La qualité de l emploi dans l économie sociale et solidaire: analyse et enjeux. une enquête en Alsace et en Lorraine



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Transcription:

La qualité de l emploi dans l économie sociale et solidaire: analyse et enjeux Les associations et la question de la qualité de l emploi: une enquête en Alsace et en Lorraine Etude réalisée pour la DIIESES (2008-2009) Introduction Pourquoi la qualité de l emploi dans les associations? Les associations relevant, par leur action, de l ESS se distinguent-elles, en application de leurs valeurs, par une meilleure considération des conditions de travail et d emploi de leurs salariés? Les associations sont particulièrement sollicitées dans la lutte contre le chômage : participeraient-elles (à leur insu) à la remise en cause des normes d emploi? 2 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 1

L étude Une enquête en Alsace et en Lorraine Une démarche empirique à partir d interviews de dirigeants associatifs (présidents et/ou dirigeants salariés) Deux objectifs majeurs: Comprendre comment ils voient leur responsabilité d employeurs s agissant de la qualité de l emploi Repérer les contraintes qu ils identifient et leurs marges de décision 3 La notion de qualité de l emploi Les composantes de la qualité de l emploi retenues dans notre enquête a. Qualité du travail, identification professionnelle b. Organisation du travail, recrutements et attractivité des emplois c. Rémunérations et évolution salariale d. Sécurité des emplois et mobilités professionnelles e. Rythme et intensité du travail, conciliation avec la vie extraprofessionnelle f. Dialogue social et conflits du travail g. Formations et évolutions professionnelles h. Diversité des âges, origines, situations sociales, non discrimination de genre 4 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 2

Le champ de l étude 27 associations en Alsace et en Lorraine : affirmant une légitimité référée à leur utilité sociale employant des salariés qui assurent une part essentielle ou l intégralité du service produit diverses par leur domaine d activité, les conditions du recours au salariat, la place conservée par les bénévoles 5 L ordonnancement des associations Quatre références affirmées à divers degrés mais constitutifs d une culture commune : projet d assurer un service pour autrui aspiration à voir reconnue l utilité sociale de leur activité nécessité de fonder leur activité sur des professionnels salariés associer leur activité à une fonction d insertion sociale et professionnelle Deux axes de positionnement : le bénévolat : base large de membres (plus ou moins participants) ou réduit aux administrateurs les salariés : professionnels ou en insertion 6 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 3

Positionnement des associations étudiées Salariat de professionnels 3. Associations exerçant un métier Bénévolat de membres actifs 2. Associations à mission d utilité publique 1.Associations de services individuels et collectifs Bénévolat d administrateurs Associations de bénévoles avec (peu de) salariés d appui : hors champ 4. Associations structures d insertion par l économique Salariat d insertion 7 La diversité des associations Les associations de services individuels et collectifs : petite enfance, centres sociaux, périscolaire, services à domicile, animation, environnement, audiovisuel (dont fédérations) Les associations reconnues d utilité publique : aide aux personnes âgées, entreprise adaptée, humanitaire Les associations assurant l exercice d un métier : éducation spécialisée, interventions santé, information orientation, théâtre Les associations structures d insertion par l économique : associations intermédiaires, chantiers d insertion, humanitaire 8 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 4

Associations de services individuels ou collectifs Cette catégorie regroupe des associations très diverses qui ont cependant en commun d offrir des services individuels ou collectifs aux particuliers Une configuration de l emploi complexe avec coexistence de statuts diversifiés et une forte part d emplois peu qualifiés recours à d autres associations (fédératives) pour la gestion directe des emplois, ou en appui la qualité-valeur dutravail est souvent associée à la qualité duservice des efforts de formation importants, souvent individualisés, dans une perspective de professionnalisation le salaire constitue un point sensible, même quand est appliquée une convention collective La qualité de l emploi rarement envisagée globalement. Mais l intérêt des salariés est recherché : par l augmentation des temps partiels, la professionnalisation, la pérennisation des emplois 9 Associations reconnues d utilité publique Ces associations présentent une configuration de l emploi dite mixte associant des emplois dits ordinaires tenus par des salariés permanents et des emplois dits d insertion occupés par des personnes en insertion ou des handicapés une préoccupation commune de professionnalisation des salariés, plus une valorisation forte des qualités humaines des permanents des niveaux de salaires modiques, des évolutions professionnelles restreintes, une volonté de permettre la pérennisation des emplois d insertion au sein de l association un bénévolat parfois proche du public en insertion La qualité de l emploi n apparaît pas comme une préoccupation significative (à l exception de la plus grosse structure où le dialogue social tient une place importante). La qualité du service est prioritaire, incluant le service rendu au personnel en insertion. 10 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 5

