Verdun face à l histoire. La mémoire de Verdun dans les manuels scolaires

Transcription

1 Verdun face à l histoire La mémoire de Verdun dans les manuels scolaires La séquence est entièrement consacrée à l étude de la bataille de Verdun dans les programmes d histoire de collège et de lycée à partir de la lecture de manuels scolaires, de cartes géographiques et historiques (champs de bataille, atouts et inconvients du site, positions stratégiques, forts, lignes de front...). Un travail complété par l étude du cahier pédagogique Edugéo sur le site de Verdun pour réaliser une carte simplifiée et modélisée de la bataille de Etude des cartes historiques de Verdun Verdun dans l enseignement et les manuels scolaires Les élèves ont également recoupé quelques archives locales et des textes d auteurs (Genevoix, Giono.) pour établir une liste de documents qui pourraient être ajoutés aux manuels.ils consultent aussi la sélection de livres sur Verdun et présentée au CDI par Caty Mouly (cf activités de lecture et liste complémentaire d ouvrages sur documents joints). L étude réalisée par les élèves a aussi fait l objet d une communication lors d un colloque international au Centre mondial de la paix et des libertés de Verdun (Hubert Tyson, directeur de la revue Historiens et géographes-«la mémoire de Verdun dans les manuels scolaires»).

2 Il est toujours émouvant de parler de la présence dans l enseignement français de cet événement qui est resté dans les mémoires familiales, dans la mémoire nationale comme un événement majeur de l histoire de France, mais aussi européenne. On se souvient de la visite historique du chancelier Helmut Kohl et du président François Mitterrand à Verdun, en 1984, dont la photo a été reproduite dans de nombreux manuels et que les élèves auront l occasion de voir dans les salons de l hôtel de ville le 19 avril Les élèves commencent par étudier à l aide d un historique des programmes les permanences et les changements dans le traitement de la Grande Guerre, ensuite recherchent la place de Verdun dans les ouvrages scolaires (5), enfin l approche nouvelle de Verdun dans l enseignement ( ). PERMANENCES ET CHANGEMENTSDE L ÉTUDE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Pour bien comprendre la place de Verdun dans les manuels d aujourd hui, il est nécessaire de la replacer dans un cadre plus général. Depuis une vingtaine d années, les dates d encadrement des programmes de 1 re varient de 1900 à 1939 ou de 1850 à 1939 ou 1945 et s expliquent par les changements en seconde et les pressions exercées pour que la Seconde Guerre mondiale soit enseignée en terminale. En 1993, des aménagements en 1 re L mettent l accent sur l histoire culturelle dans toutes ses dimensions. En 2002, le programme de 1 re s inscrit dans une 3 e partie «Guerres, démocraties et totalitarismes ( )». Il est recommandé de présenter brièvement les grandes phases du conflit, puis d insister sur son caractère de guerre totale et sur ses conséquences. Pour les séries S, la guerre est réduite au thème «Les Français dans la Première Guerre mondiale dans le cadre d une partie sur la France de 1900 à 1939 à 1939». Après avoir décrit l entrée en guerre, on étudie les manières dont les Français vivent le conflit, en insistant sur le fait que la société dans sa quasitotalité est touchée par le deuil. Une ouverture sur certains prolongements de la Grande Guerre étudiée en 3 ème porte sur les thèmes suivants : apaisement des luttes religieuses, organisation du souvenir, évolution des rôles féminin et masculin. Il est intéressant de connaître l évolution de l attitude des élèves et des professeurs. En 1960, il y avait encore beaucoup d anciens combattants dans la société. Mais pour les élèves, c étaient leurs grands-parents et non leurs parents. Selon le témoignage de Jean Peyrot, élève à Lyon de , il y avait «moins de transmission orale, plutôt casse-pieds pour les gens de ma génération, une indifférence des élèves, sinon un rejet, pour les guerres en général après 1945». «Quand j étais élève au lycée, poursuit-il, Verdun était synonyme d héroïsme. Pour moi, professeur de lycée de 1960 à 1969, c était plutôt symbole d inanité et de stupidité dans les résultats.» Il ajoute : «En outre, Pétain c était Verdun et donc sujet délicat (Verdun, Vichy).»

