La publication des études cliniques



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Transcription:

Education thérapeutique du diabétique de type 2 insuliné : au-delà de l HbA1c Résumé : Les études publiées depuis l année 2008 ont apporté des enseignements très utiles en diabétologie. Les études antérieures comme l UKPDS chez les diabétiques de type 2 ont montré qu un traitement intensif à court terme réduisait les complications microvasculaires et à long terme diminuait les complications micro- et macrovasculaires du diabète. Les conclusions initiales de ACCORD ont révélé une surmortalité chez les diabétiques de type 2 intensivement traités, tandis que l étude ADVANCE objectivait une réduction des complications microvasculaires et que VADT montrait l absence d effet significatif du traitement intensif. Ces études démontrent l importance de traiter précocement le diabète en évitant les hypoglycémies tandis que l étude STENO 2 confirme la nécessité de contrôler l ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires. Parvenir à ces objectifs qui doivent être personnalisés nécessite la mise en place d une éducation thérapeutique adaptée au patient. Ce point est essentiel, tout particulièrement chez les diabétiques de type 2, souvent âgés, pour lesquels le recours à l insuline devient nécessaire. B. BAUDUCEAU, L. BORDIER Service d Endocrinologie, Hôpital d Instruction des Armées Bégin, SAINT-MANDE. La publication des études cliniques rythme les certitudes médicales et notamment celles concernant la diabétologie. Ces dernières années, et tout particulièrement depuis 2008, les apports des grandes études ont permis de préciser les objectifs et d évaluer les risques de l équilibre glycémique [1]. Ainsi, la tentation du lower is better calquée sur les résultats obtenus par les statines est aujourd hui largement remise en cause. La personnalisation de l objectif glycémique doit être adaptée aux caractéristiques du diabète et plus encore au patient lui-même. En conséquence, la place de l éducation thérapeutique, qui reste essentielle, ne peut être standardisée. En effet, de nombreux éléments diffèrent entre un jeune diabétique de type 1 et un sujet âgé, plus ou moins fragile, chez lequel le recours à l insulinothérapie devient nécessaire. La nature des dernières études qui portent sur le diabète de type 2, l importance de la dimension gériatrique de la diabétologie et les problèmes posés par l insulinothérapie invitent à centrer ces réflexions sur le cas si fréquent du diabétique de type 2 insulino-traité. Les 10 enseignements à [ retenir des dernières études Depuis 2008, les résultats des grandes études et de leur méta-analyse [2], dont certaines ont créé une certaine polémique, ont permis de faire progresser la réflexion et d en tirer les conclusions simples et utiles aux patients et à leurs médecins. 1. Le dépistage du diabète est possible et le traitement multifactoriel précoce est utile L étude ADDITION (Anglo-Danish-Dutch study of Intensive Treatment In PeOple with screen detected diabetes in pri- 46

mary care) a conduit au dépistage de 3 057 diabétiques parmi plus de 76 000 sujets à risque, âgés de 40 à 79 ans. Un suivi de 5 ans a été réalisé dans cette population répartie en deux groupes traités de façon conventionnelle ou intensive par une prise en charge multifactorielle. Très peu d événements ont été rapportés et une différence très faible en termes d HbA1c et de pression artérielle a été observée entre les deux groupes. En dépit de ces limites, une tendance non significative à la diminution (17 %) des événements cardiovasculaires a pu être notée dans le groupe traité de façon intensive [3]. Cette étude démontre donc la faisabilité et l intérêt d un dépistage et d une prise en charge précoce, intensive et multifactorielle. En effet, malgré une faible différence entre les deux bras de l étude et l absence de significativité statistique, tout porte à croire que cette démarche s avère fondamentale. 