LE STATUT JURIDIQUE D'ENTREPRISE 1. L'ENTREPRISE, NOTION ECONOMIQUE NON RECONNUE PAR LE DROIT : Qu est-ce que l entreprise? Le juriste répond avec raison, qu elle n est pas une notion juridique (J.Paillusseau). Le droit n en donne aucune définition ; il se comporte comme si l entreprise dans son ensemble n existait pas. La définition de l'entreprise est socio-économique et non juridique :! unité de production! système cad ensemble d'éléments en interaction! centre de décision autonome en économie de marché et dont l'objectif principal est le profit! organisation où chacun, partenaire interne et partenaire externe, cherche à atteindre son propre objectif et satisfaire ses propres aspirations! Une communauté humaine ou chacun doit se sentir responsable, capable d initiatives et solidaire des autres membres ; Jean ARTHUIS en 1986 disait : On a trop longtemps considéré l entreprise comme un lieu de conflit plutôt que comme une communauté humaine ; on a voulu s appuyer sur une bureaucratie administrative et syndicale pour protéger les salariés ; à cette notion, il convient aujourd hui de substituer celle de base de la société moderne. L entreprise, créatrice de richesses, de B. et S., gage essentiel du progrès social, s impose par sa dimension humaine comme espace de dialogue, de création d emplois et en définitive d épanouissement des personnes, par la communication, par la participation sous tous ses aspects, en faveur de l ensemble des partenaires. Au niveau juridique, l'entreprise n'existe qu'à travers l'entrepreneur :! c'est l'entrepreneur individuel qui donne son statut à l'entreprise! l'entreprise n'existe qu'à travers son enveloppe ( statut ) juridique ; une société peut exister sans entreprise : cas des sociétés coquilles. Par contre, une entreprise ne peut exister sans statut : sociétés de fait.! elle n'a pas de patrimoine propre car la conception française du patrimoine le rattache à la personnalité juridique! Le droit s occupe des actionnaires qui sont les entrepreneurs des entreprises ayant adopté un statut social ; la société n étant qu un statut juridique d une entreprise dirigée et détenue par plusieurs personnes. L'entreprise est une notion protéiforme : cf la diversité des entreprises en économie! son statut n'est pas toujours adapté à sa taille et à ses besoins car il est choisi en fonction des avantages qu'il peut procurer à son ou ses entrepreneurs ( statut fiscal ; responsabilité financière...)! L'entreprise n'a pas de droit propre : Elle est au carrefour d'une multitude de disciplines juridiques qui viennent réglementer ses rapports avec ses partenaires. Elle est une juxtaposition de règles juridiques disparates ; en fonction des actes qu elle accomplit, elle relève de différents droits. L'entreprise n'existe donc qu'à travers ses différentes composantes à qui, au fil des années, on a accordé de plus en plus de prérogatives, le plus souvent au détriment de son entité et de son unité potentielles : Nombreux contre-pouvoirs dans l entreprise (représentants des salariés...) Obligations légales en tout genre (respect de procédures plus ou moins lourdes : licenciement...) Fixation de salaires minimum ne permettant pas la flexibilité salariale voulue...