3 Aujourd hui avec la nouvelle programmation du cycle 4, on a moins de temps pour parler de Verdun. Je passe une émission de cinquante-six minutes sur la Grande Guerre. 30 minutes sont consacrées à la bataille de Verdun. Avec les modules du projet, les élèves peuvent étudier en détail la carte IGN actuelle, la comparer avec celle du manuel et compléter avec des photos qu ils recherchent dans des livres anciens (le Miroir-1916) ou sur Internet (avec un dossier-analyse de la bataille de Verdun avec fichier PDFhttp://hist-geo.ac-montpellier.fr/v1/spip.php?article396). Même si l aspect purement militaire a été réduit dans les programmes, on traite toujours en étude de cas la bataille de Verdun en expliquant, en carte projetée, les raisons stratégiques de l attaque allemande, la surprise de l état-major et le démantèlement des défenses, la perte des forts, l appel du général Pétain, le bilan des morts et des blessés. J utilise avec mes classes des photographies, des cartes, des photographies d époque et de cours extraits des DVD «Verdun-Acocalypse» et «1418 de l émission -C est pas sorcier» montrant en particulier le cheminement des camions sur la Voie sacrée et la vie des soldats dans les tranchées ou au fort de Vaux (pour préparer la visite). La bataille de Verdun est gagnée grâce à la Voie sacrée.de nombreuses images de poilus morts au combat illustrent la violence des combats.je précise aux élèves que cette bataille marque à tout jamais les hommes : considérée comme une défaite allemande, elle ne peut pas être totalement une réelle victoire française en raison des pertes subies. Verdun occupe une position exceptionnelle dans la mémoire nationale, indépassable, où le patriotisme du XIXe siècle trouve son apogée dans un immense sacrifice à la fois surhumain et inhumain. Le tableau de Félix Vallotton sur Verdun, lieu de faisceaux de lumières qui s entrechoquent sans âme qui vive, exprime cette inhumanité (étude spécifique en histoire des arts). Dans les manuels analysés de 3e, le nom de Verdun apparaît toujours dans la leçon. La plupart contiennent des pages d illustrations comportant quelques photos sur la boue et l assaut et un texte sur le champ d horreur de Verdun, décrit par les poilus. Magnard consacre deux lignes aux batailles de Verdun et de la Somme qui «coûtent la vie à des centaines de milliers de soldats pour des résultats insignifiants» et publie une lettre de poilu. Nathan souligne que Verdun devient un haut lieu de la mémoire nationale et l illustre par une photo sur l inauguration de l ossuaire de Douaumont. Verdun est fortement ancré dans l imaginaire national. La place réservée à la bataille de Verdun l emporte largement sur celle consacrée à la bataille de la Somme, notamment par les illustrations, les doubles pages, les photos, les témoignages. La Somme fait plus partie de l imaginaire national britannique (Dick Bogg). Chaque peuple choisit son lieu symbolique de mémoire. La mémoire scolaire française de la bataille de Verdun montre qu elle a occupé une place clé : elle est un indice et également un facteur de la mentalité de guerre. L angle d approche de la recherche a changé : on étudie moins la stratégie, très peu l histoirebataille, mais on analyse les souffrances des combattants, les deuils, le bilan idéologique et humain, les conséquences aussi.

4 La Grande Guerre est vue comme la matrice des conflits du XXe siècle. la brutalisation des esprits et des corps est la base de l étude : elle fait mention du débat sur le consentement ou non des combattants à la guerre et le courage des soldats qui ont tenu dans des conditions. Le deuil et le souvenir des morts, le culte de la mémoire marqué par l érection des monuments aux morts dans chaque commune, l inauguration de l ossuaire de Douaumont et le tourisme sacré sont autant de sujets qui ont pris place dans les ouvrages, en raison des nouveaux champs de la recherche historique et des sensibilités générationnelles. Une tradition perdure aussi : des professeurs demandent aussi aux élèves «de rechercher dans leurs familles s il y eut des morts pendant la Grande Guerre et d étudier le monument aux morts de leur commune et d indiquer si le nom des batailles est mentionné». Les élèves d origine africaine, comme ceux d Afrique du Nord, ont souvent des arrière-grands-parents qui ont servi dans l armée française, certains à Verdun. Le professeur doit les inciter à faire des recherches au sein de leur famille. C est d ailleurs un excellent moyen de montrer qu ils font partie à part entière de l histoire nationale (cf programme d EMC de 3ème).La fin des témoins directs nous renvoie à l histoire à travers celle de nos familles. Verdun «terre de sacrifice et de souffrances, symbole de la Grande Guerre, devenue aujourd hui symbole de réconciliation et de paix», aide à «réfléchir sur notre mémoire commune», à tout mettre en œuvre pour mieux connaître l Autre, mieux le comprendre, mieux s entendre avec lui, à utiliser notre énergie au service de la paix, des libertés et des droits de l homme dans toute l Union européenne. Les élèves ont déjà participé à une évocation historique sur le thème de «Verdun, une mémoire pour l Europe» lors de la cérémonie du 11 novembre où ils ont lu leur plaidoyer pour la paix, en hommage aux victimes de toutes les guerres. Verdun est, d abord, un objet d histoire. Enseigner la Grande Guerre fait partie des programmes de l école, occupe encore une place importante malgré la réduction d horaires. La bataille de Verdun est un des moments importants de cette étude, qui ne saurait se limiter à un nom, mais qui doit amener les élèves à rechercher le pourquoi, le comment et les conséquences. Verdun est un lieu de mémoire national pour tous les élèves français, et particulièrement pour des élèves d origine maghrébine ou africaine souvent en mal d identité. Un effort didactique important doit être fait dans les cours et les manuels pour rappeler le rôle de leurs ascendants dans la Grande Guerre. À Verdun, ont combattu, se sont côtoyés des soldats de toute confession. Le Mémorial consacré aux soldats musulmans, inauguré en juin 2006 par le président de la République, est un excellent moyen d intégration dans l histoire nationale des mémoires de ces combattants. Mais que l on ne se méprenne pas, ce rappel patriotique au sens noble ne signifie pas un quelconque retour au nationalisme d avant Enfin, Verdun, symbole de la brutalité de la guerre, des morts sans fin sous les coups de la mitraille, des souffrances, du courage et de l héroïsme de part et d autre du front des combattants, des horreurs de la guerre, contribue au rapprochement francoallemand, mais aussi européen. C est un lieu de recueillement et de méditation sur la guerre et la paix qui est ouvert sur l Europe, l Afrique et le monde. Nous comprendrons mieux ce message après la visite du Centre mondial de la paix et des libertés le 21 avril 2016 à Verdun.

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