Dans sa globalité, et de façon apparente, le marché
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- Olivier Beauchamp
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1 38 3 LE MARCHÉ DES COMMERCES EN FRANCE : NOUVEAUX DÉFIS ET NOUVEAUX ENJEUX Par Emmanuel Ducasse, responsable développement études immobilières à Crédit Foncier Études. 4.1 / INTRODUCTION 4.2/ LE MARCHÉ LOCATIF Sur fond de restriction des budgets des ménages, les circuits de distribution négocient aujourd hui un tournant historique : la distinction centenaire entre commerce de quartier et grande distribution est mise à mal par l arrivée du commerce sur Internet. Ce n est plus en termes d opposition entre l e-commerce et le commerce en magasin qu il faut envisager la restructuration de l immobilier commercial. De nouvelles habitudes de consommation se font jour, qui mêlent désormais et sans les opposer différents canaux de distribution. Lorsque ces évolutions seront arrivées à leur terme, il conviendra de repenser l immobilier commercial selon des critères peut-être très différents de ceux qui prévalent actuellement. Si le se porte bien aujourd hui, c est sur des fondamentaux qui ne seront peut-être plus ceux de demain. Dans sa globalité, et de façon apparente, le primaire de l immobilier commercial affiche en effet une tendance légèrement positive, sans contradiction avec un contexte économique dégradé. Tendances générales Un perturbé et en mutation On se souvient que l année 2010 avait été globalement satisfaisante pour la consommation, avec un chiffre de progression de + 1,3, étant observé que le commerce spécialisé s était montré plus dynamique que le commerce non spécialisé. Les premiers mois de 2011 sont restés sur la même tendance, mais dès la fin du premier semestre 2011 s est manifesté un ralentissement de la consommation des ménages ( 0,7 ), lié à une dégradation de la situation économique ressentie avant même la crise financière de l été. Au second semestre 2011, les prévisions à la baisse de PIB et l affaiblissement de la confiance des ménages ont laissé la place à une consommation atone dès septembre. Entre rigueur budgétaire et faible accroissement démographique, l observateur de l immobilier du crédit foncier Nº 80
2 ÉTUDES 39 les nouvelles prévisions de croissance de la consommation, sans évoquer encore le spectre de la récession, sont désormais fort prudentes pour 2012 et 2013 (+ 0,7 et + 1,2 ). «Fly to quality» : la course aux meilleurs emplacements ne connaît pas la crise Pour les meilleurs emplacements, et eux seuls, l offre se montre très insuffisante face aux appétits féroces des enseignes. La propension de ces dernières à se concentrer sur les artères les plus animées n est certes pas une nouveauté : renforcée depuis une vingtaine d années par le développement des marques et des «enseignes», la concentration en centre-ville des activités commerciales à forte marge avait succédé à la fin des années 1980 à une première vague de flambée des loyers liée à la volonté des grands réseaux bancaires de se structurer et de mailler le territoire à tout prix. Le phénomène actuel de concentration sur les artères centrales semble désormais moins lié à la stratégie de développement des enseignes qu à leur recherche effrénée de diversification et de rationalisation de leurs implantations. En temps de crise économique, la préférence pour les emplacements de meilleure commercialité traduit surtout une forme d aversion au risque, voire de repli sur les fondamentaux de la sécurité et de la liquidité. C est ainsi que, malgré les inquiétudes que tous les acteurs expriment d un ralentissement de la consommation, se maintiennent des niveaux de loyer extrêmement élevés sur les emplacements n 1 (voire 1bis), charges locatives qui portent parfois les taux d effort des preneurs hors limites du raisonnable, et présagent des mouvements locatifs d importance dans les prochaines années. Effets de taille Dans ce contexte perturbé, de nouvelles formes de commerce plus ciblées tendent à supplanter la consommation de masse (les marketteurs parlent de «commerce de précision»). Tous les sondages réalisés auprès des consommateurs montrent en effet qu ils sont de plus en plus nombreux à vouloir consacrer moins de temps à faire leurs courses, et à éviter de