Tribunal administratif du Québec Section des affaires sociales En matière d'indemnisation (Assurance-automobile) Date : 29 août 2003 Dossier : SAS-Q-092373-0211 Membres du Tribunal : Yves Lafontaine, avocat Claire E. Auger, médecin M M c. Partie requérante SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Partie intimée
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 2 DÉCISION En matière d'indemnisation [1] Le requérant conteste une décision en révision de l intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec, du 30 septembre 2002, à l effet, qu au moment de l'accident, il était un travailleur autonome et que l indemnité de remplacement de revenu à laquelle il avait droit, comme livreur, s établissait à 482,82$ aux quatorze jours, à compter du 21 mai 2001. [2] Avec l accord des parties, le Tribunal a convenu que la présente décision porterait exclusivement sur le statut de requérant au moment de l'accident i.e. était-il salarié ou travailleur autonome? La détermination du montant de l indemnité devra être déterminé ultérieurement s il y a lieu. [3] Le requérant veut se faire reconnaître le statut de salarié de D... [4] De la preuve au dossier et du témoignage du requérant le Tribunal retient les faits pertinents suivants. [5] Le requérant est victime d un accident le 14 mai 2001. [6] Le 18 mai 2001, il adresse une réclamation à l intimée. Il y fait état des blessures suivantes : entorse cervicale et entorse dorsale.
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 3 [7] À la page 4, à la question «nom ou raison sociale de l employeur ou de l entreprise» la réponse est : «91013359 Québec Inc.» depuis quatre mois comme propriétaire, livreur, salarié, 70 heures/semaine à temps plein avec un revenu brut approximatif de 500$ par semaine. [8] Datée du même jour, on retrouve au dossier la note suivante : «La compagnie de M. travaille pour D... e... depuis 4 mois et M. se verse un salaire i.e. la cie le paie, par contre, M. a travaillé avant pour un courtier qui lui était chez D...» [9] Le 4 juin 2001, le requérant, à la demande de l intimée produit une «attestation de revenu par l employeur» L employeur est [numéro] Q Inc. Le requérant est entré au service de cet employeur le 22 février 2001 à l emploi de «courtier en livraison». La section décrivant les tâches et celle en rapport avec les revenus ne sont pas remplies. [10] C est dans ce contexte, que le 29 juin 2001, l agent de l intimée établissait à 482,82$ par 14 jours l indemnité de remplacement de revenu. Cette indemnité correspondait à ce que la grille des revenus prévoyait pour un propriétaire/livreur à temps plein qui est travailleur autonome. La décision avisait le requérant que si son revenu brut réel de travailleur autonome était supérieur à celui fixé, une correction serait effectuée suivant les preuves fournies. L indemnité était payable pour la période du 21 mai 2001 au 15 juillet 2001. [11] Le 24 septembre 2001, le requérant produit à l intimée une description des tâches qu il accomplit, les capacités physiques et les qualités personnelles requises par l emploi. [12] Le requérant, toujours en septembre 2001, produit des extraits de ses déclarations de revenu pour les années 1999-2000-2001, aucune déclaration de revenu n est produite pour la Compagnie [numéro] Québec Inc.
