Chapitre n o 2 ENDOMORPHISMES ET MATRICES CARRÉES

Documents pareils
Exo7. Matrice d une application linéaire. Corrections d Arnaud Bodin.

Calcul matriciel. Définition 1 Une matrice de format (m,n) est un tableau rectangulaire de mn éléments, rangés en m lignes et n colonnes.

Formes quadratiques. 1 Formes quadratiques et formes polaires associées. Imen BHOURI. 1.1 Définitions

[ édité le 30 avril 2015 Enoncés 1

Exercices - Polynômes : corrigé. Opérations sur les polynômes

Chapitre 2. Matrices

Exercices Corrigés Premières notions sur les espaces vectoriels

Première partie. Préliminaires : noyaux itérés. MPSI B 6 juin 2015

Corrigé Problème. Partie I. I-A : Le sens direct et le cas n= 2

Fonctions de plusieurs variables

Un K-espace vectoriel est un ensemble non vide E muni : d une loi de composition interne, c est-à-dire d une application de E E dans E : E E E

Programmes des classes préparatoires aux Grandes Ecoles

I - PUISSANCE D UN POINT PAR RAPPORT A UN CERCLE CERCLES ORTHOGONAUX POLES ET POLAIRES

Cours d analyse numérique SMI-S4

Cours 02 : Problème général de la programmation linéaire

De même, le périmètre P d un cercle de rayon 1 vaut P = 2π (par définition de π). Mais, on peut démontrer (difficilement!) que

Intégration et probabilités TD1 Espaces mesurés Corrigé

Probabilités sur un univers fini

Correction de l examen de la première session

Introduction à l étude des Corps Finis

Résolution de systèmes linéaires par des méthodes directes

Calcul fonctionnel holomorphe dans les algèbres de Banach

3 Approximation de solutions d équations

Cours de mathématiques

Exercices - Fonctions de plusieurs variables : corrigé. Pour commencer

Calcul différentiel sur R n Première partie

NOTATIONS PRÉLIMINAIRES

Limites finies en un point

Souad EL Bernoussi. Groupe d Analyse Numérique et Optimisation Rabat http ://

Cours d Analyse. Fonctions de plusieurs variables

VI. COMPLÉMENTS SUR LES MODULES, THÉORÈME CHINOIS, FACTEURS INVARIANTS SÉANCES DU 15, 16 ET 22 OCTOBRE

Capes Première épreuve

Programmation linéaire et Optimisation. Didier Smets

Fonctions de plusieurs variables, intégrales multiples, et intégrales dépendant d un paramètre

Programmation linéaire

Simulation de variables aléatoires

Pour l épreuve d algèbre, les calculatrices sont interdites.

I. Polynômes de Tchebychev

INTRODUCTION À L ANALYSE FACTORIELLE DES CORRESPONDANCES

Intégration et probabilités TD1 Espaces mesurés

Structures algébriques

Exo7. Calculs de déterminants. Fiche corrigée par Arnaud Bodin. Exercice 1 Calculer les déterminants des matrices suivantes : Exercice 2.

CCP PSI Mathématiques 1 : un corrigé

Moments des variables aléatoires réelles

Extrait du poly de Stage de Grésillon 1, août 2010

CHAPITRE V SYSTEMES DIFFERENTIELS LINEAIRES A COEFFICIENTS CONSTANTS DU PREMIER ORDRE. EQUATIONS DIFFERENTIELLES.

* très facile ** facile *** difficulté moyenne **** difficile ***** très difficile I : Incontournable T : pour travailler et mémoriser le cours

3. Conditionnement P (B)

UNIVERSITE IBN ZOHR Faculté des sciences Agadir. Filière SMA & SMI. Semestre 1. Module : Algèbre 1

Le produit semi-direct

Théorème du point fixe - Théorème de l inversion locale

Commun à tous les candidats

Résolution d équations non linéaires

Quelques tests de primalité

Polynômes à plusieurs variables. Résultant

Déterminants. Marc SAGE 9 août Inverses et polynômes 3

Problème 1 : applications du plan affine

Chapitre 3. Les distributions à deux variables

I. Ensemble de définition d'une fonction

Proposition. Si G est un groupe simple d ordre 60 alors G est isomorphe à A 5.

Exemple 4.4. Continuons l exemple précédent. Maintenant on travaille sur les quaternions et on a alors les décompositions

Image d un intervalle par une fonction continue

Optimisation non linéaire Irène Charon, Olivier Hudry École nationale supérieure des télécommunications

Fonctions de plusieurs variables : dérivés partielles, diérentielle. Fonctions composées. Fonctions de classe C 1. Exemples

Probabilités sur un univers fini

Continuité en un point

AC AB. A B C x 1. x + 1. d où. Avec un calcul vu au lycée, on démontre que cette solution admet deux solutions dont une seule nous intéresse : x =

IV- Equations, inéquations dans R, Systèmes d équations

aux différences est appelé équation aux différences d ordre n en forme normale.

Rappels et compléments, première partie : Nombres complexes et applications à la géométrie

Programme de la classe de première année MPSI

Résumé du cours d algèbre 1, Sandra Rozensztajn. UMPA, ENS de Lyon, sandra.rozensztajn@ens-lyon.fr

Amphi 3: Espaces complets - Applications linéaires continues

Mathématiques appliquées à l'économie et à la Gestion

Développement décimal d un réel

Comment démontrer des formules sans effort? exposé de maîtrise

Premiers exercices d Algèbre. Anne-Marie Simon


Chapitre 2 Le problème de l unicité des solutions

L ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES (A.C.P.) Pierre-Louis GONZALEZ

Programmation linéaire

Chapitre VI - Méthodes de factorisation

Dualité dans les espaces de Lebesgue et mesures de Radon finies

Chapitre 3. Quelques fonctions usuelles. 1 Fonctions logarithme et exponentielle. 1.1 La fonction logarithme