se déplacer sur de grandes distances pour cette activité nécessaire. Il faut y voir la raison du retour des enseignes de moyenne et grande distribution vers le centreville : la préférence du moment va vers des magasins de taille plus «humaine» (pour autant que l on s accorde sur ce qu est un magasin à taille «humaine»), qui faciliteraient les courses de proximité, tout en procurant aux clients captifs de ces enseignes une offre alternative aux grandes surfaces de vente habituelles. Une fois encore, cette mode n est pas nouvelle : le commerce de proximité est favorisé par la réduction de la taille des ménages urbains et le vieillissement de la population, phénomène constaté depuis des décennies. Ces évolutions sociétales favorisent en effet l émergence de nouvelles générations de consommateurs achetant près de leur domicile, en moindre quantité et plus souvent, modèle de consommation en décalage avec la philosophie des centres commerciaux géants de lointaine périphérie. En 2010, 56 des ménages ont utilisé le commerce de proximité, chiffre s élevant sans surprise à 75 en Île-de-France. Les courses de la facilité C est le même esprit qui favorise l essor du «drive» (il s agit de courses effectuées à domicile sur catalogue puis enlevées sur place un peu après la commande). La formule affiche un succès insolent avec la conquête de 1,3 de part de (en juillet 2011), malgré seulement 150 points de vente. Directement importé des États-Unis, le drive était encore pratiquement inexistant en France avant 2010, mais se permet désormais de supplanter le commerce en ligne des produits de grande consommation (plus trivialement la livraison à domicile). D une façon générale, l engouement pour l e-commerce ne cesse de se confirmer : près de 60 des consommateurs déclarent acheter en ligne. Il semblerait même que la France soit l un des pays les plus dynamiques dans ce domaine : le chiffre d affaires généré par l e-commerce a été chiffré à 31 Md en 2010, soit 4,5 de part de, et une enquête récente du Credoc estime même que l e-commerce s établira à 24 de parts de en 2020.
3 40 le DES COMMERCES EN FRANCE La prévision est-elle tenable, et pourra-t-on encore distinguer l e-commerce de la distribution physique? Lorsque le processus d intégration entre les différents canaux de distribution aura atteint son terme, se posera la question du lieu où le chiffre d affaires est réalisé, et même celle de la localisation de l acte d achat : en magasin, à domicile, en mobilité? En allant encore plus loin, faudra-t-il repenser le concept de la boutique, jusqu à présent lieu de réalisation de l acte de consommation, et dont la situation physique détermine la rentabilité? Des indices locatifs décorrélés de la conjoncture Affectant lourdement les loyers qui arrivent en actualisation, l ILC (indice des loyers commerciaux) a atteint son plus haut historique, progressant de 2,56 en rythme annuel au deuxième trimestre Instauré par la loi de modernisation de l économie du 4 novembre 2008, l ILC fixe la limite de la hausse annuelle de loyer que les propriétaires-bailleurs de locaux à usage commercial sont autorisés à appliquer à chaque date anniversaire de bail. Il est constitué de la somme pondérée d indices représentatifs de l évolution des prix à la consommation (IPC, pour 50 ), des prix de la construction neuve (ICC indice du coût de la construction pour 25 ) et du chiffre d affaires du commerce de détail en valeur (ICAV, pour les 25 restants). Pour sa part, l ICC a encore augmenté d environ 5 en rythme annuel, du fait notamment de la flambée des matières premières. Cette progression ininterrompue de l ICC depuis des années a pour effet de déclencher le jeu de l article L du code de commerce, texte qui prévoit la fixation du loyer à la valeur locative lorsque le jeu de la clause d échelle mobile a pour effet d augmenter ou de diminuer le loyer de plus du quart. Le résultat de cette hausse vertigineuse des coûts techniques du bâtiment se traduit donc de façon relativement inattendue par le déplafonnement de quantité de baux en cours. Ce qui entraîne actuellement une vague de renégociations (en forte hausse) ou de fixations judiciaires du loyer de renouvellement sans précédent, mouvement de nature à fragiliser nombre de commerçants indépendants. Le commerce