Dossier réalisé par Marie-Christine Ben Hadj Yahia, Marie Bouazzi, Jeanne Ladjili Constitution tunisienne La loi constitutionnelle n 2002-51 du 1 er juin 2002 ajoute notamment à l article 5 de la Constitution le paragraphe 1 : «La République tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l Homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante», ainsi que les paragraphes 2 et 3 qui affirment les principes de l État de droit et du pluralisme, et ceux de la solidarité et de la tolérance entre les individus, les groupes et les générations. Nationalité L article 6 du Code de la nationalité modifié par la loi n 93-62 du 23 juin 1993 permet aux enfants nés à l étranger de mère tunisienne et de père non tunisien de jouir de la nationalité de la mère après «déclaration conjointe des père et mère». Grâce à la modification apportée par la loi n 4/2002 du 21 janvier 2002, la seule déclaration de la mère est suffisante si le père est décédé, disparu, ou s il a perdu sa capacité juridique. Rappelons que l enfant né à l étranger de mère tunisienne devient tunisien par déclaration, s il 1 / 8
le désire, au moment de sa majorité ; que l enfant né en Tunisie de mère tunisienne est tunisien ; et que l enfant de père tunisien est tunisien, quel que soit son lieu de naissance. Les biens des Français en Tunisie Les biens agricoles ne peuvent pas être acquis par des étrangers en Tunisie. L acquisition de t out autre bien immobilier est possible mais elle est soumise à l autorisation du gouverneur (sauf dans le cas d un bien indivis entre deux époux ayant choisi le régime de la communauté, voir ci-dessous). Il faut noter que depuis la promulgation de la loi n 98-104 du 18 décembre 199 8 [1], complétée en 2003 et en 2004 par des circulaires internes, les ressortissants français sont dispensés de l autorisation du gouverneur pour la vente de leurs biens, qu ils aient été acquis avant ou après 1956. Le transfert du produit de la vente peut se faire normalement suivant la procédure fixée par les accords franco-tunisiens en la matière. Régime de communauté des biens entre époux Par la loi n 98-94 du 9 novembre 1998 est institué le régime de la communauté des biens entre époux. C est un «régime facultatif pour lequel les époux peuvent opter au moment de la conclusion du contrat de mariage ou à une date ultérieure.» Il a pour but «de rendre un immeuble ou un ensemble d immeubles propriété indivise entre les époux lorsqu ils sont propres à l usage familial». 2 / 8
L «officier public» (représentant du maire si le mariage est célébré à la municipalité, notaire si célébration à domicile) pose la question aux futurs époux au moment du mariage et mentionne leur réponse dans le contrat. Si l accord intervient postérieurement à la date du mariage (sont concernés notamment les époux mariés avant la loi de 1998) il doit être conclu devant notaire et enregistré ensuite à l état civil. Sont considérés comme biens communs «les immeubles acquis après le mariage ou après la conclusion de l acte de communauté à moins que leur propriété n ait été transférée à l un d eux par voie de succession, donation, ou de legs, et à condition qu ils soient destinés à l usage familial [ ]». Ne sont pas considérés comme tels «les immeubles affectés à un usage purement professionnel.» Les époux peuvent «convenir de l élargissement du domaine de la communauté à condition d en faire mention expresse dans l acte». Dans le cas d un accord sur la communauté des biens conclu postérieurement à l acte de mariage, «les époux peuvent, par stipulation expresse dans l acte, englober dans la communauté les immeubles acquis à partir de la date de la conclusion du mariage». Dans tous les cas, l accord peut porter «sur tous leurs immeubles y compris ceux acquis avant le mariage et ceux provenant d une donation, d une succession ou d un legs [ ]». La loi est claire et ne fait aucune exception. La nationalité étrangère de l un des conjoints n es t pas un empêchement à son application. Elle permet donc en principe d enregistrer à la conservation foncière des propriétés indivises d immeubles servant à l usage familial sans qu il soit besoin de l autorisation du gouverneur. Cependant, aucun enregistrement de ce type n a été effectué jusqu à présent. L une des causes en est probablement qu il n y a pas eu de demandes, par absence d information des couples concernés. Si vous souhaitez enregistrer un bien dans ce cadre, et en cas de difficultés, contactez un avocat 3 / 8
pour obtenir l application de la loi. Vous pouvez également procéder hors du cadre de cette loi de la manière suivante : après avoir signé la promesse de vente au nom des deux époux (ce qui est toujours possible), vous pouvez signer le contrat d achat au nom du conjoint tunisien et l enregistrer immédiatement à ce nom. Une fois obtenue l autorisation du gouverneur pour l autre conjoint, vous pourrez régulariser l enregistrement sans frais auprès de la conservation foncière. Par ailleurs signalons que si les deux époux n ont pas la même nationalité, la loi française et la loi tunisienne appliquent le principe «du premier domicile conjugal» c est-à-dire que, dans la plupart des cas, le régime matrimonial appliqué au couple, en Tunisie et en France, est celui du pays où a été célébré le mariage. Mais ces questions sont extrêmement complexes (voir encadré) et il est indispensable que les personnes concernées s informent auprès des services du Consulat de France en Tunisie et se fassent conseiller par un avocat spécialiste de droit international privé (le notaire du consulat voit son rôle limité par le fait qu il lui est interdit de donner des conseils sur l opportunité des actes qui sont soumis à sa signature). Nom patronymique des enfants nés hors mariage, abandonnés ou de filiation inconnue Par la loi n 98-75 du 28 octobre 1998, la mère qui a la garde d un enfant mineur dont la filiation est inconnue doit lui attribuer un prénom et son propre nom patronymique. Ou bien, elle peut saisir le tribunal de 1 ère instance pour l attribution à l enfant du nom du père après une recherche en paternité. Si par l aveu, par le témoignage ou par des tests ADN la paternité est établie, le juge donne à l enfant le nom patronymique du père. En conséquence, le père doit à l enfant mineur la pension alimentaire ; il exerce un droit de tutelle et jouit d un droit de garde dans les conditions prévues par la loi. 4 / 8