2.4 Représentation graphique, tableau de Karnaugh

Correction du Baccalauréat S Amérique du Nord mai 2007

Corrigé du baccalauréat S Asie 21 juin 2010

Journées Télécom-UPS «Le numérique pour tous» David A. Madore. 29 mai 2015

Analyse en Composantes Principales

Exo7. Limites de fonctions. 1 Théorie. 2 Calculs

Analyse fonctionnelle Théorie des représentations du groupe quantique compact libre O(n) Teodor Banica Résumé - On trouve, pour chaque n 2, la classe

Optimisation, traitement d image et éclipse de Soleil

Cours arithmétique et groupes. Licence première année, premier semestre

* très facile ** facile *** difficulté moyenne **** difficile ***** très difficile I : Incontournable

Comparaison de fonctions Développements limités. Chapitre 10

Eteindre. les. lumières MATH EN JEAN Mme BACHOC. Elèves de seconde, première et terminale scientifiques :

Géométrie dans l espace Produit scalaire et équations

Une forme générale de la conjecture abc

Espérance conditionnelle

1 Complément sur la projection du nuage des individus

Transcription:

Chapitre n o 2 ALGÈBRE LINÉAIRE : COMPLÉMENTS ET RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES ET MATRICES CARRÉES OBJECTIFS DU CHAPITRE Savoir utiliser les formules de changement de base pour une matrice de vecteur, pour une matrice d endomorphisme. Connaître les caractérisations des valeurs propres. Savoir déterminer les éléments propres d un endomorphisme, d une matrice. Utiliser un polynôme annulateur dans la recherche des valeurs propres. Savoir déterminer si un endomorphisme, une matrice, est diagonalisable, et le/la diagonaliser. Connaître les applications classiques de la diagonalisation. Table des matières I Changement de base............................................ 2 1 Rappels................................................ 2 2 Matrice de passage et changement de base........................... 3 3 Sous-espaces stables par un endomorphisme......................... 5 4 Trace................................................. 6 II Éléments propres.............................................. 6 1 Éléments propres d un endomorphisme............................ 7 2 Éléments propres d une matrice................................. 9 3 Polynômes annulateurs...................................... 10 III Endomorphismes et matrices diagonalisables............................. 13 1 Réduction d un endomorphisme................................. 13 2 Interprétation matricielle, réduction d une matrice...................... 15 IV Applications de la diagonalisation.................................... 17 1 Calcul de la puissance d une matrice............................... 17 2 Suites récurrentes linéaires.................................... 17 1

Dans tout le chapitre, K désigne le corps R ou C. I CHANGEMENT DE BASE Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie n N. 1 RAPPELS REMARQUE IMPORTANTE Une application linéaire f : E F, où F est un espace vectoriel, est entièrement déterminée par l image d une famille génératrice, donc a fortiori entièrement déterminée par l image d une base de E. Rappelons la définition qui permet d utiliser le calcul matriciel en algèbre linéaire. DÉFINITION 1 (Matrice d un endomorphisme dans une base ) Soit f un endomorphisme de E, soit B = (e 1,e 2,...,e n ) une base de E. On appelle matrice de f dans B, notée Mat B (f ) la matrice obtenue en écrivant dans la j -ème colonne les coordonnées de f (e j ) dans la base B : où pour tout j 1,n, f (e j ) = n a i j e i. Mat B (f ) = (a i j ) 1 i,j n, REMARQUE. D après la remarque précédente, la matrice de f détermine donc entièrement f : l application : L (E) M n (K) f Mat B (f ) est ainsi un isomorphisme d espaces vectoriels. EXEMPLES 1. 1) Soit f l application définie sur R 4 par : f (x, y, z, t) = (3x z t,2(z +2y),4z +3t,4t). Montrer que f est un endomorphisme de R 4 et déterminer sa matrice dans la base canonique de R 4, que l on rappellera. 2) Soit g l application définie sur R 3 [X ] par g (P) = P + 4P P(1). Montrer que g est un endomorphisme de R 3 [X ] et déterminer sa matrice dans la base canonique de R 3 [X ], que l on rappellera. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 2 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

3) Soit h l application définie sur M 2 (C) par : h a c b = 3a c d d 3d + 4c 4b + 2c. Montrer 4d que h est un endomorphisme de M 2 (C) et déterminer sa matrice dans la base canonique de M 2 (C), que l on rappellera. On rappelle ici un théorème fondamental sur le lien entre application linéaire en dimension finie et matrice. THÉORÈME 2 (fondamental de l algèbre linéaire ) Soient E et F deux espace vectoriels de dimension finie, munis respectivement des bases B et C. Soient A une matrice, u une application de E vers F. u est une application linéaire de E vers F et Mat B,C (u) = A si et seulement si pour tout vecteur x de vecteur colonne de coordonnées X dans B, u(x) a pour vecteur colonne de coordonnées AX dans C. REMARQUE IMPORTANTE Ce théorème peut, d une part, permettre de trouver rapidement par un calcul matriciel le vecteur image d un vecteur connaissant la matrice de l application linéaire et, d autre part, permettre de montrer rapidement qu une application est linéaire en trouvant dans le même temps sa matrice. Dans sa première utilisation, on obtient donc l équivalence, si x est un vecteur de E (de vecteur colonne de coordonnées X dans B), si y est un vecteur de F (de vecteur colonne de coordonnées Y dans C ) et si Mat B,C (u) = A : y = u(x) Y = AX. Dans sa deuxième utilisation, on écrit, pour tout vecteur x (de vecteur colonne de coordonnées X dans B), le vecteur des coordonnées dans la base C de u(x) sous forme d un produit de la forme AX où A est une matrice d ordre (p,n) et on obtient la linéarité de u ainsi que sa matrice dans les bases B,C. EXEMPLES 2. 1 0 1 1 2 0 0 3 1) Soit f l endomorphisme de R 3 [X ] dont la matrice dans la base canonique est A =. 0 1 1 1 2 4 1 1 Déterminer l image du polynôme X 3 + 2X par f. Vérifier le calcul en revenant à la définition de la matrice d un endomorphisme dans une base. 2) Soit g l application définie par : (x, y, z) R 3, g ((x, y, z)) = (x y, y + z). Montrer que g est une application linéaire dont on déterminera les espaces de départ, et d arrivée, et dont on donnera la matrice relativement aux bases canoniques de ces espaces. 2 MATRICE DE PASSAGE ET CHANGEMENT DE BASE Soient B, B et B trois bases de E. DÉFINITION 3 (Matrice de passage ) On appelle matrice de passage de la base B à la base B la matrice notée P B,B de M n (K) définie par : P B,B = Mat B,B (Id E ) = (a i j ) 1 i,j n, où a i j est la i -ème coordonnée dans la base B du j -ème vecteur de la base B. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 3 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

