1.1.1 Composantes contravariantes, covariantes d un vecteur



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Chapitre 1 Prérequis Ce chapitre regroupe les définitions et les résultats sur les tenseurs qui sont utilisés dans la théorie des coques et des membranes. Il comprend deux parties : 1. L algèbre tensorielle, où seules les opérations algébriques telles l addition et la multiplication entrent en jeu. 2. L analyse tensorielle qui implique en plus la notion de la dérivée. Les résultats seront rappelés sans démonstration, le lecteur qui désire approfondir pourra trouver plus de détails dans les ouvrages mathématiques dédiés à la théorie des tenseurs. 1.1 Algèbre tensorielle On considère un espace vectoriel euclidien E de dimension 3, muni du produit scalaire usuel (a, b) a.b et de la norme euclidienne.. On choisit au préalable une base (g 1, g 2, g 3 )dee, qui n est pas nécessairement orthonormée. 1.1.1 Composantes contravariantes, covariantes d un vecteur Soit un vecteur u de E, on note u 1, u 2, u 3 les composantes de u dans la base (g 1, g 2, g 3 ): u = u i g i. La base (g 1, g 2, g 3 ) étant fixée, le vecteur u est déterminé par les coefficients u 1, u 2, u 3. D autre part, le vecteur u est aussi déterminé par les trois coefficients notés u i u.g i, i {1, 2, 3}. Eneffet, nous avons i {1, 2, 3}, u i u.g i = (u j g j ).g i = u j (g i.g j ) (1.1) où on a adopté la convention d Einstein de sommation implicite sur tout indice répété, ici sur l indice j variant de1à3.ennotant on peut réécrire (1.1) sous la forme matricielle : u 1 g 11 g 12 g 13 u 2 u = g 21 g 22 g 23 3 g 31 g 32 g 33 i, j {1, 2, 3}, g ij g i.g j (1.2) La matrice 3 3[g.. ] de composantes g ij, i, j {1, 2, 3}, est symétrique. Elle est inversible puisque (g 1, g 2, g 3 ) est une base et par conséquent l un des triplets (u 1, u 2, u 3 )et(u 1, u 2, u 3 ) permet de déterminer l autre. u 1 u 2 u 3 (1.3)

2 Chapitre 1. Prérequis Définitions. (1.4) Les composantes contravariantes du vecteur u dans la base (g 1, g 2, g 3 ) sont les composantes u 1, u 2, u 3 dans cette base. Elles sont telles que u = u i g i. Les composantes covariantes du vecteur u dans la base (g 1, g 2, g 3 ) sont les coefficients u 1, u 2, u 3 définis par u i u.g i. La convention de notation avec les indices supérieurs et inférieurs est systématiquement adoptée en théorie des tenseurs. Son intérêt, comme on le verra dans la suite, est de permettre une lecture facile et une écriture systématique des formules. Illustrons les notions de composantes contravariantes et covariantes dans le cas de l espace R 2 de dimension deux. On choisit une base (g 1, g 2 )der 2, formée de deux vecteurs normés ( g 1 = g 2 = 1), et on considère un vecteur u quelconque. Sur la figure 1.1 : les composantes contravariantes u 1, u 2 du vecteur u sont les composantes obliques suivant g 1 et g 2. les composantes covariantes u 1, u 2 sont les mesures des projections orthogonales de u sur g 1 et g 2. Figure 1.1 Illustration dans R 2 des composantes contravariantes et covariantes d un vecteur u A travers cet exemple, on constate que les composantes contravariantes et covariantes sont en général distinctes. D après la relation (1.3), la condition nécessaire et suffisante pour qu elles soient identiques est que la matrice [g.. ] soit égale à la matrice identité, c est-à-dire que la base (g 1, g 2, g 3 ) soit orthonormée. Soient un vecteur u de composantes contravariantes u i, covariantes u i,etunvecteur v de composantes contravariantes v i, covariantes v i. Le produit scalaire entre u et v a pour expressions u.v = u i v i = u i v i (1.5) 1.1.2 Base duale Notation. Les composantes de la matrice inverse de [g.. ] sont notées g ij : i, j {1, 2, 3}, g ij ( [g.. ] 1) ij = g ji g ik g kj = δ i j et g ik g kj = δ j i où δ i j (noté aussi δ ij) est le symbole de Kronecker { δ i j = 1 si i = j δ i j = 0 sinon.

