RESEAUX INFORMELS ET INTELLIGENCE ECONOMIQUE EN CONTEXTE COLLABORATIONNEL : LA GESTION DES RISQUES AU SEIN DU RESEAU.



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RESEAUX INFORMELS ET INTELLIGENCE ECONOMIQUE EN CONTEXTE COLLABORATIONNEL : LA GESTION DES RISQUES AU SEIN DU RESEAU. Jean-Marie SIMONNET 64 avenue des Chartreux 13004 Marseille simonnet@euristic.org Consultant et Formateur en IE Doctorant Université du Sud Toulon, laboratoire I3M Mots clés : Réseau, coopération, risque, organisation, asymétrie, comportement, confiance, opportunisme, désinformation, échange, mimétisme, acteur. Key words: Network, co-operation, risk, organization, asymmetry, desinformation, exchange, imitation, actor. behavior, confidence, opportunism, Palabras claves: Red, cooperación, riesgo, organización, asimetría, comportamiento, confianza, oportunismo, información falsa, intercambio, imitación, agente. Résumé : Les réseaux étudiés, bâtis sur la base d une alliance informelle, comportent de l incertitude résultant du contexte de la relation en elle-même. Le degré d incertitude est lié à la capacité des acteurs à créer de la confiance. Il représente le risque relationnel. Un second risque, lié à la fonction des réseaux, le risque informationnel, prends naissance dans la pathologie des fonctions clés de la relation et dans le comportement opportuniste. Notre travail consiste à chercher comment appréhender ces risques et comment les prendre en compte.

Introduction : Le type de réseau que nous étudions est construit sur la base d une «alliance» informelle, temporaire ou non, mais nous la considérons avant tout comme une relation. Elle comporte de l incertitude à laquelle s exposent les acteurs de la relation. Cette incertitude résulte du contexte de la relation ellemême, en l occurrence la relation coopérative, mais aussi aux choix relationnels des acteurs. Dans ce dernier cas, l incertitude dépend des incidences de l environnement de la relation, c est l incidence des organisations auxquelles appartiennent les acteurs. Les partenaires de la relation ont peu de marges de manœuvre sur cette incidence, mais tout dépends du degré de liberté dont ils disposent. Dans le premier cas, c est l incidence des facteurs clés de la relation d échange, que nous avons étudiée précédemment [14]. Ici, l incertitude est liée à la capacité des acteurs à créer de la confiance dans la relation. C est la naissance du risque relationnel [2]. Il est définit par la probabilité et les conséquences d un comportement insatisfaisant. Il y a également émergence d un second risque, compte tenu de la fonction de ces réseaux, c est le risque informationnel qui, pour une part, peut prendre naissance dans la pathologie des facteurs clés de la relation, et pour une autre part, dans le comportement opportuniste ou malsain d un partenaire. Le manque de travaux empiriques s inscrivant dans une problématique de gestion des risques dans une relation collaborationnelle entre acteurs, au sein d un réseau informel, est à l origine de ce travail qui nous permet d affiner la connaissance du cadre relationnel d échange d information. Nous nous poserons deux questions essentielles : - quels sont les risques relationnel et informationnel? - comment appréhender ces risques latents dans la relation et les prendre en compte? Nous n avons pas émis d hypothèses à partir de théories ou de concepts en provenance de la littérature, mais nous avons utilisé les résultats de notre recherche empirique sur le cadre de l échange [14]. Dans cette recherche, une série d entretiens ont été conduits où il était demandé aux acteurs de raconter une ou plusieurs situations d échange vécues. Dans ces entretiens, un questionnement spécifique à la notion de risques avait été mis en place. 1- Q est-ce que le risque? Le risque est un construit subjectif qui n est pas toujours probabilisable [4]. Une autre définition tirée du Nouveau Littré, «péril dans lequel entre l idée de hasard». Le risque se distingue cependant de l incertitude qui est une caractéristique essentielle des situations dans lesquelles les évènements ne peuvent être déterminés ou connus à l avance. A partir des définitions précédentes et de la distinction que nous avons énoncée, nous définirons le risque comme l évènement possible dont les conséquences

