Commentaire Général du Livre Vert
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- Édouard Jérémie Lecompte
- il y a 8 ans
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1 Commentaire Général du Livre Vert Promouvoir de la libre circulation des documents publics et la reconnaissance des effets des actes d état civil (COM(2010) 747/3) Bruxelles, Février 2011 L analyse de la Commission est superficielle et incomplète. Elle court le risque de fausser le débat. Avec ce Livre Vert, la Commission souhaite «lancer une consultation publique afin de recueillir les orientations et les avis des acteurs concernés sur les pistes envisagées en vue d améliorer la vie des citoyens en matière de circulation de documents publics et l application du principe de la reconnaissance mutuelle dans le domaine de l état civil.» Elle soutient que la situation juridique actuelle est problématique pour de nombreux citoyens européens vivant dans un Etat Membre autre que leur pays d origine, et qui sont confrontés à de lourdes (et coûteuses) procédures administratives ainsi qu à certaines incertitudes juridiques lorsque leurs papiers officiels ne sont pas reconnus de plein droit dans leur pays de résidence. Selon le Livre Vert, on estime à 12 millions le nombre de citoyens européens c est-à-dire 2.5% de la population de l Union confrontés à ce problème. Selon le Livre Vert, l intention affichée de la Commission est de «réduire la bureaucratie» et d «améliorer la vie des citoyens». Ces objectifs sont sans aucun doute fort louables et méritent notre soutien. Cependant, il y a de sérieuses raisons de douter de la définition et de l analyse des problèmes que la commission se propose de régler. En effet, l analyse de la Commission ainsi que son approche de ces problèmes paraît incomplète, simpliste, superficielle et, dans une certaine mesure, erronée. Par ailleurs, le document ne précise pas clairement quels sont les différents types de documents publics pour lesquels des solutions pourraient et devraient être envisagées. L approche visant à trouver une solution à taille unique s appliquant à tout document public n est pas appropriée. La «bureaucracie» n est pas le seul problème L erreur de fond que commet la Commission dans son analyse est juger la «bureaucracie» (c est-à-dire le manque de reconnaissance mutuelle des documents publics) comme étant le problème central, et par conséquent de considérer que l «élimination de la bureaucratie» serait la meilleure solution. En réalité, les causes premières du problème sont les divergences de droit matériel entre les Etats membres de l Union Européenne par exemple, ce qui a trait à la signification et à l effet juridique d un document public donné, ou aux conditions devant être remplies afin d obtenir un document donné, différentes d un Etat membre à l autre. Dans de telles 1 / 9
2 situations, l application du principe de la reconnaissance mutuelle de plein droit risque de causer confusion et incertitude plutôt que de faciliter la vie des citoyens. Une solution adaptée à de tels problèmes consisterait à harmoniser le droit matériel lorsque cela est possible. Dans les situations dans lesquelles cette harmonisation serait impossible, les solutions juridiques à rechercher devraient permettre la reconnaissance mutuelle des documents publics sous condition d existence de convergences entre les droits matériels concernés. Toute mesure ou effort visant à l harmonisation du droit matériel qui aurait une incidence sur le droit de la famille requiert, selon l Article 81.3 du TFUE, l unanimité de tous les Etats membres. Aucun acte de droit de l Union européenne entraînant un changement en droit interne de la famille ne peut être adopté à majorité simple ; cela requiert l approbation de chacun des 27 Etats membres. Parmi les documents publics qui pourraient être touchés par le principe de «reconnaissance mutuelle» que propose le Livre Vert, peuvent être comptés : Les certificats de naissance Les certificats de décès Les certificats d adoptions Les certificats de mariage Les documents établissement un «partenariat civil» ou tout autre partenariat certifié entre deux personnes de même sexe. Aspects raisonnables et problématiques de la «reconnaissance mutuelle de plein droit» Comme indiqué ci-avant, chaque type de document doit être examiné séparément. Le principe de «reconnaissance mutuelle de plein droit» paraît plus problématique pour certains types de documents que pour d autres. Par exemple, l application du principe de «reconnaissance mutuelle de plein droit» aux