Handicap : comment la formation accompagne-t-elle l évolution des pratiques? Organisateurs : Conférence-Débat n 3 Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) & Caisse nationale de solidarité pour l autonomie (CNSA). Intervenants : Paul BLANC, Sénateur des Pyrénées-Orientales, rapporteur de la loi sur le handicap au Sénat ; Patrick GOHET, Délégué interministériel aux Personnes handicapées ; Jean-Robert MASSIMI, Directeur général du CNFPT ; Pierre JAMET, Directeur général du Conseil général du Rhône ; Laurent VACHEY, Directeur de la CNSA ; Stéphane LEBOULER, Chef de mission à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, Ministère de la Santé et des Solidarités. Les débats étaient animés par Vincent LOCHMANN, Rédacteur en chef de Vivre FM. I. Mot de bienvenue (André ROSSINOT) Intégrer le rôle de la formation sur l évolution des pratiques est aujourd'hui porter témoignage du caractère indispensable de la formation et du renforcement de la qualité du service public, ainsi que de la prise de conscience des élus et de leurs équipes au problème du handicap. Le CNFPT a engagé ce travail depuis longtemps, en étroite collaboration avec l Etat, les collectivités territoriales, le Parlement. Cet atelier doit permettre de répondre aux questions : qui former, quand, où, à quoi et pourquoi? II. Quels sont les enjeux et les besoins de formation? (Patrick GOHET) Le CNFPT s est approprié de manière exemplaire la loi du 11 février 2005, qui concerne à la fois les incapacités qu une personne peut porter et les insuffisances de l environnement face au handicap. Aux causes individuelles du handicap, elle répond par une compensation et face aux causes collectives, elle propose des dispositifs d accessibilité Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 1
qui ne se limitent pas aux infrastructures. La politique du handicap, stratégie nationale, s articule autour de trois objectifs : accorder la plus large autonomie possible aux personnes en situation de handicap, favoriser leur insertion la plus complète et encourager la participation. Elle repose sur une méthode, celle de la convergence, clairement précisée dans la loi, à travers la levée des barrières d âge. Ceci rejoint la question de la dépendance et de la perte d autonomie, qui sous-tend les réformes administratives en cours (définition d un cinquième risque et création des Agences régionales de la santé). Pour atteindre ses objectifs, la politique du handicap dispose des trois moyens suivants : sensibiliser aux problématiques du handicap, de la perte d autonomie et de la dépendance former les personnels de la fonction publique : accueillir l usager handicapé, mais également apprendre à travailler avec un collègue handicapé ; évaluer les résultats des initiatives prises. La politique du handicap n est pas une politique de circonstance, mais une politique de société. La formation ne doit donc pas reposer uniquement sur un catalogue de suggestions techniques, mais insister avant tout sur ce préambule. Elle doit mettre l accent sur le projet de vie des personnes handicapées, c est-à-dire sur la place que ces dernières veulent avoir dans la société et donner toute leur place aux personnes handicapées en évitant qu elles ne soient de simples bénéficiaires d un dispositif. III. Qui former? (Paul BLANC) Suite à un premier rapport rédigé avec Nicolas About sur La compensation du handicap, en 2002, Paul Blanc a été rapporteur de la loi sur le handicap au Sénat. Il a récemment rédigé deux nouveaux rapports sur le sujet : le premier concerne La maltraitance dans les établissements médico-sociaux et le second est intitulé Pour suivre la réforme. Le défi que le législateur a essayé de relever est celui de faire changer le regard de la société sur le handicap. La maltraitance est plutôt une absence de bientraitance, car l une de ses principales causes en est l ignorance et le manque de formation. La formation au handicap est donc une nécessité absolue. Elle doit s effectuer à tous les niveaux : à l attention du personnel en charge du soin des personnes handicapées, mais également des responsables des services techniques municipaux qui, par exemple, dessinent des chemins piétonniers et aménagent les lieux publics. La difficulté à former provient en partie de la diversité des handicaps, comme le souligne la loi. Par exemple, un auxiliaire de vie scolaire (AVS) doit avoir reçu une formation adaptée, selon le type de handicap qui affecte l enfant dont il à la charge. De même, un handicap psychique ne se traite pas de la même manière qu un handicap physique. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 2