de périphérie entame une mue nécessaire Le commerce de périphérie autrement dit la distribution en centres commerciaux représente actuellement 170 Md et environ 42 du CA du commerce de détail, chiffres à peu près stabilisés depuis quelques années. Marquant la fin des «trente glorieuses» de la grande distribution, l année 2011 avait commencé sur des interrogations au sujet de l écart croissant entre loyers et rendements réels dans ces espaces commerciaux, confrontés à une baisse de fréquentation. Non sans optimisme, le CNCC (Conseil national des centres commerciaux) assurait, de son côté, que la moindre fréquentation était compensée par une hausse de la consommation. Si l on regarde en arrière, on voit que le parc des centres commerciaux et celui des retail parks ont progressé de 1,5 à 1,9 depuis 2007, quand l accroissement de population périurbaine ne dépassait guère 1,3. Les perspectives sont moins glorieuses : entre 2011 et 2014, Cushman & Wakefield estime ainsi à 1,6 million de mètres carrés les projets de retail park qui sortiront réellement de terre, sur les 4,8 millions de mètres carrés annoncés dans l euphorie de la reprise de La raison de tout cela est le constat que, sur la quasi-totalité des centres commerciaux récents, inaugurés depuis 2007, les résultats en termes de fréquentation et de chiffre d affaires sont loin des objectifs, avec pour corollaire la multiplication des renégociations à la baisse des loyers. Se dessine de la sorte une nouvelle cartographie des centres commerciaux en fonction de leur ancienneté, et de leur assise économique, les plus jeunes restant d évidence les plus fragiles. Pourtant, c est l ensemble du parc qui est touché, et il arrive désormais que sur des centres plus anciens, des commerçants parviennent à renégocier leurs loyers à la baisse. Ce n est que le début. Dans les trois ou quatre prochaines années, les valeurs locatives en centres commerciaux pourraient baisser de 10 à 15 au fur et à mesure du renouvellement des baux, selon le Procos. Sauf si l environnement change Reste en effet l éternelle question de l urbanisme commercial, qui pourrait encore modifier la donne. Sans doute par effet de balancier, un projet parlementaire entend (re)faire l observateur de l immobilier du crédit foncier Nº 81
4 ÉTUDES 41 passer l urbanisme commercial, sous la coupe des collectivités locales, dans le but affiché de prévenir des situations de concurrence «sauvage». Avec l expérience passée de la loi Royer, on imagine qu une réforme de ce type pourrait réduire à terme tout à la fois la concurrence entre centres commerciaux et l offre disponible, et donc peser à la hausse sur les loyers pratiqués dans les centres existants. Évolution des valeurs locatives Sur les axes commerciaux majeurs de Paris, elles n auront jamais été aussi hautes. Il ne s agit là pourtant que de la partie émergée de l iceberg, sur les enseignes et les emplacements n 1. Que l on se garde d en tirer des généralités sur le commerce traditionnel de pieds d immeuble. 4.3 / LE MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT Là encore, les apparences sont trompeuses car le de l investissement en immobilier commercial affiche une bonne santé. Lorsque le rendement se marie avec la sécurité, les murs commerciaux représentent une valeur-refuge pour des investisseurs que rebutent les loyers minimes de l immobilier d habitation et le risque locatif accru d un parc tertiaire en partie obsolescent. Pour autant, la conjoncture s annonce plus difficile à décrypter pour les investisseurs : moins de crédits bancaires, et donc des effets de levier en baisse, peu d offres de murs commerciaux de première qualité, des rendements en baisse sur les meilleurs emplacements. VALEURS LOCATIVES À PARIS Loyers (en HT HC/m 2 /an zone A) Artères Min. Max. Champs-Élysées = Avenue Montaigne = Bd Haussmann (secteur grands magasins) k Bd de la Madeleine/Bd des Capucines k Avenue de l Opéra = Rue du faubourg Saint-Honoré (de la rue Royale à la place Beauvau) Rue de Rivoli (de l hôtel de ville à la rue du Louvre) = = Rue de Rennes = Bd Saint-Michel (de la place Saint-Michel à la place Soufflot) Bd Saint-Germain (entre la rue du Bac et le carrefour de l Odéon) = k Rue de Passy k Avenue des Ternes k k Hausse = Stabilité Source : marche-immo.com.
