Dr. Jean-Jacques Railhac Toulouse, Francia Professeur de Radiologie Centro Hospitalario Universitario de Toulouse Relations internationales de la SIMS Toulouse, Francia Capsulitis retráctil de hombro: Actualización Capsulite retractile de l epaule: Mise au point Cette mise au point sur l imagerie de la capsulite rétractile de l épaule a pour but de démontrer que cette affection, un peu mystérieuse, répond à tous les critères des algodystrophies, de souligner les possibilités actuelles d un diagnostic précoce par l imagerie par résonance magnétique (IRM) et enfin d optimiser la technique d arthrodistension. 1. Généralités La «capsulite rétractile» est aujourd hui le terme le plus utilisé en France pour une affection qui a connu et connaît toujours de multiples appellations: «épaule gelée» («frozen shoulder» des anglo-saxons), «épaule bloquée», capsulite adhésive, syndrome épaule-main, syndrome douloureux régional complexe de type I, La nosologie est encore très discutée. Pour certains auteurs, la capsulite rétractile ne serait pas une algodystrophie ou ne serait qu une forme d algodystrophie sans phase chaude. Pour d autres, elle serait différente du syndrome douloureux général complexe de type I et du syndrome épaule-main. Des relations avec la maladie Dupuytren ont même été avancées dans la littérature. Pour nous et d autres auteurs, la capsulite rétractile de l épaule n est que l étape la plus connue de l algodystrophie sympathique qui évolue en trois phases : une phase de début, «chaude», qui fait errer le diagnostic, une phase d état, intermédiaire, de «capsulite rétractile», et une phase tardive, «froide», de récupération. La physiopathologie de l affection reste encore inexpliquée malgré de nombreux travaux.
Différentes hypothèses ont été avancées: augmentation de la sensibilité aux catécholamines, dérèglement du métabolisme du tissu conjonctif, pathologie autoimmune. Le dérèglement du système sympathique (théorie de Leriche) explique l affection: une épine irritative (stimulus périphérique de nature très diverse) déclenche un arc réflexe vers les centres nerveux centraux et médullaires et audelà, vers les nerfs spinaux orthosympathiques. La réponse est une vasodilatation régionale transitoire avec des phénomènes pseudo-inflammatoires et une évolution vers la fibrose des zones intéressées par le processus. Dans les «capsulites rétractiles» de l épaule, les étiologies sont les mêmes que celles de l algodystrophie. Les formes primitives ne représentent que 30% des cas. Les formes secondaires sont nombreuses et variées: traumatismes locaux, pathologies cardiaques, thoraciques et mammaires, maladie de Dupuytren, affections neurologiques (séquelles d hémiplégie, coma...), diabète, hyperthyroïdie, facteurs locaux (calcifications tendineuses, chirurgie,..), prise de médicaments (Isoniazide, barbituriques, antiviraux, iode 131). Dans tous les cas, il faut souligner l importance du terrain psychique des patients qui traduit une labilité neuro-végétative : anxiété, tendance dépressive hyperémotivité Peu d études anatomopathologiques ont été effectuées dans cette affection bénigne (dissections de Duplay dès 1876 travaux De Sèze en 1960 de Neviaser... Plus récemment, des renseignements intéressants ont été fournis par l arthroscopie De ces études il ressort qu à la phase de début la membrane synoviale est rougeâtre, hypervascularisée, mais sans infiltrat inflammatoire en histologie, ce qui est très en faveur d une algodystrophie. Plus tard, la capsule articulaire apparaît épaissie, rétractée, fibrosée, mais cette capsule n est pas le seul élément anatomique intéressé La membrane synoviale, elle aussi, s épaissit et se sclérose : il existe une fibrose et une rétraction du ligament coraco-huméral, des différents éléments de l intervalle des rotateurs et même des anomalies tendineuses. Des adhérences sont signalées dans le récessus axillaire, la gaine synoviale du long biceps et même dans l espace sous acromial Ces observations confirment le caractère régional de l affection.