PROPOSITION 4 (Formules de changement de base ) Les propriétés suivantes sont valables pour les matrices de changement de base : P B,B = P B,B P B,B. P B,B est inversible et d inverse ( P B,B ) 1 = PB,B. Toute matrice inversible d ordre n est une matrice de passage d une base de E à une base de E. Soit x E de vecteur colonne de coordonnées X (resp. X ) dans la base B (resp. dans la base B ). Alors X = P B,B X. Soit u L (E) de matrice A (resp. A ) dans la base B (resp. B ). Alors A = P B,B A ( P B,B ) 1. On remarquera que ces formules donnent l "ancienne" matrice en fonction de la "nouvelle". REMARQUE. Ces formules sont équivalentes, par multiplication, à gauche ou à droite, par P = P B,B ou P 1 à : X = P 1 X, A = P 1 AP. EXEMPLE 3. Soit B une base de R 3, et e 1, e 2, e 3 les vecteurs de R 3 de matrices colonnes de coordonnées 1 1 1 dans B resp. E 1 = 1, E 2 = 2, E 3 = 1. 1 4 1 1) Montrer que B = (e 1,e 2,e 3 ) forme une base de R 3, donner la matrice de passage de B à B et en déduire la matrice de passage de B à B. 2) Soit p l endomorphisme de R 3 défini par p(e 1 ) = e 1, p(e 2 ) = (0,0,0), p(e 3 ) = (0,0,0). Donner la matrice p relativement à la base B puis à la base B. 3) Que dire de l endomorphisme p? DÉFINITION 5 (Matrice semblable à une autre ) Soient A et B deux matrices de M n (K). On dit que B est semblable à A s il existe une matrice inversible P M n (K) telle que B = P 1 AP. REMARQUES. Si M est semblable à la matrice nulle alors M Si M est semblable à la matrice identité alors M 1 0 0 EXEMPLE 4. B = 0 0 0 est semblable à A = 1 2 1 1 1 1 1 2 2 1 1 car B = P 1 AP avec P = 1 2 1. 0 0 0 2 1 1 1 4 1 PROPOSITION 6 (Propriétés de la relation de similitude ) Soient A, B, C trois matrices de M n (K). Alors : (réflexivité) A est semblable à A, (symétrie) Si A est semblable à B alors B est semblable à A, (transitivité) Si A est semblable à B et B est semblable à C alors A est semblable à C. En particulier, on pourra maintenant dire "A et B sont semblables" grâce à la symétrie. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 4 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

PROPOSITION 7 (Matrices d un endomorphisme et matrices semblables ) Deux matrices sont semblables si et seulement si elles sont les matrices d un endomorphisme dans deux bases éventuellement différentes. PROPOSITION 8 (Puissance de matrices semblables ) Soient A et B deux matrices semblables et P une matrice inversible telle que B = P 1 AP. Alors pour tout k N, B k = P 1 A k P. Démonstration. Par récurrence simple immédiate sur k, ou par produit télescopique. 3 SOUS-ESPACES STABLES PAR UN ENDOMORPHISME DÉFINITION 9 (Sous-espace stable ) Soit F un sous-espace vectoriel de E et u un endomorphisme de E. F est appelé sous-espace stable par u si l image par u de tout vecteur de F est encore dans F, i.e., u(f ) F. EXEMPLE 5. Si f et g sont deux endomorphismes de E tels que f g = g f alors Kerg et Img sont stables par f. PROPOSITION 10 (Endomorphisme induit sur un sous-espace stable ) Soit u L (E) et F un sous-espace vectoriel de E stable par u. Alors l application u F : F F x u(x) par u sur le sous-espace stable F. est bien définie, est un endomorphisme de F, appelé endomorphisme induit EXEMPLE 6. Montrer que le noyau d un endomorphisme f est stable par f. Quel est l endomorphisme induit par f sur Kerf? THÉORÈME 11 (Matrice d un endomorphisme dans une base adaptée à une somme de sev stables ) Soit E un espace vectoriel de dimension finie et u L (E). p Si E = F k et pour tout k dans 1, p, F k est stable par u, alors, en notant B = (B 1,...,B p ) une base de E adaptée à la somme directe, la matrice de u dans la base B est : A 1 0 0. 0 A.. Mat B (u) = 2......,.. 0 0 0 A p où pour tout k 1, p, A k est la matrice dans la base B k de l endomorphisme induit par u sur F k. La matrice Mat B (u) est appelée diagonale par blocs. Démonstration. Soient k dans 1, p et x un vecteur de la famille B k. Comme x F k, par stabilité de F k par u, u(x) F k. Par conséquent, u(x) est combinaison linéaire de la famille B k et ses coordonnées selon les vecteurs des familles B j, où j k sont toutes nulles. Cela prouve que les colonnes relatives aux vecteurs de la familles B k sont de la forme voulue. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 5 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

