4 2x 2 3 et x 2 1x 4 2x 6 3 > deglex x 5 1x 4 2x 2 3. Lemme 2.2.7 Les ordres < lex, < revlex, < deglex et < degrevlex sont admissibles. Exercice 2.2.8 Donner une preuve du lemme précédent. 2.3. Algorithme de division des polynomes Nous suppeserons désormais que l anneau des polynômes R est muni d un ordre admissible <. Définition 2.3.1 Soit P R non nul. On écrit P = α a αx α. 1. Le multidegré de P est mdeg(p ) = max{β a α 0}. Soit α = mdeg(p ). 2. Le monôme dominant de P est le monôme LM(P ) = x α. 3. Le coefficient dominant de P est le scalaire LC(P ) = a α. 4. Le terme dominant de P est le polynôme LT(P ) = a α x α. Remarque 2.3.2 Le multidegré, le monôme dominant et le terme dominant du polynôme nul 0 ne sont pas définis. Il est à noter que le monôme dominant LM(P ) et le terme dominant LT(P ) dépendent de l ordre < choisi. On les note parfois LM < (P ) et LT < (P ). Exemple 2.3.3 Pour P = 5x 2 1x 3 + 2x 1 x 2 x 2 3 C[x 1, x 2, x 3 ], on a LT <lex (P ) = 5x 2 1x 3 et LT <degrevlex (P ) = 2x 1 x 2 x 2 3. Lemme 2.3.4 Soient P, Q R des polynômes non nuls. 1. On a mdeg(p Q) = mdeg(p ) + mdeg(q) et LT(P Q) = LT(P )LT(Q). 2. Si P + Q 0, on a mdeg(p + Q) max(mdeg(p ), mdeg(q)). 3. Si mdeg(p ) < mdeg(q) alors LT(P + Q) = LT(Q).

13 Exercice 2.3.5 Donner une preuve du lemme précédent. Nous donnons maintenant un algorithme de division semblable à la division euclidienne. Proposition 2.3.6 (Algorithme de division) Soit F = (P 1,, P r ) une famille ordonnée de polynômes non nuls. Pour tout P R, il existe des polynômes (Q 1,, Q r, S) dans R tels que P = P 1 Q 1 + + P r Q r + S et que les deux conditions suivantes soient satisfaites : 1. pour tout i [1, r], on a P i Q i = 0 ou LT(P i Q i ) LT(P ). 2. S = 0 ou S est une combinaison linéaires de monômes dont aucun n est divisible par LT(P 1 ),, LT(P r ). Définition 2.3.7 Dans la proposition ci-dessus, le polynôme S est appelé reste de la division de P par F. Il est noté S = P F Preuve. On donne une preuve sous forme d algorithme. ALGORITHME : Entrée : P, P 1,, P r. Sortie : Q 1,, Q r, S. Q i := 0 pour i [1, r] et S := 0. T := P. (On introduit une variable locale T qui désigne le polynôme intermédiaire des divisions à chaque étape). Tant que T 0 faire : i := 1 division := faux. Tant que i r et division = faux faire : Si LT(P i ) divise LT(T ) alors (On divise T par P i et on arrête) Q i := Q i + LT(T )/LT(P i ) T := T (LT(T )/LT(P i ))P i division := vrai. Sinon i := i + 1 (On essaie le polynôme suivant de F ) Si division = faux faire : (si aucun élément de F n a marché, on regarde le coefficient suivant de T ) S := S + LT(T ) T := T LT(T ). Donner (Q 1,, Q r, S). FIN.

