Stratégie publique de développement local par les sports de nature. L exemple du tourisme équestre en Basse-Normandie



Documents pareils
Compte rendu de la journée technique du mardi 23 septembre organisée par ODIT France à la Maison du Tourisme Paris

Espace thématique Sportsnature.org : Economie du tourisme et des loisirs sportifs

Base nautique. Hébergement : 135 lits. Base de plein air

Compte rendu de la réunion du 15 décembre

DOSSIER DE PRESSE. Assises du Tourisme Vendredi 21 novembre 2014 Pied-de-Borne

APPEL A LA RECONNAISSANCE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL EN BRETAGNE

Devenez concepteur et gestionnaire d activités récréatives et sportives en milieux rural et montagnard

Master Audiovisuel, communication et arts du spectacle

I. ORIENTATIONS STRATEGIQUES

Chaire Attractivité et Nouveau Marketing Territorial

Etude sur les Maisons des Services Publics en Europe (hors la France)

Master professionnel Urbanisme : stratégie, projets, maîtrise d ouvrage (USPMO)

La traduction des sites internet touristiques en langues étrangères comme outil de valorisation et de promotion des territoires aquitains

Contributions de la FEP au développement du sport : Enjeux et propositions

Au profit des apprentis du bâtiment et des travaux publics

L immobilier d entreprise artisanale

LEADER Programme européen du Pays de Haute Mayenne

Agence du patrimoine immatériel de l État

Séminaire éducation Focus Rythmes scolaires Compte-rendu 11 mars 2014

C.R.I.T.E.R. Centre de Ressources et d Ingénierie du Tourisme en Espace Rural

Une démarche engagée dans le cadre du Réseau Rural bas-normand

Rapport d évaluation du master

CREATIVE RESOURCES. La montagne nous offre le décor... à nous d inventer l histoire qui va avec. Nicolas Helmbacher

CONTRAT DE PRESENCE POSTALE TERRITORIALE

LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC PLAN D ACTION DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Charte des Business Angels (BA) de l Orne, affiliés à Norm Angels

vendredi 17 et samedi 18 octobre 2014 niort / salle de l acclameur Rendez-vous national innover et entreprendre créer son emploi

Qu est-ce que Pays Basque Incoming?

Comité syndical 29 avril 2015 à Janzé

Rhône Développement Initiative Au service de l entrepreneuriat 20 ans et de l économie de proximité.

charte des relations internationales de sénart cadre déontologique et politique réciprocité équité solidarité durabilité

Les Français et les nuisances sonores. Ifop pour Ministère de l Ecologie, du Développement Durable et de l Energie

10 ENGAGEMENTS, 30 PROPOSITIONS DE LA MAJORITÉ DÉPARTEMENTALE «Avec vous, une Saône et Loire innovante et attractive»

Collectivités Territoriales

AFTEC Générateur d avenirs ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ CAEN LAVAL RENNES VANNES VITRÉ TITRES CERTIFIÉS PAR L ETAT

POUR LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE D EST ENSEMBLE

DOSSIER DE PRESSE. Pôles France et Espoir Canoë-Kayak Grand Ouest

APPEL A PROJETS «ITINERAIRES DE DECOUVERTE DANS LE VIGNOBLE ALSACIEN»

Résultats de l enquête Sport & Entreprise. mars 2009

École Technique Privée RHE76

COMMISSION DE DIALOGUE SOCIAL DE LA POSTE MUTUALISATION DE L ACCÈS AUX SERVICES DANS BUREAUX DE POSTE EN ZONE RURALE ET DE MONTAGNE

1. STRUCTURATION FEDERALE BI POLAIRE

Les dirigeants face à l innovation

Vos stratégies d attraction et de rétention vous permettent-elles d attirer et de fidéliser les meilleurs talents?

CAHIER DES CHARGES Pour la mise en œuvre d une maison de santé pluridisciplinaire En Lot-et-Garonne

UN PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL POUR LA SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE

ISBN-13 : Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2009

Définition du tourisme d affaires

L évolution des parts modales des déplacements domicile-travail

BACHELOR. HES-SO Valais-Wallis rte de la Plaine Sierre info@hevs.ch

DE LA STRATEGIE LEADER. Appel d offres Novembre 2014

Evaluation du dispositif de Volontariat de Solidarité Internationale. Résumé MAEE

JURA & TROIS-LACS CONCEPT TOURISTIQUE GLOBAL MASTERPLAN - CONDENSÉ DOCUMENT POUR CONSULTATION DÉCEMBRE 2013

Conférence de Presse jeudi 19 mars 2015 Salon Mondial du Tourisme

Commission Médicale de la FFVoile Règles de Fonctionnement Texte adopté par le BE du 09 mars 2007

la pauvreté 33 ses lutte contre territorial. création.cette n ne doit pas d insertion. 1. UNE Accompagner la Participation travaux sont évidemment

Ainsi l Office de tourisme s appuiera sur les éléments et les outils qui suivent :

Synthèse Contrat. d Objectifs. Diagnostic Les services de l automobile En Midi-Pyrénées. Réalisation Observatoire régional emploi, formation, métiers

Dossier de Presse La communauté de communes de Mimizan participe au Salon PROVEMPLOI, à Paris, le 15 octobre 2013.