2. Obtenir précocement un bon équilibre glycémique est essentiel Chez les diabétiques de type 2 de l UKPDS qui étaient récemment diagnostiqués et traités de façon intensive, une amélioration des complications microangiopathiques a été notée dès la fin de la première partie de l étude [4]. En revanche, il a fallu attendre l étude de suivi (c est-à-dire près de 20 ans) pour enregistrer les bénéfices en termes de macroangiopathie. Les études VADT, ADVANCE ou ACCORD ont concerné quant à elles des patients dont la durée d évolution du diabète était de 8 à 10 ans et qui, pour beaucoup d entre eux, étaient à risque cardiovasculaire élevé [5-7]. Si des résultats positifs ont été notés sur les complications microangiopathiques, notamment dans ADVANCE, les observations sur les atteintes cardiovasculaires ont été décevantes. Le caractère précoce de l intervention est donc décisif pour son efficacité. 3. L effet de l équilibre glycémique sur les complications macroangiopathiques ne se manifeste qu à long terme Les études ADVANCE et VADT ont objectivé une tendance non significative en faveur d un équilibre glycémique optimal pour la protection des complications macroangiopathiques. Cette absence de significativité statistique provient très probablement de la durée relativement courte de ces études (3 à 5 ans) au regard de celle de l UKPDS (20 ans). En effet, ces résultats semblent comparables à ceux de l UKPDS mais pour des observations initiales, publiées en 1998, alors que 10 ans plus tard, dans cette même étude, la protection cardiovasculaire d un bon équilibre glycémique apparaît clairement. 4. Il existe une mémoire glycémique La présence d une mémoire glycémique déjà bien établie par l étude EDIC pour les diabétiques de type 1 a été confirmée chez les diabétiques de type 2 par l étude de suivi de l UKPDS [3, 8]. En effet, l incidence des événements liés au diabète s avère, dans ces deux études, nettement diminuée dans le groupe intensif, même lorsque la qualité de l équilibre glycémique rejoint celle du groupe conventionnel. Ainsi, les complications liées au diabète seraient la conséquence non seulement de l équilibre glycémique actuel mais aussi de l équilibre passé, les années perdues ne se rattrapant pas. 5. La normalisation glycémique ne doit pas dépasser son but, notamment chez les sujets à risque L étude VADT s inscrit comme ACCORD dans le risque d un équilibre glycémique trop ambitieux chez les sujets à risque, en particulier si l ancienneté du diabète est importante. Les premiers résultats d ACCORD ont montré en effet une augmentation de la mortalité dans le bras intensif, ce qui a conduit à l arrêt prématuré de cette étude. La persistance d un excès de mortalité a été enregistrée dans l étude de suivi poursuivie jusqu à 5 ans chez ces diabétiques à haut risque cardiovasculaire. Ce fait suggère que la mémoire glycémique se manifeste quel que soit le niveau de l équilibre : favorable si le niveau glycémique est optimal, délétère s il s avère trop élevé ou trop bas. 6. En revanche, il n existe pas de mémoire tensionnelle L étude UKPDS a démontré qu un contrôle strict de la pression artérielle (inférieure à 150/85 mmhg) chez des diabétiques de type 2 en comparaison à un niveau tensionnel moins ambitieux (PA inférieure à 180/105 mmhg) permettait de réduire les événements liés au diabète de 24 %, la mortalité de 32 %, les AVC de 44 % et les complications microangiopathiques de 37 %. En revanche, dans l étude de suivi à 10 ans, les événements liés au diabète ont été identiques alors que la PA devenait équivalente dans les deux groupes dès la première année. A la différence de la glycémie, l équilibre de la pression artérielle est primordial, mais il n existe pas d héritage tensionnel. 7. Le traitement doit être intensif mais pas trop rapidement incisif Une surmortalité a été observée dans le bras intensif de l étude ACCORD. Ces patients ont subi une baisse rapide de leur hémoglobine glyquée atteignant 1,4 % en 4 mois. La prudence impose donc de parvenir progressivement à la normalisation du niveau glycémique. L effet néfaste d une baisse brutale de la glycémie a été déjà bien établi dans le cadre de la rétinopathie du diabétique de type 1. Un phénomène semblable au niveau de la microcirculation cardiaque pourrait être à l origine de l excès de mortalité de l étude ACCORD, bien que ce fait ne puisse être formellement affirmé. Il semble en fait que ce sont les sujets les plus fragiles sur le plan car- 47

