ÉCONOMIE RECHERCHE ÉCONOMIQUE 1 janvier 16 N 39 Peut-il y avoir tentation de sortie de la zone euro et sortie de l euro? Des pays de la zone euro peuvent être tentés de sortir de l euro et de dévaluer fortement leur devise : - si la dévaluation interne n a pas suffi à rétablir la compétitivité et à redresser l économie (Grèce, mais pas,, ) ; - s il y a rejet des coûts liés à la dévaluation interne (,,?). Mais il y a une forte différence entre tentation de sortie et sortie de l euro ; les coûts liés à la sortie sont en effet insupportables : - hausse des taux d intérêt ; - hausse de la valeur dans la nouvelle devise des dettes extérieures en euros ; - hausse des prix des importations, pour lesquelles il n y a plus de substitut domestique. On aura donc probablement dans certains pays un débat sur la sortie de l euro, mais pas de sortie de l euro. Rédacteur : Patrick ARTUS
Dans quels pays de la zone euro peut-il y avoir tentation de sortie de la zone euro et de dévaluer? Pour qu un pays de la zone euro ait la tentation de sortir de la zone euro et de dévaluer, il faut : - qu il ait un problème de compétitivité-prix ; - qu il ne puisse pas ou ne veuille pas corriger ce problème par une dévaluation interne (par une baisse des coûts salariaux). 1- L, le et l ont mené depuis 9 des dévaluations internes, avec une baisse des salaires, des coûts salariaux unitaires (graphiques 1a/b). Graphique 1a Salaire nominal par tête ( en :1) Graphique 1b Coût salarial unitaire ( en :1) 1 16 1 16 13 13 13 13 1 1 1 1 1 1 11 11 1 1 La compétitivité-coût de ces 3 pays est maintenant bonne, comme le montrent la croissance des exportations (graphique a), de l investissement (graphique b), le retour de la croissance et de la hausse des emplois (graphiques 3a/b). 1 Graphique a Exportations de biens et services (volume, en :1) 1 7 Graphique b Investissement productif (volume, en :1) 7 16 16 1 1 1 1 17 1 17 1 7 7 Flash 16 39 -
Graphique 3a Croissance du PIB (volume, GA en %) Graphique 3b Emploi total (GA en %) 1 1 3 3 3 3-3 - Sources : Datastream, Sources Nationales, NATIXIS -1-3 - -1-3 - Sources : Datastream, Sources Nationales, NATIXIS -1-3 - -1 On ne voit donc pas pourquoi l, le et l seraient tentés de sortir de la zone euro et de dévaluer. - La Grèce a aussi mené une dévaluation interne (graphique a), mais sans effet durablement positif sur son économie (graphiques b/c). Ceci est dû probablement à l affaiblissement très important de l appareil productif en Grèce, avec la chute de l investissement (graphique b), la destruction de capacités de production (graphique d), l absence de secteur fort (en dehors du tourisme) qui profiterait de la baisse des coûts salariaux. Graphique a Grèce : salaire nominal par tête et coût salarial unitaire ( en :1) Graphique b Grèce: exportations et investissement productif (volume, en :1) 17 16 1 1 13 1 Salaire nominal par tête Coût salarial unitaire 17 16 1 1 13 1 1 16 1 1 Exportations Investissement productif 1 16 1 1 11 11 6 6 Flash 16 39-3
Graphique c Grèce: croissance du PIB et emploi (GA en %) PIB volume Graphique d Grèce: capacité de production manufacturière* ( en :1) Emploi total 11 11 1 1 - - -6 - - -6 9 (*) Production manufacturière / Taux d'utilisation des capacités manufacturières 7 9 7 La Grèce pourrait donc être tentée de sortir de la zone euro et de dévaluer fortement, pour réattirer des investissements par des coûts extrêmement faibles, ce que la baisse des salaires ne peut pas apporter. 3- La et l ont un problème de compétitivité-coût. Le graphique montre que le coût salarial unitaire de l industrie est, en et, légèrement inférieur à celui de l Allemagne, mais avec un niveau de gamme nettement plus bas en et en qu en Allemagne.,,7,7,6,6, Graphique Niveau du coût salarial unitaire dans l'industrie manufacturière Allemagne (*) Masse salariale y c. charges sociales / valeur ajoutée en volume,,7,7,6,6,,,,, Le coût salarial unitaire est beaucoup plus élevé en et en qu en, avec des niveaux de gammes assez voisins. Le niveau trop élevé des coûts salariaux unitaires en et en, compte tenu du niveau de gamme de la production explique aussi la faiblesse de l investissement des entreprises (graphique 6a), la poursuite du recul de la capacité de production de l industrie (graphique 6b). Flash 16 39 -