5 42 le DES COMMERCES EN FRANCE Un investissement toujours dynamique en immobilier commercial L investissement commercial toujours en état de grâce? Dans un contexte d incertitudes croissantes, on retrouve de façon très parallèle les tendances constatées par ailleurs sur l immobilier tertiaire : les investisseurs tendent à se concentrer sur les actifs les plus sécurisés (qualité de la signature du preneur, baux à durée ferme, localisation de première qualité, etc.) ; tandis que le des actifs plus secondaires semble se bloquer progressivement. À fin septembre 2011, 1,4 Md ont été investis dans le commerce, chiffre qui accuse une baisse conséquente par rapport à 2010 (2,7 Md sur l ensemble de l année). Mais la part de du commerce dans l investissement immobilier reste stable, autour de 17 des montants investis, voire en progression sur la moyenne des dix dernières années. La proportion demeure faible dans l absolu par rapport à la situation qui prévaut en Italie (58 ), en Allemagne ( 52 ) ou même aux Pays-Bas (35 ). Ce n est pas tant l intérêt des investisseurs pour le commerce qui a faibli, que le volume des transactions d envergure, notamment sur le segment des centres commerciaux. La cause en est imputable à la raréfaction de l offre de centres commerciaux prime, qui favorise par ailleurs la baisse des taux de rendement pour cette classe d actifs. Les commerces en pied d immeuble Les fondamentaux rassurent Les investisseurs le savent bien et capitalisent sur cette tendance de fond : les commerces de centre-ville sont plus que jamais plébiscités par les «enseignes», lesquelles évincent peu à peu les commerçants indépendants, incapables de supporter des hausses de loyer trop fortes dans un contexte de chiffre d affaires stagnant, voire récessif. Bref, un emplacement n 1 ne représente pas seulement un risque locatif minimisé, mais aussi la quasi-certitude d une amélioration du loyer à moyen ou long terme, et donc d une plus-value. Pas étonnant, dans ces conditions, que les boutiques de centre-ville et de pied d immeuble aient profité des liquidités sur le pour continuer de s échanger à un rythme soutenu, néanmoins plus modéré qu en Et, conséquence d une distribution de crédit moins abondante que par le passé, ce sont les investisseurs les mieux dotés en fonds propres qui ont animé ce avec opportunisme, en particulier les institutionnels ou les SCPI ayant bénéficié d un bon niveau de collecte. Pour les meilleurs emplacements parisiens, les taux de rendement prime se situent autour de 4,5 ( 25 points de base par rapport à la fin 2010), surenchère qui traduit l appétit des investisseurs tout autant que la rareté de l offre. Sur les emplacements parisiens secondaires, 100 à 150 pb supplémentaires sont couramment acceptés, soit des rendements nets de 5,5 à 6, également en baisse sur Dans la plupart des métropoles de province, la baisse des taux est spectaculaire sur un an, entre 50 et 75 pb, avec des rendements nets tombés autour de 5,5 (hors transactions exceptionnelles) pour les situations les plus appréciées, et jusqu à 6,5 à 7 pour les situations secondaires. Au vu des rendements constatés en immobilier tertiaire, pas nécessairement plus sécurisé, on conçoit que les murs de boutique même dispersés restent un produit-phare dans tout patrimoine diversifié. Le segment des centres commerciaux Un secteur en mutation structurelle Malgré la baisse des volumes investis, les centres commerciaux restent très recherchés par les investisseurs : sauf cas particuliers, les centres portent leur propre dynamique commerciale et lorsque celle-ci est établie, présentent des fondamentaux sains, et affichent un bon dynamisme des enseignes. Cette forme de distribution totalise aujourd hui un peu plus de 710 centres et points de vente (chiffres de juin 2010) et représente le quart du chiffre d affaires du commerce de détail. Mais ce segment a connu son heure de gloire, et la grande distribution subit aujourd hui de plein fouet la mode du rapprochement des commerces vers le consommateur sur laquelle surfent les nouveaux concepts de distribution en centre-ville. l observateur de l immobilier du crédit foncier Nº 81
