Note préparatoire Petit déjeuner du 27/05/13



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Note préparatoire Petit déjeuner du 27/05/13 L exclusion bancaire Contexte et enjeux de l exclusion bancaire L utilisation de biens et services bancaires est devenu une nécessité pour chacun dans sa vie quotidienne : pour recevoir son salaire, effectuer des paiements par carte de crédit, faire face à des dépenses imprévues ou souscrire à un crédit à la consommation. L exclusion bancaire peut être la conséquence de plusieurs types de situations : le fait d accumuler les frais bancaires, d être en situation de surendettement, de ne pas avoir de dépôt ou de carte bancaire, de ne pas pouvoir accéder à un crédit adapté à ses besoins. Elle concerne des personnes physiques, en tant que consommateur ou en tant que créateur d entreprise. Par agrégation de plusieurs données, on peut considérer que le phénomène d exclusion bancaire touche entre 5 et 6 millions de personnes en France. Les personnes touchées par le surendettement et les interdits bancaires font partie de cette population. Entre 1,7 et 2,5 millions de personnes sont «interdites bancaires» : 1,7 millions de personnes inscrites au fichier central des chèques ; et 2,5 millions inscrites au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Quant au surendettement, le nombre de dossiers déposés chaque année à la Banque de France est en constante augmentation depuis 20 ans : on en compte plus de 200 000 par an actuellement. Fin 2010, plus de 780 000 ménages étaient en cours de désendettement. Par ailleurs, 82% des dossiers de surendettement déposés en 2010 contenaient des crédits renouvelables (4 crédits renouvelables par dossier en moyenne) 1. Plus largement, toute personne en situation précaire et traversant une période d instabilité personnelle ou financière est concernée par le risque d exclusion financière : bénéficiaires de minimas sociaux, demandeurs d emploi, familles monoparentales, jeunes, etc. Mais l exclusion bancaire ne touche pas que les publics précaires : certains créateurs d entreprises n ont pas accès aux circuits de financement classiques. De plus, les ménages issus des classes moyennes qui sont dans une situation de mal endettement (crédit renouvelable utilisé au lieu d un crédit amortissable à taux modéré) peuvent voir leur situation se dégrader à la suite d un accident de vie (séparation, perte d emploi, longue maladie, etc) et tomber dans une spirale de fragilisation. Caractériser l exclusion bancaire Le phénomène a été analysé au niveau national et international depuis les années 1990 (Leyshon et Thrift en 1995; Kempson et Whyley en 1999; Devlin en 2005, étude du Réseau de Financement Alternatif en 2008). Alors que les politiques de lutte contre l exclusion bancaire s appuient essentiellement sur les difficultés d accès, les chercheurs et réseaux de plaidoyers mettent en lumière l interrelation des difficultés d accès et d usage des produits et services bancaires (études du Réseau de Financement Alternatif et de l Observatoire de l Epargne Européenne en 2008 pour la Commission Européenne). 1 In Banque de France, 2011, Enquête typologique 2010 sur le surendettement.