certificats de décès ne semble pas soulever de difficulté particulière. Cela certifie simplement qu une personne est décédée un jour donné. Pour permettre la reconnaissance mutuelle de tels documents, il est simplement nécessaire de garantir leur intelligibilité et leur fiabilité. Pour parvenir à cela, ils pourraient, par exemple, être délivrés dans toutes les langues officielles de l Union Européenne (comme cela est déjà le cas pour les passeports), et des mesures pourraient être prises afin de vérifier qu ils ont bien été délivrés par l autorité compétente dans l Etat membre concerné. Il paraît logique que la compétence pour la délivrer de tels documents devrait rester celle de l Etat membre où le décès s est produit. En revanche, la situation est significativement différente pour les documents concernant mariage, partenariat civil, adoption et (dû à des différences majeures de droit matériel en matière la procréation artificielle) certificats de naissance. Ces documents concernent des domaines dans lesquels existent des divergences majeures entre les systèmes juridiques internes. Sont concernés en particuliers les «mariages» et «partenariat civils» entre personnes de même sexe, qui peuvent être contractés dans certains Etats membres, alors qu il n existe aucun contrat correspondant dans d autres Etats membres. En effet, un certain nombre d Etats membres ont demandé récemment la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe, ou partenariats officiels. Considérant les importantes disparités entre les Etats membres 2 / 9
3 en ce qui concerne autant le statut légal que l acceptabilité sociale de ces partenariats, il semble impossible d appliquer le principe de «reconnaissance mutuelle» des documents d état civil concernés. En effet, une proposition exigeant d un Etat membre, dans lequel il n existe aucun cadre juridique adapté à la reconnaissance formelle des relations entre personnes de même sexe, de reconnaître et donner plein effet juridique à des mariages entre personnes de même sexe ou partenariats civils conclus dans un autre Etats membre, équivaudrait à une imposition de choix politiques ou sociaux de certains Etats membres à tous les autres. Cela conduirait non seulement à de nouveaux problèmes pratiques (par exemple, la création de nouvelles sortes de «tourisme matrimoniaux», mais cela serait aussi en totale contradiction avec l Article 81.3 du TFUE, qui requiert l unanimité pour toutes les mesures ayant une incidence sur droit de la famille, et par conséquent protège la souveraineté de chaque Etat membre dans ce domaine. De telles problèmes peuvent créer aussi de sérieux obstacles à la reconnaissance des documents juridiques ayant trait au divorce, adoption et certificats de naissance. Les conditions d obtention d un divorce, par exemple, sont très différentes d un Etat membre à l autre (d une interdiction totale à Malte au «divorce express», introduit récemment en Espagne). Dans la même veine, il existe de considérables différences dans les législations sur l adoption, certains Etats membres permettant (et certains autres interdisant) l adoption des enfants par des personnes non mariées ou les couples entre personnes de même sexe. Dans ces domaines, dès lors, la reconnaissance mutuelle des actes d état civil ne peut être octroyée de plein droit, mais doit être soumise à la politique interne de l Etat membre qui les reçoit. Développement de la fragmentation et des contradictions entre droit internes Dans ce contexte, il est remarquable qu il y moins d un siècle, la convergence entre les situations législatives en matière de mariage, de divorce et d adoption était bien plus grande qu elle l est aujourd hui. Cette convergence a été ébranlée à l origine par ces Etats membres, qui, avec des degrés variables de libéralité, ont progressivement facilité l obtention du divorce. Cela a continué plus récemment, par l intermédiaire de ces états membres qui ont, unilatéralement et ceci sans démontrer leur volonté d anticiper une approche nécessaire permette harmonisation convergence dans l UE, ont introduit des institutions telles que le PACS (France), le partenariat civil pour les couples de même sexe ( par exemple en Grande Bretagne, en Allemagne ou en Autriche), ou le mariage entre personnes de même sexe (aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, au Portugal et en Suède). Les Pays-Bas sont allés jusqu à autoriser (ceci étant par l intermédiaire d une sorte de contrat notarial), l établissement formel d un «mariage à trois personnes». Lorsque ces innovations ont été adoptées dans ces Etats, les Etats membres en questions ont invoqué leur souveraineté. Il devrait aller de soi que la souveraineté des Etats membres qui ne désirent pas adopter ou reconnaître ces innovations requiert tout autant d égard et de respect. Paradoxalement, à une époque ou existe une croissante uniformité dans la législation des différent Etats membres dans d autres domaines du droit, le développement du droit de la famille évolue dans la direction inverse : il est de plus en plus fragmenté. On pourrait trouver cela regrettable mais on se doit de reconnaître que les Etats 3 / 9