EXEMPLES 7. 1) Soient E un espace vectoriel de dimension finie n 2 et F un sous-espace vectoriel de E de dimension r dans 1,n 1. Il existe G un supplémentaire de F dans E. Notons B une base de E adaptée à la somme directe F G, p le projecteur sur F parallèlement à G. Montrer que F et G sont stables par p. En déduire que la matrice de p dans la base B est diagonale par blocs et la déterminer. 1 1 0 2) Soit f l endomorphisme de R 3 dont la matrice dans la base canonique de R 3 est A = 1 2 1. 1 0 1 On pose u = ( 1, 1,1), v = ( 1, 1, 1), w = (1, 1, 1), F = Vect(u), G = Vect(v, w). a) Montrer que (u, v, w) est une base de R 3. Qu en déduit-on concernant les sous-espaces F et G? b) Justifier que la matrice A de f dans la base (u, v, w) est diagonale par blocs et la déterminer. 4 TRACE DÉFINITION 12 (Trace ) On définit l application trace, notée Tr, sur M n (K) en disant que la trace d une matrice carrée est la somme de ses coefficients diagonaux : A = (a i j ) 1 i,j n M n (K), Tr(A) = 2 1 5 EXEMPLES 8. Tr 1 1 25 =, Tr(I n) =, Tr(0 n ) = 8 5 7 PROPOSITION 13 (Linéarité de la trace ) n a i i. La trace est une forme linéaire et sa matrice ligne canoniquement associée (de longueur n 2 ) comporte n 1 et le reste de 0. Par exemple, dans la base canonique B de M 3 (C), Mat B (Tr) = PROPOSITION 14 (Propriété de la trace ) Soient A M np (K) et B M pn (K) alors Tr(AB) = Tr(B A). COROLLAIRE 15 (Invariance de la trace par changement de base ) Deux matrices semblables ont même trace. Par conséquent, si A et B sont les matrices d un même endomorphisme de E dans des bases éventuellement différentes alors elles ont même trace. On peut ainsi définir la trace d un endomorphisme f de E par Tr(f ) = Tr(Mat B (f )) où B est n importe quelle base de E. II ÉLÉMENTS PROPRES Maintenant que nous savons calculer la matrice d un endomorphisme d un espace vectoriel de dimension finie dans des bases différentes (on obtient des matrices carrées semblables), il serait intéressant de chercher une base dans laquelle la matrice de l endomorphisme est assez simple, notamment diagonale, ou, à défaut, diagonale par blocs ou triangulaire. C est l objectif de ces deux parties. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 6 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

1 ÉLÉMENTS PROPRES D UN ENDOMORPHISME Soit E un K-espace vectoriel. DÉFINITION 16 (Valeurs propres, vecteurs propres, sous-espaces propres et spectre d un endomorphisme ) Soit u L (E) et λ K. λ est dite valeur propre de u s il existe un vecteur non nul x E \ {0 E } tel que u(x) = λx. Le vecteur non nul x de E est alors appelé vecteur propre de u associé à la valeur propre λ. On appelle sous-espace propre de u associé à la valeur propre λ l ensemble constitué du vecteur nul et de tous les vecteurs propres de u associés à la valeur propre λ. On le note E λ (u) et on a donc : E λ (u) = {x E u(x) = λx}. On appelle spectre de u, noté Sp(u) l ensemble de toutes les valeurs propres de u : Sp(u) = {λ K x E \ {0 E } ; u(x) = λx}. REMARQUES. La condition x 0 E est essentielle car sans celle-ci, tous les scalaires seraient valeurs propres de u. En effet, le vecteur nul vérifie bien : u(0 E ) = 0 E = λ.0 E quel que soit λ K. En particulier, 0 est valeur propre de u ssi u n est pas injectif. Ainsi, si λ est valeur propre de u, les vecteurs propres associés à λ sont les vecteurs non nuls du sous-espace propre E λ (u). Toute somme finie de sous-espaces propres associés à des valeurs propres non nulles est incluse dans Im(u). En effet, si x est vecteur propre ( de u associé à la valeur propre λ non nulle, alors u(x) = λx x d où par linéarité de u, x = u Im(u). Comme Im(u) est un sous-espace vectoriel de E, λ) PROPOSITION 17 une somme de tels vecteurs propres appartient à Im(u). Soit u L (E) et λ Sp(u). Alors E λ (u) = Ker(u λid E ) est un sous-espace vectoriel non nul de E. THÉORÈME 18 (Caractérisation des valeurs propres d un endomorphisme ) Si E de dimension finie et u L (E), λ K, les assertions suivantes sont équivalentes : λ Sp(u), Ker(u λid E ) {0 E }, rg(u λid E ) < dim(e), u λid E non injective, u λid E non surjective, u λid E G L (E). EXEMPLES 9. 1) Soit u l endomorphisme de R 2 défini par u((1,0)) = (1, 3), u((0,1)) = ( 3,1). Déterminer spectre et sous-espaces propres de u. 2) Soit u l endomorphisme de C 2 défini par u((1,0)) = (1, 3), u((0,1)) = ( 3,1). Déterminer spectre et sous-espaces propres de u. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 7 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

THÉORÈME 19 (Propriétés des sous-espaces propres ) Soient u L (E), p N. Tout sous-espace propre de u est stable par u. Si λ 1,..., λ p sont des valeurs propres deux à deux distinctes de u, alors les sous-espaces propres associés E λ1 (u),..., E λp (u) sont en somme directe. Par conséquent, dime λ (u) dim(e). Démonstration. Soit u un endomorphisme de E. Si λ K, u λid E commute avec u donc d après l exemple 4, Ker(u λid E ) est stable par u, en particulier si λ est une valeur propre de u. Procédons par récurrence sur p N où la propriété de récurrence est P (p) "Si λ 1,..., λ p sont des valeurs propres deux à deux distinctes de u, alors les sous-espaces propres associés E λ1 (u),..., E λp (u) sont en somme directe.". Si p = 1, la propriété est vraie car il n y a rien à prouver. Supposons la propriété P (p) vraie au rang p fixé. Soient λ 1,..., λ p+1 des valeurs propres deux à deux distinctes de u. Montrons que la somme E λ1 (u) +... + E λp+1 (u) est directe grâce à l équivalence entre les deux assertions suivantes : p p F k = F k (la somme est directe) (x 1,..., x p ) p F k, x 1 +... + x p = 0 E = k 1, p, x k = 0 E. Ainsi, posons (x 1,..., x p+1 ) p+1 E λk (u) tel que x = p+1 x k = 0 E. Comme u est linéaire, u(x) = 0 E, et donc d une part u(x) λ p+1 x = 0 E λ p+1 0 E = 0 E. D autre part, Ainsi p+1 u(x) λ p+1 x = p (λ k λ p+1 )x k = 0 E. p+1 u(x k ) p+1 λ p+1 x k = (λ k λ p+1 )x k = p (λ k λ p+1 )x k. Or pour tout k 1, p, (λ k λ p+1 )x k E λk (u) donc par hypothèse de récurrence, la somme des p sous-espaces associés à des valeurs propres distinctes E λ1 (u) +... + E λp (u) étant directe, pour tout k 1, p, (λ k λ p+1 )x k = 0 E. Comme λ 1,..., λ p+1 sont deux à deux distinctes, pour tout k 1, p, x k = 0 E, et comme x = 0 E, de même, x p+1 = 0 E. L hérédité est vérifiée. Par le principe de récurrence simple sur p, la propriété P (p) est vraie pour tout p N. D après ce qui précède, E λ (u) = E λ (u) est un sous-espace vectoriel de E, donc ( ) dime λ (u) = dim E λ (u) dim(e). ECS2, Lycée Pothier, Orléans 8 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

