Troubles anxieux. Dr Marion Larquet (filière urgence) Dr Vincent Feuga (psychiatre de liaison) Centre Hospitalier de Versailles



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Transcription:

Troubles anxieux Dr Marion Larquet (filière urgence) Dr Vincent Feuga (psychiatre de liaison) Centre Hospitalier de Versailles

Troubles anxieux : généralités (1) Pathologie fréquente : 19, 5 % des individus vie entière 3 fois + fréquent chez femme que chez l homme Comorbidités entre troubles anxieux : fréquentes associations chez les mêmes individus, de manière contemporaine ou séquentielle Vulnérabilité anxieuse : à l occasion d événements de vie mais qui ne doivent pas servir d explication simpliste (interaction gène/environnement) Traumatiques ou non, mais également de manière apparemment spontanée à divers âges de la vie Les conséquences justifient que l on traite ces troubles : dépression, abus de toxiques (OH, drogues, anxiolytiques), TS, désinsertion sociale

Caractéristiques : Troubles anxieux : généralités (2) symptôme : anxiété : peur qui n est pas en rapport avec la situation symptomatologie anxieuse parfois difficile à identifier, notamment les symptômes physiques égodystonique : le sujet ne considère pas le symptôme comme une caractéristique naturelle de sa personne (contrairement aux signes pathologiques de personnalité) sujet conscient du caractère pathologique du symptôme pas d altération du rapport avec la réalité (sujet sait que les idées anxieuses sont absurdes, contrairement aux idées délirantes)

Troubles anxieux : généralités (3) Prudence! : éliminer une pathologie organique Trouble anxieux dû à une affection médicale générale Trouble anxieux induit par une substance Trouble panique (sans et avec agoraphobie) Trouble anxieux généralisé Troubles phobiques : phobie spécifique, phobie sociale Trouble obsessionnel-compulsif (TOC) Etat de stress post-traumatique (PTSD) (rôle spécifique et central d événements de vie stressants) Trouble conversif

Trouble anxieux dû à une affection médicale maladies neurologiques (sclérose en plaques) maladies cardio-respiratoires (infarctus du myocarde, embolie pulmonaire) maladies endocriniennes (thyroïde) cancers

Trouble anxieux induit par une substance Contexte d'intoxication ou de sevrage à une substance Substances en cause : l'alcool, certaines drogues certains médicaments (corticoïdes, hormones thyroïdiennes).

Trouble panique (1) Prévalence : 1 à 5% chez l adulte, 3 fois plus fréquent chez la femme Débute brutalement chez un adulte jeune (25-35 ans) Répétition d épisodes d anxiété aigus et spontanés : les attaques de panique Attaque de panique apparaît brutalement pour atteindre rapidement son paroxysme Pas de facteur déclenchant bien établi (contrairement à une phobie) Une ou plusieurs manifestations : psychiques : sentiment de peur (de mourir, de devenir fou, de commettre un acte inconsidéré), d irréalité (déréalisation), ou de ne plus être soi-même (dépersonnalisation), phénomènes dits «dissociatifs» qui une fois la crise passée sont critiqués comportementales : agitation ou sidération somatiques : tachypnée avec hyperventilation pouvant provoquer des «crises de tétanie» («spasmophilie»), oppression thoracique, tachycardie, palpitation, nausée, vomissement, céphalées, vertiges, étourdissement, paresthésies, tremblements, sueurs, pollakiurie.

Trouble panique (2) La répétition des crises peut entraîner l apparition d une anxiété inter-critique de plus en plus importante, et constituer ainsi, de façon progressive, le trouble panique proprement dit Cette anxiété peut alors revêtir soit la forme d une anticipation permanente, le patient vivant dans la crainte de voir se reproduire ses crises de manière inopinée : l anxiété anticipatoire soit la forme d une anxiété phobique : évitement de l'ensemble des situations dont le patient pourrait facilement s'échapper et dans lesquelles il ne pourrait être facilement secouru en cas de nouvelle attaque de panique (endroit désert ou au contraire foule). C est dans ce dernier cas qu on parlera de trouble panique avec agoraphobie

Trouble panique (3) Souvent consécutif à des facteurs de stress : surmenage, prise de toxiques, difficultés personnelles ou professionnelles, deuils, problèmes médicaux Evolution : peut être résolutif en quelques semaines à quelques mois, même si la vulnérabilité du patient l expose à des rechutes ultérieures. Dans d autres cas, une chronicisation est possible malgré la disparition des crises de panique spontanées du fait de l aggravation de l agoraphobie : risque de repli social majeur.

Anxiété généralisée ou Trouble anxieux généralisé TAG fréquente (5-10%), symptômes durent depuis plus de six mois anxiété et sentiment de menace aspécifique et diffus, qui ne peut être associé à un facteur déclenchant ; anxiété excessive avec anticipation négative face aux événements futurs, angoisse «flottante» avec pessimisme important. ruminations caractéristiques de l anxiété généralisée : incontrôlables, envahissantes, sur des sujets variables (la famille, le travail, la santé, la maison), et s accompagnent de symptômes d hypervigilance (tension, insomnie, fatigue, difficultés de concentration, réactions de sursaut) ; symptômes fonctionnels chroniques (douleurs musculaires ou rachidiennes, céphalées, insomnie, troubles digestifs Source d un handicap fonctionnel sans lequel le diagnostic du trouble ne saurait être porté Coexiste fréquemment avec les autres troubles anxieux et avec la dépression.