4 membres qui ont unilatéralement pris distance avec les concepts naturels de «famille» et de «mariage» portent la responsabilité d une telle situation. Dès lors il serait absurde d imposer leur choix à tous les autres Etats membres. Règles de Conflit Les Etats membres, lorsqu ils sont confrontés à des problèmes de droit civil transnational, utilisent à l heure actuelle des règles de conflit plutôt complexes afin de déterminer quel droit est applicable. Ces règles ne sont pas pleinement harmonisées au niveau de l Union européenne, et cela conduit de temps à autre à ces incertitudes. La reconnaissance mutuelle des actes juridiques, des décisions judicaires ou les documents administratifs pourrait sembler être une solution simple à de tels problèmes. Mais plutôt que d être une solution simple, il s agit plutôt d une solution simpliste. Il y a un clair danger de voir découler de cette approche une obligation pesant sur certains Etats membres de respecter et d appliquer des décisions en claire contradiction avec le droit interne et les concepts domestiques de moralité publique. Exemple : Un couple de deux personnes de même sexe venant d Espagne déménage en Lituanie et demande que leur «mariage» soit reconnu en droit lituanien. Ils demandent aussi les avantages fiscaux associés au mariage. Il est vraisemblable que la Lituanie ne reconnaitra pas leur mariage mais le jugera contraire à l ordre public Lituanien. La solution que les Etats membres peuvent étudier est de régler leurs problèmes juridiques sur la base d une «loi personnelle» qu ils pourraient appliquer aux nonnationaux. Dans le cas ci-dessus, la Lituanie pourrait appliquer le droit matrimonial espagnol (et en reconnaître les documents qui s y appliquent) si les personnes concernées étaient des citoyens espagnols. Cependant, toutes les règles de conflit contiennent une clause générale garantissant le respect de l ordre public interne. Dès lors, aucun Etat membre ne peut être forcé à appliquer le droit ou à reconnaître les documents publics qui seraient en contradiction avec leur ordre public interne. D autres exemples démontrent de la complexité de la situation Exemple : Si un citoyen français non marié, ayant adopté un enfant en conformité avec le droit français, s installait en Autriche, les autorités autrichiennes reconnaitraient probablement l adoption même si les personnes célibataires ne peuvent adopter en Autriche. Exemple : Si deux hommes polonais déménagent en Espagne et s y «marient». Quelques années plus tard, ils retournent en Pologne et demandent à ce que leur «mariage» soit reconnu en droit polonais. Ils demandent aussi les avantages fiscaux associés au mariage. Exemple : Un couple lesbien hongrois voyage en Belgique afin de procéder à une insémination artificielle par don de sperme anonyme. En rentrant dans leur pays, ils demandent la reconnaissance du certificat de naissance de leur «enfant mutuel». Ils demandent aussi des allocations familiales. Exemple: Malte est le seul Etat membre où les personnes mariées ne peuvent divorcer. Malta reconnaît les actes de divorce étrangers mais probablement pas si ils s appliquent à des citoyens maltais ou dans les cas où le mariage a été conclu à Malte. 4 / 9
5 Comme le montrent les exemples ci-dessus, il existe diverses situations dans lesquelles des lois sont en conflit et les conceptions de l ordre public diffèrent profondément. Il serait utile de procéder à une étude plus systématique de ces situations et des différentes solutions nationales qui s y appliquent. Une reconnaissance mutuelle de plein droit des documents d état civil dans le cas des conflits de droit matériel n est certainement pas la solution ; cela créerait plutôt beaucoup de confusion et un débat impossible à résoudre à propos de l ordre public qui devrait prévaloir sur les autres. Recommandation Déterminer comment résoudre les conflits de loi dans le domaine du droit matrimonial et de la famille est un problème