Certains éléments classiques dans les algodystrophies, sont constants : absence d un épanchement pathologique, absence de rupture tendineuse et intégrité des cartilages tout au long de l évolution. 2. Clinique L évolution de l affection se fait en trois phases sur une période d environ 12 à 18 mois, sans signes généraux. La «phase chaude» de début, «algodystrophique», est d installation progressive insidieuse, avec des douleurs d intensité variable, permanentes, mais à prédominance nocturne, attribuées souvent à tort à une «tendinite» ou une «tendino-bursite». Durant cette phase, les mouvements passifs de l épaule sont normaux. La palpation de l apophyse coracoïde est souvent sensible. Aucune anomalie cutanée n est retrouvée. Après quelques jours ou semaines d évolution apparaît la «phase d état», caractéristique de la «capsulite rétractile», avec des douleurs qui diminuent pendant que s installe l enraidissement, avec une réduction des mouvements actifs et passifs de l épaule dans tous les plans de l espace (surtout de l abduction et de la rotation externe). Par la suite, s installe la «phase froide», de «capsulose rétractile», marquée par la diminution progressive de l enraidissement sur plusieurs mois et la guérison. Toutefois, la récupération n est pas toujours complète et Binder note la possibilité de séquelles «infra-cliniques», avec une discrète diminution de l amplitude de certains mouvements. 3. Apport des radiographies Les radiographies qui complètent l examen clinique sont strictement normales au début et le restent même parfois tout au long de l évolution. Habituellement apparaît, en quelques semaines, une hypertransparence de la tête humérale, plus ou moins homogène, classiquement «mouchetée», «pommelée», pseudokystique, et à prédominance sous chondrale. Cette hypertransparence pourra persister après la guérison ; elle n est pas corrélée aux signes cliniques et à l évolution. Des clichés comparatifs des épaules sont parfois utiles pour mieux apprécier l hypertransparence.
Ces radiographies servent au début pour le diagnostic différentiel, mais aussi pour la recherche d associations pathologiques (calcifications tendineuses, micro-fractures,.). 4. Autres techniques d imagerie a) scintigraphie osseuse au Technetium 99 : cette technique montre rapidement une hyperfixation non spécifique de la région de l épaule en rapport avec l hyperostéoblastose du remodelage osseux. L hyperfixation prédomine sur la tête humérale mais intéresse aussi d autres os de la région (acromion, coracoïde), ce qui montre bien le caractère régional de l affection. L hyperfixation, plus ou moins intense, peut persister après la guérison clinique; il n existe pas de parallélisme avec les signes cliniques et le pronostic. Cette hyperfixation peut aussi être absente. Si une scintigraphie dynamique («trois temps») est effectuée, il faut souligner une hyperfixation à la phase initiale et à la phase d état, qui traduit bien l hypervascularisation liée aux troubles vasomoteurs de l algodystrophie. b) Arthrographie opaque cette technique, introduite par Andren en 1965, présente un intérêt diagnostique et thérapeutique. Après la ponction de l articulation par voie antérieure, il n est jamais retiré de liquide synovial pathologique. L injection de quelques cc de produit de contraste iodé rencontre rapidement une résistance et déclenche des douleurs lors de la distension. Le volume injecté est inférieur à moins de 8 cc. Dès que l opérateur relâche la pression d injection, il note un reflux spontané du produit de contraste au pavillon de l aiguille. Sur les images arthrographiques aucune image de rupture de la coiffe des rotateurs n est observée. L arthrogramme, «pâle», est marqué par un petit récessus axillaire. La gaine bicipitale et le récessus sous-scapulaire sont difficiles à remplir et de volume réduit. Les bords de la membrane synoviale sont parfois irréguliers avec lors de la phase chaude un drainage lymphatique en rapport avec l hypervascularisation régionale. Le volume articulaire est souvent très réduit et il est difficile d injecter plus de 8 cc. Contrairement à ce qui est écrit dans la littérature, il n est pas possible par arthrographie de rompre la capsule articulaire.
Les fuites extra-articulaires de produit de contraste que l on peut observer, sont en réalité secondaires à l effraction de récessus synoviaux extra-capsulaires très fragiles. Il faut signaler aussi qu après le retrait de l aiguille, un reflux de produit de contraste par le point de ponction est fréquent. Des coupes scanographiques en fin d arthrographie n ont que peu d intérêt; elles ne font que confirmer les données arthrographiques, mais permettent parfois de retrouver des anomalies de la trabéculation osseuse (aspect micro-lacunaire de l os spongieux de la tête humérale, caractéristique des séquelles d algodystrophie) c) IRM: cette technique est de plus en plus utilisée dans les bilans des épaules douloureuses «inétiquetées». Son intérêt est indiscutable pour le diagnostic des formes débutantes. L examen doit comprendre des coupes axiales, coronales obliques et sagittales en séquence de densité protonique avec effacement du signal de la graisse (DPFS), et des coupes coronales obliques en séquence d écho de Spin pondérée en T1. Des séquences T1 avec suppression du signal de la graisse (T1FS) après injection intraveineuse de gadolinium sont recommandées dans les formes précoces. A la phase d état de «capsulite rétractile» et dans les formes tardives, le récessus axillaire apparaît rétréci avec des parois épaissies, mais ceci est parfois difficile à affirmer sans examen controlatéral de référence. La capsule, le ligament coraco-huméral et l intervalle des rotateurs ont une épaisseur supérieure à 4 mm. Il n est jamais noté d épanchement pathologique et d image de rupture de la coiffe des rotateurs. L IRM présente surtout un intérêt majeur dans le diagnostic précoce de l affection grâce aux séquences DPFS et surtout T1FS après injection intraveineuse de gadolinium. Ces séquences montrent un rehaussement de signal de la capsule et de la synoviale de l articulation, souvent très marqué dans l intervalle des rotateurs et le récessus axillaire. Mais le rehaussement de signal intéresse aussi toute la région de l épaule, notamment l os spongieux de la tête humérale dans la zone sous-chondrale, les tendons de la coiffe des rotateurs, la bourse sous-acromio-deltoïdienne, la voûte osseuse acromio-claviculaire, le tendon du long biceps et l espace graisseux sous coracoïdien. Cette prise de contraste régionale observée à la phase de début et même à la phase d état traduit bien le rôle des troubles vasomoteurs dans cette maladie.