Offices de tourisme et bonnes pratiques Internet. Evaluation comparative de sites Internet

10 REPÈRES «PLUS DE MAÎTRES QUE DE CLASSES» JUIN 2013 POUR LA MISE EN ŒUVRE DU DISPOSITIF

CRT Picardie. Enquête auprès des acteurs du tourisme

MINISTERE DES SPORTS. La ministre des sports

Une réponse au défi Création de richesses collectives durables

Mutualisation des compétences

Ministère des sports. Le ministre des sports

Conséquences des changements de mode de vie sur la production et la distribution des biens de consommation : résultats d une étude du CRÉDOC

Néo-ruralité et embourgeoisement des campagnes québécoises : un regard nuancé

Journée d information du 5 novembre Mobilité Multimodale Intelligente Urbanisme, tourisme, logistique urbaine. économiques

DORDOGNE-PERIGORD. Le label d excellence

L'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA en outre-mer

Enquête sur les ressources numériques en bibliothèque publique

GUIDE DU BENEVOLE. Mai 2011

Emmanuel MACRON, ministre de l Economie, de l Industrie et du Numérique

PACTE POUR LA RÉUSSITE ÉDUCATIVE

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

CAHIER DES CHARGES DE L APPEL A PROJETS REGIONAL «INNOVATION» SESSION PLENIERE DES 19 ET 20 JUIN 2014

Participation des habitants et contrats de ville Quels enjeux? Quelle mise en oeuvre?

LE MÉTIER DE CONSULTANT Principes, méthodes, outils

REFERENTIEL PROFESSIONNEL DES ASSISTANTS DE SERVICE SOCIAL

COMMANDE REF ADMIN-CS-540-CDD

à Master professionnel Enquête sur le devenir au 1 er décembre 2013 des diplômés de Master professionnel promotion 2011

Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) :

Stratégie Régionale. envers les Jeunes. l Artisanat

PROGRAMME DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT. de l engagement bénévole. en loisir et en sport

LES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ : FAIRE CONVERGER PERFORMANCE ET DYNAMIQUE TERRITORIALE

Master Administration des Territoires et des Entreprises (ATE)

Transition Numérique Organisation du programme et proposition de valeur aux partenaires privés. DGCIS le 23/3/2012

Profil du programme. 2 Synapse Center version : 2.0

Séminaire du 17 octobre 2014 «La gestion des milieux aquatiques dans la loi MAPTAM et le SAGE : quels enjeux pour la Baie de Saint Brieuc?

Loïc Blondiaux Le Nouvel Esprit de la démocratie Actualité de la démocratie participative Le Seuil, coll. «La République des Idées», 2008

Evaluation du cursus «Information et communication»

Tirer parti des renseignements sur les clients : leçons tirées des réalisations en matière de services bancaires au consommateur

Bilan de saison 2014 et propositions d actions 2015 Finistère > Ouest Cornouaille. Bilan de saison 2014 Agence Ouest Cornouaille Développement

Stratégie locale en faveur du commerce, de l artisanat & des services

COMPTES-RENDUS DES ATELIERS THÉMATIQUES AGENDA 21 COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PAYS AUBENAS VALS JUIN PHASE DE DIAGNOSTIC

SOMMAIRE. 1. Le contexte p La démarche p Les critères par activité p. 4 et 5 Pêche VTT Pédestre Équestre

UNE FORMULE EFFICACE 100% D INSERTION PROFESSIONNELLE DES FORMATIONS UNIVERSITAIRES DIPLÔMANTES À L ÉCHELLE EUROPÉENNE

Synthèse n 16, Février Financement de la croissance verte et orientation de la création monétaire

Transcription:

Les stratégies territoriales s affirment lentement Stratégie publique de développement local par les sports de nature. L exemple du tourisme équestre en Basse-Normandie CHRISTOPHER HAUTBOIS ATER À L UFR APS DE RENNES DOCTORANT (CRAPS-CEMIS EA 2131) (christopherhautbois@yahoo.fr) Bien qu écarté depuis vingt ans des textes de lois relatifs à la répartition des compétences, le sport fait partie des principaux secteurs d intervention des collectivités locales. Tour à tour considéré comme un facteur de cohésion sociale, un moyen de promouvoir l image du territoire ou un levier de développement économique, le sport est désormais régulièrement intégré aux stratégies publiques locales de développement. Bénéficiant 72 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature d une évolution remarquée depuis deux décennies, les loisirs sportifs, et plus particulièrement les sports de nature, trouvent aujourd hui progressivement leur place dans ce dispositif. Ainsi, en France, plusieurs régions manifestent un intérêt croissant pour ces pratiques sportives singulières. Parmi elles, la Basse-Normandie est perçue comme la terre du cheval par excellence. À ce titre, l ensemble des activités équestres dans la région bénéficie d une attention toute particulière de la part des élus locaux. Depuis plusieurs années, en effet, ces activités équestres font l objet d un soutien public important. L une d entre elles concerne le tourisme équestre. Présenté depuis plusieurs années comme un secteur d avenir, il constitue ici un prisme d analyse du processus de développement local par le biais des sports de nature. Cet article vise principalement à éclairer la faisabilité ainsi que les modalités d un partenariat entre une partie des acteurs des sports de nature aspirant à un épanouissement plus marqué de leurs pratiques et des collectivités locales à la recherche de leviers de développement de leur territoire. Pour ce faire, le propos est organisé en deux parties : la première consiste en une réflexion d ordre général sur la place des sports de nature dans les stratégies de développement menées par les élus locaux : évolution, potentialités, éléments de faisabilité des politiques mais aussi limites à leur développement ; la seconde privilégie l étude d un cas particulier relatif aux activités de tourisme équestre en Basse-Normandie. L analyse des capitaux stratégiques de cette activité est privilégiée. SPORTS DE NATURE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL Le deuxième volet des lois de décentralisation initié par le gouvernement Raffarin met à jour le rôle accru joué par la sphère publique locale dans l organisation du pays. Toutefois, la seule lecture de ce cadre législatif ne permet qu imparfaitement d envisager l ensemble des actions menées par les élus locaux. En effet, les collectivités territoriales interviennent massivement dans des domaines qui dépassent les strictes compétences prévues juridiquement. Les acteurs locaux agissent ainsi dans le cadre de politiques volontaires, afin de soutenir des secteurs qu ils estiment importants pour leurs administrés. Le développement économique constitue à ce titre une préoccupation majeure des élus. Sur ce point, c est historiquement le secteur industriel qui a fédéré l essentiel des politiques publiques de développement mises en place par les collectivités. Néanmoins, la nouveauté concerne la découverte, puis l intégration du sport aux stratégies locales de développement. L attention portée par la sphère publique locale à ces pratiques, et notamment au sport professionnel, repose sur l existence supposée de vertus économiques susceptibles de favoriser la dynamique locale recherchée. Les collectivités locales manifestent ainsi leur intérêt pour ces pratiques en contribuant à leur financement afin de maximiser leurs externalités économiques. Un champ théorique a progressivement relayé cette réflexion sur les atouts supposés du sport. En France, mais aussi en Europe et aux États-unis, un grand nombre d auteurs cherchent à éprouver la réalité des potentialités économiques du sport professionnel et indirectement la légitimité de son financement par la sphère publique (1). Aujourd hui, les sports de nature apparaissent comme un terrain permettant de prolonger cette réflexion. L émergence des sports de nature comme levier de développement économique constitue le prolongement d un phénomène initié par les activités de montagne, et notamment par les pratiques de ski. Celles-ci sont les précurseurs d un mode de développement territorial ayant fait l objet d un soutien de la part des collectivités locales. En (1) On lira notamment : John L. CROMPTON, Economic impact analysis of sport facilities, in Journal of sport management, vol. 9, 1995 ; Robert A. BAADE, Professional sports as a catalyst for metropolitan economic development, in Journal of urban affairs, vol. 18, n 1, 1996 ; Thomas V. CHEMA, When professional sports justify the subsidy, in Journal of urban affairs, vol. 18, n 1, 1996 ; Mark S. ROSENTRAUB, Does the emperor have new clothes?, in Journal of urban affairs, vol. 18, n 1, 1996 ; D. COATES, B. HUMPREYHS, The growth effects of sport franchises, stadia and arenas, in Journal of policy analysis and management, vol. 18, n 4, 1999 ; Roger G. NOLL, Andrew ZIMBALIST, Sports, jobs and taxes : the economic impact of sports team and stadiums, Ed. Noll and Zimbalist, 1997 ; Philip PORTER, Megasports events as municipal investments : a critique of impact analysis, Mimeograph, 1999 ; Markus KURSCHEIDT, Poids macro-économique du sport et le spectacle sportif : méthodologie, résultats empiriques et perspectives économiques pour le cas de l Allemagne, in Reflets & Perspectives : Sport et mondialisation Quel enjeu pour le XX e siècle?, Ed. De Boeck Université, 2000 ; John SIEGRFIED, Andrew ZIMBALIST, The economics of sports facilities and their communities, in Journal of economic perspectives, vol. 14, n 3, 2000. CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 73