14 2. Division des polynomes Vérifions que cet algorithme fait ce qu on lui demande. 1. Commençons par montrer qu à chaque tour de l algorithme, on a toujours l égalité : P = Q 1 P 1 + + Q r P r + S + T. On a deux cas à considerer. Si LT(P i ) divise LT(T ) alors on a l égalité P i Q i + T = P i (Q i + LT(T )/LT (P i ) + T (LT(T )/LT(P i ))P i. Les autres termes de l égalité restant inchangés, le résultat en résulte. Si on a aucune divisibilité et que la variable division a encore la valeur faux alors on a l égalité : S + T = (S + LT(T )) + (T LT(T )) les autres termes sont inchangés. 2. On voit donc qu en fin d algorithme, comme T = 0, on aura l égalité voulue. 3. Montrons maintenant que l algorithme s arrête effectivement. Pour celà il suffit de montrer que le multi-degré de la variable locale T diminue à chaque étape. On a les deux même cas à considerer. Si LT(P i ) divise LT(T ) alors T devient T (LT(T )/LT(P i ))P i et on a éliminé son terme dominant. Si on a aucune divisibilité et que la variable division a encore la valeur faux alors T devient T LT(T ) et le multi-degré a encore diminué. 4. La condition sur S est claire : on ne change S que lorsque la variable division a la valeur faux c est-à-dire qu aucun des LT(P i ) ne divise LT(T ) et on ajour alors LT(T ) a S. 5. Il reste à montrer les conditions sur P i Q i. Mais on a vu que le multi-degré de T est décroissant au cours de l algorithme avec T = P en début d algorithme. On a donc toujours LT(T ) LT(P ) Comme les monômes apparaissant dans Q i sont de la forme LT(T )/LT(P i ), si P i Q i est non nul, on a toujours LT(P i Q i ) LT(T ) LT(P ). Exemple 2.3.8 Soit < l ordre lexicographique et soient P 1 = x 1 x 2 + 1 et P 2 = x 2 2 1. Soit enfin P = x 1 x 2 2 x 1. 1. Pour F = (P 1, P 2 ), l algorithme de division donne le résultat suivant : P = x 1 x 2 2 x 1 = x 2 (x 1 x 2 + 1) + 0 (x 2 2 1) + ( x 1 x 2 ). 2. Pour F = (P 2, P 1 ), l algorithme de division donne le résultat suivant : P = x 1 x 2 2 x 1 = x 1 (x 2 2 1) + 0 (x 1 x 2 + 1) + 0. En particulier, on voit deux choses : L algorithme de division depend de l ordre de la famille. La condition P F = 0 est une condition suffisante pour l appartenance P (P 1,, P r ) mais non nécessaire.

15 Nous verrons que les bases de Gröbner fournissent une solution à ces deux problèmes : la division ne depend plus de l ordre et l annulation du reste est une condition nécessaire et suffisante à l appartenance à un idéal. Exemple 2.3.9 Soit < l ordre lexicographique et soit P = x 2 1x 2 + x 1 x 2 2 + x 2 2. 1. Soit F = (P 1, P 2 ) avec P 1 = x 1 x 2 1 et P 2 = x 2 2 1. L algorithme de division nous donne : P = x 2 1x 2 + x 1 x 2 2 + x 2 2 = x 1 (x 1 x 2 1) + x 1 x 2 2 + x 1 + x 2 2 = x 1 (x 1 x 2 1) + x 2 (x 1 x 2 1) + x 1 + x 2 2 + x 2 = (x 1 + x 2 )(x 1 x 2 1) + 1 (x 2 2 1) + x 1 + x 2 + 1. 2. Soit F = (P 1, P 2 ) avec P 1 = x 2 2 1 et P 2 = x 1 x 2 1. L algorithme de division nous donne : P = x 2 1x 2 + x 1 x 2 2 + x 2 2 = (x 1 + 1)(x 2 2 1) + x 1 (x 1 x 2 1) + 2x 1 + 1. Exercice 2.3.10 Calculer le reste de la division du polynôme P = x 7 1x 2 2+x 3 1x 2 2 x 2 +1 dans les cas suivants. 1. Avec l ordre > deglex et la famille F = (x 1 x 2 2 x 1, x 1 x 3 2). 2. Avec l ordre > lex et la famille F = (x 1 x 2 2 x 1, x 1 x 3 2). 3. Avec l ordre > deglex et la famille F = (x 1 x 3 2, x 1 x 2 2 x 1 ). 4. Avec l ordre > lex et la famille F = (x 1 x 3 2, x 1 x 2 2 x 1 ).