Georges Gloukoviezoff 2, spécialiste sur ces questions, définit l exclusion bancaire comme un «processus par lequel des personnes rencontrent de telles difficultés d accès ou d usage dans leurs pratiques bancaires qu elle ne peuvent pas ou plus mener une vie sociale normale dans la société qui est la leur». Gloukoviezoff (2004) souligne que les difficultés d accès aux produits et services bancaires sont une conséquence des difficultés d usage, faisant de l exclusion bancaire un processus. Au départ, les personnes ont accès aux produits et services bancaires mais cet accès n est pas adapté à leurs besoins. On observe alors des difficultés d usage lorsque les personnes n utilisent pas les services auxquels ils ont accès à cause du manque de confiance ou d information. Jauneau et Olm (2010) montrent en effet que près de la moitié des ménages en situation de pauvreté sont mal informés sur le fonctionnement bancaire (absence de souvenir d avoir signé une convention de compte, méconnaissance des conditions de débit des chèques ou des paiements par carte bancaire, etc), soit un taux de mésinformation plus important que celui observé pour l ensemble de la population. Les difficultés d usage concernent aussi des personnes qui, en utilisant les services financiers, font face à des conséquences négatives sur leur situation, compte tenu de l inadaptation des services à leurs besoins ou de leur utilisation inappropriée par les personnes. Ces difficultés d usage sont constatées depuis la fin des années 1980 par les réseaux œuvrant pour l inclusion financière (Croix Rouge, Secours Catholique, UNCCAS, etc 2 ). Ces problèmes d utilisation peuvent être de plusieurs types : octroi d un crédit à la consommation dont les mensualités sont trop élevées ; incompréhension des modalités des crédits renouvelables 4, mauvais fonctionnement du compte et des moyens de paiement générant des frais d incidents en cascade pouvant aller jusqu au fichage, utilisation d une carte de crédit à débit différé pouvant conduire à des découverts. Par conséquent, ces difficultés d usage entrainent des difficultés d accès, telles que se voir refuser l ouverture d un compte de dépôt ou ne pas oser franchir le pas de son agence bancaire (phénomène d auto-exclusion). L exclusion bancaire provoque ensuite des conséquences sociales, entrainant les personnes dans une spirale de fragilisation : diminution du «reste à vivre», non financement de besoins ou projets fondamentaux (mobilité, santé, formation professionnelle) faute d accès au crédit, «mal-endettement» (crédit renouvelable proposé au lieu d un crédit amortissable à taux modéré), mal être personnel et familial. Selon Gloukoviezoff, l exclusion bancaire a enfin des conséquences sociétales, l absence d accès aux services bancaires pouvant perturber «l ensemble des modalités de participation à la société». Les facteurs de développement de l exclusion bancaire - L intensification de la monétarisation de la vie quotidienne Les produits et services bancaires sont progressivement devenus incontournables pour accomplir des actes essentiels de la vie quotidienne : recevoir son salaire, ses aides sociales, accéder aux services publics. Certaines de ces mutations ont été provoquées par le législateur, notamment l obligation en 1973 d avoir un compte bancaire pour percevoir son salaire, et dès 1978 la perception des prestations sociales sur son compte bancaire. Depuis 1984, le «droit au compte» est inscrit dans le droit français : toute personne ne possédant pas de compte bancaire et se voyant refuser l ouverture d un compte par une banque, peut s adresser à la Banque de France qui désignera un établissement bancaire qui aura l obligation de lui ouvrir un compte. Ainsi en 2012, 99% des ménages français ont-ils ont accès à un compte bancaire, correspondant à l obligation légale. D autres mutations sont liées à l évolution des normes sociales : essor de la consommation basée sur une logique marchande, émancipation des femmes qui a sorti le travail des femmes du bénévolat, développement du mode de vie urbain, multiplication des intermédiaires privés fournissant des biens et services. Il en résulte une dépendance de plus en plus forte des citoyens aux produits et services bancaires pour mener une vie sociale «normale». 2 Georges Gloukoviezoff est docteur en économie et spécialiste des questions d inclusion financière des particuliers. Il est membre de l Observatoire national de la pauvreté et de l exclusion sociale et dirige le bureau d étude 2G Recherche. 3 Par exemple, 24% des ménages vivant sous le seuil de pauvreté paient essentiellement en espèces (contre 8% pour l ensemble de la population) et lorsqu ils disposent d une carte de paiement, 25% de ces ménages ne l utilisent jamais. 4 Le crédit renouvelable (revolving credit) consiste à mettre à disposition d un emprunteur une somme d argent réutilisable au fur et à mesure de son remboursement pour financer des achats non prédéfinis. Il constitue une formule particulière de crédit à la consommation. Le renouvellement du crédit permanent s opère au fur et à mesure des remboursements de l emprunteur dans la limite du montant autorisé. Cette formule de crédit est généralement assortie d une carte de crédit utilisable dans un réseau des commerces affiliés. Les crédits renouvelables ne sont pas difficiles d accès, au contraire leur accès est parfois trop aisé mais les modalités d utilisation du produit sont compliquées à comprendre pour des publics mal informés.