Les conclusions de ces dernières études permettent d éclairer la place de l éducation thérapeutique qui, comme les objectifs glycémiques, doit être individualisée et adaptée au patient. Cette quesdiovasculaire, parvenant difficilement aux objectifs glycémiques malgré une accumulation des thérapeutiques, qui ont présenté la plus forte mortalité. 8. Il est indispensable d éviter les hypoglycémies Comme cela était prévisible, la fréquence des hypoglycémies s est avérée supérieure chez les diabétiques des groupes traités de façon intensive. Ce fait est particulièrement marqué dans l étude ACCORD puisque les patients intensivement traités ont présenté 3 fois plus d hypoglycémies sévères. La fréquence des hypoglycémies a majoré le risque d événements et la mortalité cardiovasculaire dans l étude VADT. Toutefois, la preuve du lien entre ces hypoglycémies et la mortalité exagérée dans le bras intensif de l étude ACCORD n a pu être établie de façon formelle. D ailleurs, le suivi de l étude ACCORD s inscrit en faveur de l innocence des hypoglycémies [9]. Cela ne doit pas toutefois minimiser le risque potentiel de ces accidents qui peuvent être graves notamment chez les sujets à risque ou les personnes âgées. 9. L objectif d HbA1c doit être raisonnable et individualisé La cible d HbA1c ne peut se situer au-dessous de 6 % au vu des résultats de l étude ACCORD, notamment chez les patients à haut risque. La durée de l évolution du diabète constitue également un paramètre à prendre en compte, comme dans l étude VADT. Ainsi, l UKPDS a bien établi qu un traitement intensif, dès la découverte du diabète, réduisait les complications micro- et macrovasculaires. En revanche, lorsque la durée d évolution du diabète dépasse 10 ans, comme dans l étude ADVANCE, ce traitement intensif diminue les complications microvasculaires mais n a pas d effet sur les complications macrovasculaires. L objectif d HbA1c doit donc être discuté de façon individuelle, en fonction de l histoire du diabète, des complications et des facteurs Pour être plus efficace, l éducation thérapeutique doit être pluridiscide risque cardiovasculaire. Ainsi, chez les diabétiques de type 2 nécessitant le recours à l insuline, un objectif de 7 %, voire 7,5 % en cas de fort risque cardiovasculaire paraît raisonnable. 10. Enfin, le contrôle des autres facteurs de risque cardiovasculaire est essentiel L étude UKPDS a montré clairement que la réduction des chiffres tensionnels est essentielle et permettait d intervenir favorablement sur les complications micro- et macrovasculaires. L étude ADVANCE a confirmé ce fait, montrant en particulier qu une prise en charge intensive portant sur la glycémie et la pression artérielle réduisait de façon additive la néphropathie et la mortalité globale. L étude STENO 2 illustre parfaitement l intérêt d un contrôle optimal des facteurs de risque cardiovasculaire. Cette étude a été menée chez 160 diabétiques de type 2 microalbuminuriques, âgés en moyenne de 55 ans, répartis en 2 groupes et traités de façon intensive ou conventionnelle. Au bout de 7,8 ans de suivi, on notait une réduction des complications macroangiopathiques de 53 %, de la rétinopathie de 58 % et de la néphropathie de 61 %. L étude d observation qui a suivi pendant 5,5 ans a porté sur les 130 diabétiques de type 2 survivants, et a confirmé cet effet spectaculaire avec une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 57 % [10]. Ces constatations expliquent sans aucun doute le faible taux de mortalité dans l étude ACCORD et l étude VADT puisque le contrôle des autres facteurs de risque était excellent. Quelle place pour [ l éducation thérapeutique? tion est primordiale, tout particulièrement chez les sujets âgés qui représentent une population très importante puisque le quart des diabétiques a plus de 75 ans. La participation des patients, ou à défaut de l entourage ou des aidants, est à l évidence primordiale dans ce contexte. 