Les entreprises de plus de 20 salariés ont désormais l obligation de recruter des personnes handicapées. Mais les employeurs en saisissent encore mal les conséquences, alors qu il suffit généralement de mesures simples pour adapter les postes de travail. Lorsqu ils répondent à cette obligation, les employeurs s aperçoivent rapidement que le recrutement de personnel handicapé est une véritable richesse pour leur société, en raison de leur fort degré de motivation. IV. Comment la formation accompagne-t-elle l évolution des pratiques? L action du CNFPT en matière de formation au handicap (Jean-Robert MASSIMI) Le CNFPT s est saisi très tôt de la question du handicap, qui lui est rapidement apparue comme transversale. Il s est rapproché de partenaires investis dans cette problématique. Avec la CNSA, le CNFPT a incité ses directeurs régionaux à se mettre en relation avec les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH). Les formations délivrées par le CNFPT s adressent à tous les publics, à savoir les professionnels du secteur, les agents eux-mêmes handicapés qui cherchent un maintien dans l emploi ou les agents territoriaux concernés par cette problématique, parmi lesquels les DRH qui doivent intégrer le handicap dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières (GPEC). Pour répondre aux demandes très variées des collectivités territoriales, le CNFPT propose différents outils, parmi lesquels un Guide du handicap, qui expose la législation et les enjeux liés au handicap. L action de la CNSA (Laurent VACHEY) La CNSA, créée en 2005, est avant tout une caisse destinée à distribuer les fonds dégagés par la journée de solidarité. La CNSA est également une agence faisant l interface entre les politiques nationales et les opérateurs de terrain qui les mettent en œuvre, au premier rang desquels les Conseils généraux. La CNSA consacre un budget de 80 millions d euros par an à la formation, à destination des personnels travaillant dans le secteur de l aide à domicile gérée par les CCAS et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces dernières ont été créées par la loi du 11 février 2005 en remplacement des anciennes commissions administratives qui attribuaient une subvention : désormais les associations de personnes handicapées sont impliquées dans la gouvernance de ces maisons et jouent un rôle central dans les CDAPH qui attribuent les aides. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 3
La manière dont la collectivité organise le service public d accueil, d évaluation et d orientation au service des personnes handicapées a radicalement changée et les besoins de formation des personnels des MDPH sont très différents de ceux des agents précédents. Les agents doivent désormais être capables d entendre le projet de vie d une personne handicapée, de l évaluer du point de vue multidimensionnel et être en mesure d orienter les dossiers vers les différents services susceptibles d apporter une réponse individualisée. La CNSA propose donc des formations, par l intermédiaire de référents, à l attention des agents des MDPH (accueil et gestion des demandes individuelles). En collaboration avec le CNFPT, elle a également mis en place un système de référencement des formations existantes autour du handicap. La formation au handicap dans le département du Rhône (Pierre JAMET) La formation est nécessaire et indispensable à ceux qui accueillent les handicapés, mais également aux agents chargés, par exemple, de construire des bâtiments. Ils doivent en effet comprendre les handicaps, pour être en mesure de proposer des projets de vie personnalisés. La formation doit tout d abord délivrer une bonne connaissance des différentes formes de handicaps, afin que les personnes formées comprennent l individu dans son environnement familial, économique et social. Ce type de formations devrait être donné massivement. Le second objectif de la formation concerne l accueil, car c est l essentiel de ce que retient un usager des services publics. La loi du 11 février 2005 a intégré les handicaps psychiques : ces derniers sont encore difficiles à intégrer dans les faits, car les handicaps psychiques font peur, ne sont pas continus. Enfin, le troisième objectif est d assurer une formation technique et réglementaire, pour aider les personnels à évaluer avec précision les projets de vie et les degrés de handicap des usagers qui les sollicitent. Ces trois objectifs sont complémentaires. Les handicaps peu visibles de l extérieur sont ceux qui nécessitent le plus de sensibilisation et de formation. L accent doit donc être mis sur la formation à la diversité, afin que les personnes formées puissent évaluer au mieux le type de handicap qui affecte une personne. Quels sont les progrès obtenus par le Conseil général du Rhône? Lors de la promulgation de la loi, il a souhaité former massivement l ensemble des agents qui pouvaient être amenés à être en relation avec des personnes atteintes de handicap. Cependant, il est rapidement apparu que le handicap est une problématique complexe qui ne peut pas être Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 4