- L évolution du marché bancaire vers une optique de rentabilisation de la relation client Sous l effet du mouvement de privatisation d établissements bancaires à partir des années 1980 (i.e. mise en bourse en 1987 de 100% du capital de BNP Paribas, du Crédit Commercial de France et de la Banque du Bâtiment et des Travaux Publics) et de la saturation du marché des particuliers, les banques cherchent à rentabiliser la relation avec chaque client. Dans ce cadre, les conseils et produits personnalisés sont souvent considérés comme trop coûteux pour être fournis aux consommateurs les plus fragiles, qui pourtant ont le plus besoin de conseils. Si l accès à des services financiers est refusé à certains consommateurs, c est donc pour anticiper que ces personnes feront face à des difficultés d utilisation et ne seront pas des clients rentables pour la banque. Une appréhension du phénomène d exclusion bancaire par les politiques essentiellement par le prisme des difficultés d accès Des pratiques de régulation diverses en Europe Dans une perspective européenne, on constate que les politiques d inclusion bancaire sont très diverses, allant d une politique d autorégulation au Royaume-Uni, à une forte régulation en Belgique avec l obligation faite à chaque banque de fournir des services de base. L exclusion bancaire est devenue un enjeu politique européen avec l objectif d assurer que chaque résident et non résident de l UE ait accès à un compte bancaire de base. Ce sujet de l exclusion bancaire implique plusieurs directions générales au niveau européen : la DG Emploi et Affaires sociales, la DG Marché Extérieur et des Services et la DG Santé et Consommateurs. Par ailleurs, deux études de la Commission Européenne ont été réalisées sur le sujet par le Réseau Financement Alternatif et l Observatoire de l Epargne Européenne en 2008. - Les politiques de régulation en France En France, des politiques de régulation ont été mises en place en tenant compte de l hétérogénéité de son industrie financière (banques privées, mouvement coopératif, institutions de financement public). Selon le collectif «Manifeste pour l inclusion bancaire en France» 5, une partie des lois votées répondent partiellement au problème en se focalisant essentiellement sur l amélioration des conditions d accès et moins des conditions d usage des biens et services bancaires : droit au compte bancaire (1984) ; loi sur le service bancaire de base (1998), création du Fonds de cohésion sociale pour faciliter l accès au crédit des populations fragiles via le microcrédit personnel et professionnel (2005) ; plan d action pour l accès de tous aux services bancaires (2006) ; Charte d accessibilité bancaire (2009). Pour autant, des efforts ont été réalisées par les pouvoirs publics en matière d amélioration des conditions d usage des produits et services bancaires : création d une commission de surendettement (1989, loi Neiertz) pouvant décider de rééchelonner voire d annuler certaines dettes ; désignation de médiateurs au sein des établissements de crédit ; procédure juridictionnelle du rétablissement personnel permettant, sous certaines conditions, un effacement rapide des dettes (2003) ; loi sur le crédit à la consommation et la prévention du surendettement (2010) incluant un contrôle de la publicité pour les crédits renouvelables, une obligation d information des clients sur le risque d endettement et un allongement du droit de rétraction du client. Les leviers identifiés par les chercheurs et les réseaux de plaidoyers - Adapter les pratiques bancaires au public concerné : le microcrédit personnel ou professionnel La mise en place du microcrédit complète les mesures mises en place pour favoriser l accès à des produits et services bancaires de base, et permettre l accès des populations fragiles à des moyens de paiement adaptés. Le microcrédit s inscrit dans le prolongement de dispositifs anciens en Europe, tels que les monts de piété et le mutualisme. Le secteur fait l objet en France d une distinction entre crédit personnel et professionnel, selon le type de publics visés. Dans les deux cas, ces crédits sont associés à un accompagnement adapté des bénéficiaires, comme facteur clé de succès de la sécurisation des projets : identification du projet, information complète sur le dispositif, aide pour anticiper ou résoudre les difficultés de remboursement, etc. L accompagnement est réalisé en partenariat entre un réseau accompagnant (UNCCAS, UNAF, Croix-Rouge, Secours catholique, FNARS, Crésus, etc), et les réseaux bancaires agréés par le Fonds de cohésion sociale. Le rapport Soulage montre que le suivi du bénéficiaire par le réseau accompagnant pendant toute la durée du prêt est un facteur clé de remboursement. Le secteur bénéficie par ailleurs d un dispositif de garanties publiques mis en œuvre notamment dans le cadre du Fonds de cohésion sociale (2005), géré par la Caisse des Dépôts et Consignations. - Le microcrédit personnel garanti Ce prêt bancaire vise à financer des projets personnels portés par des personnes qui disposent d une capacité de remboursement mais exclues du crédit bancaire classique. Le dispositif a été introduit par l Etat dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 (dite loi Borloo). Il s adresse particulièrement aux allocataires des minima sociaux, demandeurs d emploi indemnisés, travailleurs précaires en CDD, en intérim ou aux revenus irréguliers. 5 Manifeste pour l inclusion bancaire en France. Croix-Rouge française, Secours Catholique, UNCCAS. 2011.