1. Débuter l éducation thérapeutique aussi tôt que possible dans l histoire du diabète de type 2 Contrairement au diabète de type 1 où la démarche éducative doit être menée en urgence, le temps est moins compté pour le diabète de type 2. L éducation thérapeutique peut donc être progressive, patiente et répétée tout au long de la vie du patient. Ainsi, lors du passage à l insuline, celle-ci apparaîtra plus acceptable si le terrain a été bien préparé en particulier en expliquant que l insulinothérapie n altère pas la qualité de vie et en mettant en avant les bénéfices attendus, dont certains immédiats sur des symptômes comme la polyurie et l asthénie physique ou intellectuelle. 2. Adapter l éducation thérapeutique au patient Ce point est essentiel, tout particulièrement chez les sujets âgés. Une évaluation gérontologique, portant notamment sur les fonctions cognitives, permettra de distinguer les sujets autonomes qui pourront bénéficier des programmes classiques d éducation, des sujets fragiles ou dépendants pour lesquels l intervention de l entourage ou d un soignant sera indispensable. La réalisation d un MMSE (Mini Mental State Evaluation) s avère un outil très utile au moindre doute car les déficits cognitifs sont très fréquemment sous-évalués. 3. Coordonner l éducation thérapeutique entre les différents acteurs de soins 48

plinaire et le rôle des paramédicaux est essentiel. Une bonne coordination du discours entre les différents intervenants est indispensable afin que le diabétique puisse trouver des réponses cohérentes à ses questions. Cet impératif implique une excellente communication entre les différents acteurs d éducation que sont l'infirmière hospitalière, l'infirmière libérale, le médecin traitant, le diabétologue, la diététicienne, le pédicurepodologue, l ophtalmologiste et le psychologue. En effet, l'effet négatif des messages trop complexes ou contradictoires est susceptible de conduire à un rejet des propositions thérapeutiques, notamment dans la période difficile de l initiation de l insulinothérapie. 4. Diagnostic éducatif POINTS FORTS û Un équilibre glycémique optimal réduit à court terme les complications microvasculaires et à long terme les complications micro- et macrovasculaires du diabète. û Cette stratégie nécessite d être précoce sans être brutale, doit éviter les hypoglycémies et être adaptée au patient. POINTS FORTS û Le contrôle rigoureux des autres facteurs de risque cardiovasculaire est au moins aussi important que celui de la glycémie. û Pour aboutir à ces résultats, la place de l éducation thérapeutique est essentielle. û Cette démarche éducative doit être précoce dans l histoire du diabète et faire intervenir tous les acteurs de soins. û Elle doit enfin être personnalisée et adaptée aux capacités physiques, sensorielles et cognitives du patient. û Ces constatations s appliquent tout particulièrement aux diabétiques de type 2, souvent âgés, pour lesquels le passage à l insuline devient nécessaire. Afin d être adaptée, l éducation thérapeutique doit se fonder sur les connaissances initiales des patients. Celles-ci sont très variables et doivent donc être évaluées dans un premier temps afin d éviter les écueils d un discours soit trop simple, soit plus souvent trop complexe. Cette enquête doit porter à la fois sur les données propres du patient et de ses connaissances, sur l histoire de son diabète mais également sur ce qu il connaît du diabète et de l insuline. La dédramatisation de l insuline pourra être débutée à cette occasion. 5. Hiérarchiser les messages d éducation Les résultats des récentes études ont eu l intérêt de souligner les points de priorité de l éducation thérapeutique, et notamment sur la prise en charge des hypoglycémies. En effet, lors de la mise à l insuline d un diabétique qui n est plus tout jeune, il est souvent illusoire de calquer le mode éducatif sur celui d un jeune diabétique de type 1. Dans un premier temps, des informations de sécurité doivent être priorisées. L apprentissage des gestes Les résultats des grandes études publiées depuis 2008 confirment l importance de normaliser la glycémie des diabétiques en dépit des données initialement alarmantes