COROLLAIRE 20 (Familles libres de sous-espaces propres ) Soit u L (E). Une concaténation de familles libres de sous-espaces propres de u associés à des valeurs propres distinctes forme une famille libre de E. En particulier, toute famille de vecteurs propres de u associés à des valeurs propres deux à deux distinctes est libre. Si E est de dimension finie n N alors u possède au plus n valeurs propres. Démonstration. Soient F 1,...,F p p familles libres associés à p sous-espaces propres distincts de u. Soit x une combinaison linéaire des vecteurs de la famille concaténée (F 1,...,F p ). Alors il existe (x 1,..., x p ) p vecteurs tels que x = x 1 +... + x p et pour tout j 1, p, x j soit combinaison linéaire de F j. Supposons que x = 0 E et montrons que les scalaires de la combinaison linéaire x sont tous nuls. D après l équivalence sur les sommes directes rappelée dans la preuve précédente, comme x 1 +... + x p = 0 E et que ces vecteurs sont éléments de sous-espaces propres distincts donc en somme directe, x 1 =... = x p = 0 E. Comme pour tout j 1, p, x j est une combinaison linéaire de la famille libre F j, x j = 0 E implique que tous les coefficients de la combinaison linéaire x j sont nuls. Ceci étant vrai pour tout j, tous les scalaires de la combinaison linéaire x sont nuls. Un vecteur propre étant par définition non nul, il forme une famille libre d un sous-espace propre, d où le résultat. Si E est de dimension finie n, on sait qu une famille libre de E comporte au plus n vecteurs d où le résultat. 2 ÉLÉMENTS PROPRES D UNE MATRICE 0 Soit n N 0. 0 représente ici le vecteur colonne nul à n lignes.. 0 DÉFINITION 21 (Valeurs propres, vecteurs propres, sous-espaces propres et spectre d une matrice ) Soit A M n (K) et λ K. λ est dite valeur propre de A s il existe un vecteur colonne non nul X M n1 (K) \ {0} tel que AX = λx. Le vecteur colonne non nul X est alors appelé vecteur propre de A associé à la valeur propre λ. On appelle sous-espace propre de A associé à la valeur propre λ l ensemble constitué du vecteur nul et de tous les vecteurs propres de A associés à la valeur propre λ. On le note E λ (A) et on a donc : E λ (A) = {X M n1 (K) AX = λx }. On appelle spectre de A, noté Sp(A), l ensemble de toutes les valeurs propres de A : Sp(A) = {λ K X M n1 (K) \ {0} ; AX = λx }. REMARQUES. La condition X 0 est essentielle car sans celle-ci, tous les scalaires seraient valeurs propres de A. En effet, le vecteur nul vérifie bien : A 0 = 0 = λ.0 quel que soit λ K. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 9 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

Ainsi, si λ est valeur propre de A, les vecteurs propres associés à λ sont les vecteurs non nuls du sous-espace propre E λ (A). PROPOSITION 22 Soit A M n (K) et λ Sp(A). Alors E λ (A) = {X M n1 (K) (A λi n )X = 0} est un sous-espace vectoriel non nul de M n1 (K). THÉORÈME 23 (Caractérisation des valeurs propres d une matrice ) Si A M n (K), λ K, les assertions suivantes sont équivalentes : λ Sp(A), {X M n1 (K) (A λi n )X = 0} {0}, le système homogène (A λi n )X = 0 admet une autre solution que la solution nulle, le système homogène (A λi n )X = 0 n est pas de Cramer, rg(a λi n ) < n, A λi n G L n (K). EXEMPLE 10. Déterminer le spectre, dans R et dans C, et les sous-espaces propres de A = 1 3. 3 1 COROLLAIRE 24 (Spectre d une matrice triangulaire ) Les valeurs propres d une matrice triangulaire sont ses coefficients diagonaux. THÉORÈME 25 (Lien entre éléments propres d un endomorphisme et de sa matrice dans une base choisie ) Soient E un espace vectoriel de dimension finie n N et de base B, u L (E) et A = Mat B (u) sa matrice dans la base B. Soient x E et X = Mat B (x) la matrice colonne des coordonnées de x dans la base B. Alors : Sp(u)=Sp(A), Si λ Sp(u) alors : x est vecteur propre de u associé à la valeur propre λ si et seulement si X est vecteur propre de A associé à la valeur propre λ. 3 POLYNÔMES ANNULATEURS Soit E un K-espace vectoriel, n N. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 10 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

