COMPTE PERSONNEL DE FORMATION : ET SI L ON FAISAIT EN SORTE QUE CELA FONCTIONNE?



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Transcription:

COMPTE PERSONNEL DE FORMATION : ET SI L ON FAISAIT EN SORTE QUE CELA FONCTIONNE? L arbre de la communication, un million de comptes activés, ne peut cacher la forêt, ou plutôt le désert dans lequel s est enlisé le compte personnel de formation. Environ 150 dossiers financés en trois mois c est un bilan qui dénote un blocage quasi- intégral du dispositif nous conduisant à passer brutalement de 60 000 entrées par mois en formation (dans le cadre du DIF) à quasiment 0. Le CPF n est pas tout nous répond- on et les autres dispositifs sont là, pendant la phase de démarrage qui n est pas anormale au vu des changements initiés par la réforme. Ce serait vrai si la réforme n avait porté que sur la substitution du CPF au DIF. Mais en défiscalisant les plans, déstabilisant les OPCA, remettant en cause les conditions d accès aux financements (périodes de professionnalisation), c est en réalité l ensemble du système d accès à la formation des salariés qui se trouve affecté en ce début d année, l incompréhension et les blocages sur le CPF alimentant l attentisme et la prudence des entreprises. Le point zéro auquel se trouve le CPF créé de fait les conditions d un cercle très peu vertueux. I. POURQUOI UN TEL BLOCAGE? Si le calendrier fait inévitablement partie des raisons du lancement raté, il serait dangereux de brandir l étendard du temps comme cause principale, voire exclusive, des difficultés constatées. Car cela reviendrait à nier des incohérences de conception qui risquent d entacher durablement le développement du dispositif. On peut en citer 3 qui concentrent l essentiel des difficultés. 1. Le tout certification Le choix a été fait de conditionner l usage du compte personnel de formation à l obtention d une certification. Avec un double objectif : le premier est de favoriser la traçabilité des compétences acquises et la possibilité pour leurs titulaires de les faire reconnaître ; le second, plus implicite, est qu une formation conduisant à une certification présente, a priori, 1

plus de garanties en matière de qualité que les autres, ce qui reste largement de l ordre du présupposé. Et peut être peut- on rajouter une troisième idée sous- jacente : celle de réguler enfin le marché de la formation par la certification des formations avant d enchaîner sur la certification des organismes de formation, ce dont est porteur le décret à venir sur la qualité. Ce choix du «tout certifiant» a été fait sans considération de la réalité et d un état des lieux en la matière. L incapacité de la CNCP a mettre en place l inventaire des certifications non diplomantes depuis 2009, le temps d appropriation nécessaire des processus de certification par les branches professionnelles (toutes n ayant pas les pratiques de la métallurgie ou de la réparation et du commerce automobile dans ce domaine) et la méconnaissance de ces mêmes processus par une large part du marché de la formation mais aussi des entreprises, tout concourrait à ce que ce choix nécessite un temps de mise en œuvre étalé dans le temps et rende illusoire l objectif d un système opérationnel au 1 er janvier 2015. On pourrait ajouter que le texte législatif lui- même, n est pas exempt de reproches en ce domaine : en parlant de listes de formations qui sont en fait des listes de certifications, il créé une ambiguïté qui se traduit par le fait que certains OPCA indiquent aux entreprises qu ils ne financeront que la formation et pas la certification, alors que d autres affirment ne pouvoir financer que la certification et pas la formation. Il est urgent dans ce domaine, tout à la fois d avoir une approche commune et peut être de retrouver le sens de l intérêt général. 2. Le tout «outil» Pour favoriser l égalité des salariés, toutes les entreprises n ayant pas géré de la même manière le DIF, et la transférabilité des droits, il a été décidé d externaliser la gestion du compte personnel de formation dans un système d information confié à la Caisse des dépôts et consignations qui a tenu l objectif principal fixé : ouvrir le portail le 1 er janvier 2015. Dans tout projet d ampleur qui nécessite le développement d un outil informatique on rencontre cet écueil : éviter la dictature de l outil qui déploie sa propre logique au détriment de celle du projet, et résister à la tentation de l exhaustivité (tous les cas doivent être prévus et gérés par l outil) qui conduit souvent à l embolie par croissance exponentielle de la complexité. Du système Socrate qui devait gérer nominativement tous les voyageurs de la SNCF au dossier informatisé du patient dans notre système de santé, la liste est longue des échecs de la gestion exclusive par l outil de mécanismes complexes. D autant que la recherche de l exhaustivité, associée à un calendrier court, conduit à négliger les questions pourtant essentielles de l opérationnalité. Ainsi, sans empathie pour l utilisateur, on se retrouve : - avec un système qui reproduit le défaut majeur du RNCP : les formations sont accessibles uniquement par requête, la base n est jamais consultable moyennant quoi il est impossible de savoir si l on a bien eu accès à l intégralité de ses droits (pour ne rien dire de l ergonomie du système qui vous propose de parcourir 230 pages avec 4 certifications par page pour savoir ce que vous pouvez faire ) ; 2