Associations assurant l exercice d un métier Cette catégorie regroupe des associations dont la caractéristique commune est d avoir une activité nécessitant l emploi de salariés ayant un métier clairement identifié et reconnu rôle essentiel des dirigeants salariés dans le portage du projet, auquel sont associés les salariés une qualification professionnelle exigée lors du recrutement et importance de la formation continue pour l actualisation des compétences un statut d emploi constitutif de la professionnalité : CDI, rémunérations convenables quand le métier est établi, les salariés vigilants à la qualité de l emploi la forme associative de la structure garantit l indépendance de l exercice du métier : rôle des administrateurs bénévoles absence de participants bénévoles (dans les associations étudiées) La qualité de l emploi apparaît comme une préoccupation forte, garantie de la qualité du travail et du service assuré. Les emplois aidés quasiment absents (sauf contrats en alternance). 11 Associations à vocation d insertion Ces associations relèvent des structures d insertion par l économique en ayant choisi le statut associatif l insertion professionnelle et sociale des salariés temporaires constitue le service principal essentiel du projet associatif, en application de dispositifs publics : association intermédiaire, atelier et chantier d insertion une relative qualité des prestations assurées par les salariés en insertion est une exigence économique : importance de leur formation, maintien durable de certains salariés dans la structure (AI) des équipes d encadrants permanents en effectifs réduits : CDI, rémunérations médiocres, en quête de reconnaissance de leur métier (professionnalisation) une forte utilisation des contrats aidés : pour les salariés en insertion (ACI) et parfois pour le recrutement des encadrants (emplois jeunes) une participation de bénévoles dans certains cas Engager des parcours d insertion pour les personnes prises en charge l emporte sur une problématique de qualité de l emploi 12 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 6

Segmentation de la qualité de l emploi Les métiers reconnus bénéficient d une qualité d emploi convenable ; les métiers encore récents, en quête de reconnaissance sociale, ont une qualité plus insatisfaisante Inégalité de la qualité d emploi quand le métier est réservé au noyau central avec des cercles concentriques de qualification, et des emplois d insertion en périphérie une gestion des emplois différenciée par catégories de statuts ou de qualifications = non pertinence de l approche globale de la qualité de l emploi? 13 Professionnalisation, formation et sens du travail Une valorisation de la formation très fréquente (quoique butant sur la limite des moyens) pour assurer la professionnalisation des salariés logique individuelle par des temps réflexifs sur la pratique logique collective Des démarches distinctes selon la qualification des personnes recrutées L association offre un travail qui a du sens : critère majeur de qualité de l emploi, mais c est aux salariés de le rendre manifeste une adhésion qu il faut mobiliser La professionnalisation des salariés principal comme levier pour favoriser leur satisfaction au travail et la valorisation de leurs compétences? (à défaut de pouvoir agir sur les autres dimensions de l emploi) 14 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 7

La priorité à la qualité du service Synthèse du savoir professionnel et de l être pour autrui aux niveaux de formation supérieurs sélectivité à l embauche et conditions d emploi convenables mais salaires parfois modestes Primauté de la qualité de la prestation de la structure : le sens du travail dans la reconnaissance des bénéficiaires et une relative autonomie pour les salariés professionnalisation au lieu de la valorisation d un métier, qualifications variables, contrats atypiques ou aidés Des activités permettant l emploi de personnels en insertion, en «passage» pas de sélectivité d embauche ; la qualité de service repose sur l encadrement assurant en plus un accompagnement vers l emploi 15 Effets retour du salariat sur le projet Constat : des projets associatifs peu publics, souvent en cours de réactualisation alors qu ils portent le sens du travail La dépendance de ressources par conventionnements publics institue une dépendance des projets aux programmes correspondants La focalisation sur les exigences économiques internes induit une «course aux financements» et détourne de la responsabilité de réinterpréter l attente sociale à laquelle l association prétend répondre. Un manque de perspective qui fait obstacle à une appréhension de la qualité de l emploi 16 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 8

Conclusion Les contraintes : économique : la dépendance des ressources qui limite les rémunérations, précarise les emplois morale : l action désintéressée (figure du bénévole) qui induit une ambivalence par rapport au professionnel exerçant un métier Les conséquences : la qualité du service donne sens au travail mais sa reconnaissance par sa rétribution et sa pérennisation est insuffisante (l employeur reste débiteur) risque de sous-traitance par rapport aux autorités publiques : perte d autonomie = perte de légitimité à définir les choix stratégiques porteurs de sens 17 Constats La qualité de l emploi: une notion qui ne fait pas sens d emblée pour les dirigeants associatifs Une volonté des dirigeants associatifs d assurer des conditions d emploi aussi acceptables que le leur permettent leurs ressources Une caractéristique commune des associations étudiées d être des «employeurs comme les autres» Une interrogation sur la volonté des associations de retraduire leur engagement social de façon interne, par la prise en compte d une amélioration prévisionnelle des conditions d emploi de leurs salariés 18 Marseille, Hôtel de Région, 07/12/2010 9