de l étude ACCORD. Les objecde base tels que l injection d insuline, le contrôle de la glycémie capillaire et la gestion des hypoglycémies constituent les points fondamentaux que le patient doit acquérir. En cas de difficultés d apprentissage, l implication de l entourage ou d une infirmière peut être nécessaire, au moins de façon temporaire, pour dédramatiser l insulinothérapie. Le complément de l éducation thérapeutique pourra se faire au cours du temps en abordant ou en complétant les informations sur la diététique, l activité physique, les soins podologiques et en finalisant les connaissances sur l adaptation des doses d insuline. [ Négocier les objectifs Pour une meilleure adhésion du patient, les objectifs thérapeutiques doivent être négociés avec lui. Les points essentiels portent sur l alimentation (équilibre alimentaire plus que diététique restrictive), l activité physique (adaptée aux capacités physiques) et l observance du traitement et de sa surveillance. Les objectifs glycémiques (en particulier le contrôle de la glycémie à jeun) et d HbA1c doivent être bien connus ainsi que la prévention, les signes et les risques des hypoglycémies. Les études récentes ont permis de fixer des normes moins ambitieuses de contrôle glycémique, notamment chez les patients fragiles. Le but ultime de l éducation thérapeutique est de rendre le patient acteur de sa prise en charge en favorisant son autonomie. Cet objectif est parfois difficile à atteindre et doit s adapter aux conditions de vie et aux aptitudes physiques et surtout cognitives du patient. [ Conclusion 49

tifs d HbA1C doivent être fixés en fonction du contexte du diabétique et de son diabète. Cette stratégie intensive nécessite d être précoce sans être brutale. Elle doit éviter les hypoglycémies et s associer à un contrôle rigoureux des autres facteurs de risque cardiovasculaire. Afin de parvenir à ces résultats, la place de l éducation thérapeutique est essentielle. Elle doit être renouvelée, maintenue dans le temps et faire intervenir tous les acteurs de soins médicaux et surtout paramédicaux. La démarche éducative doit enfin être adaptée au patient et à ses capacités physiques, sensorielles et cognitives. Cette remarque est primordiale tout particulièrement chez les sujets âgés pour lesquels le recours à l insulinothérapie devient nécessaire. Bibliographie 01. Cugnet-Anceau C, Bauduceau B et al. Equilibre glycémique et morbi-mortalité cardiovasculaire : apport des études 2008. Ann Endocrinol, 2009 ; 70 : 1-8. 02. Ray KK, Seshasai SR, Wijesuriya S et al. Effect of intensive control of glucose on cardiovascular outcomes and death in patients with diabetes mellitus : a metaanalysis of randomised controlled trials. Lancet, 2009 ; 373 : 1765-1772. 03. Echouffo-Tcheugui JB, Simmons RK, Williams KM et al. The ADDITION-Cambridge trial protocol : a cluster -- randomised controlled trial of screening for type 2 diabetes and intensive treatment for screen-detected patients. BMC Public Health, 2009 ; 9 : 136. 04. Holman RR, Paul SK, Bethel MA et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med, 2008 ; 359 : 1577-1589. 05. Duckworth W, Abraira C, Moritz T et al. for the VADT Investigators. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. N Engl J Med, 2009 ; 360 : 129-139. 06. Patel A, MacMahon S, Chalmers J et al. for the ADVANCE Collaborative Group. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med, 2008 ; 358 : 2 560-2 572. 07. Gerstein HC, Miller ME, Byington RP et al. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med, 2008 ; 358 : 2 545-2 559. 08. Nathan DM, Cleary PA, Backlund JY et al. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med, 2005 ; 353 : 2 643-2 653. 09. Gerstein HC, Miller ME, Genuth S et al. for the ACCORD Study Group. Long-Term Effects of Intensive Glucose Lowering on Cardiovascular Outcomes. N Engl J Med, 2011 ; 364 : 818-828. 10. Gaede P, Lund-Andersen H, Parving HH et al. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med, 2008 ; 358 : 580-591. L'auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d'intérêts concernant les données publiées dans cet article. 50