FICHE MÉDICALE CINERGIE TRAVAILLER AVEC UNE EPILEPSIE. 1. LE PROBLEME DE SANTE La crise d'épilepsie est une décharge paroxystique hyper-synchrone d une population de neurones cérébraux. Le siège de cette décharge conditionne l'expression clinique de la crise. C'est la répétition des crises qui caractérise la maladie épileptique. En France, le nombre de patients épileptiques est estimé à 400 000 personnes. Classification des crises d'épilepsie crises avec altération de la conscience - crises généralisées tonico-cloniques - crises partielles complexes - absences crises avec conservation de la conscience: pendant toute la durée de la crise: - myoclonies entraînant ou non une chute - crises partielles simples seulement initialement : - myoclonies ou crises partielles simples suivies de généralisation tonico-clonique - crises partielles simples suivies de crises partielles complexes «Si pour «être» épileptique il faut nécessairement «avoir» des crises d'épilepsie, avoir une crise d'épilepsie ne signifie pas nécessairement être épileptique». - Pierre JALLON - 2. LES CONSÉQUENCES POUR LA PERSONNE La crise épileptique induit une suspension d'activité, avec ou sans perte de conscience. Elle est donc source de gêne ou, plus gravement, d'accident pour le malade et/ou des tiers. La dangerosité peut être liée à l'arrêt de l'activité, à une chute, à une confusion critique ou post critique. Le traitement médical pour éviter ou limiter la survenue de crise impose: Epilepsie Décembre 2000 1
respect des doses et régularité des prises abstention de prise de boissons alcoolisées hygiène de vie calme, régulière, respectant le sommeil. suivi médical régulier pour contrôler la maladie, évaluer les effets indésirables avec, si nécessaire, la pratique de dosages sériques médicamenteux. L'approche de la maladie n'est pas univoque. Elle doit être personnalisée, tant en ce qui concerne les modalités du traitement que le soutien psychologique, professionnel et social. 3. LES COMPENSATIONS Le traitement a pour objectif la disparition des crises. Cet objectif est atteint chez environ deux patients sur trois. Dans 20 à 30 % des cas il est presque atteint, avec des crises rares (une crise par mois à une crise par an). certaines épilepsies sont curables : certaines épilepsies infantiles les épilepsies symptomatiques d'une lésion curable (tumeurs cérébrales, abcès, hématomes etc...) certaines épilepsies partielles accessibles à la chirurgie les autres épilepsies bénéficient d'un traitement médical permanent : qu'elles soient symptomatiques d'une lésion ou d'une pathologie connue et identifiée, ou idiopathiques (génétique, syndromes épileptiques) ou de cause inconnue (22 à 30 % des cas). Le traitement est d'ordinaire et de préférence mono thérapeutique. Les thérapeutiques évoluent : les médicaments les plus récents diminuent la proportion de malades à crises fréquentes. 4. RETENTISSEMENT DANS LA VIE COURANTE La comitialité augmente l'éventualité d'échec scolaire et rend plus difficile l'insertion sociale, professionnelle et familiale. Les éléments qui influent sur ce risque de désinsertion sont intriqués et indissociables les uns des autres : l étiologie, le nombre de crises, l'observance du traitement, la qualité de l'environnement familial et scolaire, la personnalité du malade... Epilepsie Décembre 2000 2
L'accès à la conduite automobile et le maintien de ce droit sont conditionnés par l'avis du médecin spécialiste de la commission des permis de conduire. (arrêté du 7 mai 1997) Il existe un risque accidentel majoré dans la vie de tous les jours : déplacements, bricolage, activité sportive... Une crise, avec perte de conscience sur la voie publique, dans un magasin entraîne, encore trop souvent, une hospitalisation. La personne ayant une épilepsie peut donc avoir une atteinte de "l'image de soi" et ressentir un état d'insécurité permanente préjudiciable à tous les éléments de sa vie quotidienne. 