6 ÉTUDES 43 MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT DANS LES HAUTS-DE-SEINE au 30/06/2011 Secteurs recherchés Autres secteurs Boutiques Taux de rendement net immédiat plancher Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Levallois-Neuilly 6,00 75 = 7,00 75 = Boulogne 6,00 75 = 7,50 50 = Issy-les-Moulineaux 5,75 75 = 7,50 50 = Rueil-Malmaison 6,25 25 = 7,25 25 = MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT EN RÉGIONS AU 30/06/2011 Secteurs recherchés Autres secteurs Boutiques Taux de rendement net immédiat plancher Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Lyon 5,50 50 = 7,00 75 = Marseille 5,75 50 = 7,25 25 = Bordeaux 5,00 50 k 6,75 25 k Toulouse 5,25 25 = 7,00 0 = Nantes 6,00 50 = 7,25 25 = Lille 5,50 10 = 7,50 75 = k Hausse = Stabilité Source : marche-immo.com Pas question pour autant de laisser la place libre aux commerces de proximité, dont une part croissante se structure en puissantes chaînes de franchisés. Apparu timidement il y a déjà des années émerge peu à peu le concept de centres commerciaux urbains, de taille nécessairement plus réduite et avec une offre réorientée sur l alimentaire et le service, au détriment de l équipement de la maison. Cette première réponse de la grande distribution à la crise de son modèle se conjugue à une floraison de nouveaux modes et canaux de vente, présentés comme une amélioration du service rendu à la clientèle. Ainsi, l exemple du drive, qui permet à une clientèle pressée de commander ses courses sur le Net pour les récupérer en voiture le plus rapidement possible, est porteur d enseignements pour l avenir. On pourrait le prendre pour un avatar un tantinet désuet du drive-in des années 1950 ; grave erreur! Ce serait oublier qu il ouvre la porte du des produits alimentaires à
7 44 le DES COMMERCES EN FRANCE l e-commerce, et participe à ce titre aux nouveaux canaux par lesquels l économie de l Internet investit peu à peu les centres commerciaux de périphérie. Dans le même temps, ce que l on appelle peut-être à tort le «multicanal» prend son essor dans les magasins d équipement de la personne ou de la maison : le centre commercial «en 3D» reste ouvert toute l année 24 h/24, et prend des commandes qui se font au choix en rayon, depuis une borne placée à l entrée du magasin, dans la rue sur un smartphone ou chez soi depuis un ordinateur. Il ne s agit plus, alors, d anticiper les besoins nouveaux de consommateurs plus volages, mais bien d une stratégie de défense du commerce non alimentaire face à la cannibalisation annoncée de l e-commerce, au moment où l on redoute une érosion des chiffres de ventes de produits d équipement. Les investisseurs constatent, pour l heure, que les valeurs locatives sont mécaniquement en hausse et les taux de vacance en baisse, cela en dépit d une relative morosité de la fréquentation. Le repli constaté de l investissement en centres commerciaux ne contredit pas l intérêt des investisseurs pour le commerce, mais peut s expliquer par le recul des transactions d envergure, notamment en centres commerciaux. À l instar de ce qui se passe sur le tertiaire, la rareté des centres commerciaux prime disponibles ne favorise que partiellement le report des investisseurs vers des actifs secondaires, et ne suffit pas à les faire revenir sur les actifs jugés à risque. La baisse constatée des taux de rendement en centres commerciaux reflète ainsi une certaine rareté de l offre et une concurrence tendue entre les investisseurs sur un trop petit nombre de produits. Quelques-unes des transactions les plus notables de 2011 à ce jour La cession du portefeuille «Quid 2» par Unibail- Rodamco. Quatre actifs ont d abord été vendus à divers acquéreurs, puis une seconde tranche, composée de deux centres commerciaux, a