DÉFINITION 26 (Polynôme annulateur ) Soit P = P(X ) = m a k X k K[X ]. k=0 Soit u L (E), on note P(u) l endomorphisme défini par : P(u) = m a k u k, où u k désigne } u u {{... u } et u 0 = Id E. k fois k=0 P est appelé polynôme annulateur de u si P(u) est l endomorphisme nul, i.e. P(u) = 0 L (E). Soient n N, A M n (K), on note P(A) la matrice définie par : P(A) = m a k A k. P est appelé polynôme annulateur de A si P(A) est la matrice nulle, i.e. P(A) = 0 n. k=0 EXEMPLE 11. Justifier que X 1 est un polynôme annulateur de Id E. Déterminer un polynôme annulateur de l endomorphisme nul. REMARQUE. Le polynôme nul est annulateur de tous les endomorphismes et toutes les matrices. PROPOSITION 27 (Propriétés des polynômes d endomorphismes ) Soient u L (E), A M n (K), λ K, (P,Q) K[X ] 2, x E, X M n1 (K). Alors : (λp +Q)(u) = λp(u) +Q(u) Si u(x) = λx alors P(u)(x) = P(λ)x, Si AX = λx alors P(A)X = P(λ)X. (PQ)(u) = P(u) Q(u) = Q(u) P(u) = (QP)(u), Démonstration. Le cas de la combinaison linéaire de polynômes se montre grâce aux opérations sur les polynômes et aux propriétés sur les combinaisons linéaires d endomorphismes. Cas du produit de deux polynômes. Notons P = m a k X k, Q = k=0 p b k X k. Alors PQ = k=0 j =0 i=0 m+p m+p j =0 k=0 c k X k où c k = i=0 k a j b k j (en posant a j = 0 si j > m et b j = 0 si j > p) et (PQ)(u) = c k u k. k=0 ( ) m p m p m Par ailleurs, P(u) Q(u) = ( a j u j ) ( b i u i ) = a j u j ( b i u i p ) = a j b i u j u i ) par linéarité de u j. Ainsi, P(u) Q(u) = 0 k m+p 0 j m k p j k k=0 m j =0 i=0 p a j b i u j +i = j =0 j =0 (j,i ) 0,m 0,p i=0 a j b i u j +i car les sommes sont finies. En faisant le changement ( d indice k i + j (supprimant i ), on obtient P(u) Q(u) = a j b k j u k p+m k = a j b k j )u k, avec les mêmes conventions que j =0 précédemment sur les coefficients a j et b j. Pour le troisième cas, il suffit de montrer par récurrence simple sur k que si u(x) = λx, alors pour tout k N, u k (x) = λ k x et d utiliser les propriétés de la sommation. Pour le dernier cas, il suffit d utiliser le théorème fondamental de l algèbre en utilisant le cas précédent avec u endomorphisme de R n canoniquement associé à A. REMARQUE. Il n y a donc pas unicité du polynôme annulateur car P(u) = 0 (PQ)(u) = 0 quel que soit le polynôme Q. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 11 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

REMARQUE IMPORTANTE Si E est de dimension finie, le polynôme P annule u L (E) si et seulement si P annule la matrice de u dans une base de E. En effet, la matrice d une somme d endomorphismes est la somme des matrices, la matrice d une composée est le produit des matrices, la matrice de l endomorphisme nul est la matrice nulle. EXEMPLE 12. Soit f l endomorphisme de R 3 défini par f (x, y, z) = (2x + 2y + z, x y z, x + 2y + 2z). Montrer que f f 2f + Id R 3 = 0. En déduire un polynôme annulateur de f. EXEMPLE 13. Déterminer un polynôme annulateur d une homothétie de rapport µ, d un projecteur. THÉORÈME 28 (Existence d un polynôme annulateur non nul ) Si E est dimension finie et si u L (E), alors u possède un polynôme annulateur non nul. Démonstration. Notons n la dimension de E. On sait que diml (E) = n 2 donc la famille (Id E,u,u 2,...,u n2) d éléments de L (E) et de cardinal n 2 +1 est liée. Par conséquent, il existe n 2 +1 scalaires non tous nuls tels que la combinaison linéaire formée à partir de ces scalaires et de ces vecteurs soit nulle : il existe un polynôme non nul, de degré au plus n 2 + 1, de u. PROPOSITION 29 (Spectre d un polynôme d endomorphisme ) Si u L (E), λ Sp(u), x E λ (u), alors P(u)(x) = P(λ)x. Par conséquent, P(λ) Sp(P(u)). Démonstration. En utilisant la dernière propriété sur les polynômes d endomorphisme. THÉORÈME 30 (Lien entre racines d un polynôme annulateur et spectre ) Si u L (E) (resp. A M n (K) où n N ) admet P comme polynôme annulateur alors toute valeur propre de u (resp. A) est racine de P. Démonstration. Soit u L (E) admettant P comme polynôme annulateur et λ une valeur propre de u. Alors par définition, il existe x E \ {0 E } tel que u(x) = λx. D après la dernière proposition, 0 E = P(u)(x) = P(λ)x. Or x 0 E d où P(λ) = 0 et λ est racine de P. REMARQUE IMPORTANTE Ce théorème permet, connaissant un polynôme annulateur, de déterminer un ensemble de valeurs propres possibles. Sa réciproque est fausse : une racine du polynôme annulateur n est pas nécessairement une valeur propre de l endomorphisme/la matrice. EXEMPLES 14.1) Déterminer les éléments propres de f, endomorphisme de R 3 défini par f (x, y, z) = (2x + 2y + z, x y z, x + 2y + 2z) en s appuyant sur l exemple 12. 2) Déterminer les valeurs propres possibles d une homothétie de rapport µ. À quelle condition ces valeurs propres possibles sont-elles effectivement valeurs propres et quels sont les sous-espaces propres associés dans ce cas? 3) Déterminer les valeurs propres possibles d un projecteur. À quelle condition ces valeurs propres possibles sont-elles effectivement valeurs propres et quels sont les sous-espaces propres associés dans ce cas? ECS2, Lycée Pothier, Orléans 12 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