1.1. Algèbre tensorielle 3 Théorème et définition. La famille de vecteurs notée (g 1, g 2, g 3 ), définie par g i g ij g j g i g ij g j (1.6) est une base de E. Elle est appelée la base duale de (g 1, g 2, g 3 ). Par opposition, la base (g 1, g 2, g 3 ) est appelée la base primale. On retiendra que la base duale est construite selon la chaîne suivante base primale (g 1, g 2, g 3 ) matrice [g.. ] matrice inverse [g.. ] base duale (g 1, g 2, g 3 ) Le théorème suivant fournit une caractérisation de la base duale, autre que la définition (1.6) : On a la propriété d orthogonalité suivante entre les vecteurs de la base primale et ceux de la base duale : i, j {1, 2, 3}, g i.g j = δ j i Inversement, tout triplet de vecteurs (a 1, a 2, a 3 ) vérifiant g i.a j = δ j i est confondu à la base duale : i {1, 2, 3}, a i = g i. La relation suivante est l homologue de (1.2) : g i.g j = g ij La base duale est en général différente de la base primale, sauf dans un cas spécial : La base primale est orthonormée la base duale est identique à la base primale. 1.1.3 Différentes représentations d un vecteur On a les relations suivantes entre les composantes contravariantes et covariantes d un vecteur u : i {1, 2, 3}, u i = g ij u j, inversement u i = g ij u j Ainsi, on abaisse ou on élève les indices grâce aux matrices g ij et g ij. La relation suivante est l homologue de u i u.g i : i {1, 2, 3}, u i = u.g i Théorème et définition. On peut exprimer un vecteur soit dans la base primale, soit dans la base duale comme suit u u i g i = u i g i (1.7) Ces deux formes sont appelées les représentations contravariantes et covariantes de u. Du théorème précédent, on écrit aussi u (u.g i )g i = (u.g i )g i.

4 Chapitre 1. Prérequis Le produit scalaire entre deux vecteurs u et v peut s écrire de manières différentes u.v = u i v i = u i v i = g ij u j v i = g ij u j v i (1.8) 1.1.4 Résultats liés à l orientation de l espace de dimension 3 Les résultats précédents, écrits dans un espace de dimension 3, peuvent se généraliser au cas d un espace de dimension n finie quelconque, moyennant des changements de notation évidents. En revanche, les résultats dans ce paragraphe ne sont applicables qu à un espace de dimension 3. Comme l espace E est de dimension 3, on peut l orienter et y définir un produit vectoriel. On obtient alors les résultats suivants relatifs au produit vectoriel ou au produit mixte. g 1 g 2 = (g 1, g 2, g 3 ) g 3 g 2 g 3 = (g 1, g 2, g 3 ) g 1 g 3 g 1 = (g 1, g 2, g 3 ) g 2 Inversement g 1 g 2 = (g 1, g 2, g 3 ) g 3 g 2 g 3 = (g 1, g 2, g 3 ) g 1 g 3 g 1 = (g 1, g 2, g 3 ) g 2 (1.9) Les vecteurs g 1, g 2 sont orthogonaux au vecteur g 3, mais ils ne sont en général pas orthogonaux au vecteur g 3, figure 1.2. Figure 1.2 Produit vectoriel de deux vecteurs de la base primale (g 1, g 2, g 3 ) = 1 (g 1, g 2, g 3 ) (1.10) Ainsi, les deux bases primale et duale ont la même orientation. Hypothèse : la base (g 1, g 2, g 3 ) est directe (d après (1.10), ceci équivaut à supposer que la base (g 1, g 2, g 3 ) est directe). Alors (g 1, g 2, g 3 ) = g et (g 1, g 2, g 3 ) = 1 où g det[g.. ] (1.11) g En combinant (1.9) et (1.11), on arrive à g 1 g 2 = g g 3 g 2 g 3 = g g 1 g 3 g 1 = g g 2 Inversement g 1 g 2 = g 3 g g 2 g 3 = g 1 g g 3 g 1 = g 2 g (1.12)