important. Mais le Livret Vert dans son état actuel ne fournit pas une fondation suffisante au débat qu il souhaite informer. Un conseil utile afin d informer le débat serait dès lors que la commission fournisse une liste complète des questions ayant trait à l état civil (telles que naissance, décès, filiation, adoption, mariage, divorce etc.) pour lesquelles la reconnaissance des documents publics délivrés par un autre Etat membre pourrait poser des problèmes aux citoyens, et qu elle l accompagne d une analyse séparée pour chaque question. Pour chacune des questions, les divergences et convergences de droit matériel devraient être examinées avec une attention particulière, afin de permettre une évaluation complète de tous les impacts possibles que pourrait avoir la reconnaissance mutuelle des documents d état civil. L absence d une telle analyse ne peut manquer de donner l impression que, par l intermédiaire d un tel Livre Vert, la commission cherche à imposer la solution qu elle privilégie à un public non méfiant et mal informé. Dans la vie politique, il arrive souvent que le résultat d un débat soit prédéterminé par la manière dont il a été présenté par exemple, par les questions qui ont (ou n ont pas) été posées. Le Livre Vert de la Commission illustre très bien ce risque : l accepter comme seule base de discussion équivaudrait à permettre à un débat d aller dans la mauvaise direction. Nous recommandons dès lors que les parties concernées ne se limitent pas à répondre aux 11 questions posées dans le Livre Vert. Au lieu de cela, elles devraient clairement indiquer quelles sont les carences du Livre Vert dans son ensemble, et exiger de la Commission soit qu elle procède à une analyse séparée de chaque document d état civil et de chaque question qu ils soulèvent, soit qu elle retire le Livre Vert. Commentaires des 11 Questions du Livre Vert Question 1 : Pensez-vous que l abolition des formalités administratives, telles que la légalisation et l apostille, résoudrait les problèmes rencontrés par les citoyens? Le Livre Vert affirme que l apostille et la légalisation des documents sont «obsolètes» et «ne sont pas adaptés». Mais il ne fournit aucun argument en faveur de telles affirmations. Une réduction de telles formalités administratives serait sans doute dans l intérêt du citoyen. Cependant, l apostille et la légalisation des documents ne sont pas simplement «bureaucratiques» pour le plaisir d être «bureaucratiques». Leur fonction est d aider les autorités publiques à assurer la légalité et l authenticité des documents publics d origine étrangère. 5 / 9
6 Si la Commission propose l abolition de telles formalités, elle devrait aussi expliquer comment les autorités publiques seront dorénavant en mesure de s assurer de l authenticité et de la validité d un document étranger. On peut difficilement s attendre à ce que les fonctionnaires soient au fait de l apparence extérieure de chaque document public de tous les Etats membres. On ne peut non plus s attendre à ce qu ils sachent quelles sont les autorités compétentes de tous les autres Etats membres pour la délivrance de tel ou tel acte public. On ne peut encore moins exiger d eux qu ils connaissent chacune des langues officielles des autres les Etats membres. Ce que la Commission propose ressemble dès lors à l établissement d un principe de «confiance aveugle» sans aucun contrôle. Cela n est certainement pas non-bureaucratique, c est aussi dysfonctionnel. Il serait bien plus commode que la Commission, en proposant une abolition de telles «formalités», partage aussi quelques éléments de réflexion à propos des mécanismes qui pourraient aider à certifier de l authenticité des documents. Question 2 Une coopération plus poussée entre les autorités publiques des États membres doit-elle être envisagée, notamment, pour ce qui concerne les actes d'état civil, et sous quelle forme électronique? Une telle coopération serait très certainement utile. La ccmmission devrait élaborer des propositions plus précises. Question 3 Que pensez-vous de l'enregistrement des événements d'état civil d'une personne à un seul endroit, dans un seul État? Quel serait l'endroit le plus pertinent: le lieu de naissance, l'état de nationalité, l'état de résidence? Cette proposition créera plus certainement de nouvelles charges administratives qu elle les allègera. En ce qui concerne les trois options proposées dans le Livre Vert, il est bon de souligner que le lieu de naissance est le seul critère qui restera toujours le même, alors que la citoyenneté d une personne et son