3. Théorème de Hilbert Fixons un ordre admissible <. 3.1. Idéaux monomiaux Les idéaux monomiaux sont une classe d idéaux pour lesquels les problèmes de division, appartenance, existence d une base, etc. sont très facile à résoudre. Définition 3.1.1 Un idéal I de R est dit monomial s il existe un sous-ensemble A N n d exposants (eventuellement infini) tel que I = (x α α A). Le premier problème auquel on se consacre est le problème d appartenance : pour I un idéal monomial et P R, à quelle condition a-t-on P I? On commence par le cas où P est un monôme. Lemme 3.1.2 Soient I = (x α α A) un idéal monômial et x β un monôme. On a alors l équivalence (x β I il existe α A tel que x α divise x β ). Preuve. L implication de droite à gauche est claire. Réciproquement, on écrit x β = α A P αx α avec P α R et P α = 0 sauf pour un nombre fini d entre eux. En développant les P α x α en monômes, on voit que x β doit apparaître dans l un d entre eux au moins. Il existe donc un x α qui divise x β. Le cas général en découle. Lemme 3.1.3 Soit I = (x α α A) un idéal monômial et soit P R. On a équivalence entre les propositions suivantes : 1. P I. 2. Tous les monômes de P appartiennent à I. 3. P est une combinaison linéaire de monômes de I.

17 Preuve. Les implications (2. 3.) et (3. 1.) sont claires. On montre (1. 2.). On procède par récurrence sur le nombre de monômes de P. Si P est un monôme, le résultat est clair. Sinon, on écrit LT(P ) = cx β et P = cx β + (P LT(P )). On écrit P = α A P αx α avec P α R et P α = 0 sauf pour un nombre fini d entre eux. En développant les P α x α en monômes, on voit que x β doit apparaître dans l un d entre eux au moins. Il existe donc un x α qui divise x β donc LT(P ) I. On en déduit P LT (P ) I et le résultat en découle par récurrence. On obtient un critère d égalité pour les idéaux monomiaux. Corollaire 3.1.4 Deux idéaux monomiaux sont égaux si et seulement si ils contiennent les même monomes. On en déduit le théorème de Hilbert pour les idéaux monomiaux. Théorème 3.1.5 (Lemme de Dickson) Soit I = (x α α A) un idéal monomial. Alors il existe un sous-ensemble fini α 1,, α r A tel que I = (x α 1,, x αr ). En particulier I est de type fini. Preuve. On procède par récurrence sur le nombre de variables n. Si n = 1, alors I = (x α 1 α A). On pose β = min{α A} (il est à noter que dans ce cas A est un ensemble d entiers). Pour tout α A, on a β α donc x β 1 divise x α 1 et donc x α 1 (x β 1). On en déduit I = (x β 1). Supposons le résultat prouvé pour n 1 variables. On écrit les monômes en les variables x 1,, x n 1, x n sous la forme x α ym où x α est un monôme en les n 1 première variables x 1,, x n 1 et α N n 1. On considère l idéal J k[x 1,, x n 1 ] suivant (obtenu par projection de I sur k[x 1,, x n 1 ]) : J = (x α il existe m tel que x α y m I). Il est clair que J est un idéal monomial. Par hypothèse de récurrence, il existe des exposants α 1,, α r de N n 1 tels que J = (x α 1,, x αr ). Pour chaque i [1, r], il existe, par définition de J, un entier m i N tel que x α i y m i I. On pose m 0 = max{m 1,, m r }. Maintenant pour chaque k [0, m 0 1], on considère l idéal J k k[x 1,, x n 1 ] défini par (la section de I engendré par les monômes où y apparaît à la puissance k) : J k = (x α x α y k I). Il est clair que J k est un idéal monomial pour tout k [0, m 0 1]. Par hypothèse de récurrence, il existe des exposants α k,1,, α k,rk de N n 1 tels que J k = (x α k,1,, x α k,rk ). Nous allons maintenant montrer l égalité : I = (x α i y m 0, x α k,j y k i [1, r], k [0, m 0 1], j [1, r k ]).