Le montant du microcrédit personnel est limité à 3000 (jusque 5 000 dans des cas exceptionnels), remboursable par des mensualités constantes, sur une durée de maximum de 36 mois, avec un taux d intérêt fixe (entre 2,5% et 8% selon les établissements). C est donc un prêt personnel amortissable, et non un crédit renouvelable. L outil est fréquemment utilisé pour l achat ou la réparation d un véhicule servant à l emprunteur dans l exercice de son activité professionnelle, ou pour financer une formation professionnelle, un permis de conduire, des soins de santé. Le microcrédit professionnel Ce crédit est accordé aux personnes exclues du marché du travail pour créer ou développer leur activité professionnelle. Ce prêt remboursable a deux caractéristiques : il est toujours d un montant inférieur à 25 000, et est associé à un accompagnement à la création d entreprise. En 2010 en France, le microcrédit professionnel a favorisé le développement d environ 56 000 créations ou reprise d entreprises, et peut servir à acquérir les premiers matériels pour démarrer une activité professionnel ou réaliser un premier contrat. Les petites entreprises créées à l aide du microcrédit présentent des risques de défaillance inférieurs à la moyenne des entreprises. Pourtant, le dispositif reste méconnu puisque seul un créateur de société sur cinq ferait appel à ce financement. Il existe deux types de microcrédit professionnel : ceux à caractère de fonds propres (69% des microcrédits professionnels en 2011) 6 avec une logique de prêts d honneur, et ceux à portée générale (31% des crédits) avec une logique de microcrédits accordés à titre onéreux. Plusieurs dispositifs proposent un accompagnement, et qui ont chacun leurs propres cibles. L ADIE vise les créateurs d entreprises très en difficulté, en leur proposant des crédits à titre onéreux (10 000 maximum) et des prêts d honneur (jusque 3 000 à 0%). France Active offre une garantie d emprunts bancaires, soit une intervention indirecte sur les fonds propres en mobilisant la banque. L objectif de ce microcrédit garanti est de donner les mêmes conditions d accès au crédit, sans recours excessif aux cautions solidaires 7. Le réseau Initiative France, lui, offre des prêts d honneur à un public «tout venant» pour des apports en fonds propres. Enfin, le réseau Entreprendre vise des petites entreprises à potentiel (création de 3-4 emplois dès l origine). Renforcer la régulation pour limiter l influence de la logique de marché qui a mené à l intensification de la monétarisation Les chercheurs et les réseaux d accompagnants pointent tous la nécessité d améliorer la transparence des pratiques bancaires à l égard des clientèles fragiles, grâce à des indicateurs prenant en compte les questions d accès mais aussi d usage. Ces évaluations impliquent d une part le croisement d approches quantitatives et qualitatives. En matière d outils quantitatifs, on pourra donner plus de valeur au crédit amortissable qu au crédit renouvelable ou encore prendre en compte la Gamme de Moyens Alternatifs (GMA) au chèque. Proposée aux clients en difficulté, la GMA comprend en général la possibilité de faire des virements, des prélèvements, une carte de paiement à autorisation systématique (paiement et retrait uniquement si le compte est suffisamment approvisionné) ainsi qu une alerte sur le niveau du solde du compte. Les outils qualitatifs incluent la mise en place d outils de dialogue avec la clientèle et de systèmes d alerte, et la mise à disposition de ressources pour accompagner les banques. Par exemple, le gouvernement irlandais a mis en place des Money Advise Budgeting Services (MABS) locaux où des conseillers offrent des appuis personnalisés aux personnes fragilisées : information conseil, défense juridique, garanties d emprunts. En termes d impact en 2004, 73 % des personnes aidées avaient remboursé leurs dettes ou étaient en train de le faire. Sur la base de ces critères d accessibilité, le Rapport Soulage évoque un système de certification indépendante des banques qui indiquerait les progrès réalisés par les banques, afin de jouer sur leur réputation. Georges Gloukoviezoff prône également la mise en place de mécanismes d incitations et de sanctions pour assurer l implication des établissements bancaires. Par exemple, les banques actives dans le domaine pourraient bénéficier, à capacité égale, d un avantage réel lors des appels d offres de l Etat et des