d) échographie: l apport de cet examen n est pas encore bien établi dans la capsulite rétractile. Des études récentes montrent son intérêt tant à la phase d état qu à la phase de début. Sur le plan technique, deux séries de coupes sont recommandées: des coupes sagittales obliques de la région de l intervalle des rotateurs où celui-ci apparaît hypertrophié, hypoéchogène et plus ou moins vascularisé en mode doppler énergie ; des coupes transverses obliques du ligament coraco-huméral qui peuvent montrer un épaississement de plus de 3 mm de celui-ci. Des études dynamiques peuvent montrer une diminution du glissement du tendon supra-épineux sous l acromion dans les épaules enraidies. e) arthroscopie: cette technique n est utilisée que comme geste à visée thérapeutique dans des formes anciennes et rebelles de capsulite, sans véritable consensus entre les auteurs : résections du ligament coraco-huméral, du ligament gléno-huméral, du tendon sub-scapulaire, capsulotomie antérieure. 5. Traitement médical Le but du traitement est de raccourcir l évolution et d éviter des séquelles fonctionnelles. Si le diagnostic est porté au début, à la phase chaude de l affection, en particulier grâce à l IRM, le repos, la prise d antalgiques et la physiothérapie peuvent être proposés. Les anti-inflammatoires non hormonaux sont inefficaces. L intérêt des corticoïdes intra-articulaires ou intra-bursaux n est pas prouvé. A ce stade, la mobilisation et la kinésithérapie ont souvent des effets délétères. Le traitement par calcitonine pourrait être intéressant ainsi que l hypnose. Le traitement à la phase d état et à la phase froide repose surtout sur la kinésithérapie et l auto rééducation. Dans les formes rebelles, le recours à la chirurgie (mobilisation sous anesthésie ou autres) est rarement indiqué. Généralement, des techniques d arthrodistension sont proposées au patient. L arthrodistension thérapeutique (arthrographie thérapeutique) est proposée aux patients depuis de nombreuses années. Nous préférons utiliser le terme d arthrodistension-mobilisation de l épaule, en raison de la mobilisation très active qui doit suivre pendant plusieurs jours et semaines l arthrodistension.
Celle-ci s effectue sur un sujet en décubitus. La ponction de l articulation gléno-humérale se fait par voie antérieure. 1 à 2 cc de Xylocaïne à 1% sont injectés dans l articulation avant l introduction de produit de contraste iodé. Celui-ci est injecté jusqu à la sensation de résistance, puis des «manœuvres de pompage» sont effectuées en essayant de gagner du volume à chaque pression. Habituellement, l examen se termine par une injection de dérivés cortisoniques dans l articulation dont l intérêt est surtout de diminuer des réactions secondaires à l arthrographie. Dès la fin de la procédure, la mobilisation passive et active de l épaule, dans tous les plans de l espace, débute sur la table d examen puis se poursuit en position debout, en association avec des mouvements pendulaires du bras, des manœuvres de peignage, de positionnement de la main dans le dos et des gestes de grimper face à un mur. Dans les suites de l arthrodistension, le patient est confié au kinésithérapeute tous les jours pendant 1 mois. Cette «arthrodistension-mobilisation» améliore habituellement les amplitudes articulaires de façon plus ou moins spectaculaire et raccourcit l évolution naturelle vers la guérison, obtenue dans un délai moyen de un mois. Les séquelles sont diminuées. En cas d échec, il est possible de renouveler l arthrodistension, mais après un 2 ème échec, le recours a une burso-distension-mobilisation peut être proposée. Les premiers résultats sont prometteurs. 6. Conclusion Le terme de «capsulite rétractile» de l épaule, très pratique à utiliser, nous semble trop restrictif, car il ne correspond qu à une phase évolutive de l algodystrophie et qu il ne se limite qu à la capsule, alors que la pathologie est régionale. Le diagnostic précoce de l affection par IRM est souhaitable et ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques. L échographie, de plus en plus performante dans le diagnostic de l affection aux différentes phases, pourrait être dans l avenir une alternative à l IRM. Enfin, dans la prise en charge thérapeutique des formes récalcitrantes, les techniques
d arthro-distension, et même de burso-distension, ont fait la preuve de leur utilité, surtout si elles sont suivies d une mobilisation précoce et prolongée.