18 3. Théorème de Hilbert On commence par montrer que les monômes de droites sont dans I. Pour i [1, r], on a x α i y m i I. Et comme m 0 m i, on a en déduit x α i y m 0 = x α i y m i y m 0 m i I. Pour k [0, m 0 1] et j [1, r k ], on a x α k,j Jk et par définition x α k,j y k I. Réciproquement, montrons que tout monôme de I est divisible par l un des monômes de droite. Soit donc x α y l I. De deux choses l une : soit l m 0, soit l [0, m 0 1]. Dans le premier cas, on a par définition x α J donc il existe un i [1, r] tel que x α i divise x α. Par ailleurs comme l m 0, le monôme y m 0 divise y l. On en déduit que x α i y m 0 divise x α y l. Dans le second cas, on a l [0, m 0 1] et x α J l. En particulier, il existe un j [1, r l ] tel que x α l,j divise x α. On en déduit que x α l,j y l divise x α y l. On a donc montré que I est de type fini I = (x β 1,, x βr ). Il reste à vérifier que l on peut prendre pour générateurs des éléments de A. Mais pour tout i, on a x β i I donc par le Lemme 3.1.2, il existe α i A tel que x α i divise x β i. On peut donc remplacer x β i par x α i ce qui prouve le résultat. Exemple 3.1.6 Voici quelques exemples de base obtenues à partir de la méthode développée dans la preuve ci-dessus. 1. Soit I = (x 3 1x 3 2, x 4 1x 2 2, x 2 1x 5 2). On applique la méthode du théorème précédent. On a tout d abord J = (x 3 1, x 4 1, x 2 1) = (x 2 1). On a donc m 1 = 5 = m 0. On a ensuite On en déduit une base pour I : J 0 = J 1 = (0), J 2 = (x 4 1), J 3 = (x 3 1) et J 4 = (x 3 1). I = (x 2 1x 5 2, x 4 1x 2 2, x 3 1x 3 2, x 3 1x 4 2). 2. Soit I = (x 4 1x 2 2, x 3 1x 4 2, x 2 1x 5 2). On applique la méthode du théorème précédent. On a tout d abord J = (x 4 1, x 3 1, x 2 1) = (x 2 1). On a donc m 1 = 5 = m 0. On a ensuite On en déduit une base pour I : J 0 = J 1 = (0), J 2 = (x 4 1) = J 3 et J 4 = (x 3 1). I = (x 2 1x 5 2, x 4 1x 2 2, x 4 1x 3 2, x 3 1x 4 2). Corollaire 3.1.7 Soit < un ordre sur N n (ou sur les monômes de R) satisfaisant les deux premières conditions pour être un ordre admissible (c est-à-dire que l ordre est total et compatible avec la multiplication). Alors < est admissible si et seulement si x α x 0 pour tout α N n. Preuve. Supposons que l ordre est admissible et soit x α le plus petit monôme pour l ordre <. On doit montrer que α = 0. Si ce n est pas le cas, on a x α < x 0 et en multipliant par x α on obtient x 2α < x α contredisant la minimalité de x α. Réciproquement, il nous faut montrer que tout ensemble non vide de monômes a un élément minimal. Soit {x α α A} un tel ensemble de monômes avec A non vide. On