La loi n 51-2003 du 7 juillet 2003 modifie la loi n 98-75 de 1998 afin de garantir la jouissance par les enfants nés hors mariage d un acte de naissance identique à celui de l enfant né dans le cadre du mariage. A cet effet, si, dans un délai de six mois suivant l accouchement, l enfant n a pas encore de nom de père, la mère célibataire est tenue saisir le tribunal de 1 ère instance où a été enregistré l acte de naissance afin de donner à l enfant un nom de père et de grand père, ainsi qu un nom de famille qui sera obligatoirement celui de la mère. Obligations réciproques des époux Par la loi n 93-74 du 12 juillet 1993 modifiant l article 23 du Code du statut personnel, les père et mère coopèrent pour la conduite des affaires de la famille, la bonne éducation des enfants, la gestion des affaires de ces derniers y compris l enseignement, les voyages et les transactions financières. L une des conséquences de cette loi est que la mère peut insérer sur sa déclaration d impôts les enfants qui sont à la charge du couple. Certaines difficultés subsistent cependant dans l application de la loi. Ainsi par exemple lorsque la mère désire effectuer un retrait sur un compte épargne au nom d un de ses enfants, ou lorsqu elle se présente pour lui faire faire un passeport, il arrive que l autorisation du père continue à être demandée, en contradiction avec la loi. Juge de la famille L article 32 du Code du statut personnel modifié par la loi n 93-74 du 12 juillet 1993 institue le «juge de la famille» dans le but de tenter de réconcilier les époux en instance de divorce. 5 / 8
Celui-ci est chargé de veiller à la protection des droits des personnes en instance de divorce. Par exemple, lorsque l une des parties est absente à une audience, le juge de la famille peut renvoyer l affaire à une date ultérieure afin de s assurer que la convocation parvienne effectivement à toutes les parties. Quand il y a des enfants mineurs, le juge doit organiser trois audiences de conciliation et recourir à tous les moyens pour réconcilier les époux. Le cas échéant, il ordonne toutes les mesures urgentes à prendre relatives à la résidence des époux, la pension alimentaire, la garde des enfants et le droit de visite. Emancipation par le mariage La Constitution donne la majorité à la personne âgée de 20 ans accomplis. Cependant, en vertu de l article 153 du Code du statut personnel modifié par la loi n 93-74 du 12 juillet 1993, le mariage de l enfant mineur l émancipe quand il a plus de 17 ans, pour ce qui a trait à son statut personnel et à la gestion de ses affaires civiles et commerciales. Pension alimentaire due à l enfant par les parents En vertu de l article 46 du Code du statut personnel modifié par la loi n 93-74 du 12 juillet 1993, l enfant a droit à la pension alimentaire jusqu à l âge de la majorité, ou jusqu à la fin de ses études à condition qu il ne dépasse pas l âge de 25 ans. Cependant la fille continue à avoir droit à la pension alimentaire tant qu elle ne dispose pas de ressources propres ou qu elle n est pas à la charge d un mari. Nationalité et religion En principe, relativement à l octroi de la nationalité, le Code de la nationalité n établit aucune 6 / 8
relation entre la religion et la nationalité. L article 23 du Code de la nationalité, qui limite les conditions d octroi de la nationalité : «Nul ne peut être naturalisé s'il n'est majeur ; s'il ne justifie d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue arabe ; s'il n'est reconnu être sain d'esprit ; [ ]», ne place pas la religion parmi les conditions d acquisition de la nationalité. De plus, la liberté de conscience est garantie par la Constitution. Cependant, dans la pratique quotidienne, certaines personnes font des confusions entre la religion et la nationalité. Pendant longtemps le père a été le chef de la famille et, même si la mère a maintenant des responsabilités dans la famille, le père est souvent considéré comme transmettant son nom, sa nationalité et sa religion à ses enfants. Ainsi la jurisprudence lie souvent la religion à la filiation les enfants d un homme musulman sont présumés musulmans, sans considération de leurs choix personnels et, dans la jurisprudence, la religion intervient dans l exercice de certains droits, notamment en matière de mariage d une musulmane avec un non musulman, de garde des enfants en cas de divorce, et de succession [2]. Il est à noter que la jurisprudence concernant ces questions est contradictoire et que plusieurs jugements ont été rendus dans le sens opposé. En cas de difficultés, contactez un avocat pour obtenir le respect de vos droits et de votre liberté de conscience. Suite de ce dossier, comprenant les questions de : - la succession, en droit tunisien et en droit français, - l acquisition de la nationalité, en droit tunisien et en droit français, 7 / 8
en préparation. [Haut] [1] Voir nos numéros Contact de janvier 1999 («hiver 99») et d automne 1999, que nous pouvons vous envoyer sur demande. [2] Voir notre numéro Contact d automne 1999, que nous pouvons vous envoyer sur demande. Voir aussi Héritage et différence confessionnelle. Dernière mise à jour : ( 27-11-2008 ) 8 / 8