Les stratégies territoriales s affirment lentement (2) Jean CORNELOUP, Le concept de station sportive en milieu rural. L exemple du Val de Sioule en Allier, in Tourisme sportif et territoires : développement et gestion des espaces de pratiques sportives de pleine nature, Montagnes méditerranéennes, n 11, 2000. la matière, les stations de ski correspondent à une configuration pertinente ayant permis le développement d une activité économique principale ou complémentaire au sein d un territoire donné. Ces pratiques sont à l origine d un processus dans lequel les collectivités locales représentent le moteur du développement et les sports de nature son levier. Les limites au développement de stratégies de développement local fondées sur le sport Les pratiques de ski ont longtemps constitué une exception. L ensemble des sports de nature a longtemps peiné à trouver sa place dans les politiques publiques de développement économique. Plusieurs idées peuvent être avancées : l inadaptation de la notion de station à tous les territoires. D abord, elle reste inopérante en milieu rural (2). Plus généralement, l essor des sports de nature achoppe sur la capacité à offrir un produit cohérent et intégrant toutes les exigences de la demande (hébergement, restauration, encadrement et présence d activités annexes) ; la difficulté à concilier développement économique et préservation d un environnement naturel. L exigence d un développement durable, rappelé notamment par la loi Voynet de 1999, conduit à rechercher des formes d activités économiques, sinon diffuses, du moins compatibles avec le respect d un environnement naturel souvent riche. La conséquence est la difficulté à implanter des équipements lourds qui accompagnent le développement de l activité économique mais qui sont durablement structurants pour l espace ; l insuffisante prise en compte des règles du (3) Patrick BAYEUX, Pierre CHAZAUD P. (1997), Les collectivités locales face au tourisme sportif, in Tourisme et sport, Cahier Espaces n 52, 1997 ; Alain BEAUMONT, Collectivités locales et escalade : le cas de l Ardèche, in Dossier de la revue géographique alpine, n 10, 1993 ; Malek BOUHAOUALA, Relations inter-entreprises dans un marché local : le cas des PE-TPE du tourisme sportif en Vercors, in Espaces et sociétés, n 105-106, 2000 ; Malek BOUHAOUALA, Petites entreprises et territoire : le cas du secteur du tourisme sportif dans le Vercors, in Tourisme sportif et territoires : développement et gestion des espaces de pratiques sportives de pleine nature, Montagnes méditerranéennes, n 11, 2000 ; Malek BOUHAOUALA, Logiques d action des moniteurs des sports de nature : entre passion et profession, in Revue STAPS, n 56, 2001 ; Malek BOUHAOUALA, Les pratiques commerciales des petites entreprises du tourisme sportif de nature : entre rationalité marketing et logiques sociales des dirigeants, in Revue internationale PME, vol.15, n 1, 2002 ; Philippe BOURDEAU, Gilles ROTILLON, L impact de l escalade dans une analyse coûtsbénéfices, in Revue juridique et économique du sport, CDES, n 51, 1999 ; Dominique BOURGEON, Patrick BOUCHET, À la recherche d expérience dans la consommation du spectacle sportif, in Sport, Europe, Stratégie, n 6, Ed. Pus, 2001 ; Pierre CHAZAUD, Tourisme sportif et développement local. L exemple du Diois, in Tourisme et sport, Cahier Espaces, n 52, 1997 ; Jean CORNELOUP, op. cit., 2000 ; Hugues DECARNIN, Le développement local et l escalade à Buoux, in Liliane BENSAHEL, Myrima DONSIMONI, Le tourisme, facteur de développement local, Ed. Pug, 1999 ; Bernard DEBARBIEUX, Le sport, une affaire publique, une affaire de territoires, in Tourisme sportif et territoires : développement et gestion des espaces de pratiques sportives de pleine nature, Montagnes méditerranéennes, n 11, 2000 ; Jean-Michel DEWAILLY, Claude SOBRY, Récréation, re-création : tourisme et sport dans le Nord-Pas-de-Calais,L Harmattan, 1997 ; Christian DORVILLÉ, Le sport comme métaphore sociale, in Jean-Michel DEWAILLY, Claude SOBRY,op. cit., 1997 ; FÉDÉRATION NATIONALE DU SPORT EN MILIEU RURAL, Tourisme et sport : facteurs de développement du milieu rural et d aménagement du territoire, actes du colloque, 1992 : Luigi GAIDO, Plaidoyer pour un diagnostic territorial raisonné des espaces de tourisme sportif, in Tourisme sportif et territoires : développement et gestion des espaces de pratiques sportives de pleine nature, Montagnes méditerranéennes, n 11, 2000 ; Christopher HAUTBOIS, APS et mesure de l injection économique initiale : le cas du tourisme sportif.application au Centre régional de nautisme de Granville, in Sport, Europe Stratégies, n 9, 2003 ; Éric PASSAVANT, Les stratégies marketing des agences de voyage selon leur position dans le champ de production du tourisme d aventure, in Le Marketing du loisir et du tourisme sportif, Actes du V e séminaire de marketing du sport, 1999 ; Clémence PERRIN, Hugo BORREL, Andria RAHARINOSY, Jean-Pierre MOUNET, Une composante de l offre touristique à la structuration en émergence : le canyoying dans le Vercors, in Retour, 2003. marché par certains socioprofessionnels des sports de nature. Ce constat peut être associé au type de produits proposés (pas assez élaborés), à la manière dont est réalisée la communication sur les produits (inadaptée au segment de clientèle visé), à la tarification (tarifs pratiqués trop faibles ou trop élevés). L atout majeur de cette frange de professionnels, et qui reste indispensable, est leur passion pour un sport de nature. La littérature relative aux sports de nature, y compris celle mobilisant une réflexion économique (3), témoigne de la place modeste jusqu à présent occupée par ces pratiques dans les politiques de développement local. Les signes d un changement Pourtant, plusieurs exemples tendent à montrer que les sports de nature possèdent certains des atouts nécessaires au développement local et qu ils peuvent faire l objet d un soutien public, dans une perspective de croissance régionale. Deux cas parmi d autres sont ici rapportés. Tout d abord, les pratiques de glisse dans la 74 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature région Aquitaine. Avec 610 millions d euros de chiffre d affaires en 2002 et 3 000 emplois permanents, l Aquitaine est la première région européenne de la glisse. Les deux tiers de cette activité sont concentrés dans le sud des Landes et dans le Pays basque, ce qui a valu à cette région le surnom de Glissicon Valley. La tradition liée à ces pratiques est ancrée dans la culture locale. C est à Biarritz qu a lieu chaque année la fête du surf en Europe. La région dispose d une image forte ayant permis la venue d entreprises spécialisées, parfois d envergure mondiale (Quick Silver, Rip Curl, Surf Session ). Les professionnels se sont, en outre, regroupés au sein d une association, Eurosima (European Surf Industry Manufacturing Association), afin de favoriser les échanges et de développer le savoir-faire général de la région dans le secteur de la production de biens associés aux pratiques de glisse. Les pouvoirs publics locaux ont participé au développement de cette activité économique. Ainsi, depuis 1999, la chambre régionale des métiers, avec l appui du conseil régional, développe un programme de structuration de la filière des sports de glisse. En 2001, 148 593 euros ont été consacrés par le conseil régional au surf en Aquitaine (soutien accordé aux manifestations, aux athlètes de haut niveau et pour l acquisition de matériel). L organisation de la région Aquitaine autour des pratiques de glisse constitue en cela un modèle de développement (4). Les activités voile en Bretagne constituent une seconde illustration de cette tendance nouvelle. Les activités liées à la mer font partie intégrante de la culture bretonne. Cette culture transparaît dans la nature de l offre de pratique sportive de nature. La région compte 300 structures ayant généré un chiffre d affaires de 76 millions d euros en 2003. Ainsi, l importance du littoral et la longueur des côtes bretonnes constituent un atout du territoire dans le développement de ces pratiques, en croissance de 3 % chaque année. On observe, en effet, dans cette région une forte concentration de professionnels proposant des activités sportives liées à la mer. Cette offre singulière constitue une caractéristique bretonne en matière de sports de nature. Les acteurs publics locaux soutiennent cette activité économique. Ainsi, le conseil régional, avec le concours de l État, a mis en œuvre un programme visant à moderniser l activité de ces centres. L expérimentation sera étendue au cours de l année 2004 à l ensemble des structures de la filière nautique bretonne. Ces deux exemples tendent à montrer que se développe une forme de partenariat donnant-donnant entre les acteurs de sports de nature et les collectivités locales. Les premiers renforcent leur activité (amélioration des équipements, des structures, de la promotion) grâce à l existence de fonds publics. Les secondes attendent de ces investissements un retour en termes d image et de développement économique, sur le plan tant réel (création d emplois) que financier (dynamique de la croissance régionale). S appuyant sur les deux exemples précités et recherchant plus généralement les caractéristiques d un modèle de développement local par l intermédiaire des sports de nature, quatre capitaux stratégiques apparaissent particulièrement décisifs. (4) Jean-Pierre AUGUSTIN, L émergence des stations surf sur le littoral aquitain, in Tourisme et sport, Cahier Espaces, n 52, 1997. LES QUATRE CAPITAUX STRATÉGIQUES DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL À ce stade de la réflexion, on peut avancer l idée que l intensité du développement territorial par les sports de nature repose sur l existence de quatre capitaux stratégiques : naturel, économique, socio-culturel et public. Ces quatre capitaux interagissent sur le plan local. Ces interactions, l importance et la qualité de chacun d eux permettent d identifier les potentialités de développement. Chaque territoire offre une combi- CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 75