Pourtant elle est qualifiée de cellule de base de l'économie, de bassin d'emploi, source de richesses et d'innovation... 1. 1 l entreprise n est pas un sujet de droit : Théorie de l unité de patrimoine : Seules les personnes physiques et certains groupements se voient reconnaître la personnalité juridique ; or seules les personnes juridiques ont un patrimoine ; les groupements de biens même affectés à un but précis, n ont pas de personnalité juridique et donc par là même pas d existence juridique. L inexistence de la notion de patrimoine d affectation en droit français interdit à l entrepreneur d isoler un bloc de biens qui répondrait des dettes résultant de son activité économique. A défaut de patrimoine propre, l entreprise est dépourvue de personnalité juridique. D où la nécessité de donner une enveloppe juridique à l entreprise (statut d entrepreneur individuel ou société) lui permettant de vivre et d exécuter tous les actes nécessaires à son activité. 1.2 les relations juridiques de l'entreprise avec son environnement L'entreprise est beaucoup plus qu'un patrimoine ; elle est une collectivité de travail au sein de laquelle le chef d'entreprise, le patron, exerce bien des responsabilités particulières, mais avec des salariés qui la font fonctionner, des fournisseurs qui en connaissent les caractéristiques et les savoir-faire, des clients qui apprécient la qualité de ses productions, avec des banques ou d'autres prestataires de services. C'est le lieu géométrique d'un réseau de relations professionnelles de travail et d'emploi, qui dépasse de très loin sa réalité patrimoniale et dont la nature économique et sociale intéresse largement la collectivité environnante La vie économique, vue sous l angle juridique, est un immense puzzle d obligations. Fournisseurs et clients ---> Droit commercial Pouvoirs publics ---> Droit administratif -->Droit de la consommation ---> Droit international -->Droit de la concurrence --> Droit des procédures -->Droit fiscal collectives -->Droit du travail -->Droit comptable Partenaires internes Apporteurs de capitaux ENTREPRISE Salariés Droit des sociétés LIEU GÉOMÉTRIQUE Droit du travail Droit civil Droit successoral Dirigeants ( propriétaires, managers ) Droit des sociétés Droit civil Droit pénal Etablissements financiers Syndicats Droit bancaire Associations de consommateurs Droit cambiaire Organismes professionnels Droit financier ( CCI, CFE, tb com., prud'h ) La vie économique, vue sous l'angle juridique, est un immense puzzle d'obligations E. Malinvaud L'entreprise est souvent détournée de sa mission intrinsèque : -> Transformée en collecteur d'impôt
-> Gestion d'une réglementation tatillonne -> Educateur par la formation professionnelle... 1.3 vers une reconnaissance d'un statut de l'entreprise :! EURL et SASU! Loi de 1985 sur les procédures collectives! Le droit des groupes (conventions réglementées, comptes consolidés, comités d entreprises de groupes ) ; cf réforme du droit des sociétés! Loi sur l'attribution préférentielle en cas de transmission de l'entreprise à plusieurs héritiers ce qui évite l'éclatement de l'entreprise! Favoriser la transmission de l'entreprise à des étrangers en allégeant les charges fiscales! Faire varier le statut juridique de l'entreprise en fonction de son importance! Associer le capital et le travail à la vie de l'e. par le biais de la participation (financière et à la gestion)! Limiter les contre-pouvoirs en élevant les seuils sociaux! Organiser la culture d'entreprise et associer les partenaires de l'entreprise aux aléas et aux risques! Revoir le statut social de l'entrepreneur (loi Madelin de 1994) : Plus l'e. serait importante et plus la direction serait autonome car plus étoffée et le capital dilué. Le chef d'e. doit se considérer comme un chef d'orchestre mandaté.! Apparition de la notion de droit des affaires né de la nécessité de regrouper un même ensemble de règles de droit appartenant à diverses branches de droit public et du droit privé mais qui avaient pour point commun d être relatives à l entreprise.! Il existe des diplômes et des instituts de droit des affaires. Le droit des affaires, c est le droit de l entreprise qui ne veut pas dire son nom. 2. L ENTREPRISE SOCIETAIRE : 2.1 définition : Article 1832 du code civil «.» : groupement de personnes physiques ou morales (quid des sociétés unipersonnelles?) ; groupement à but lucratif (Quid des GIE) ; technique d organisation juridique des entreprises 2.2 la notion d intérêt social : à distinguer de l intérêt des associés, des dirigeants et des partenaires internes et externes ; ce n est pas la somme des intérêts des différents partenaires internes et externes de la société ; l intérêt social est un critère déterminant pour évaluer les pouvoirs et la responsabilité des dirigeants envers les associés ; il peut conduire à une conception purement institutionnaliste de la société impliquant une réglementation excessive destinée à