5. LA PERSONNE EN SITUATION DE TRAVAIL Certaines professions sont interdites d'accès ou au maintien dans l'emploi : chauffeurs poids lourd (arrêté de mai 1997 fixant la liste des incapacités physiques à l'obtention ou au maintien du permis de conduire) plongeurs professionnels et travaux en caisson (arrêté du 28/03/91 - scaphandriers classe Il et III) aviation civile: arrêté du 2 octobre 92 - arrêté du 2/12/88 fixant les conditions médicales d'aptitude physique et mentale exigées du personnel naviguant de l'aéronautique civile. marine marchande, de pêche ou de plaisance: incompatibilité pour les épilepsies psychomotrices : arrêté du 16/04/86, relatif aux conditions d'aptitude physique à la profession de marin à bord de navires de commerce, de pêche et de plaisance (J.O du 4/05/86) modifié par arrêté du 27/04/90 et par arrêté du 11/01/91 Certains postes dits "à risque" sont à éviter : le médecin du travail a toute latitude d'appréciation de l'aptitude. tirs de mines conducteurs d'engins de chantiers et caristes grutiers lignards postes de sécurité SNCF certains travaux de surveillance : centrales électriques, raffineries, radars Hormis les postes interdits par la loi et certains postes dits "à risque", les épileptiques devraient avoir une activité professionnelle normale. Epilepsie Décembre 2000 3
6. RÔLE DU MÉDECIN DU TRAVAIL Toute comitialité, même parfaitement équilibrée, laisse toujours planer le doute d'une crise inopinée. La véritable question est donc de savoir peser le risque de la comitialité par rapport au risque de l'exclusion sociale. éléments médicaux d'appréciation du risque comitial : nature des crises, avec perte de conscience ou non, crise partielle complexe (très "à risque"), crise myoclonique massive sensible aux stimulations lumineuses intermittentes. fréquence des crises: pas de crise depuis plus de 1 an, 2 ans, 3 ans, une crise tous les mois, tous les 6 mois, tous les ans, plus de une crise par mois, plusieurs crises par jour. nature du traitement: le traitement mono thérapeutique est plus favorable la poly thérapie témoigne d'un moins bon contrôle de la maladie avec augmentation des effets indésirables sur la vigilance et les fonctions cognitives. certains traitements altèrent plus la vigilance (GARDENAL, MYSOLINE, DIHYDAN) que d'autres (DEPAKINE, TEGRETOL). Existence ou non d'un éthylisme : facteur péjoratif (mauvaise observance, abaissement du seuil épileptogène, altération accrue de la vigilance). Crises nocturnes qui pourraient être plus favorables que les crises diurnes. Antécédents de crises au travail (plus défavorables, le travail augmentant la vigilance est susceptible, au contraire, de diminuer la fréquence des crises). Existence d'une «aura» longue permettant au salarié de se "sécuriser" avant la crise. Existence ou non d'une grande sensibilité aux stimulations lumineuses intermittentes (intérêt travaux sur écran, conduite automobile, etc...) Lors des visites médicales annuelles ou pluriannuelles, le médecin du travail s'assure de la bonne observance médicamenteuse, de la tolérance thérapeutique, de l'absence d'éthylisme et enfin de l'efficacité thérapeutique sur les "événements " épileptiques. Les dosages sériques (en liaison avec le médecin traitant) sont un élément d'appréciation supplémentaire. Connaissance des conditions de travail : Evaluation sur les lieux de travail des conséquences possibles pour le salarié et pour des tiers d'une crise au travail, par l'étude du poste : mise en place habituelle ou non des protections collectives ou individuelles dans le BTP, exposition à des risques physiques ou chimiques, poste de sécurité... Appréciation de facteurs "déstabilisants" professionnels Epilepsie Décembre 2000 4
horaires alternés (3x8), tolérance ou non des collègues, capacité à affronter les "coups durs" utilisation d'écrans défectueux avec stimulation lumineuse intermittente exposition sonore intense avec bruits impulsifs stress professionnel. Formulation de l'avis d'aptitude Le médecin du travail fait la synthèse entre les éléments médicaux de probabilité de crises et les conséquences potentielles en situation de travail de ces crises. Il sollicite, si nécessaire, un aménagement du poste de travail. Il pourra discuter avec l'intéressé de l'opportunité d'une orientation "COTOREP" et le conseiller sur les aides AGEFIPH pour le maintien au poste ou le reclassement. La décision de reclassement, mutation, voire d'inaptitude, ne sera prise qu'après avoir mis en balance le risque professionnel et le risque social d'exclusion du salarié. 