Les stratégies territoriales s affirment lentement naison particulière de ces capitaux. Cette diversité des combinaisons explique le différentiel inter-régional de développement par les sports de nature mais aussi son intensité, sa vitesse, sa forme et sa durabilité (cf. schéma 1). Chacun des quatre capitaux présente des spécificités rappelées ci-dessous. Le capital naturel : le constat d un fort déterminisme Le capital naturel est celui qui dépend le moins des acteurs locaux. Il est directement lié aux ressources disponibles au sein du territoire : eau, air, végétation, roche Ces ressources sont directement au cœur de l offre de sports de nature d un territoire, puisqu elles en constituent le support. Sur ce point, il est possible d identifier, à l échelle du territoire français, deux types de territoire selon leur dotation en ressources naturelles utilisables dans le cadre des sports de nature : les territoires diversifiés. C est le cas par exemple de la région Est de la France, mais aussi de la région Midi-Pyrénées. Il s agit de territoires caractérisés par une homogénéité dans l offre de sports de nature. Le pratiquant pourra trouver une large palette d activités. Aucune d entre elles n est sur-représentée ; les territoires spécialisés. Il s agit de territoires caractérisés par la domination ou la surreprésentation d une pratique sportive. L offre est ici organisée autour de l existence d une ressource naturelle principale qui structure l offre de sports de nature : présence du littoral ou de montagnes par exemple (cf. schéma 2). Le capital économique : les forces et les opportunités liées au marché Le capital économique concerne l ensemble des forces et des opportunités dont dispose un territoire pour favoriser le développement de ses sports de nature. On peut distinguer des forces et opportunités sportives et non sportives. Schéma 1 Les quatre capitaux territoriaux du développement local DÉVELOPPEMENT LOCAL CAPITAL NATUREL CAPITAL PUBLIC CAPITAL ÉCONOMIQUE CAPITAL SOCIO-CULTUREL 76 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature Les premières concernent la cohérence et la complémentarité de l offre de pratiques de sports de nature. On peut, en effet, faire l hypothèse que le développement des sports de nature repose sur la capacité d un territoire à proposer, au-delà d une spécialité locale, une diversité d activités capable d attirer une large majorité de pratiquants souhaitant essayer plusieurs sports. Ce constat renvoie à la notion d économie d agglomération : un territoire est d autant plus attractif pour un pratiquant que celui-ci a la possibilité de pratiquer un large volant de sports de nature. La spécialité locale revêt toutefois un aspect décisif, car elle apporte une lisibilité sur un marché et peut influencer le pratiquant sur le choix de la destination. Cette sur-représentation locale d une discipline repose sur une concentration géographique des offreurs. Outre le fait qu elle renforce la lisibilité du territoire, cette concentration favorise la mise en œuvre d un réseau dont chaque offreur constitue un relais. Cette configuration contribue ainsi au développement d économies d échelle bénéfiques aux différents acteurs. Il peut s agir d une mutualisation des frais de promotion des activités proposées, d un pouvoir accru de négociation vis-à-vis des fournisseurs de biens ou de services ou encore d une mise en commun des moyens disponibles et nécessaires pour la pratique sportive considérée. Schéma 2 La spécialisation départementale des sports de nature Spéléologie, canoé-kayak Tourisme équestre Nota. Cette carte décline la répartition départementale de l offre de sports de nature. Pour chaque catégorie de départements, la pratique sportive mentionnée est sur-représentée par rapport aux autres sports de nature. Ces derniers ne sont pas pour autant absents. La prise en compte de ce constat peut constituer un élément orientant le choix de la stratégie publique à mener. Source : Christopher Hautbois, Sport tourism and local economic development : the importance of an initial diagnosis of suppliers geographic concentration. Case study of France, in Journal of sport tourism, vol. 8, n 3 (à paraître, 2004) Char à voile, sports de glisse Randonnée pédestre Escalade Vol à voile Voile Données : C. Hautbois Réalisation : L. Ravenel CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 77