été cédée à Grosvenor Fund Management pour 148 M et un taux de 4,80 (ce dernier rendement constaté sur le centre commercial «Marseille Bonneveine»). Le portefeuille But (15 actifs) cédé à BNP. Le centre commercial «Saint-Jacques», à Metz, acquis par Corio pour 96 M. Le centre commercial de Pessac, acquis par Union Investment pour 63 M. On ajoutera la restructuration en cours du centre «Beaugrenelle», en front de Seine, à Paris, les «Terrasses du Port», à Marseille, «Plein-Air», au Blanc-Mesnil, etc. Les unités situées dans les parcs d activités commerciales Vers une remise en cause du modèle? Plus encore que le segment des centres commerciaux dont il est un cousin, ce secteur est de loin plus affecté par la crise : avec 65 M d engagements relevés au premier semestre 2011 (hors l opération du futur retail park Costières, à Nîmes ( m 2, cédé en VEFA par Icade à Altaréa), le se situe en retrait de 38 par rapport à la même période de Il faut dire que l hétérogénéité domine ici ; on y trouve un peu de tout, du meilleur comme du pire. Les plus anciens parcs, datant des années 1970 et créés par génération spontanée, s étalent en entrée de ville de façon anarchique, au grand dam des urbanistes et des aménageurs. Sauf que, forts de leur ancienneté et de leur fréquentation, ils demeurent aussi les plus vigoureux, à l image de celui de la «Patte d Oie d Herblay», qui forme depuis 30 ans l une des toutes premières zones commerciales d Île-de-France. À cette première génération de retail parks ont succédé des ensembles mieux structurés, plus plaisants et mieux maîtrisés au plan urbanistique. Pourtant, ceux-là n échappent pas à l obsolescence et les plus vieillissants font aujourd hui peau neuve, quand ils ne subissent pas une reconstruction complète comme la «Cerisaie», à Fresnes. Le souci de la qualité a pris le pas sur le développement à tout prix. C est aussi le résultat de l exigence du de l investissement, marqué par l aversion au risque et la l observateur de l immobilier du crédit foncier Nº 81
8 ÉTUDES 45 concurrence accrue des investisseurs sur des actifs plus core que jamais et donc à plus faible rentabilité locative. C est ainsi que l on a vu se conclure quelques transactions sous la barre des 6 de rendement net, le plus bas se situant autour de 5,75, en baisse de plus de 100 pb par rapport à 2010 (le plus préoccupant étant l écrasement de la prime de risque entre le prime et l OAT autour de 230 pb). À l inverse, les montants investis sur les parcs d activités commerciales en situation secondaire demeurent très faibles, voire anecdotiques dans certaines régions. 4.4 / LES MUTATIONS EN COURS DE L INDUSTRIE COMMERCIALE Nouveaux canaux et nouveaux concepts de distribution Quand la précarité devient source de chiffre d affaires À chaque période son lot de nouveautés et 2011 ont vu naître le concept du magasin d implantation précaire, dit «pop-up store» (par exemple : Uniqlo, à l Étoile). On connaissait les baux précaires (moins de 24 mois), utiles pour des implantations provisoires sur un secteur de chalandise avéré, en attendant des travaux importants ou la libération d une surface d implantation définitive. On connaissait la pépinière d entreprises dans le secteur tertiaire, formule qui fidélise des TPE ou PME à la recherche d un bureau local, pourquoi ne pas la transposer à l immobilier commercial? Le pop-up store va bien au-delà du concept du «local commercial de secours en attendant mieux». Lorsqu il est établi MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT EN RÉGIONS AU 30/06/2011 Parcs d activités commerciales Taux de rendement net immédiat plancher Secteurs recherchés Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Autres secteurs Variation en points de base depuis le 01/01/2011 Lyon 6,5 50 = 7,5 50 = Marseille 6,5 50 = 7,5 75 = Bordeaux 6,5 0 k 7,5 0 k Toulouse 7,0 50 = 8,0 50 = Nantes 6,5 50 = 7,5 50 = Lille 6,5 50 = 7,5 75 = k Hausse = Stabilité Source : marche-immo.com.