1.1. Algèbre tensorielle 5 1.1.5 Tenseur Définition. (1.13) Un tenseur d ordre p, oùp est un entier non nul, est par définition une forme multilinéaire d ordre p sur E p. Plus précisément, si la forme T T : E E R (u 1,, u p ) T(u 1,, u p ) est un tenseur d ordre p, il vérifie les propriétés de p-linéarité suivantes : (u 1,, u p ) E p, i [1, p], λ R, v E, T(u 1,,λu i,, u p ) = λ T(u 1,, u i,, u p ) T(u 1,, u i + v,, u p ) = T(u 1,, u i,, u p ) + T(u 1,, v,, u p ) (1.14) L algèbre tensorielle est donc l algèbre multilinéaire. On adoptera le système de notations génériques suivant : un tenseur d ordre 1 est noté par une lettre surmontée d une barre, par exemple ā, un tenseur d ordre 2, qui est usuellement noté par une lettre surmontée de deux barres, par exemple T, sera désigné dans ce cours plutôt par une lettre en gras (comme pour les vecteurs), par exemple T, un tenseur d ordre 3 est usuellement noté par une lettre surmontée de autant de barres que l ordre du tenseur, mais pour alléger l écriture on le notera plutôt par une lettre en double trait, par exemple T. La définition (1.13) est intrinsèque dans ce sens qu elle ne fait pas intervenir de base de E. Dans la suite, on va expliciter l image d un tenseur en passant par la base (g 1, g 2, g 3 ) (et sa base duale (g 1, g 2, g 3 )). Théorème et définition. Soit ā un tenseur d ordre 1. On a vecteurs u E, ā(u) = a i u i = a i u i (1.15) où les coefficients a i ā(g i ), i {1, 2, 3}, sont appelés les composantes covariantes du tenseur d ordre 1 ā, et les coefficients a i ā(g i ), i {1, 2, 3}, les composantes contravariantes du tenseur d ordre 1 ā. Les notations a i, a i utilisées ici sont cohérentes avec celles dans la définition (1.4) puisqu on verra plus loin qu elles sont aussi les composantes covariantes et contravariantes d un vecteur a. Les composantes covariantes et contravariantes sont reliées par i {1, 2, 3}, a i = g ij a j. Le tenseur ā est complètement défini lorsqu on connaît toutes les composantes a i ou a i. L énoncé sur un tenseur d ordre 2 est analogue : Théorème et définition. Soit T un tenseur d ordre 2. On a où vecteurs u, v E, T(u, v) = T ij v j u i = T i j v j u i = T i jv j u i = T ij v j u i (1.16)

6 Chapitre 1. Prérequis les coefficients T ij T(g i, g j ) sont appelés les composantes 2-covariantes de T, les coefficients T ij T(g i, g j ) les composantes 2-contravariantes de T, et les coefficients T j i T(g i, g j ), T i j T(g i, g j ) les composantes 1-covariante-1- contravariante ou encore les composantes mixtes de T. Ces composantes sont reliées par : i, j {1, 2, 3}, T i j = g ik T kj T j i = g ik T kj = T ik g kj T ij = g ik T kl g l j = g ik j T k T ij = Ti k g kj = g ik T kl g l j (1.17) Le tenseur T est complètement défini lorsqu on connaît toutes les composantes T ij ou T ij ou T j i ou T i j. L énoncé précédent se généralise facilement à tout tenseur d ordre supérieur, on obtient ainsi par exemple pour un tenseur d ordre 3 : Théorème et définition. Soit T un tenseur d ordre 3. On a vecteurs u, v, w E, T(u, v, w) = T ijk w k v j u i = T i j k w k v j u i = j où par exemple les coefficients T i k T(g i, g j, g k ) sont appelés les composantes mixtes de T. On passe d un type de composantes à l autre par des relations comme T ijk = g im