Les stratégies territoriales s affirment lentement Les forces et opportunités non sportives peuvent également être décisives pour le développement local par les sports de nature. Ces forces et opportunités concernent l ensemble des critères économiques susceptibles de favoriser la venue sur le territoire de pratiquants : qualité générale de l accueil, infrastructures de transport facilitant l accès aux sites de pratique, diversité des activités non sportives, des biens et des services disponibles sur place et susceptibles de séduire les pratiquants. Le critère d intégration économique (cohérence, complémentarité et diversité) du territoire apparaît particulièrement stratégique. Le capital socio-culturel : entre héritage et stratégie contemporaine D un point de vue global, la capacité des acteurs locaux à se rencontrer, à raisonner selon un mode identique, à impulser des projets demeure un atout important. La richesse de ce capital tient à la capacité d un territoire à le transmettre et à l enrichir au fil des générations. Cette transmission peut être établie de manière empirique (apprentissage par l action) ou plus formelle (qualité de l offre de formations validées par des diplômes). Cette culture locale peut se manifester par le savoir-faire accumulé par la population locale ou par les professionnels dans l organisation et la gestion d un sport de nature en particulier. Pour un territoire donné, ces compétences particulières peuvent constituer un actif stratégique, dans la mesure où les territoires voisins et concurrents ne les posséderaient pas. Enfin, ce capital socio-culturel constitue à la fois un liant pour la société locale et un socle sur lequel peut s appuyer la croissance régionale. Le capital public : la coordination du système Ce dernier capital concerne directement le rôle des pouvoirs publics locaux dans la stratégie de développement local. Plus généralement, sur le plan de la doctrine, il s agit d interroger la participation de la sphère publique dans la vie économique. C est encore poser la question d une régulation publique de l économie. Dans un modèle économique laissant la place à l État ou aux collectivités locales, les acteurs publics ne se limitent pas à constater les différences inter-régionales de développement ou à souligner les carences de la croissance. Ils sont au cœur du système de gouvernance locale et possèdent de ce fait un rôle tout particulier dans le développement territorial. Schéma 3 Les activités équestres en Basse-Normandie Secteur des courses de chevaux Secteur des activités connexes LES ACTIVITÉS ÉQUESTRES EN BASSE-NORMANDIE Secteur du tourisme équestre Secteur des sports équestres 78 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature Aujourd hui, en matière de sports de nature, la possibilité d atteindre un niveau important d activité est corrélée à la présence d un soutien public. Le capital public est caractérisé par l ensemble des actions ou des mesures prises par la sphère publique locale pour renforcer le développement des sports de nature et indirectement celui du territoire. Il s agit dès lors d un capital plus global (un méta-capital ), c est-à-dire pouvant influer sur chacun des trois autres capitaux : concernant le capital naturel, il appartient à la sphère publique d identifier les ressources naturelles pertinentes sur la base desquelles le développement local peut être planifié ; pour ce qui concerne le capital économique, la sphère publique peut ordonner les actions directes ou indirectes permettant d attirer les acteurs économiques, afin de favoriser la concentration des unités productives et l essor des externalités stratégiques. Cela relève directement de la politique économique menée par les collectivités locales. En outre, leur rôle est de permettre le maintien d une relation forte et durable entre les acteurs économiques et le territoire. En l absence d une telle volonté, on assiste à un nomadisme des entreprises qui recherchent, par la mobilité, le maintien des conditions de leur compétitivité (5). Enfin, les pouvoirs locaux doivent entretenir un lien avec les autres échelons territoriaux, et notamment avec l État. Ce rôle de lobbying public doit permettre d obtenir les moyens pour mettre en place les actions décidées localement en matière de sports de nature ; la sphère publique locale joue également un rôle, même indirect, pour ce qui concerne le capital socioculturel. Elle apparaît, en effet, comme le garant de cette histoire commune et œuvre pour son maintien et sa promotion. Favorisant le lien social, la sphère publique locale doit aider à la transmission de cette culture et, sur le plan économique, de son savoirfaire. Les modalités de cette pérennisation du capital socioculturel sont variables d un territoire à l autre. L un des moyens d accomplir cette tâche est la mise en place ou le soutien de formations apportées à la main-d œuvre et dont on juge qu elles sont étroitement liées aux spécificités locales. LA STRATÉGIE PUBLIQUE DE DÉVELOPPEMENT DU TOURISME ÉQUESTRE EN BASSE-NORMANDIE La présentation plus particulière du tourisme équestre en Basse-Normandie peut illustrer l intérêt d une stratégie publique de développement par les sports de nature. Le secteur du tourisme équestre, en Basse-Normandie, est l un des secteurs d une filière comprenant également le secteur des courses de chevaux, le secteur des sports équestres et le secteur des activités connexes (cf. schéma 3). Dans la région, le secteur du tourisme équestre s organise autour de différents types d acteur. Prolongeant une analyse documentaire, une recherche menée de décembre 2002 à janvier 2004 a permis la réalisation de 23 entretiens auprès de cinq profils d acteurs du tourisme équestre (6) (le chiffre entre parenthèses indique le nombre d entretiens réalisés pour chacune des catégories) : directeurs de centres de tourisme équestre (CTE) (4) ; comités départementaux et régional de tourisme équestre (CDTE, CRTE) (3) ; association de cavaliers de tourisme équestre (3) ; comités départementaux du tourisme (CDT) (3) ; conseils généraux, conseil régional (CG, CR) (10). Cette méthodologie a permis l identification des éléments suivants. (5) Jean-Benoît ZIMMERMANN, Des clusters aux smallworlds, une approche en termes de proximités, in Géographie, économie, société, n 4, 2002. (6) Outre ces entretiens auprès des acteurs du tourisme équestre, l étude menée a parallèlement permis d interroger un échantillon représentatif de l ensemble des secteurs des activités équestres dans la région, soit un total de 64 entretiens. CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 79