défavorables sont difficilement acceptables, voire inacceptables et pour lesquelles des parades doivent être mises en place. La littérature des sciences de gestion propose beaucoup de typologies de risques, mais ces typologies varient selon le domaine et le contexte dans lequel le risque est étudié. La classification de Miller [10] mentionne l existence de trois catégories principales de risques : - les risques liés à l environnement des organisations - les risques liés à l activité - les risques spécifiques aux organisations Le risque relationnel s apparente à la dernière catégorie, il est considéré comme un risque spécifique aux coopérations. Malgré la diversité des situations de coopération [8] il est possible de définir quatre éléments communs : - les organisations conservent leur identité même si elles abandonnent une partie de leur autonomie - la collaboration implique le partage d actifs matériels et immatériels - chaque organisation dispose d une information incomplète sur la valeur de ce qui est apporté ou échangé par le partenaire - une partie au moins du contrôle sur l objet de la coopération est déléguée. Des deux premiers points, il résulte que la relation entre les organisations se caractérise par un lien ou une relation d interdépendance dont l objectif est de créer de la valeur. Cette interdépendance nécessite un degré d harmonie, de flexibilité, génère des coûts, entraîne une interpénétration des frontières et requiert des modes de gestion particuliers auxquels l organisation ne serait pas confrontée si elle exerçait son activité seule. Cette nouvelle situation génère des risques, des dangers pour l organisation qui a certains égards ne dépendent pas forcément d un comportement insatisfaisant du partenaire dans la relation. Si ces deux points s appliquent à une relation marchande et à un contrat d alliance entre deux organisations, à contrario, ils ne s appliquent pas au réseau que nous étudions. En effet, celui-ci est une entité qui s est constitué de façon informelle à partir d acteurs venant d organisations différentes, pour échanger et partager de l information. Il n y a donc pas d interdépendance entre les organisations auxquelles les acteurs appartiennent, car l appartenance au réseau se fait de façon individuelle, au nom propre des acteurs. Il n y a pas génération de coûts, pas d interpénétration des frontières, pas de mode de gestion car il n y a pas gestion du réseau. Par contre, il y a bien apport de valeur par l acteur vis-à-vis de son organisation. Les deux seconds points mettent l accent sur l asymétrie d information et l importance qu elle revêt dans une situation de partage d actifs. Cette asymétrie d information crée quant à elle des incertitudes et des doutes quant aux estimations relatives des comportements possibles des acteurs. Nous avons mis en évidence le rôle joué par l asymétrie et nous avons montré son influence sur la compréhension ou l incompréhension de la relation d échange, sur le comportement de l acteur vis-à-vis de son partenaire, sur la valeur de l actif échangé et sur le rôle jouée par la confiance dans la relation [14].

A partir de ces dernières caractéristiques de la relation d échange, le risque relationnel doit comprendre à la fois les risques associés à la coopération, c'est-à-dire au cadre de l échange lui-même, et à les risques associés aux comportement des acteurs. 1-1 les risques associés à l existence de la relation Il peut y avoir un risque à partir du moment où il y a multiplicité et diversité des acteurs, il y a un risque potentiel de conflit dans le fonctionnement organisationnel du réseau [11]. L existence du réseau peut aussi être à l origine de situations conflictuelles, qui peuvent menacer son fonctionnement et pourquoi pas son existence. La coopération, le cadre de l échange, conduit au partage d informations, de connaissances et d actifs, ce qui expose les acteurs, leurs organisations respectives à un risque de fuite de compétence [7]. 1-2 Les risques associés aux comportements du partenaire Cette seconde catégorie de risques est souvent associée à l existence probable de l opportunisme. L opportunisme est la recherche de l intérêt personnel avec ruse, c'est-à-dire tout comportement qui consiste à «mentir, voler, tricher ainsi que les efforts calculés pour tromper, dénaturer, déguiser, obscurcir ou encore semer la confusion [15]. La difficulté d opérationnaliser ce phénomène ne permet pas de construire une anticipation et le comportement de l acteur dans l échange ne peut être analysé que comme résultant d un comportement opportuniste lorsqu il génère pour l acteur qui le subit, une perte. Un comportement opportuniste peut résulter : - du manque de transparence de l acteur pouvant entraver l apprentissage de la relation, avec un effet sur la confiance et l asymétrie de l échange d information. - de la stratégie d échange adoptée par un acteur. - d objectifs particuliers d un acteur 1-3 Le risque informationnel Le principal risque informationnel est la désinformation. Il existe trois mécanisme de désinformation [9] : - l auto désinformation. L acteur peut avoir tendance à ne retenir que ce qui tends à confirmer ses propres opinions, et qui renforcent ses propres schémas de pensée. C est certainement ce qui nous interdit de percevoir en amont les signaux faibles ou les