T m jk. Les différents types de composantes d un tenseur diffèrent simplement par la position supérieure ou inférieure des indices. En règle générale, on abaisse ou on élève les indices des composantes d un tenseur d ordre 2 T grâce aux coefficients g ij et g ij : pour descendre un indice contravariant, on utilise g ij : T.... i. = g ij T.... j. pour monter un indice covariant, on utilise g ij : T.... i. = g ij T.... j. L ensemble des tenseurs d ordre p (entier donné), muni de la loi interne addition des applications et de la loi externe multiplication d une application par un scalaire, est un espace vectoriel. Nous allons faire deux conventions de langage qui s avèrent dans la suite très commodes. Convention. Par convention, on dit qu un scalaire est un tenseur d ordre 0. (1.18) Cette convention est un abus de langage car une forme 0-fois linéaire n a pas de sens, contrairement à une forme linéaire ou bilinéaire qui sont parfaitement définies. Comme on le verra au paragraphe 1.1.9, elle permet de dire par exemple que le produit doublement contracté S : T de deux tenseurs d ordre 2 S et T est un tenseur d ordre 2 + 2 2 2 = 0, c est-à-dire que S : T est un scalaire. La deuxième convention s appuie sur le résultat suivant : Théorème et définition. (1.19) (a) Pour tout vecteur a, il existe une et une seule forme linéaire notée ā vérifiant u E, a.u = ā(u). La forme ā s appelle la forme linéaire associée au vecteur a. (b) Pour toute forme linéaire ā, il existe un et un seul vecteur noté a vérifiant u E, ā(u) = a. u. Ce vecteur est a = ā(g i )g i, il s appelle le vecteur associé à la forme linéaire ā.

1.1. Algèbre tensorielle 7 Dans l énoncé précédent, il est licite d utiliser la même lettre a pour le vecteur a et pour le tenseur d ordre 1 ā.eneffet : selon la définition (1.4), a i a.g i est la i-ème composante covariante du vecteur a, selon la définition après (1.15), a i ā(g i ) est la i-ème composante covariante du tenseur ā. et on sait que a.g i = ā(g i ). Le théorème (1.19) conduit à adopter la convention suivante : Convention. Un tenseur d ordre 1 ā sera désigné abusivement par son vecteur associé a. Inversement, un vecteur a sera appelé un tenseur d ordre 1. (1.20) C est ainsi qu on écrira a(u) au lieu de ā(u) : le vecteur a sera confondu avec la forme linéaire E u a.u R et on a l égalité a(u) = a.u où a du premier membre est compris comme une forme linéaire alors que a du second membre est un vecteur de E. Pour aller plus loin, on a besoin du théorème suivant : Un tenseur d ordre p fait correspondre à q vecteurs donnés (q p) un tenseur d ordre p q, dépendant linéairement de chacun des q vecteurs. (1.21) Comme application de ce théorème, on va montrer qu on peut assimiler les tenseurs d ordre 2 à des applications linéaires. Considérons donc un tenseur T d ordre 2. Par définition, T est la forme bilinéaire T : E E R (u, v) T(u, v) (1.22) qui à chaque couple de vecteurs (u, v) associe le scalaire T(u, v). D autre part, considérons l application de E dans E : T(., ) : E E v T(.,v) (1.23) (la première variable de T symbolisée par le point est laissée libre, la seconde variable symbolisée par prend la valeur v). D après le théorème (1.21), pour chaque vecteur v, T(.,v) est un tenseur d ordre 2 1 = 1, c est-à-dire un