lieu de résidence peuvent changer. Cependant, beaucoup de citoyens sont aussi nés en dehors du territoire de l Union européenne. Dès lors, aucun des trois critères ne peut fonctionner sans un arrangement subsidiaire (par exemple lorsqu une personne est née hors de l Union européenne, alors l Etat civil de cette personne doit être situé dans l Etat membre dont elle est un national. Si la personne n a pas de citoyenneté dans l Union, alors son état civil doit être situé dans l Etat de résidence). En bref, la proposition nécessite une élaboration plus approfondie. Dans son état actuel, les avantages ne vont pas de soi et les coûts qui y seraient associés seraient considérables. (Il est remarquable que selon le Livre Vert, seuls 2,5% de la population de l Union vit en dehors de son Etat d origine. Un tel intérêt pour les quelques expatriés justifie-t-il des reformes si couteuses et qui auraient un effet sur 100% de la population?) Question 4 La publication de la liste des autorités compétentes nationales en matière d état civil ou des coordonnées d un point d information par État membre vous semble-telle utile? 6 / 9
7 Considérant le fait que dans les Etats membres les plus grands, la liste des autorités compétentes pour régler les questions d Etat civil est plutôt longue, il semble préférable de désigner un point de contact dans chaque Etat Membre. Question 5 Quelles solutions préconisez-vous pour éviter ou à tout le moins limiter les traductions? La seule solution qui puisse être considérée serait d élaborer des formulaires standardisés qui contiendraient les informations nécessaires dans toutes les langues officielles (comme c est déjà le cas pour les passeports). Question 6 Quels actes d état civil pourraient faire l objet d un certificat européen d état civil? Quelles mentions devraient figurer dans un tel certificat? Cela pourrait être mis en place facilement, par exemple, pour les certificats de naissance et de décès (sachant que «naissance» et «décès» ont probablement la même signification partout. Considérant toutes les différences de fond en droit matériel en matière de procréation, cela exclurait les documents qui concernent de telles pratiques). Cependant, remarquons qu une telle solution ne peut être utilisée que dans les domaines où il y aurait un dénominateur commun entre les différents Etats membres. Par exemple, un formulaire standardisé pour les certificats de mariages pourrait être utilisé seulement lorsqu est établie l existence de dénominateur commun entre les systèmes juridiques (par exemple, en ce qui concerne les mariages entre personnes de sexe opposé). Question 7: Est-ce que vous pensez que les questions d'état civil pour les citoyens se trouvant dans des situations transfrontières pourraient être efficacement résolues par les seules autorités nationales? Dans ce cas, les institutions de l'union européenne ne devraient-elles pas adresser au moins quelques lignes directrices aux autorités nationales (éventuellement par l intermédiaire de recommandations de l'ue) pour assurer un minimum de cohérence des approches visant à trouver des solutions pratiques aux problèmes que rencontrent les citoyens? Il est peu clair quel rôle les institutions européennes (telles la Commission ou le Parlement) auront à jouer dans la gestion des questions d Etat civil. Il paraît naturel que ces questions devraient être réglées par les autorités nationales, puisque celles-ci sont «sur le terrain». L idée que les institutions de l Union donneraient des «lignes directrices» dans ce domaine soulève de sérieuses questions. Le statut juridique de telles «lignes directrices» n est pas clair. Cela correspondrait probablement à une sorte de «soft law», qui serait l émanation d une bureaucratie non-élue plutôt que le résultat d une procédure législative véritablement démocratique. En tant que quelles, elles pourraient difficilement prétendre à une quelconque «légitimité» démocratique, cependant cela pourrait être utilisé pour faire pression sur certains Etats membres afin qu ils changent leurs politiques pour s adapter à une apparence de courant dominant. De cette manière, la 7 / 9