19 pose I = (x α α A). Par le lemme de Dickson, il existe des éléments α 1,, α r A tels que I = (x α 1,, x αr ). Quitte à réordonner les termes, on peut supposer que l on a x α 1 < < x αr. Nous allons montrer que x α 1 est le minimum de {x α α A}. Soit donc x α avec α A un élément de cet ensemble. On a x α I et donc il existe un i tel que x α i divise x α. On a donc α = α i + β avec β N n. Par hypothèse, on a β 0 et donc α = α i + β α i α 1 ce qui prouve le résultat. 3.2. Le théorème de Hilbert Nous allons maintenant montrer le théorème de la base de Hilbert de manière effective. Un outil essentiel et qui servira également plus tard est l idéal des termes dominants (encore une fois on a choisi un ordre admissible <). Définition 3.2.1 Soit I R un idéal. 1. L ensemble des termes dominants LT(I) de I est défini par : LT(I) = {LT(P ) P I}. 2. L idéal des termes dominants de I est l idéal (LT(I)) engendré par LT(I). Remarque 3.2.2 L idéal (LT(I)) est monomial (on peut remplacer LT(P ) par LM(P ) dans la définition). Exemple 3.2.3 Soit I k[x 1, x 2 ] et < l odre lexicographique. 1. Pour I = (x 1 + x 2 ), on a (LT (I)) = (x 1 ). On remarque en particulier que l on a (LT(I)) I et I (LT(I)). 2. Pour I = (P 1, P 2 ) avec P 1 = x 3 1 2x 1 x 2 et P 2 = x 2 1x 2 2x 2 2 + x 1, remarquons que l on a pas (LT(I)) = (LT(P 1 ), LT(P 2 )). En effet, (LT(P 1 ), LT(P 2 )) = (x 3 1, x 2 1x 2 ). Cependant, on a x 1 P 2 x 2 P 1 = x 1 (x 2 1x 2 2x 2 2 + x 1 ) x 2 (x 3 1 2x 1 x 2 ) = x 2 1 et donc x 2 1 I. En particulier x 2 1 = LT(x 2 1) LT(I) mais x 2 1 (LT(P 1 ), LT(P 2 )). Dans cet exemple, on a donc une inclusion stricte (LT(P 1 ), LT(P 2 )) (LT(I)). Proposition 3.2.4 Soit I R un idéal. Alors il existe P 1,, P r dans I tels que (LT(I)) = (LT(P 1 ),, LT(P r )). Preuve. L idéal (LT(I)) est monomial engendré par la famille {LT(P ) P I}. Le lemme de Dickson nous donne le résultat. Théorème 3.2.5 (Théorème de la base de Hilbert) Tout idéal I R est de type fini.

20 3. Théorème de Hilbert Preuve. On peut supposer I (0). On écrit alors (LT(I)) = (LT(P 1 ),, LT(P r )) avec P 1,, P r I. Nous suffit de montrer que l on a l égalité : I = (P 1,, P r ). L inclusion (P 1,, P r ) I est claire. Soit donc P I. En utilisant l algorithme de division, on écrit P = P 1 Q 1 + + P r Q r + S. Si S = 0, on a terminé. Supposons donc S 0. On a alors par construction que pour tout i [1, r], le polynôme LT(P i ) ne divise aucun monôme de S. Mais on a S = P Q 1 P 1 P r Q r I. En particulier LT(S) (LT(I)) = (LT(P 1 ),, LT(P r )) et donc l un des LT(P i ) divise LT(S). Une contradiction. On en déduit le corollaire habituel qui affirme que R est noethérien. Corollaire 3.2.6 Toute suite croissante d idéaux de R est stationnaire. Preuve. Soit I 1 I 2 I n une suite croissante d idéaux. On voit alors que I = n I n est un idéal. Il existe donc P 1,, P r I tels que I = (P 1,, P r ). Pour chaque i, il existe n i tel que P i I ni. Soit N = max{n i i [1, r]}. On a alors I = (P 1 P r ) I N I et donc I = I N. La suite est stationnaire. Exercice 3.2.7 Soit I 1 I 2 I n une suite croissante d idéaux, montrer que la réunion I = n I n est un idéal.