- - des informations qui oscillent entre communication institutionnelle et informations promotionnelles, sans jamais s inscrire dans une logique d utilisateur. Ainsi, on informe que sur l existant mais pas sur les questions clés : pourquoi alors que le CPF est plafonné à 150 heures je ne trouve que des diplômes nécessitant entre 400 et 800 heures de formation sur le site? est- ce que lorsque j ai validé mon projet de formation la demande est transmise directement à l OPCA qui finance? puis- je m adresser à tous les organismes qui préparent à la certification que je vise? est- ce que le coût de la formation peut être un obstacle à mon projet? où trouver les barêmes de financement de la formation que j ai choisie? sans parler de la remarque facile : quelle solution alternative au portail pour celui qui souhaite s inscrire sur une formation du socle de compétences pour maîtriser le B- A BA de la bureautique? (évidemment la réponse institutionnelle : vous utilisez votre CEP ne peut être tenue pour satisfaisante en ce qu elle suppose une étape préalable d accès à l information plus proche et plus immédiate, le rôle de l entreprise ayant été totalement oublié dans ce domaine) ; une impossibilité évidente à traiter certaines questions par l outil, mais que l on renonce à afficher comme une limite qu il conviendrait de traiter ailleurs: le rattachement d un salarié et de son entreprise à l OPCA par exemple. Lorsque l on demande à un salarié son secteur de rattachement et qu on lui présente les formations correspondantes, comme savoir si le salarié a donné un secteur d activité générique, la convention collective appliquée (alors que le rattachement à l OPCA se fait sur la base de la CCN applicable) et pour les secteurs relevant de l interprofession comment donner une liste interprofessionnelle d OPCA (qui tient lieu de liste de branche) au salarié si l on ne sait pas si son entreprise a fait le choix d OPCALIA ou de l AGEFOS- PME? l approche formelle et descendante conduit à occulter cette question pourtant essentielle, car il ne s agit pas de raisonner sur le principe du rattachement des listes à un secteur, mais sur le droit du bénéficiaire à pouvoir accéder de manière fiable à son droit et à son financeur. De manière très concrète, simple et immédiate. Comme souvent, l ambition de raisonner sur une architecture globale, à laquelle conduit l approche outil, revient à se concentrer sur des questions secondaires au regard de la fonctionnalité immédiate et à privilégier la vision descendante à la construction progressive de solutions à partir de besoins remontants. A quel moment les utilisateurs ont- ils été associés à la démarche et à la conception de l outil? 3. Les circuits opérationnels Au plan des principes, le CPF est relativement simple : un droit à la formation proportionnel au temps de travail, un choix individuel encadré collectivement (listes) et un financement automatique par l OPCA dès lors que la demande est conforme (formation choisie éligible, nombre d heures suffisant). Sur cette base, il est aisé de comprendre que le succès du dispositif repose sur deux lisibilités : les formations éligibles et l accès au financeur qui, au final, prend la décision. 3