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 4 [13] La déclaration de l année 1999, fait état d un revenu d emploi de 19 139,98$ et comporte les prélèvements habituels pour un salarié. [14] La déclaration de l année 2000, fait état d un revenu d emploi net de 18 818,15$ et d un revenu d entreprise de 1 553,56$. À l annexe L, on note des revenus bruts d entreprise de 2 920,81$ et des revenus net de 1 553,56$ une fois enlevés des frais de repas de 15,24$ et des frais de véhicule moteur de 1 462,98$ La grille de calcul pour les cotisations au Régime de rentes du Québec a été remplie en tenant compte des revenus nets d entreprise 1 [15] La déclaration de revenus de l année 2001, fait état de revenus d entreprise déficitaire de 110,97$. L annexe L en rapport avec les revenus d entreprise n'a pas été déposée en preuve de sorte qu il est impossible de savoir de quoi est constituée cette perte d entreprise de 110,97$. [16] À trois occasions, le procureur du requérant a produit une argumentation exhaustive pour démontrer que son client était un salarié au moment de l accident et non un travailleur autonome. [17] Le requérant témoigne des faits suivants : en octobre 2000, il a rencontré des représentants de la compagnie D..., spécialisée dans le domaine de la livraison de courrier et de colis. il a suivi une formation durant 15 jours pour laquelle il n a pas été rémunéré. on lui a dit qu il était à l essai au début et de s en rapporter à Gilles Turcotte. On lui a aussi dit qu il devait s incorporer. jusqu à ce qu il ait sa propre corporation, le 26 février 2001, il était payé comme un employé de la compagnie de G... T...: [numéro] Q Inc. 1 Voir page 72 du dossier
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 5 il n a pas de contrat écrit avec D... [18] Le matin tôt, il se rend au bureau de D... et part avec les paquets qui lui sont remis pour les livrer, il est de retour à 9h15 pour la livraison vers M..., à son retour, avec un autre livreur, ils se divisent le reste des livraisons à faire avec l assentiment du superviseur de D... Il ne peut livrer ailleurs que dans les territoires qui lui sont assignés et il n'a pas ses propres clients. Il peut cependant faire de la sollicitation de clientèle pour D... Il a déjà été membre d une corporation oeuvrant comme agence de sécurité. [19] En contre-interrogatoire, on apprend qu il ne reçoit pas d attestation de revenus (T-4) de la part de D... Suite à l accident, son frère a travaillé à sa place et c est la corporation du requérant qui l'a payé. Sa compagnie paie ses dépenses personnelles et il pige dans le compte de celle-ci au besoin. Il admet qu il aurait du faire deux déclarations de revenus, une au nom de la corporation, l autre en son nom. Sa déclaration de revenus aurait été faite par son beau-père qui a pu se tromper avec celle de la garderie opérée par sa conjointe. [20] Qu en est-il? Le droit
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 6 [21] L article 14 de la Loi sur l assurance automobile 2 prévoit que l intimée doit verser une indemnité de remplacement de revenu à la victime incapable d exercer son emploi, en raison de l'accident. L article 15 établit le mode de calcul de cette indemnité, il se lit : «Art. 15. Cette indemnité de remplacement du revenu est calculée de la façon suivante: 1 si la victime exerce son emploi comme travailleur salarié, l'indemnité est calculée à partir du revenu brut qu'elle tire de son emploi; 2 si elle exerce son emploi comme travailleur autonome, l'indemnité est calculée à partir du revenu brut que la Société fixe par règlement pour un emploi de même catégorie, ou à partir de celui qu'elle tire de son emploi, s'il est plus élevé. Si en raison de cet accident, la victime est également privée de prestations régulières ou de prestations d'emploi ayant pour objet d'aider à acquérir par un programme de formation des compétences liées à l'emploi, prévues à la Loi concernant l'assurance-emploi au Canada (Lois du Canada, 1996, chapitre 23) auxquelles elle avait droit au moment de l'accident, elle a droit de recevoir une indemnité additionnelle calculée à partir des prestations qui lui auraient été versées. Ces prestations sont réputées faire partie de son revenu brut.» L article 2 du Règlement sur la détermination des revenus et des emplois et sur le versement de l indemnité visée à l'article 83.30 de la Loi 3 qui fixe la façon de calculer les revenus d un travailleur autonome se lit : «Art. 2. Le revenu brut qu un travailleur autonome tire de son emploi est déterminé en utilisant le plus élevé des revenus suivants : 2 L.R.Q., c.a-25 3 C. A-25, r.4.2
