5 Introduction Les Directeurs de la banque avaient développé les principes suivants au milieu des années 70 : La décision de crédit doit être conditionnée par votre appréciation : d abord et avant tout, sur la moralité de l emprunteur, puis sur sa compétence technique, et en dernier lieu sur sa situation financière. C est dans cet ordre qu il faut analyser. Une situation financière précaire n est pas un obstacle, si la moralité et la compétence technique sont au rendez-vous. Pour bien cerner les relations banques-entreprises, voici quelques citations recueillies au cours de ma carrière, citations qui vont orienter une bonne partie des développements. Messieurs, n oubliez jamais que le devenir de toute entreprise quelle que soit sa taille - j ai bien dit quelle que soit sa taille - est dans le dépôt de bilan ; mais que cela ne vous empêche surtout pas de faire des affaires et des bonnes d ici là. Pierre Muron, Directeur du Réseau Paris- Banlieue, lors de la réception de la promotion de jeunes démarcheurs PME à laquelle j ai appartenu. Lorsque dans une entreprise le financier prend le pouvoir, l entreprise meurt. Michel Schlosser, professeur en option finance à H.E.C. Ce n est pas parce qu une entreprise a un compte d exploitation en rouge qu elle meurt, c est parce qu elle a un compte en banque en rouge. Plusieurs dirigeants d entreprises. J ai pu constater combien celles-ci, bien qu apparemment réductrices, résument en fait parfaitement la vie économique et sociale des entreprises, bien plus que la sagesse du dicton populaire qui dit : Le banquier vous prête volontiers son parapluie par beau temps et le reprend quand il pleut.
6 Heureusement, l exercice du métier de banquier est bien plus subtil que la sagesse populaire Les décisions de refus sont toujours difficiles à prendre : d abord parce qu il est plus agréable de dire oui à un client que de devoir justifier un refus ; ensuite parce que l on sait bien qu un refus va probablement entraîner des conséquences lourdes sur la vie de l entreprise, avec des dégâts collatéraux inévitables sur son personnel. Par ailleurs, pour le représentant de la banque, je ne connais pas de plus grande satisfaction que celle d avoir réussi à aider une entreprise à passer un cap difficile en l accompagnant.
7 Chapitre 1 : Les clés pour communiquer avec votre banquier A/ La gestion de la trésorerie Une entreprise ne meurt pas parce qu elle a un compte d exploitation en rouge, mais parce qu elle a un compte en banque en rouge. Ce premier axiome, dicté par la sagesse, a été recueilli auprès d un patron de grande entreprise. Certes la réalité peut être un peu plus complexe au plan juridique, mais cette citation est on ne peut plus pragmatique. En effet, les opérations de financement, qu elles soient simples ou complexes, et quelles que soient leurs durées, finissent toutes par avoir leur traduction dans la trésorerie de l entreprise. Aussi, pour survivre et durer face aux épreuves de toute nature, une entreprise doit se préoccuper de sa trésorerie. Voici la formule fondamentale pour gérer, à tout moment, sa trésorerie : Trésorerie = (fonds de roulement) (besoin en fonds de roulement) Le besoin en fonds de roulement (ou BFR) est la différence entre : - à l actif du bilan : l agrégation des stocks, des créances clients et débiteurs divers, et - au passif : le cumul des dettes fournisseurs et créditeurs divers.
8 En première analyse, voici les principaux postes qui sont les composantes du calcul du BFR : (stocks + clients + effets à recevoir + effets escomptés non échus) ( fournisseurs + effets à payer). Le fonds de roulement est la différence entre : et, la somme des capitaux propres, des dettes à terme et des provisions à caractère de réserve figurant au passif le total des immobilisations nettes inscrit à l actif. Pour des simulations et des projections il est pratique d exprimer ces encours en jours de chiffre d affaires et de déterminer le niveau de trésorerie, lui aussi, en jours de C.A. Voici un exemple ci-dessous avec une année ramenée à 360 jours. CA TTC 2 000 000 ACTIF Immobilisations Stocks Clients PASSIF 900 000 Capital 750 000 300 000 Dettes à terme 500 000 500 000 Fournisseurs 250 000 Banque 200 000 Total 1 700 000 1 700 000 FDR BFR en jours de en montant CA 350 000 63 550 000 99 trésorerie - 200 000-36
9 Deux situations sont possibles : Etude de cas 1 la trésorerie est positive Pas d inquiétude immédiate à avoir, seule l angoisse des placements gagnera le dirigeant. Que faire? : Les questions à considérer sont alors la durée du placement, sa rémunération, son risque intrinsèque lié à sa nature, son risque de contrepartie encore appelé de signature. Que choisir? : une SICAV de trésorerie qui rapporte à peine l EONIA (1), un compte à terme à trois mois à 1,25% d une banque mal notée ou un emprunt d Etat Grec ou Allemand? (2) Etude de cas 2 la trésorerie est négative (situation la plus fréquente) Le fonds de roulement est insuffisant face au besoin en fonds de roulement. Que faire ici? : L écart est alors comblé par un recours à des crédits de trésorerie, appelés crédits à court terme. Leur dénomination s avère paradoxale puisqu ils assurent un besoin structurel qui se révélera, permanent, dans le temps. Si d un point de vue juridique ils sont considérés comme des prêts à court terme, ils sont en fait rangés dans la famille des prêts à long terme sur le plan économique. C est bien là tout leur danger pour l entreprise, qui a besoin de renouveler constamment ses crédits à court terme. En effet, dans cette situation d insuffisance de fonds de roulement, rembourser un crédit ne peut se faire que par recours à nouveau à un crédit, puisqu il n y a pas de disponibilités suffisantes pour faire face aux besoins. (1) Pour tous les termes bancaires, voir glossaire thématique : page 134 (2) Voir le point J/ Gérer les excédents de trésorerie : page 44.