Or, cette question opérationnelle n a pas été traitée et souffre de deux vices de conception : - le premier a trait aux OPCA. Ils sont chargés de financer un droit individuel alors que l intégralité de leurs missions est tournée vers l entreprise et qu ils ne sont pas (à l exception bien évidemment des structures qui cumulent les qualités d OPCA et d OPACIF) les interlocuteurs des salariés. Ce qui oblige le bénéficiaire à passer par un intermédiaire pour accéder à l OPCA : soit l entreprise, soit un OPACIF sans que cela ne soit rendu explicite dans l information officielle et parfois à la grande surprise des entreprises à qui on a expliqué que tout le système était géré à l extérieur. Reste qu il faudra bien résoudre cette question : comment garantir l investissement des OPCA dans le développement du dispositif dès lors qu ils se refusent à mobiliser des moyens pour la relation individuelle avec les bénéficiaires. Et plus fondamentalement, comment confier le financement du CPF aux OPCA sans remettre en cause le Yalta qui voudrait que l OPCA s occupe des entreprises et les OPACIF des individus? ; - le second repose sur la déconnexion entre le système de gestion des droits et le système de financement. Alors que la réforme de la formation postulait que la complexité du système n était pas un problème dès lors qu elle était absorbée par les professionnels et n était pas répercutée sur les bénéficiaires, cet objectif qui devrait guider chacune des décisions des acteurs en charge de la formation professionnelle, a manifestement été perdu de vue. Car comment expliquer que le dispositif de gestion des droits est totalement déconnecté du système de financement alors que l efficacité de l articulation constitue la clé du succès? Peut être au final, faut- il voir là une des raisons principales de l échec du démarrage du CPF, car sauf à se payer de mots, il faut bien prendre acte d un lancement manqué. II. ALORS QUE FAIRE? Un diagnostic n a de sens que s il débouche sur une dynamique. A partir des obstacles recensés, est- il possible de prendre des décisions opérationnelles qui peuvent avoir des effets positifs immédiats? la réponse est oui, à condition que chaque décision ne soit pas pesée à l aune des développements futurs du système ou de ce que devrait être son mode de fonctionnement et sa configuration idéale. L exemple des formations en langues, rendues éligibles en moins de 10 jours suite à la pression médiatique des organismes de formation du secteur, montre bien que si une volonté partagée existe, alors les solutions aussi. Techniquement, que serait- il possible de faire? cinq décisions pourraient permettre de débloquer le dispositif dans l intérêt des bénéficiaires : 1. Rendre possible et explicite la modularisation des certifications RNCP La réponse à la question : comment je fais avec 150 heures maximum pour suivre une formation de 600 heures n est évidemment pas principalement dans les politiques d abondement qui trouvent difficilement à se mettre en place, et que la position de la DGEFP qui estime que les abondements ne peuvent être pris sur le 0,20 % ne va pas faciliter. Elle est dans la possibilité immédiate de suivre des modules de certification et la communication massive sur le portail du CPF de cette possibilité. Elle pourrait être 4

assujettie, si on veut éviter des modularisations artificielles, à une condition simple, alignée sur les règles applicables en matière de professionnalisation : que le module fasse au moins 70 heures pour que le bloc de compétences acquis ait une consistance suffisante, quand bien même l ingenierie de la modularisation n aurait pas été faite au moment de l inscription au RNCP. 2. Inscrire rapidement à l inventaire et sur la LNI les certifications les plus usitées La démarche exceptionnelle qui a été mise en place pour les certifications en langues devrait être généralisée pour gérer la liste des demandes dont est saisie, ou va être saisie, la CNCP suite à l ouverture de la procédure d inscription des certifications à l inventaire. L ordre d examen des certifications devrait tenir compte de ce que sont les demandes effectives des salariés. Lorsque l on voit la première liste publiée le 6 février dernier on s aperçoit que l intérêt des bénéficiaires n a pas guidé le choix des inscriptions. Il y a urgence pour ce qui concerne la bureautique, notamment, et l on pourrait ici se reporter aux domaines de formation les plus usités (sécurité, santé, informatique, etc.). Quant au travail de la CNCP, après la tenue de la session du 6 février 2015 on pensait que son rythme d enregistrement allait être soutenu, force est de constater qu il n en est rien et si dans ce domaine les moyens manquent, ce qui ne peut tenir lieu d éternel alibi, trouvons les procédures qui permettent d enregistrer a priori et de retirer ensuite si nécessaire au nom du principe selon lequel il vaut mieux que les formations se fassent, au risque que quelques unes ne soient pas satisfaisantes, plutôt que de viser la sécurité absolue et de l atteindre au prix d un blocage qui ne l est pas moins (absolu). 3. Faire un lien entre le système de gestion des droits et le financement Il est urgent que le portail du CPF explicite clairement le système de financement et établisse un lien entre le bénéficiaire et l OPCA financeur. Tant que ce chaînon manquant ne sera pas rétabli : - soit on reproduira les inégalités du DIF (le salarié dépendant du bon vouloir de l employeur qui l accompagne ou non vers l OPCA) ; - soit on maintiendra le blocage avec des milliers de projets saisis sans traitement ultérieur alors que le bénéficiaire pense peut être qu il en va autrement. A cet effet, il faudrait que les informations fournies sur le site s affranchissent d une certaine communication institutionnelle pour se placer dans une logique de démarche opérationnelle que l on souhaite accompagner. Et si l on attend que tous les OPCA soient interfacés avec le SI de la Caisse des dépôts (ce qui ne règle d ailleurs pas la question du rattachement de chaque demande indvidiuelle à un OPCA), alors annonçons clairement que le CPF ne fonctionnera pas en 2015 mais en 2016. 5