7. LES COMMENTAIRES CINERGIE Afin de garder une attitude pragmatique devant la problématique épilepsie et travail Connaître les textes réglementaires. Définir les caractéristiques aussi précises que possible de la maladie épileptique du salarié concerné. L'E.E.G n'est pas un critère fiable d'appréciation médicale du risque épileptique : Il n'y a pas de relation entre l'aspect de l'e.e.g et le contrôle de la maladie. Ce n'est qu'un élément de dépistage parmi d'autres. Etablir les liaisons indispensables avec le médecin généraliste et/ou le neurologue traitant Procéder à l'étude du poste occupé ou postulé par le salarié et définir les risques potentiels engendrés par une crise comitiale éventuelle (pour le salarié et/ou pour des tiers) Relativiser les risques : une crise provoquée par les stimulations lumineuses d'un écran ne provoquera qu un accès comitial pour l'opérateur ; une crise généralisée chez un grutier peut provoquer un accident mortel. Solliciter, chaque fois que nécessaire, l'avis d'un neurologue consultant habitué à la démarche "aptitude", si possible figurant sur la liste des spécialistes agréés par la Commission des permis de conduire pour tout avis concernant la conduite des véhicules, voire des engins de chantiers ou d'autre Epilepsie Décembre 2000 5
nature (conformément aux dispositions de l'article R 241-52 du Code du Travail). Une crise sur le lieu de travail pourra être révélatrice d'une épilepsie inconnue jusqu'alors du médecin et/ou de l'entourage professionnel dont la peur est susceptible de provoquer une attitude de rejet du salarié et des pressions sur le médecin du travail Le personnel infirmier existant sera informé et formé pour faire face à cette situation difficile à gérer "émotionnellement". Informer et éduquer l'entourage professionnel du salarié comitial sur la maladie épileptique, dans les limites du secret médical. C'est un gage de maintien au poste. Toujours peser la relation bénéfice/risque avant toute décision : le licenciement est réel, le risque accident est éventuel. Les salariés ayant une épilepsie procèdent souvent eux-mêmes à cette évaluation et ne postulent pas à des emplois à risque si le rapport bénéfice/risque leur est défavorable : les postes de sécurité sont sous occupés par la population épileptique comparativement à la population générale. Garder à l'esprit que si le risque zéro n'existe pas, la responsabilité médicale implique une obligation de moyens et non une obligation de résultats. Se rassurer en sachant que les salariés épileptiques ne seraient pas davantage victimes d'accidents du travail que la population salariée indemne de cette maladie. Se pose évidemment le problème de la dissimulation de la maladie épileptique par un salarié postulant à un poste de sécurité. Si la nature des investigations nécessaires et suffisantes au dépistage des "risques" est parfois déterminée par les textes (ex : pour les scaphandriers), elle est plus généralement du domaine d'appréciation du médecin du travail. La gestion anticipée des risques liés à l'activité professionnelle a plus de chances d'aboutir si elle s'appuie sur une action coordonnée et solidaire entre le médecin du travail et le médecin traitant neurologue, avec l'assentiment formel et le consentement éclairé du patient. 8. POUR EN SAVOIR PLUS Adresses utiles : Ligue Française Contre l'epilepsie (L.F.C.E) Faculté de médecine - Département formation BP 184 54505 VANDOEUVRE LES NANCY CEDEX Epilepsie Décembre 2000 6
Bureau Français de l Epilepsie (B.F.E) C/o Association Sainte Agnès 23 rue Oudinot 75007 PARIS tél. : 01 44 49 03 11 Fondation Française pour la Recherche sur l Epilepsie (F.F.R.E) 48 rue Bargue 75015 Paris tél. : 01 47 83 65 36 Comité Français d Education pour la Santé (C.F.E.S) 2 rue Auguste Comte 92170 VANVES tél. : 01 46 45 45 00 opuscule : «connaître l épilepsie» Quelques références bibliographiques : CESSPF (Comité d'education Sanitaire et Sociale de la Pharmacie Française) Fiche technique Avril 1995 - Ordre National des Pharmaciens 4 avenue Ruvedael 75008 PARIS "Démarche du médecin du travail face à l'aptitude des salariés épileptiques dans le BTP" J.L LACHARMOISE - J.C ABECASSIS et coll. revue de Médecine du travail - tome XVIII - n 0 5 1991 "Epilepsie et travail" Professeur GIL - conférence du 3/04/92 Société de Médecine du Travail et d'ergonomie de la région Poitou Charente Ont participé à la réalisation de ce dossier : - Dr. DELEPINE - Dr. EXPERT Epilepsie Décembre 2000 7