8 souveraineté des Etats membres, qui est garantie notamment à l Article 81.3 du TFUE, se verrait progressivement amoindrie. Pour ces raisons, cette proposition ne devrait pas faire l objet d un examen plus avant. Question 8 Que pensez-vous de la reconnaissance de plein droit? À quelles situations d état civil cette solution pourrait-elle s appliquer? Dans quelles situations d'état civil pourrait-elle s'avérer inappropriée? La reconnaissance de plein droit des effets juridiques des documents d état civil présuppose la pleine convergence entre les législations nationales concernées. Il appartient aux Etats membres de décider si ils veulent ou non reconnaître les effets des documents d état civil d un autre Etat membre. Dans certains cas, ce sera le cas, dans d autre, ce ne le sera pas. Un domaine dans lequel l approche peut-être utilisée est la délivrance de certificats de naissance et de décès, à condition qu un certificat officiel standardisé garantisse leur interopérabilité. Dans les cas où il n y aurait pas de convergence totale entre les législations nationales (ce qui est notablement le cas en matière de mariage, partenariat civil et adoption), il est clair que l adoption d un principe de reconnaissance mutuelle pourrait avoir une influence sur le droit matériel de la famille de l Etat membre dans lequel est demandé une telle reconnaissance. Une telle mesure serait dès lors adoptée selon la procédure prévue à l Article 81.3 du TFUE. Il doit être souligné que cette approche a été débattue et rejetée par les Etats membres lors de l adoption de la Directive sur la Liberté de Mouvement. Question 9 Que pensez-vous de la reconnaissance basée sur l'harmonisation des règles de conflit de lois? À quelles situations d état civil cette solution pourrait-elle s appliquer? Il semble possible que, pour beaucoup d Etats membres, cette approche sera plus facilement acceptable que l établissement d un principe d une reconnaissance mutuelle de plein droit. Cependant, l approche requiert une étude plus approfondie, et la Commission devrait avancer des propositions plus détaillées : que seraient les effets concrets des règles de conflit de lois harmonisées? Des garanties sont-elles prévues afin que les Etats membres puissent préserver leur droit de préserver leur ordre public interne? Il doit être souligné que l harmonisation des règles de conflit de loi, elles aussi, pourraient avoir un effet sur le droit matériel de la famille de l Etat membre d accueil. Dès lors, une telle organisation des règles de conflit de loi devrait être adoptée selon la procédure prévue à l Article 81.3 du TFUE. Question 10 Que pensez-vous de la possibilité d'un choix de la loi applicable par les citoyens? À quelles situations d état civil ce choix pourrait-il s appliquer? Cette proposition est trop imprécise pour permettre une évaluation complète et approfondie. A-t-elle pour intention de permettre, par exemple, à deux citoyens français de s adresser à des autorités publiques françaises afin de demander l enregistrement de leur mariage enregistré en application du droit allemand? 8 / 9
9 Cela serait une idée étrange. L intention est-elle seulement de permettre une telle liberté de choix aux citoyens résidant dans un autre Etat membre (tel qu un citoyen français ou italien qui se marierait en Allemagne, et à qui serait accordé le choix entre le droit français, italien et allemand )? Il y a un risque non négligeable à ce que l adoption d un tel principe de «liberté de choix» conduirait à une sorte de «forum shopping» ou «tourisme d état civil» non souhaitable et différent d une situation à l autre, puisqu il serait déterminé par les parties au contrat elles-mêmes. Cela signifierait que la partie la plus forte (ou la partie qui peut se permettre le financement de meilleurs conseils juridiques) pourrait imposer ses préférences à l autre partie, qui se verrait dès lors moins protégée. De cette manière, la fragmentation et les incohérences existant actuellement entre les différents Etats membres seraient importées dans le système juridique de chaque Etat membre. Cela n est sans doute pas l approche qui devrait être suivie. Les citoyens ont plus besoin de règles claires et fiables que d un étalage de 27 différents systèmes de règles qu ils pourraient tirer au sort et choisir, mais dont ils ne seraient pas en pleine mesure de comprendre les conséquences. Question 11 Outre la reconnaissance de plein droit et la reconnaissance basée sur l'harmonisation des règles de conflit de lois, pensez-vous que d'autres solutions pourraient constituer une réponse aux effets transfrontières des situations juridiques liées à l'état civil? Une autre solution serait de chercher à conduire une harmonisation totale du droit matériel de l Etat civil. Mais cela ne pourrait pas être accompli sans avoir recours, pour les raisons indiquées ci-dessous, à la procédure prévue à l article 81.3 du TFUE. 9 / 9
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