MÉTHODE Soient E un K-espace vectoriel, u L (E). Si E est de dimension infinie, on utilise la définition des éléments propres : les valeurs propres de u sont les scalaires λ tels qu il existe x 0 E tel que u(x) = λx. Si E est de dimension finie, alors on peut calculer la matrice A de u dans une base donnée de E. Si l on connaît un polynôme annulateur de A ou u ou que l on peut facilement en déterminer un, on recherche ses racines (racines évidentes, factorisation grâce à une division euclidienne... ). Parmi ces racines (en nombre fini), on détermine les scalaires λ qui sont effectivement valeurs propres grâce à l une des multiples caractérisations des valeurs propres (rang de u λid E ou A λi n, noyau de u λid E, inversibilité de A λi n, obtention d un vecteur propre... ). Si l utilisation d un polynôme annulateur n est pas adéquate, on utilise l une des caractérisations précédentes avec λ un scalaire quelconque. Si les espaces propres sont également demandés, il est plus judicieux, plutôt que déterminer uniquement si le système a une solution non nulle, de trouver ces solutions : on cherche à résoudre en X le système (A λi n )X = 0. On obtient alors que le système a des solutions non nulles si et seulement si λ est valeur propre de u/a. Le sous-espace propre E λ (A) est l ensemble des vecteurs colonnes X solutions. Le sous-espace propre E λ (u) de u associé à λ est alors l ensemble des vecteurs x de E de vecteurs de coordonnées X. EXEMPLE 15. Soit f l endomorphisme de E, espace vectoriel de base B = (e 1,e 2,e 3,e 4 ), défini par : f (e 1 ) = e 1 e 2 + e 4, f (e 2 ) = 2e 1 e 4, f (e 3 ) = 2e 1 + e 2 e 3 e 4, f (e 4 ) = 2e 1 + e 2 + 2e 4. 1) Déterminer la matrice A de f dans la base B. 2) Déterminer les valeurs propres de A. 3) En déduire les éléments propres de f. 4) Soient C,C,C les bases respectives des sous-espaces propres trouvées. Justifier que B = (C,C,C ) est une base de E. Déterminer la matrice de f dans cette base. Que remarque-ton? III ENDOMORPHISMES ET MATRICES DIAGONALISABLES Nous recherchons maintenant à quelle condition, en dimension finie, un endomorphisme possède une base dans laquelle sa matrice est diagonale. Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie n N. 1 RÉDUCTION D UN ENDOMORPHISME DÉFINITION 31 (Endomorphisme diagonalisable ) Un endomorphisme u L (E) est dit diagonalisable (dans K) s il existe une base de E formée de vecteurs propres de u, i.e. il existe (x 1,..., x n ) base de E tel que pour tout i 1,n, x i soit vecteur propre de u. PROPOSITION 32 Soit u L (E). u est diagonalisable si et seulement s il existe une base de E dans laquelle la matrice de u est diagonale. Dans ce cas, la diagonale de la matrice est composée des valeurs propres de u dans l ordre associé à l ordre des vecteurs propres dans la base. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 13 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

Démonstration. Supposons que u soit diagonalisable. Il existe alors B = (x 1,..., x n ) base de E formée de vecteurs propres de u. Notons λ 1,...,λ n les valeurs propres de u associées respectivement aux vecteurs propres x 1,..., x n : i 1,n, u(x i ) = λ i x i (certaines des valeurs propres λ i peuvent être égales). La matrice de u dans la base B est alors : λ 1 0 0 Mat B (u) =. 0.. 0, 0 0 λ n qui est bien diagonale de coefficients diagonaux les valeurs propres de u dans l ordre associé à celui des vecteurs propres. Réciproquement, supposons qu il existe une base B = (x 1,..., x n ) de E dans laquelle la matrice de u est diagonale. Notons alors λ 1 0 0 Mat B (u) = diag(λ 1,...,λ n ) =. 0.. 0. 0 0 λ n Soit i 1,n. Grâce à la i -ème colonne de la matrice, on lit u(x i ) = λ i x i. De plus, comme B est une base donc libre, x i 0 E. Ainsi, x i est vecteur propre de u associé à la valeur propre λ i. Les coefficients diagonaux de la matrice sont des valeurs propres de u dans l ordre associé à celui des vecteurs propres de la base. EXEMPLE 16. Justifier que l application nulle de E et l application Id E sont diagonalisables. Donner pour chacune d entre elles une base de diagonalisation. THÉORÈME 33 (Critères de diagonalisabilité d un endomorphisme ) Soit u L (E). Les assertions suivantes sont équivalentes : u est diagonalisable, E est la somme directe des sous-espace propres de u : E = E λ (u), La dimension de E est la somme des dimensions des sous-espaces propres de u : dim(e) = dime λ (u). Démonstration. Raisonnons par implications circulaires. Si u est diagonalisable, en notant Sp(u) = {λ 1,...λ p } (où les λ i sont deux à deux distincts), il existe une base de E dont chaque vecteur appartient à l un des E λi (u). On en déduit que p E = E λi (u). Or d après les propriétés des sous-espaces propres, on sait qu ils sont en p somme directe, donc E = E λi (u). Si E = E λ (u), par les propriétés d une somme directe en dimension finie, dim(e) = dime λ (u). ECS2, Lycée Pothier, Orléans 14 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

Supposons que dim(e) = dime λ (u), alors comme les sous-espaces propres sont en somme directe, dim p E λi (u) = vectoriel de E et E est de dimension finie donc p dime λ (u) = dim(e). Or E λi (u) est un sous-espace p E λi (u) = E. Une base de E adaptée à cette somme directe est une base constituée de vecteurs propres de u, donc u est diagonalisable. EXEMPLE 17. L endomorphisme de R 2 représenté par la matrice 1 1 dans la base canonique de R 2 est-il 1 2 diagonalisable? L endomorphisme de C 2 représenté par la matrice 1 1 dans la base canonique de C 2 est-il 1 2 diagonalisable? PROPOSITION 34 (Condition suffisante de diagonalisabilité ) Tout endomorphisme de E admettant n (n = dime) valeurs propres distinctes est diagonalisable et chaque sous-espace propre est une droite vectorielle. Démonstration. Si u admet n valeurs propres distinctes λ 1,...,λ n alors, comme pour tout i dans 1,n, on a n dime λi (u) 1, on en déduit dime λi (u) n. Par ailleurs, les sous-espaces propres étant en somme directe et sous-espaces vectoriels de n n E, n = dime dim E λi (u) = dime λi (u). En conclusion, n = dime = n dime λi (u) et pour tout i dans 1,n, dime λi (u) = 1. EXEMPLE 18. Soit n N. Montrer que u : K n [X ] K n [X ] est un endomorphisme diagonalisable P P (X 1)P dont on précisera le spectre et les sous-espaces propres. 2 INTERPRÉTATION MATRICIELLE, RÉDUCTION D UNE MATRICE DÉFINITION 35 (Matrice diagonalisable ) Une matrice A est dite diagonalisable si elle est semblable à une matrice diagonale, i.e. il existe P G L n (K) telle que P 1 AP soit diagonale. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 15 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