9 46 le DES COMMERCES EN FRANCE sur un emplacement n 1 ou 1bis, il s adresse à des enseignes qui éprouvent un réel besoin de visibilité ou souhaitent effectuer un test marketing sur une gamme de produits ou un concept de distribution novateur, avant d engager les frais d une implantation «lourde». Pour la clientèle, l attractivité reposera sur la nouveauté et l originalité des produits distribués, mais aussi sur la notoriété et la diversité des enseignes installées. Nul doute que le succès de la formule dépendra surtout de l habileté du gestionnaire à sélectionner ses locataires et à piloter l événementiel du «store» sur la longue période. Faut-il prendre le train en marche pour se rapprocher du consommateur? Les kiosques de gare sont, depuis 150 ans, un lieu où se vendent billets, repas, provisions de bouche, souvenirs et cartes postales. À une époque récente (une trentaine d années, tout au plus) sont arrivées les galeries marchandes, qui filtrent un public pressé sur des passages à «circulation forcée». Leur succès considérable source de ressources annexes pour la SNCF (et désormais pour RFF) a montré que les gares permettaient le développement de véritables centres commerciaux, calibrés toutefois pour l exiguïté du site. Sur Paris, l accent est de nouveau porté sur les zones de flux, avec l ouverture prochaine de «Cœur Saint-Lazare» et de ses 80 boutiques, ou plus modestement avec les espaces commerciaux dans le métro comme «Benow», installé à côté de Darty, à la Madeleine. Sur la province, on a remarqué tout récemment le concept «Monop station», ouvert à Strasbourg, et bientôt à Thionville et à Chartres. À terme, ce sont pas moins de 80 gares qui pourraient bénéficier de ce type d implantations d extrême proximité. Celles-ci nécessitent des investissements moins lourds face à des volumes de consommation incertains, mais présentent toutefois l inconvénient de limiter la surface d exposition, et donc la diversité de l offre. Des volumes plus réduits participent aussi de l idée de multiplication des points de vente pour les rapprocher de la clientèle, quitte à jouer davantage la carte de la spécialisation des implantations. Le Net et ses avatars Descendant de l antique VPC, l e-commerce «star» du moment représente aujourd hui à peine 5 des ventes, mais progresse au rythme de 15 à 20 par an. Il se décline désormais en formats adaptés à l Internet mobile : le «mobile-commerce», qui connaîtra bientôt l arrivée du paiement NFC (near field communication) via le portable ; le «tablet-commerce», variante proche du précédent. La technologie NFC consiste à embarquer un terminal de paiement dans une puce qui intégrera les smartphones de demain. Certaines études tablent sur un développement exponentiel (un milliard de puces seraient produites d ici à 2015), qui modifiera de façon considérable l acte d achat en mobilité, au détriment de la carte bancaire. Impossible, également, de passer à côté de la tendance lourde du moment : la distribution multicanale, qui intègre magasins physiques et vente en ligne. Au point qu une fon- Small is beautiful Alors que les magasins à très grande surface n ont plus la cote auprès des consommateurs, une tendance antagoniste se fait jour avec la réduction des surfaces prises en location par les grandes enseignes, qui s intéressent à des concepts de «coques» plus petites. l observateur de l immobilier du crédit foncier Nº 81