Les stratégies territoriales s affirment lentement Tourisme équestre et financement public : apparition et évolution d une relation depuis 1990 Le partenariat entre les collectivités locales des trois départements bas-normands (Calvados, Manche, Orne) et les acteurs du tourisme équestre est marginal jusqu en 1990. Jusqu à cette date, les activités équestres dans la région, et le tourisme équestre en particulier, ne font l objet d aucun soutien ou financement public réalisé dans le cadre d une stratégie de développement. Les deux sphères évoluent de manière indépendante : les collectivités locales ne considèrent pas le tourisme équestre comme un levier potentiel de développement ; dans le même temps, les acteurs du tourisme équestre ne manifestent pas une volonté affirmée de mettre en place un plan de développement. Ces activités restent dans la sphère du seul loisir individuel et ne sont pas envisagées comme une finalité commerciale. L initiative des conseils généraux À partir de 1990, on observe une évolution de ce partenariat. Sous l impulsion des conseils généraux, les activités équestres sont au cœur d une politique plus marquée. Cela témoigne d une prise de conscience réelle des atouts liés à ces activités. Le tourisme équestre bénéficie ainsi de nombreuses opérations visant à promouvoir l image du cheval et la diversité des activités proposées. Le conseil général de la Manche a déclaré 1990 année du cheval. Cette année-là, le conseil général a versé 2 850 000 euros pour l ensemble des manifestations et des constructions d équipements. Depuis cette date, le département de la Manche participe chaque année au financement d opérations visant à promouvoir les activités liées au cheval dans la région. Le tourisme équestre bénéficie directement ou indirectement de ces actions de promotion. Dans le Calvados, depuis 1991, le conseil général organise les Équidays. Durant quinze jours, cette manifestation phare mobilise tout le département. L ensemble des acteurs de la filière équine a la possibilité de promouvoir sa propre activité. Cette opération a été Tableau 1 Le capital économique du tourisme équestre bas-normand Forces et opportunités Sportives Activités nautiques comme élément d attraction des résidents extérieurs (économies d agglomération) Concentration régionale des offreurs de tourisme équestre Faible coordination des professionnels du tourisme équestre Non sportives Sites touristiques polarisants (Mont-Saint-Michel, Mémorial de Caen) Proximité de la clientèle du bassin parisien Proximité de la clientèle anglaise Menaces et faiblesses Logique commerciale non généralisée à tous les acteurs du tourisme équestre Activités nautiques représentant une concurrence une fois les résidents extérieurs présents dans la région Infrastructures de transport parallèles aux côtes de la Manche et limitées à l intérieur des terres où sont concentrés les offreurs 80 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature initiée par quelques élus ayant, les premiers, envisagé l importance stratégique que pouvaient avoir ces activités dans le département. Lors de la dernière édition, en 2003, la participation financière du conseil général a été de 365 000 euros. Parallèlement à ces opérations de promotion, le conseil général investit également dans la recherche équine. D une part, le conseil général soutient l activité du centre d études de l Afssa-Dozulé. Prolongeant un partenariat déjà ancien, une convention-cadre a été signée entre les deux entités. Elle prévoit le versement annuel par le conseil général de 160 000 euros à partir du 1 er mars 2000, et ce pendant cinq ans. D autre part, le conseil général soutient l activité du laboratoire départemental Frank Duncombe, comprenant notamment un service de santé animale. Matérialisée par la construction de locaux plus modernes, la politique du conseil général vise, depuis le début des années 1990, à faire de ce centre une référence en matière de recherche équine. Le rôle fédérateur du conseil régional En 1993, le conseil régional lance deux projets qui marquent le point de départ d une politique de développement des activités équestres : l étude sur l importance de la filière équine dans la région, réalisée par le conseil économique et social de la Basse-Normandie ; le projet de voir se développer dans la région un pôle de recherche équine international : le Centre d imagerie et de recherche sur les affections locomotrices (Cirale). Ce laboratoire est inauguré en 1999, avec une participation financière du conseil régional d environ 4,5 millions d euros. Cette politique publique régionale est encore renforcée en 1997, avec la mise en place d une structure, financée par la région, ayant pour but de mener la politique cheval. Ce Conseil des chevaux de Normandie (CCN) se positionne à l interface entre le conseil régional et les acteurs de terrain : il coordonne les activités, reçoit et examine les dossiers et oriente les financements, qu ils soient régionaux ou européens. À partir de 1997, la démarche a été reproduite par d autres conseils régionaux. Il existe aujourd hui une fédération des conseils des chevaux. Les quatre capitaux stratégiques du tourisme équestre bas-normand ou le bilan d un partenariat mitigé Le capital naturel : une opportunité stratégique indéniable L ensemble des acteurs du tourisme équestre rencontrés souligne le fort potentiel régional constitué à la fois par la proximité de la plage et le réseau des chemins de campagne qui permettent l organisation de cette activité. Le réseau de chemins constitue à l évidence un support essentiel au développement. Plus largement, ce réseau de chemins s intègre dans un environnement naturel riche et susceptible de favoriser la venue de pratiquants sportifs. Pourtant, deux problèmes récurrents demeurent : d une part, la préservation et l entretien de ces chemins. En effet, les politiques de remembrement contribuent à faire disparaître ce potentiel local important. Dans le même temps, les acteurs de terrain soulignent la réelle difficulté à faire entretenir ces chemins essentiels pour le développement de leur activité ; d autre part, la cohabitation des acteurs du tourisme équestre avec les autres utilisateurs de ces chemins (pratiquants de VTT, randonneurs pédestres) s avère parfois sensible. Les exigences différentes de chacun de ces publics rendent les choix d aménagement de ces espaces inadaptés à la pratique de tous. CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 81