4. Rappeler quelques principes de gestion que les OPCA respectent Tout dispositif nouveau construit, en se mettant en place, des réponses aux questions posées par les utilisateurs. Et qu il y ait quelques soubresauts dans la carburation ne remet pas en cause fondamentalement la qualité du moteur. Certes. Mais encore faut- il que l essentiel soit assuré et que l on tire les conséquences de la notion de droit personnel. Si le CPF est un droit de l individu, il doit pouvoir dialoguer avec le financeur, avoir la garantie de ne pas être soumis à l arbitraire et disposer de moyens de recours en cas de difficulté. La souveraineté des partenaires sociaux dans la gouvernance des OPCA n a pas tout à fait les mêmes conséquences lorsqu il s agit de financer la mise en œuvre de politiques de branche à destination des entreprises qui ne sont titulaires d aucun droit vis à vis de l OPCA, et lorsqu il s agit de permettre à des bénéficiaires d un droit de l exercer en accédant à un financement qui ne suppose qu un contrôle de conformité. Dès lors, ce ne serait pas remettre en cause l autonomie du paritarisme que de fixer quelques principes généraux sur la gestion du CPF qui permettraient que chacun n oppose pas sa propre lecture du dispositif à des individus titulaires d un même droit. A commence par l affirmation que la gestion du financement d un droit individuel impose de développer des services directs aux individus. 5. Permettre aux OPCA d accompagner le développement du dispositif En cette période chahutée pour les OPCA, le développement du CPF n est pas une priorité pour trois raisons : - le CPF n est pas financièrement un enjeu immédiat pour la structure OPCA : la collecte à venir est assurée et les efforts de l OPCA se portent davantage sur les versements volontaires des entreprises compte tenu du risque économique auquel ils sont confrontés. Difficile de reprocher à un organisme de lutter d abord pour sa survie avant toute autre considération ; - le calcul des frais de gestion sur la collecte, et non plus comme par le passé en partie sur la collecte et en partie sur les décaissements, est une mesure de simplification. Mais elle a pour corollaire de ne pas inciter l OPCA à utiliser effectivement ses ressources, ou tout au moins avec une moindre urgence ; - dans le cadre de frais de gestion contraints, et encadrés par les COM, les OPCA ne travaillent pas en toute autonomie. On sera curieux de savoir quels sont les moyens accordés par les COM pour que les OPCA puissent disposer de ressources en personnel suffisantes pour accompagner des demandeurs individuels ou pour faire la promotion du dispositif auprès des entreprises. CONCLUSION Tout se passe comme si, dès sa création, le compte personnel de formation devait déjà fonctionner comme un dispositif mature, rôdé et efficient. La phase de développement progressif n a manifestement pas été pensée, et donc organisée, et il est manifeste qu avoir sauté cette étape est préjudiciable au dispositif, ce qui est une chose, mais plus largement au fonctionnement de tout le système de formation des salariés. 6

Si le CPF est un droit individuel encadré collectivement, encore faut- il que l encadrement collectif ne soit pas tel qu il remette en question l existence même du droit individuel, ce qui est le cas aujourd hui. Si l on veut débloquer la situation, y compris à court terme, des solutions pragmatiques existent. Encore faut- il vouloir les mettre en œuvre et ne pas continuer à promouvoir des logiques soit institutionnelles, dont le rythme n est pas celui des bénéficiaires, soit malthusiennes, selon lesquelles il faudrait limiter ce que l on fait aujourd hui au prétexte que l on ne pourra pas tout faire demain ou que certains pourraient en tirer profit faute de contrôles suffisants a priori (on mesure combien la défiance imprègne notre système de formation). Le choix est sur la table, l urgence aussi. Jean- Pierre Willems Mars 2015 7