protéger la société contre ses dirigeants et actionnaire. Risques également de despotisme et de confiscation du pouvoir par les dirigeants au nom de l intérêt social et au détriment des actionnaires (mise en réserve systématique des bénéfices ) ; problème de la gestion de la société : pour qui? dans l intérêt de qui?place de salariés ; la notion d entreprise citoyenne 2.3 Buts et intérêts de la mise en société :! protéger le patrimoine de l entrepreneur! Travailler en collaboration! partager les risques! donner un statut juridique propre à l entreprise (gestion plus saine et plus claire)! faciliter la transmission de l entreprise! élargir les possibilités de financement de l entreprise 2.4 Classification des sociétés sociétés commerciales : Sociétés de personnes Sociétés de capitaux ->EURL ->S.A ->SNC ->Commandites par actions
->Commandites simples ->SAS Sociétés mixtes : SARL Sociétés non immatriculées ->Société de fait ->Société créée de fait ->Société en participation sociétés non commerciales : Sociétés civiles ->à objet civil, professionnelles, de moyens ->coopératives agricoles ->société d exercice libéral Société d économie mixte Le GIE : À mi-chemin entre l association et la société (cf comparaison entre association et société) 2.4 critères de choix de type de société : ->capital social ->nombre d associés ->responsabilité des associés ->administration de la société ->régime fiscal ->caractère de l entrepreneur : son degré d indépendance ->de l évolution future que l entrepreneur veut donner à son entreprise ->statut social de l entrepreneur ->frais de constitution ->l activité envisagée : Toutes les activités ne peuvent être exercées sous la forme commerciale : agent d assurances ; certaines sont obligatoirement exercées sous la forme commerciale : les CIE d assurances sont les SA... Sur 320 000 sociétés commerciales, 190 000 sont des SARL et 110 000 sont des SA. 3. LA SOCIETE : CONTRAT OU INSTITUTION? Article 1832 du code civil : «la société est instituée par 2 ou plusieurs personnes qui conviennent par contrat d affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l acte de volonté d une seule personne. Les associés s engagent à contribuer aux pertes. En faveur de la société contrat En faveur de la société institution! ambiguïté de l article 1832 du code civil! acte créateur, pacte social = contrat. mais problème de l EURL, de la SASU! art.5 al.2 L.1966 (art.l. 462 1 C.Com.) Mais la théorie de la fiction a pris le pas sur la qui considère que la société est théorie de la réalité (cf plus haut) constituée dès la signature des statuts donc indépendamment de son immatriculation et de la personnalité morale! on ne peut involontairement être membre d une société (principes civilistes et contractuels de l autonomie de la volonté, du consensualisme) Mais une fois que la société existe, le contrat tend à s estomper pour faire place à l institution régie par une réglementation plus ou moins importante selon le type de société
! on ne peut être privé de sa qualité d associé à partir du moment où on a rempli ses obligations (libération des apports.)! les statuts peuvent prévoir des cas d exclusion! L idée de contrat prédomine dans les sociétés de personnes : intuitu personae ; affectio societatis ; 12 articles régissent la SNC.! Parts sociales incessibles et intransmissibles : le décès d un associé entraîne la fin de la société sauf disposition contraire! La règle de l unanimité prédomine dans les sociétés de personnes! La société est un contrat durant la vie sociale pour ceux qui vivent leur affectio societatis au quotidien Problème de l exclusion d un associé qui passe sous le contrôle d un concurrent ; La loi prévoit de priver les associés de leurs droits dans certaines circonstances : actions non entièrement libérées sont privées de leur droit de vote.! L idée d institution convient mieux aux sociétés de capitaux dans lesquelles le capital est plus important que les personnes! Les actions sont librement cessibles, transmissible et négociables! la réunion des parts en une seule main n entraîne pas la dissolution de la société : priorité à la régularisation (un an) mais tout intéressé peut demander en justice la dissolution si la régularisation n a pas eu lieu (art.1844-5 C.Civ.)! plus la société grandit et plus la dimension contractuelle s amenuise et laisse place à une structure dans laquelle les intérêts privés s effacent devant les intérêts sociaux voire extérieurs à la société ; le pacte social peut être modifié sans le consentement unanime des cocontractants (jeu des quorum et des majorités) ; le pacte social est enfermé dans une réglementation relativement stricte.! Plus l engagement financier des associés est grand et plus l aspect contractuel de la société est grand ;! Plus la responsabilité financière des associés est limitée et plus son aspect institutionnel est grand en raison d une réglementation rendue nécessaire pour la protection des tiers.