évènements annonciateurs de changements. Nous les percevons comme des perturbations qui risquent de nous déstabiliser et nous refusons de les voir. - La désinformation involontaire. Nous sommes trompés par des informations fausses transmises en toute bonne foi. - La désinformation volontaire. Il y a de la part d un acteur intention de tromper. La tromperie fournit de fausses représentations. Donner de fausses informations est le procédé le plus répandue mais aussi le plus facile à détecter en croisant les informations. On peut être confronté à une tromperie sur la valeur de l information lorsque vraies et fausses informations sont mélangées. Ce peut être intentionnel, ou bien il y a une erreur involontaire, auquel cas nous revenons à la désinformation involontaire. Autre procédé, ne dire que du vrai mais de manière partiel. C est une logique de diversion et nous entrons dans les schémas de guerre cognitive de l information. 2- Discussion Certains auteurs distinguent deux dimensions à la coopération : - la dimension formelle [13] est aussi appelée dimension économique ; elle comprend la coordination contractuelle, c'est-à-dire les échanges entre les acteurs impliqués dans un but de gouvernance des fonctions. Cette dimension ne se retrouve pas dans le type de réseau que nous étudions. - La dimension informelle [13] est aussi appelée dimension sociale, s appuie sur une composante sociale, la confiance. Elle est définit [12] comme la croyance non calculatoire en l intégrité morale dont les acteurs économiques dépendent pour la réalisation des buts collectifs et individuels quand ils s impliquent dans une relation aux résultats futurs imprévisibles. Elle s accumule au fil de la relation, se développe dans les échanges pour constituer un capital relationnel. Elle facilite l apprentissage et est la source du succès, entre autre, de la relation d échange. Dans l étude de cas [14] les acteurs interrogés ont une vision du risque relationnel et informationnel qui nous a permis de créer une classification des risques selon le degré d intensité de leur perception du risque :

Risques majeurs : risque d asymétrie risque de conflits Risques moyens : risques liés aux problèmes de secret risques d incompréhension risque de comportement opportuniste Risques mineurs : risque de fuite de compétences on remarque que cette classification est très proche des éléments «facteurs clés de succès» de la relation d échange mis en évidence dans l étude [14], fondamentaux comportementaux et traits personnels de l acteur. Les acteurs interrogés pensent que pour réduire les risques, le choix du partenaire et le capital relationnel sont de bons critères, sachant que dans la relation les acteurs ne sont tenus de respecter qu un contrat moral. Si les acteurs détectent un manque de performance dans leurs échanges, ils l attribuent en premier lieu à l opportunisme, à une influence excessive d un partenaire et à des problèmes d incompréhension. Nous allons analyser le risque de comportement opportuniste à partir du concept de désir mimétique de René Girard [5] [6] et en posant un postulat : «nous envions l être qui possède un objet, ce dernier n ayant d ailleurs qu une importance relative, et nous tirons plus de satisfaction dans le fait que l autre ne possède pas l objet plutôt que dans sa possession elle-même». René Girard repère le mécanisme du désir selon un schéma triangulaire, sujet modèle objet. Cette hypothèse repose sur l existence de l élément modèle pris comme médiateur du désir. - Le modèle c est «l autre», l autre acteur de l échange. - L objet c est toute chose dont «l autre» semble pourvu et qui me fait défaut. - Le sujet c est l acteur qui se met à désirer l objet qui ne possède de valeur que par la valeur que le sujet lui donne et qu il est désiré par le sujet. Dans ce schéma, la présence du modèle, de «l autre», est une remise en cause de l individualisme placé au cœur de la modernité montrant l homme comme une entité libre et autonome. Pour l acteur, fixer son attention sur un modèle, c est lui reconnaître quelque chose que l on ne possède pas, dont on est démuni. Le désir de l acteur n est rien d autre que le désir qu il a de la valeur de l objet détenu par l autre acteur, de la valeur qu il attribue à cet objet. C est un désir qui n est pas spontané mais imité. Les valeurs de l objet sont inattendues. L acteur sujet donne une valeur à l objet relevant de sa seule envie. L acteur modèle attend qu on lui désigne un objet désirable, qui verra par la suite l objet avec