collectivités territoriales. Les banques devraient également être encouragées à offrir un service bancaire de base afin de répondre aux besoins des populations fragiles, tout en proposant une offre élargie de services afin d être rentable sur le marché. Le rapport Soulage 8 préconise lui d obliger les banques à alerter précocement les personnes dont le compte se dégrade afin de prévenir les situations de surendettement, ou encore de rétribuer les banques responsables par une gratification financière à travers un fonds qu auront alimenté toutes les banques. Une autre piste d action est la systématisation de l accompagnement des personnes en situation de fragilité budgétaire, d exclusion bancaire ou de surendettement (préconisation du Rapport Soulage). L objectif serait de créer un réseau de «points conseil budget» pour informer les publics sur les modalités de chaque type de crédit et sur les procédures de désendettement, leur proposer un diagnostic bancaire et un accompagnement budgétaire. 6 Rapport Annuel 2011. Observatoire de la Microfinance. Banque de France. 7 Caution personnel du créateur d entreprise ou de son entourage 8 Soulage, François. Rapport du groupe de travail «Inclusion bancaire et lutte contre le désendettement». Conférence nationale» Lutte contre la pauvreté et pour l inclusion sociale. Novembre 2012

- Le rôle central des banques dans la mise en place des outils d inclusion bancaire Les banques n ont a priori pas intérêt à mettre en œuvre à court terme des outils d inclusion bancaire. En effet, la mise en place d outils d information conseil et de produits personnalisés pour les populations fragiles nécessite la mobilisation d équipes supplémentaires, une modification des outils, etc. De plus, les incidents de compte (frais liés aux arriérés, aux découverts, aux modalités de retrait, etc) apparaissent comme une activité lucrative pour l établissement. Mais à moyen terme, les banques peuvent réaliser des économies sur la diminution du nombre de dérapages, comme lors de la procédure de «rétablissement personnel» 9 en cas de surendettement qui peut entrainer l effacement des dettes. Par conséquent, les établissements bancaires doivent donc être largement consultés lors de la préparation de lois sur l inclusion bancaire en parallèle d une régulation des pratiques des établissements. Les banques peuvent donc participer à l éducation financière des clients fragilisés, comme le fait la Caisse d Epargne avec le réseau Finance et Pédagogie. Elles peuvent proposer à leurs clients des produits et services adaptés à leurs ressources et besoins, en promouvant des offres bancaires de base, en développement le microcrédit en partenariat avec une association et des collectivités locales. Cet objectif implique donc de fonctionner en partenariat avec les réseaux accompagnant notamment dans le cadre du microcrédit personnel ou professionnel. Questions - Comment évaluer si les produits et services bancaires sont adaptés aux besoins des populations fragiles? - Comment impliquer les banques dans la démarche d inclusion bancaire tout en prenant en compte les contraintes de rentabilité auxquelles elles sont soumises? - Quelles stratégies territoriales (entre réseaux d accompagnants, établissements bancaires, collectivités locale, etc) peuvent être mises en œuvre pour faire remonter les informations liées aux difficultés d usage et d accès des produits et services bancaires? - Le taux d intérêt d un microcrédit est souvent légèrement plus élevé que le taux d un crédit classique bancaire, puisqu il comprend une contribution au Fonds de solidarité servant à accorder d autres microcrédits aux futurs demandeurs. Ce constat doit-il être interprété comme le maintien d une inégalité dans l accès au crédit ou comme une participation des bénéficiaires à l action? - Faut- il, et si oui comment, développer le recours au microcrédit professionnel et faciliter son accès et usage auprès des populations ciblées? 9 La procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire concerne les personnes dont l endettement est trop important pour pouvoir être résolu par des mesures de redressement ordinaires. Ces personnes possèdent des biens susceptibles d être vendus, même si le produit de la vente ne permet pas de rembourser l intégralité des dettes. Elle entraîne l effacement de toutes les dettes privées du surendetté. C est le juge qui décide de mettre en place cette procédure.