Les Troubles phobiques : généralités Peurs excessives d objets ou de situations le sujet a eu une réaction anxieuse provoquée par l agent phobogène (la seule idée ne suffit pas, à la différence de l obsession dans le TOC) Toute nouvelle confrontation à cet agent va provoquer une nouvelle recrudescence anxieuse Le sujet va donc avoir des conduites d évitement (éviter au max d y être à nouveau confronté) ; phénomène de conditionnement : sujet évite telle situation, a moins d angoisse, ce qui le renforce (négativement) dans ses conduites d évitement, valorisant le fait «qu il avait raison d avoir peur». S il n a pas le choix, il va mettre en jeu des stratégies contraphobiques : emporter avec lui un objet qui le rassure, se faire accompagner d un individu avec bénéfices secondaires Ces stratégies d évitement et contraphobiques aggravent la phobie, avec augmentation du handicap

Les phobies spécifiques Très fréquentes dans la population générale (10-15%) 2 fois + de femmes que d hommes (sauf phobie du sang : ratio = 1) Apparaissent le plus souvent dans l enfance (5 à 7 ans), restent stables au cours de l existence limitées à un stimulus déterminé (objet ou situation) : proximité de certains animaux, les endroits élevés, les orages, l obscurité, les espaces clos (claustrophobie : peur d un endroit où l on pourrait manquer d air, étouffer), la vue du sang, la foule. Ne pas confondre avec agoraphobie : dans les phobies spécifiques, c est la situation elle-même qui fait peur, pas la crainte d y faire une attaque de panique Handicap fonctionnel habituellement minime

Phobie sociale (1) Le plus fréquent des troubles anxieux rencontré chez l adulte (8-10%), sex ratio = 1 Principalement : crainte d être jugé négativement par autrui (timidité excessive et maladive) D où appréhension ou évitement des réunions, le fait d écrire, de manger ou de téléphoner en public ou les situations nécessitant d interagir avec un tiers ou de s affirmer face à un interlocuteur (crainte de défendre son point de vue, de contredire). Crainte de faire ou dire quelque chose de ridicule : peur de rougir, de trembler, de bafouiller ou tout simplement celle qu on ne remarque leur embarras La peur de s exprimer en public est toujours présente mais ne suffit pas au diagnostic tant elle est fréquente dans la population générale.

Phobie sociale (2) Contrairement au trac ou à la timidité, elles entraînent des conséquences fonctionnelles handicapantes et des complications (dépression, alcoolisme, consommation de drogues à visée désinhibitrice) souvent révélatrices du trouble Relations sociales satisfaisantes avec les personnes connues et l attachement est normal aux parents ou à d autres personnes familières

Traitements d urgence (1) : attaque de panique Isoler le patient des stimulations anxiogènes, notamment l inquiétude des proches Le rassurer et dédramatiser la situation par un examen physique rapide Eliminer un appoint organique, notamment toxique Refocaliser l attention du patient sur autre chose que ses symptômes physiques Lutter contre les effets de l hyperventilation et de l hypocapnie secondaire en lui faisant adopter une respiration physiologique Si les mesures précédentes ne suffisent pas, le médecin peut prescrire un anxiolytique par voie orale.

Traitements symptomatiques (1) Doivent toujours être associés à une approche psychoéducative ; réassurance, explications sur les symptômes et information sur le caractère adaptatif de l anxiété «normale» Activité anxiolytique rapide: les Benzodiazépines Propriétés pharmacologiques : anxiolyse, sédation, activité myorelaxante, anticonvulsivante et amnésiante Risque de dépendance en cas d utilisation prolongée Prescription max de façon continue : pas plus de 12 semaines consécutives dans l anxiété et pas plus de 4 semaines dans l insomnie L arrêt du traitement doit être progressif : éviter l apparition d une anxiété-rebond ou de symptômes de sevrage Indication : traitement des manifestations d anxiété intenses et/ou invalidantes Utilisées transitoirement en association avec les antidépresseurs en attendant le développement de l activité thérapeutique de ces derniers.

Traitements symptomatiques (2) Les autres psychotropes d action rapide (anti-histaminiques (Atarax), neuroleptiques sédatifs (Tercian)) notamment en cas de contre-indications aux benzodiazépines, ou de l inefficacité de ces dernières.

Traitements de fond (1) Psychotropes ayant une activité anxiolytique progressive : les antidépresseurs Antidépresseurs : notamment des inhibiteurs spécifiques de la recapture de sérotonine (ISRS) Action efficace en 4 semaines environ Leur efficacité dans les troubles anxieux est indépendante de l existence d une symptomatologie dépressive associée Mêmes posologies que dans les états dépressifs majeurs Les TOC peuvent nécessiter des posologies plus importantes en cas de non réponse aux posologies habituelles

Approches psychothérapiques : Traitements de fond (2) Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : s intéressent principalement aux mécanismes d acquisition et d apprentissage des comportements normaux et pathologiques et aux processus conscients ou inconscients de traitement de l information. Limitée dans le temps Aspect très interactif et efficacité démontrée Indications : les troubles phobiques, l agoraphobie, les TOC