THÉORÈME 36 (Critères de diagonalisabilité d une matrice ) Soit A M n (K). Les assertions suivantes sont équivalentes : 1) A est diagonalisable, 2) A est semblable à une matrice diagonale, 3) M n1 (K) est la somme (directe) des sous-espaces propres de A, 4) la somme des dimensions des sous-espaces propres de A vaut n, 5) il existe une base de M n1 (K) constituée de vecteurs propres de A, 6) A est la matrice d un endomorphisme diagonalisable. Dans ce cas, en posant A = PDP 1 où D est diagonale et P inversible, les colonnes de P forment une base de M n1 (K) constituée de vecteurs propres de A. Démonstration. les deux premières assertions sont équivalentes par définition. Les assertions 3,4,5 sont équivalentes par propriétés de la somme de sous-espaces propres. Supposons les assertions 1/2, notons B la base canonique de M n1 (K). Comme A est diagonalisable, posons P telle que P 1 AP soit diagonale égale à D. P étant inversible, notons B la base de M n1 (K) telle que P soit la matrice de passage de B à B. Notons α l endomorphisme de M n1 (K) canoniquement associé à A : α : M n1 (K) M n1 (K) X AX éléments propres de A sont exactement ceux de α. La matrice de u dans la base B est, par formule de changement de base, A = P 1 AP = D donc est diagonale. Ainsi, α est diagonalisable et les propriétés 3/4/5 sont vérifiées. Supposons les assertions 3/4/5. Notons B une base de M n1 (K) constituée de vecteurs propres de A ou de α. Ainsi, la matrice de α dans B est diagonale et, par formule de changement de base, égale à P 1 AP, donc A est diagonalisable. Détaillons les équivalences avec la dernière assertion dans le théorème qui suit. THÉORÈME 37 (Résultat fondamental de la réduction ) Soient u L (E), B une base de E et A = Mat B (u). Alors Plus précisément : u est diagonalisable si et seulement si A est diagonalisable. Si u est diagonalisable et B une base constituée de vecteurs propres de u, associés respectivement aux valeurs propres λ 1,...,λ n (non nécessairement distinctes), alors la matrice de u dans la base B est λ 1 0 0 P 1 AP =. 0.. 0, 0 0 λ n où P = P B,B. λ 1 0 0 Si A est diagonalisable et P une matrice inversible telle que P 1 AP =. 0.. 0 diagonale, 0 0 λ n alors en notant B la base de E telle que P = P B,B, B est une base de vecteurs propres de u associés respectivement aux valeurs propres λ 1,...,λ n.. Les EXEMPLE 19. Important. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 16 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

Soit u L (E) admettant une unique valeur propre λ. Montrer que u est diagonalisable si et seulement si u est l homothétie de rapport λ. IV APPLICATIONS DE LA DIAGONALISATION Certains résultats, valables pour les matrices diagonales, permettront donc d en obtenir d autres pour les matrices diagonalisables. 1 CALCUL DE LA PUISSANCE D UNE MATRICE. PROPOSITION 38 (Puissances d une matrice diagonale ) Soit D une matrice diagonale. Alors pour tout p N, D p est la matrice diagonale dont les coefficients diagonaux sont des puissances p-èmes des coefficients diagonaux de D : α 1 0 0. 0.. 0 0 0 α n p α p 1 0 0 =. 0.. 0. 0 0 α p n Démonstration. Par récurrence simple sur p, utilisant le produit de deux matrices diagonales. n EXEMPLE 20. 1) Déterminer, pour n N, 3 4. 2 1 2) En déduire u } u {{... u } où u : R 1 [X ] R 1 [X ] n fois ax + b (a 2b)X + 3b 4a. 2 SUITES RÉCURRENTES LINÉAIRES MÉTHODE (Suites croisées ) Soient (u n ) et (v n ) deux suites données par leur premier terme u 0, v 0 et la relation de récurrence : u n+1 = au n + bv n n N, où (a,b,c,d) K 4 sont connus. v n+1 = cu n + d v n En posant A = a c b et X n = u n, on constate que la relation de récurrence équivaut à : d v n n N, X n+1 = AX n. On montre alors par une récurrence simple que : n N, X n = A n X 0. Il suffit donc de connaître A n pour exprimer u n et v n en fonction de n, u 0, v 0. EXEMPLE 21. On pose les suites (u n ) et (v n ) définies par u n+1 = 3u n 4v n u 0 = 0, v 0 = 1, n N, v n+1 = v n 2u n Exprimer le terme général d indice n de chaque suite. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 17 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018

MÉTHODE (Suite récurrente linéaire d ordre supérieur à 3 ) Soit (u n ) une suite récurrente linéaire telle que n N, u n+3 = au n+2 + bu n+1 + cu n. En posant 0 1 0 u n A = 0 0 1 et X n = u n+1, on constate que la relation de récurrence équivaut à : c b a u n+2 n N, X n+1 = AX n. On montre alors par une récurrence simple que : n N, X n = A n X 0. Il suffit donc de connaître A n pour exprimer u n en fonction de n, u 0, u 1, u 2 grâce à la première ligne de la matrice X n = A n X 0. EXEMPLE 22. On pose la suite (u n ) définie par u 0 = 0, u 1 = 1, u 2 = 2, n N, u n+3 = u n+2 + 4u n+1 4u n. Exprimer le terme général d indice n de la suite. ECS2, Lycée Pothier, Orléans 18 / 18 mise à jour : 21 septembre 2018