vecteur d après la convention (1.20). De plus, la bilinéarité de T implique que le vecteur T(.,v) dépend linéairement de v. Ainsi, (1.23) est une application linéaire de E dans E qui à chaque vecteur v associe un vecteur T(.,v) dépendant linéairement de v. D après cette analyse, on peut voir le tenseur T d ordre 2 de deux manières : soit comme la forme bilinéaire (1.22) (on opère sur E E et on arrive dans R), soit comme l application linéaire (1.23), T : v un vecteur dépendant linéairement de v (on opère sur E et on arrive dans E). Ce double point de vue est spécifique aux tenseurs du second ordre, il permet de considérer que les deux terminologies tenseur du second ordre et application linéaire sont synonymes. 1.1.6 Tenseur métrique Définition. Le tenseur métrique est le tenseur d ordre 2, noté g, défini par u, v, g(u, v) u.v (1.24) La notation g utilisée est cohérente avec celles introduites plus haut. En effet :

8 Chapitre 1. Prérequis selon la notation (1.2), on a g ij g i.g j, selon la définition après (1.16), l image de la forme bilinéaire g sur deux vecteurs g i, g j est g ij g(g i, g j ), égale à la composante 2-covariante de g, et on sait que g(g i, g j ) = g i.g j. On verra plus loin que le tenseur métrique est égal au tenseur identité du second ordre noté I. 1.1.7 Produit tensoriel On envisagera deux types d opérations algébriques sur les tenseurs : le produit tensoriel et le produit contracté. Pour les tenseurs d ordre 2, on ajoutera deux opérations supplémentaires : la transposition et l inversion. On va présenter la notion du produit tensoriel sur l exemple des tenseurs S, T et U d ordre 2, 3, et 2, resp., sachant que le raisonnement est généralisable à tout uplet de tenseurs d ordres quelconques. Définition. Le produit tensoriel de S par T, noté S T est le tenseur d ordre 2 + 3 = 5 défini par vecteurs u, v, w, x, y E, (S T)(u, v, w, x, y) = S(u, v) T(w, x, y) (1.25) (l application S T ainsi définie est bien une forme multilinéaire d ordre 5.) (a) L opération produit tensoriel est associative :(S T) U = S (T U), ce qui permet d écrire sans les parenthèses S T U. L image du produit S T U est donnée par (S T U)(s, t, u, v, w, x, y) = S(s, t) T(u, v, w) U(x, y). (b) L opération produit tensoriel est distributive (à gauche et à droite) par rapport à l addition : T (S + U) = T S + T U (S + U) T = S T + U T (c) L opération produit tensoriel n est pas commutative : S T T S. En écrivant le théorème précédent pour les tenseurs d ordre 1 (c est-à-dire les vecteurs), on obtient vecteurs a, b, c, (a b) c = a (b c), ce qui permet d écrire sans les parenthèses a b c. L image du produit a b c est donnée par (a b c)(u, v, w) = (a.u)(b.v)(c.w). En particulier, (g i g j g k )(u, v, w) = u i v j w k. La propriété d associativité se généralise à n importe quel produit tensoriel impliquant plusieurs vecteurs, et on l écrira sans les parenthèses a i a j a q. Le théorème suivant donne les composantes d un produit vectoriel relatives aux vecteurs de base g 1, g 2, g 3 ou leurs duaux g 1, g 2, g 3. Les composantes d un produit tensoriel sont les produits des composantes de chaque tenseur : (S T) ijklm = S ij T klm jkl (S T) i m = S j i T kl m etc. (S T U) ijklmnp = S ij T klm U np (S T U) j l n ikmp = S j i T l kmu n p etc.