10 ÉTUDES 47 cière spécialisée dans ce type d actif vient même d être créée par Altaréa-Cogedim, qui s est récemment illustrée par le rachat du site bien connu «Rue du Commerce». Cette évolution est intéressante, car elle ne procède pas de l adjonction de services Web à un mode de distribution classique en magasin. Le multicanal traduit une inflexion de l e-commerce initiée par des sites marchands Internet (dits «pure players») en recherche de visibilité et de clientèles élargies. Constatant que des pans entiers de clientèle sont absents d Internet, ces sites ont fait le pari de prendre à bail des locaux commerciaux «physiques» à loyer de, chose nouvelle et culturellement dérangeante pour des entreprises plus habituées à louer de la logistique sur des sites secondaires. Avec le multicanal se profile une évolution majeure qui répond à une demande en mutation : la distribution «physique» en magasin devient peu à peu indissociable du catalogue en ligne, surtout lorsqu elle évolue vers le «click n mortar» (clic + magasin), au point que l on ne pourra bientôt plus distinguer la provenance du chiffre d affaires, entre le site et l offre en magasin. Si à des murs de boutique n est plus associé un chiffre d affaires déterminé, pourrat-on encore considérer qu il y a exploitation d un fonds et que les conditions du décret de 1953 sont remplies? En d autres termes, ne sommes-nous pas en train d assister à une dématérialisation progressive du fonds de commerce? 4.5 / QUELLES PERSPECTIVES À COURT TERME? à six mois La baisse de la consommation des ménages se confirme ; quel que soit le scénario d évolution de la conjoncture internationale récession, reprise ou inflation, nous devons nous attendre à un net ralentissement des volumes distribués. Cette période plus difficile devrait freiner le développement quantitatif des enseignes, qui chercheront la diversification et testeront des concepts nouveaux, probablement moins dispendieux que les «flagships» des dernières années. Des arbitrages féroces pourraient même être réalisés sur les points de vente insuffisamment performants, ou des situations aux loyers surcotés. On ne prendra guère de risques en prédisant que le de l immobilier commercial sera plus sélectif dans les prochains mois : ainsi les boutiques de ville en situation secondaire et les zones commerciales moins fréquentées devraient-elles sous-performer en termes de loyers et de vacance locative, avec des rendements en hausse sensible, contrepartie de la charge du risque. Les investisseurs, confrontés à la perspective de restrictions sur le crédit, se montreront encore plus exigeants : dans les faits, la majorité continueront de se disputer l offre très restreinte des immeubles «core», dont les rendements devraient demeurer à leur niveau actuel, et pourraient même encore baisser si les autres classes d actifs déçoivent. Pas sûr, dans ces conditions, que même le label BBC soit un argument suffisant si la commercialité n est pas au rendez-vous. Si l on a déploré le manque d audace de certains, c est qu en réalité, la conjoncture ne permet plus d avoir une vision de long terme sur les produits à risque et rendement élevés, vision susceptible de fonder un cash-flow stable, fondement d une politique d investissement réaliste. Que l on soit preneur ou bailleur, de nouveaux défis et de nouveaux enjeux replacent la qualité au centre des projets. Il faut s en réjouir : une période d incertitude ou d inflation sera toujours une incitation forte au retour vers un investissement en immobilier qualitatif, dont la performance de long terme n a jamais été écornée. Car telles sont les tendances contradictoires de l immobilier de commerce.
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