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 7 1. les revenus d entreprise qu il a réalisés au cours des 12 mois précédant la date de l accident; 2. les revenus d entreprise qu il a réalisés au cours de sa dernière année financière complète précédant la date de l accident; 3. la moyenne des revenus d entreprise qu il a reçus au cours de ses 3 années financières complètes précédant la date de l'accident ou, s il a exploité l entreprise depuis moins de 3 ans, de ses 2 années financières complètes précédant la date de l accident. Les revenus d entreprise se composent de l ensemble des revenus, honoraires et commissions qu un travailleur autonome reçoit d une manière habituelle, moins les dépenses autres que la partie de l amortissement qui sert à gagner des revenus d entreprise. Les revenus, honoraires, commissions et dépenses mentionnés au deuxième alinéa sont ceux accessibles en vertu des lois fiscales qui sont applicables à ce travailleur autonome.» [22] L article 1 du même règlement établit la façon de déterminer les revenus bruts d un salarié : «Art. 1. Le revenu brut qu un travailleur salarié tire de son emploi est déterminé en tenant compte, sur une base annuelle, de : 1. l ensemble des traitements, salaires, gages et commissions qu il reçoit ou a droit de recevoir d une manière habituelle; 2. l ensemble des bénéfices et avantages suivants qu il reçoit ou a droit de recevoir sur une base régulière, s il les perd en raison de l accident : a) les bonis; b) les primes; c) les pourboires;
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 8 d) les majorations pour heures supplémentaires lorsque les modalités de l emploi l exigent; e) la rémunération participative; f) la valeur en espèces de l utilisation à des fins personnelles d une automobile ou d un logement fournis par l employeur; g) la différence entre la somme versée par l employeur en vertu d un contrat de travail pour l équipement, l outillage ou la machinerie fournis par le travailleur salarié et les dépenses réellement encourues par celui-ci pour l utilisation de ce matériel; h) Tout autre bénéfice ou avantage de même nature que ceux visés aux sous-paragraphes a à g.» [23] Tenant compte de l ensemble de la preuve et des dispositions légales pertinentes, le Tribunal est d avis que le requérant n a pas fait la démonstration par prépondérance de preuve qu au moment de l'accident il était salarié de D... [24] La preuve est à l effet qu au moment de l accident, c est sa compagnie qui était liée à D... par contrat verbal d entreprise. D... n aurait pas fait affaire avec lui autrement. [25] D..., après l'accident du requérant, a continué de faire affaire avec la corporation du requérant même si le requérant n y travaillait plus. Durant cette période, c est la corporation du requérant qui a payé son frère et un autre remplaçant.
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 9 [26] Une corporation ne peut pas être un salarié au sens du règlement précité 4. [27] Le requérant a déduit des dépenses d opération de ses revenus, payé des frais d administration à D..., par exemple, pour le téléphone, payé la location et les dépenses de son véhicule. Son véhicule est son outil de travail. Ses déclarations de revenus de 2000 et 2001 ont été produites comme travailleur autonome. [28] Le requérant et sa corporation (son alter ego) était au moment de l accident un sous-traitant de D..., et non un salarié. [29] Ceci dit, le Tribunal considère qu ayant le statut de travailleur autonome, il doit être indemnisé comme s il était salarié à cause de l article 15 de la Loi précitée et de l article 2 du règlement précité. [30] L article 2 du règlement n est pas utile pour l établissement du revenu brut du requérant. [31] Au moment de l'accident, le requérant, comme travailleur autonome n entre pas dans aucune des situations prévues au règlement : 1. il n a pas réalisé de revenus d entreprise au cours des 12 mois précédant la date de l accident. 2. il n a pas eu des revenus d entreprise pendant la dernière année financière complète précédant la date de l'accident et 3. on ne peut tenir compte de la moyenne des revenus d entreprise des trois années financières précédant l accident. [32] Comme les revenus du requérant, comme travailleur autonome de D..., ne peuvent être établis par la réglementation, l article 15 de la Loi doit recevoir l application et l indemnité doit être calculée à partir 4 Voir au même effet AA-15869 décision du 16-08-94
Dossier : SAS-Q-092373-0211 Page : 10 du revenu brut que l intimée fixe par règlement pour un emploi de même catégorie 5. [33] PAR CES MOTIFS, La contestation du requérant du statut de travailleur autonome, comme livreur, attribué par l intimée, est rejetée. Le dossier est retourné au secrétariat du Tribunal pour qu une date d audience soit fixée. Cette audience devra porter exclusivement sur le montant de l I.R.R., payable pour l emploi de livreur. YVES LAFONTAINE CLAIRE E. AUGER 29 août 2003 Me André Girard Procureur du requérant Me Isabelle Rochette Représentante de l intimée /fb 5 voir SAS-Q-087391-0205, décision du 11-02-03