traitée globalement : il est préférable de sensibiliser un nombre plus limité d agents et de les spécialiser sur des thématiques précises. Un agent spécialisé auprès des personnes handicapées a donc été posté dans chacune des 180 maisons décentralisées de la MDPH du Rhône. L APF a visité toutes les Maisons du Rhône et les services centraux et n a émis que 7 observations. En l état actuel, le statut juridique des MDPH n est pas parfaitement satisfaisant. Néanmoins, ce dispositif a le mérite d être parvenu à réunir des salariés, des élus et des personnels associatifs autour d une problématique commune. V. Réponse à un cas pratique posé par Vincent LOCHMANN Une MDPH souhaiterait envoyer une partie de son équipe en formation au mois de juillet sur le thème des autismes : elle choisirait un enseignant référant (détaché du Ministère de l Enseignement), le médecin de l équipe (détaché de la DASS), l assistante sociale (issue des services du département) et le président de la commission des droits de l autonomie (représentant associatif) qui serait, par exemple, non voyant. Est-ce possible? Le cas échéant, qui prendrait en charge le coût de cette formation? Pierre JAMET fait observer que les personnels des MDPH sont déjà formés. En revanche, la question de la variété des statuts des personnels se pose. Jean-Robert MASSIMI signale que des accords signés par le CNFPT permettent de dépasser les problèmes de statut. Une étude sur l emploi et les métiers dans les MDPH montre que 60 % des agents sont issus de la fonction publique territoriale, 38 % de la fonction publique d Etat et 2 % de la fonction publique hospitalière. Une convention doit être passée entre le CNFPT et le délégué interministériel pour permettre de financer des formations, financées à partir des FIPHFP, quelles que soient les origines statutaires des agents. VI. Questions/Réponses Geneviève THEBAULT, délégation de l Ile-de-France du CNFPT s interroge sur la possibilité et l utilité de former aux handicaps de manière spécialisée les agents d accueil de premier niveau, afin de renforcer la professionnalisation et la qualité du service public. Pour Pierre JAMET, il n est pas possible de former ces personnels de manière spécialisée. Il est préférable de leur donner une culture générale du handicap leur permettant d éviter les erreurs et d adopter de bons réflexes. L adjointe au Maire de Nancy fait observer que, face à l équipe de maîtrise d œuvre en charge de la mise aux normes des bâtiments publics qui doit être aboutie en 2015 les Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 5
agents ne sont pas suffisamment formés pour rédiger un cahier des charges ou assurer le suivi des chantiers. Selon Jean-Robert MASSIMI, un programme est prévu pour accompagner les collectivités territoriales sur ces questions transversales. Patrick GOHET indique que les communes de plus de 3 500 habitants sont tenues de constituer une commission d accessibilité. Elles n ont pas toutes remplies cette obligation, car redoutent parfois que la commission ne les dévore. En réalité, la discussion entre les représentants de la collectivité et les associations d handicapés permet de mieux comprendre les attentes des uns et les contraintes des autres. Par ailleurs, un texte fixant des échéances pour la réalisation des diagnostics d accessibilité devrait être publié très prochainement. Enfin, avec l Ordre des architectes, la délégation interministérielle aux personnes handicapées prépare un dispositif de sensibilisation des architectes à ces questions. Un intervenant du Conseil général du Gard estime que le management est moins démuni face aux handicaps physiques qu aux problèmes psychologiques des agents. La souffrance humaine peut être très difficile à gérer au quotidien au sein d une équipe. Paul BLANC approuve cette observation et reconnaît que l entourage professionnel doit être formé à la gestion du handicap psychique sur le long terme. VII. Quel dispositif de formation dans le champ du Cinquième risque? (Stéphane LEBOULER) Un groupe de travail a été constitué par le CNFPT pour étudier les enjeux de l avènement d un Cinquième risque en matière de formation du personnel en charge de cette politique. Il s est attaché à décrire les fonctions nécessaires dans le management des collectivités pour prendre en charge les personnes handicapées. Les personnels concernés sont les agents de contact des personnes âgées et handicapées et des personnels au sein des collectivités. Cependant, l hôpital, le secteur médico-social, voire le domicile, sont en concurrence, ainsi que les métiers entre eux. Les métiers de la petite enfance, du handicap et du grand âge représenteront 7 % de l emploi total en 2015. Ils sont particulièrement attractifs, mais les formations qui y conduisent sont également en concurrence. Pour les professionnels de contact et l encadrement intermédiaire les enjeux de la formation au handicap sont le plan de l aide à domicile, le développement de l attractivité des métiers, la diversification des parcours, le management des équipes et le développement territorial, ceci à travers les ENACT et l INET. Par ailleurs, un cycle de formation de haut niveau à l INET devrait être dédié au management du Cinquième risque. Enfin, les partenariats en matière de formation continue, de recherche et d expertise et les transferts d expériences devraient être renforcés. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 6