Graphique 6a Investissement productif (volume, en :1) Graphique 6b Capacité de production manufacturière ( en :1) 13 13 11 11 1 1 1 1 11 11 9 9 9 9 Sources : Datastream, BdF, Banca d'italia, NATIXIS En et en, il y a manifestement rejet de la dévaluation interne, avec la poursuite de la hausse des salaires (graphiques 7a/b) malgré le problème de compétitivité. 1 13 13 Graphique 7a Salaire nominal par tête ( en :1) 1 13 13 11 11 Graphique 7b Salaire réel par tête déflaté par le prix conso des ménages ( en :1) 11 11 1 1 19 19 16 16 11 1 11 1 13 97 13 97 De ce fait, la et l (ou du moins certains partis politiques en et en ) pourraient être tentées de sortir de la zone euro et de dévaluer. Il y a loin de la tentation de sortir de la zone euro à la sortie de la zone euro Mais il y a une grande différence entre être tenté de sortir de la zone euro et sortir effectivement de la zone euro, compte tenu des coûts énormes qu impliqueraient la sortie de la zone euro et la dévaluation. Un pays de la zone euro qui sortirait de la zone euro : - ne bénéficierait plus de la mutualisation partielle du risque souverain assuré par la BCE, par l ESM ; subirait un risque de change lié à la dépréciation de sa devise par rapport à l euro : il aurait donc des taux d intérêt à long terme nettement plus élevés qu aujourd hui (graphiques a/b/c) ; Flash 16 39 -
Graphique a Taux d'intérêt à 1 ans sur les emprunts d'etat (en %) Graphique b Taux d'intérêt à 1 ans sur les emprunts d'etat (en %) 6 6 1 16 1 1 1 6 Graphique c Grèce : taux d'intérêt à 1 ans sur les emprunts d'etat (en %) 1 16 1 1 1 6 3 3 1 1 - subirait une hausse insupportable de la valeur dans sa monnaie de sa dette extérieure (graphique 9), qui est aujourd hui essentiellement en euros, en raison de la dépréciation de son taux de change ; Graphique 9 Dettes extérieures brutes (en % du PIB valeur) Grèce 1 6 1 6 Sources : Datastream, Eurostat, CSO Ireland, NATIXIS 3 6 7 9 1 11 1 13 1 1 Flash 16 39-6
- subirait la hausse du prix de ses importations, puisqu avec la «segmentation de la chaîne de valeur» (la segmentation entre différents pays des processus de production), il n y a plus de substitut produit domestiquement aux produits importés. On a vu récemment que la dépréciation de l euro depuis 13 faisait monter les prix des importations de la zone euro (hors énergie, puisqu il y a eu en même temps baisse du prix du pétrole) mais ne réduisait pas le volume des importations de la zone euro (graphiques 1a/b). Graphique 1a Zone euro : prix des importations hors énergie et taux de change du dollar contre euro Graphique 1b Zone euro : importations volume hors intra, 1, 1,6 1, 1, 1, Taux de change du dollar contre euro (1 =...$, G) Prix importations hors énergie (GA en %, D), 1 1-1 13 13 1 11 1 9 en :1 (G) GA en % (D) 3 3 1 1-1 -1 - Synthèse : un débat sur la sortie de l euro mais pas de sortie de l euro Dans certains pays (Grèce), la dévaluation interne n a pas produit les résultats attendus (redressement des exportations, des investissements, de l emploi) ; d autres pays (, ), la compétitivité-coût est dégradée et la dévaluation interne est rejetée. Dans tous ces pays, il est donc normal qu il y ait un débat sur la sortie de l euro et la dévaluation. Mais ce débat n annonce pas la sortie de l euro car tout le monde est conscient des coûts considérables qu elle entraînerait : - hausse forte des taux d intérêt à long terme ; - hausse insupportable de la valeur en monnaie nationale de la dette extérieure en euros ; - hausse des prix des importations dont le volume est incompressible. Flash 16 39-7
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