10 Que va vous proposer le banquier? : Le banquier va privilégier les crédits «auto-liquidables» : la mobilisation du poste client. Traduction en actions concrètes : escompte (opération par laquelle des effets de commerce sont transférés au banquier qui procède à leur paiement immédiat sous déduction d intérêts.) loi Dailly (1) ; affacturage ; mobilisation de créances nées à l exportation ; avances sur marchés publics. La loi Dailly n est que très modérément appréciée des banques dès lors qu elle n est pas accompagnée de support de recouvrement (dans le cas où un support Lettre de Change Relevé (LCR) est remis elle se transforme alors en escompte de LCR). Si la loi Dailly permet de mobiliser des supports magnétiques de recouvrement en lieu et place des effets de commerce sur support papier, elle ouvre aussi la voie à la mobilisation de factures sans remise d instrument de recouvrement, voire de mobilisation de créances en germe : avances sur bons de commandes sans attendre la livraison. La loi prévoit deux modalités d intervention : la cession escompte qui se substitue à l escompte de papier commercial et la cession en garantie qui affecte les créances cédées en garantie d un engagement quelconque. Pour être valablement cédées, les créances doivent figurer de manière individualisée sur un bordereau spécifique de cession, bordereau au formalisme précis. (1) Pour tous les termes bancaires, voir glossaire thématique : page 134
11 Sous peine de nullité le bordereau doit comporter des énonciations obligatoires : la dénomination "acte de cession de créances professionnelles" ; la mention que l'acte est soumis aux dispositions de la loi N 81-1 du 2 Janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, modifiée par la loi N 84-46 du 24 janvier 1984 ; la dénomination sociale de l'établissement de crédit ; l'identification des créances cédées (débiteur, lieu de paiement, montant, échéance). Le bordereau doit en outre être signé par le cédant et porter la date qui est apposée par la banque. Ce bordereau doit être remis à la banque. En pratique, chaque banque fournit son modèle, conforme aux exigences règlementaires. Afin d être efficace pour la banque, la gestion d une ligne Dailly nécessite : 1. la notification de la cession aux débiteurs finaux ; 2. un suivi précis du sort des créances cédées ; 3. la vérification de tous les mouvements créditeurs enregistrés sur le compte courant de l entreprise, afin d isoler les sommes correspondantes aux créances cédées. En pratique, diverses dérives ont eu lieu par manque de suivi et par laxisme commercial de la part des banques. Ainsi, une entreprise qui était cliente de deux banques pouvait mobiliser dans une et faire domicilier les règlements des créances dans l autre. De même, les
12 cessions en garantie n étaient pas gérées en rapprochant les flux anormalement associés. La plupart du temps elles n étaient pas notifiées aux débiteurs. Des listings mensuels de balances clients se succédaient pour matérialiser une garantie devenue juridiquement nulle, le formalisme de la cession n étant pas rempli. Autre dérive commerciale : au lieu de contrepasser au débit du compte du client les cessions impayées le jour de l échéance des créances cédées, les banques ont accepté de proroger unilatéralement les délais, encaissant au passage des commissions. Toutes ces pratiques déviantes ont eu pour conséquence d amener des sinistres et d entacher l image de cette faculté de mobilisation. L affacturage est plus crédible : Comme une gestion rigoureuse et sécurisante pour la banque des cessions Dailly demande la mise en œuvre de moyens coûteux, certains établissements tendent à refuser ce type d opérations et orientent systématiquement les demandes vers leurs filiales d affacturage. Celles-ci ont une expertise de la gestion du poste client avec tous les multiples cas possibles d incidents à gérer, comme un règlement sur relevé de factures (préalablement émises séparément) sous déduction d un avoir. Elles ont un mode opératoire strict avec des plafonds d encours par débiteurs et un formalisme imposé pour prouver la matérialité de la créance. Voici les documents demandés le plus souvent comme préalable à la mise à disposition des fonds : le bon de commande ; la facture et le bordereau de livraison signé par le destinataire.