une valeur inattendue puisqu il est désiré. Et dans ce triangle du désir, le sujet et le modèle deviennent alternativement «l autre». A ce jeu, on entre rapidement dans un jeu concurrentiel, où apparaît le rival qu il faut supplanter. Aux sommets du triangle mimétique, la boucle (circularité) du désir mimétique est maintenant en place. Chacun, sujet ou modèle, a contribué à l émergence de l autre en tant que rival ; dans chaque cas, il n y a pas de réelle interférence entre l intention et l action du sujet et du modèle. L éloignement sujet modèle n est pas une distance physique mais tient à la nature des différences (les invariants) qui séparaient, à l origine, l un et l autre. C est cette différence qui rend le modèle désirable. La hiérarchie initiale des acteurs de l échange, dans la détention d information que ne détenait pas l autre acteur, est ce qui permettait de situer l un par rapport à l autre, c est ce qui permettait le fonctionnement dans la cadre de l échange, c est la raison d être du réseau. La pathologie du réseau, le désir mimétique, va conduire à l abolition de ces différences et rendre confus tous les repères préexistants, donc aboutir à un certain nombre de risques relationnels et informationnels, tels qu ils ont été classifiés selon leur intensité. Le réseau, c'est-à-dire les acteurs qui le composent, a un moyen de lutter contre la pathologie, c'est de maintenir une distance entre le modèle et le sujet ; il peut interdire au sujet désirant la possession de l objet, ce qui, concrètement, revient à prendre des mesures qui vont de l édiction de règles de fonctionnement et/ou d éthique, jusqu à l exclusion du réseau. De ce fait, le modèle se transforme en obstacle à la pathologie du réseau car il réunit en lui-même les deux termes contradictoires, ce qui est adoré et ce qui est haï. C est parce qu il est un modèle que «l autre» est un rival, mais c est aussi parce qu il est un rival qu il est un modèle. Ces deux états coexistent et le sujet acteur oscille en permanence entre eux. Faire en sorte qu il y ait absence de pathologie est donc une régulation ago-antagoniste, une oscillation entre l acteur modèle et l acteur sujet pour maintenir une distance entre leurs caractéristiques, entre leurs différences. René Girard, dans son anthropologie du mimétisme, a proposé, à son époque, une méthode d étude en sciences humaines, qui est aujourd hui relayée par les sciences expérimentales. En effet, des découvertes récentes en sciences cognitives sur les paradoxes et dangers de l imitation [3] viennent d établir un dialogue entre sciences humaines et sciences expérimentales. Un lien fort et étonnant vient de s établir entre les travaux de René Girard (en les validant) et les conclusions des chercheurs en neurobiologie sur les «neurones miroirs», validant ainsi de façon pratique une théorie émise il y a 45 ans et le rapport entre imitation et intention.

3- Conclusion Notre souci est d apporter une contribution empirique à la problématique de gestion des risques dans les réseaux informels. Les acteurs interrogés définissent le risque relationnel de différentes façons. Cette enquête montre l intérêt d adopter une vision multidimensionnelle du risque relationnel et d ailleurs les acteurs les ont classés en risques majeurs, moyens et mineurs. Cette classification est faite selon l impact que les acteurs ont de la valeur de leur échange. Le risque lié à la fuite de compétence est perçu comme mineure par les acteurs, mais il nous semble qu il peut devenir de plus en plus important en fonction des valeurs échangées, par les moyens mis en œuvre, par l arbitrage personnel de l acteur pour la protection des compétences et par sa contribution au développement de l échange. Nous sommes dans un contexte où les instruments de contrôle n existent pas, celui-ci étant assuré par l acteur de l échange. La confiance apparaît comme central dans la gestion des risques et apparait, avec l acteur, comme le seul instrument de contrôle du risque. Confiance et méfiance coexistent dans les échanges. Dans le cas où la confiance augmente, la gestion du risque deviendrait ainsi linéaire et décroissante dans le temps. Mais d un point de vue pratique, cette enquête montre que les échanges peuvent générer des risques à la forme multiple et la question que tout acteur participant à une relation d échange doit se poser[1] : - est-ce que je connais mon ou mes risques majeurs? - comment dois-je anticiper la conséquence de l existence d un risque? 4- Bibliographie [1] COLLECTIF, Référentiel de formation en intelligence économique, SGDN, 2005 [2] DAS T.K., TENG B.S., Risk types and inter-firm alliance structures, Journal of management studies, 31, 6, 1996, p 827-843 [3] DE KEUKELAERE S., Des découvertes révolutionnaires en sciences cognitives. Les paradoxes et dangers de l imitation, www.automatesintelligents.com, 2005 [4] GIARD V., Gestion de projets, Edition Economica, 2005 [5] GIRARD R., Mensonge romantique et vérité romanesque, Grasset, 1961 [6] GIRARD R., La violence et le sacré, Grasset, 1971

[7] KALE P., Learning and protection of proprietary assets, in Strategic alliances: building relationnal capital, Strategic management journal, 21, 2000, p217-237 [8] KOENIG C., VAN VILK G., Alliances interentreprises: le rôle de la confiance, in NOEL A., Perspectives en management stratégique, Edition Economica, 1992 [9] MARCON C., Désinformation bien ordonnée commence par soi-même, www.stratego.tv, 2002 [10] MARYHOFER, Gestion des risques et formes de rapprochement, Revue française de gestion, Nov.-Déc., 2000, p53-64 [11] MBENQUE A., Le fonctionnement dual des organisations, Revue française de gestion, 114, 1997, p 27-28 [12] RING P.S., Fragile and resilient trust and their roles in economics exchange, Business and society, 35, 2, 1996, p 148-175 [13] RING P.S., VAN DE VEN A.H., Developmental processes of cooperative interorganizational relationships, Academy of management review, 19, 1994, p 90-118 [14] SIMONNET J.M., Réseaux informels et IE en contexte collaborationnel, Management et communication pour une économie de la connaissance, www.r3i.com [15] WILLIAMSON, O.E., The economic institutions of capitalisme, Free Press N.Y., 1985