Les stratégies territoriales s affirment lentement Le capital économique : primat de la passion sur le profit Le capital économique en Basse-Normandie peut être envisagé selon la matrice suivante présentée dans le tableau 1. Le capital socioculturel : une force régionale Il existe, en Basse-Normandie, une véritable culture du cheval. Cette culture influe sur l identité régionale, que ce soit chez les habitants de la région ou chez les non-résidents (Basse- Normandie associée au cheval). En cela, il s agit d un capital socioculturel a priori favorable à la mise en place d une stratégie publique de développement. Cette reconnaissance de la place du cheval dans la région conduit à estimer légitime l investissement de fonds publics dans le développement de cette activité économique. Le capital public : le soutien aux activités équestres pertinentes Analyser le capital public du tourisme équestre, c est interroger le rôle de la sphère publique dans le soutien à cette activité dans la perspective d un développement économique, notamment local. Dans le cas de la politique de développement du tourisme équestre en Basse-Normandie, analyser le capital public permet notamment d envisager l efficacité de la stratégie mise en œuvre. Tout d abord, l étude menée montre très clairement le faible niveau du partenariat existant entre les acteurs du tourisme équestre et la sphère publique locale. Quelques-uns des axes de soutien aux activités équestres proposés par ces acteurs publics ont été évoqués dans le point précédent. Or, au-delà d opérations visant à promouvoir de manière générale l ensemble de ces activités, il apparaît que l essentiel des actions menées ne sont pas directement orientées vers le tourisme équestre. Le constat réalisé est celui d une forte propension des conseils généraux et du conseil régional à accompagner et à soutenir les secteurs d activités équestres qui sont déjà organisés, coordonnés, possédant un plan de développement à moyen terme et ayant trouvé leur place sur un marché. Il s agit particulièrement ici des secteurs des courses de chevaux (élevage, équipements) et des sports équestres (élevage). En ce sens, le terme de partenariat semble adapté pour caractériser la politique publique de développement territorial : la sphère publique ne se fonde pas à intervenir dans des secteurs ne présentant pas tous les éléments pouvant maximiser son action. L un des éléments pouvant expliquer ce constat concerne la faible prise en compte de la logique commerciale par certains acteurs du tourisme équestre. La sphère publique locale considère en cela qu il ne lui appartient pas de soutenir un secteur qui n a pas encore fait le cheminement nécessaire, en termes d auto-organisation, d objectifs de développement notamment, pour bénéficier d un soutien public. La finalité de la politique publique n est alors pas de maintenir artificiellement en activité un secteur économique mais plutôt d accompagner des professionnels susceptibles d employer le plus efficacement les fonds publics fournis. Les sports de nature sont désormais présents dans les stratégies publiques de développement local. Ils présentent, dans leur ensemble, certains des atouts susceptibles de séduire les acteurs publics à la recherche d un développement territorial par le sport. Toutefois, plusieurs caractéristiques, notamment organisationnelles, freinent aujourd hui l utilisation des sports de nature dans cette perspective. 82 Sports de nature. Des territoires et des hommes Juillet 2004 CAHIER ESPACES 82

CHRISTOPHER HAUTBOIS Stratégie publique de développement local par les sports de nature Une réflexion sur ce thème, que l on pourrait qualifier d économie politique locale des sports de nature, doit être pérennisée afin d identifier les potentialités réelles, les modalités et, plus généralement, les conditions de réussite de ce type de stratégie publique. L analyse des capitaux stratégiques du tourisme équestre en Basse-Normandie constitue un exemple pouvant servir de base à cette réflexion. Cette illustration montre que, en l état actuel des choses, la capacité à formuler une stratégie publique de développement nécessite une mise en adéquation des objectifs des principaux partenaires, publics et professionnels. L efficacité d une stratégie publique de développement local par le tourisme équestre n est pas encore avérée. Une plus grande mise en réseau des acteurs, une meilleure structuration de l offre constituent les préalables d un partenariat tourné vers un objectif de croissance du territoire aujourd hui peu concrétisé. CAHIER ESPACES 82 Juillet 2004 Sports de nature. Des territoires et des hommes 83