Rendements asymétriques et volatilité multifractale

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Transcription:

Rendements asymétriques et volatilité multifractale Emmanuel Bacry (École Polytechnique) Laurent Duvernet (Université Paris-Est MLV et École Polytechnique) Jean-François Muzy (Université de Corse) Jeunes probabilistes et statisticiens Le Mont-Dore, mai 2010

Faits stylisés Prenons un actif et X(t) = log ( p(t) ) son log-prix à la date t. Quelle que soit l échelle τ de cinq minutes à un an, la série des rendements à l échelle τ δ τ X(kτ) = X ( (k + 1)τ ) X ( kτ ), k = 0,... est centrée et décorrélée. La corrélation de la série des volatilités réalisées ( δτ X(kτ) ) 2 décroît lentement (persistence, clusters). La distribution de δ τ X(kτ) présente des queues lourdes.

On constate un effet de levier, c est-à-dire une corrélation négative entre les rendements passés et les volatilités futures (actions, indices). Il n y a pas de corrélation en sens inverse. À chaque échelle de temps, on a une imbrication de phases d activités intenses et de phases plus paisibles : invariance d échelle multifractale. Également : la distribution de δ τ X(kτ) semble s approcher d une gaussienne quand τ croît, la densité de la volatilité est raisonnablement bien approchée par une loi lognormale... Question : peut-on construire un processus à temps continu X(t) simple qui reflèterait ces faits stylisés?

Effet de levier sur le CAC40 Corrélation 0.10 0.05 0.00 0.05 100 50 0 50 100 Lag

Plan Le cadre de l analyse multifractale Modèles aléatoires multifractals Modèle symétrique Modèle asymétrique

Le cadre de l analyse multifractale Modèles aléatoires multifractals Modèle symétrique Modèle asymétrique

Invariance d échelle des moments Pour une gamme d échelle τ 0 et d exposants p, on observe que τ T T /τ δ τ X(kτ) p c(p)τ ζ(p). k=0 Si X est par exemple un processus autosimilaire, ζ(p) = ph, où H est l indice d autosimilarité de X. Mais sur les données financières, on trouve des fonctions ζ(p) strictement concaves : scaling multifractal vs scaling monofractal.

Scaling multifractal du CAC40 Moment empirique 1e 08 1e 05 1e 02 1e+01 1e+04 1 2 5 10 20 50 100 Echelle tau (en jours) p= 1 p=0 p=1 p=2 p=3 p=4 p=5

Scaling multifractal du CAC40 zeta(p) 1 0 1 2 1 0 1 2 3 4 5 p

Scaling des moments et régularité locale Au point t 0, X a la régularité α > 0 si X(t 0 + s) X(t 0 ) = O( s α ) pour s 0. Plus α est grand, plus la trajectoire de X est "lisse" au voisinage de t 0. Par exemple, un mbs a une régularité 1/2 en tout t 0, un mb fractionnaire d exposant H a une régularité H (0, 1) en tout t 0. Cadre multifractal : on a un ensemble de régularités locales [α, α ], chacune portée par un ensemble de points qui est fractal. Conjecture de Frisch-Parisi (1985) : soit α D(α) la dimension de Hausdorff de l ensemble de niveau des points t où la régularité vaut α. Alors D(α) et ζ(p) sont des fonctions concaves reliées par une transformée de Legendre (démonstrations rigoureuses : Jaffard 2000, Barral et Mandelbrot 2002).

Scaling des moments et régularité locale Au point t 0, X a la régularité α > 0 si X(t 0 + s) X(t 0 ) = O( s α ) pour s 0. Plus α est grand, plus la trajectoire de X est "lisse" au voisinage de t 0. Par exemple, un mbs a une régularité 1/2 en tout t 0, un mb fractionnaire d exposant H a une régularité H (0, 1) en tout t 0. Cadre multifractal : on a un ensemble de régularités locales [α, α ], chacune portée par un ensemble de points qui est fractal. Conjecture de Frisch-Parisi (1985) : soit α D(α) la dimension de Hausdorff de l ensemble de niveau des points t où la régularité vaut α. Alors D(α) et ζ(p) sont des fonctions concaves reliées par une transformée de Legendre (démonstrations rigoureuses : Jaffard 2000, Barral et Mandelbrot 2002).

Scaling des moments et autosimilarité Autosimilarité au sens classique : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H ( X(t), 0 t T ). Cela implique le scaling monofractal des moments théoriques : E [ X(t) p] = c p t Hp Autosimilarité "stochastique" (Castaing 1990) : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H W r ( X(t), 0 t T ), avec W r une v.a. positive d espérance 1, indépendante de X. Alors W r W law r = W r+r, d où on déduit que W r est l exponentielle d une loi infiniment divisible. E [ W p r ] = r ψ(p), ψ étant l exposant de la formule de Lévy-Khinchine. Prenons r = t/t : E [ X(t) p ] = E [ X(T ) p] T Hp+ψ(p) t Hp ψ(p).

Scaling des moments et autosimilarité Autosimilarité au sens classique : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H ( X(t), 0 t T ). Cela implique le scaling monofractal des moments théoriques : E [ X(t) p] = c p t Hp Autosimilarité "stochastique" (Castaing 1990) : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H W r ( X(t), 0 t T ), avec W r une v.a. positive d espérance 1, indépendante de X. Alors W r W law r = W r+r, d où on déduit que W r est l exponentielle d une loi infiniment divisible. E [ W p r ] = r ψ(p), ψ étant l exposant de la formule de Lévy-Khinchine. Prenons r = t/t : E [ X(t) p ] = E [ X(T ) p] T Hp+ψ(p) t Hp ψ(p).

Scaling des moments et autosimilarité Autosimilarité au sens classique : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H ( X(t), 0 t T ). Cela implique le scaling monofractal des moments théoriques : E [ X(t) p] = c p t Hp Autosimilarité "stochastique" (Castaing 1990) : pour tout r [0, 1] ( X(rt), 0 t T ) law= r H W r ( X(t), 0 t T ), avec W r une v.a. positive d espérance 1, indépendante de X. Alors W r W law r = W r+r, d où on déduit que W r est l exponentielle d une loi infiniment divisible. E [ W p r ] = r ψ(p), ψ étant l exposant de la formule de Lévy-Khinchine. Prenons r = t/t : E [ X(t) p ] = E [ X(T ) p] T Hp+ψ(p) t Hp ψ(p).

Le cadre de l analyse multifractale Modèles aléatoires multifractals Modèle symétrique Modèle asymétrique

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Modèle de Mandelbrot On pose X(t) = B ( θ(t) ), t 0, où B est un mbs, et θ est un changement de temps (positif, croissant) indépendant de B et qui satisfait E [ θ(t) ] = t. Les propriétés d autosimilarité de X se déduisent de celles de θ via le scaling du brownien. Les seuls processus θ connus qui satisont une forme d autosimilarité stochastique sont des processus de cascades aléatoires (Mandelbrot 1971, Calvet et Fisher 2000, Bacry et Muzy 2002). Ces cascades ont la particularité de ne pas être absolument continues : X(t) est une martingale continue, mais pas une martingale d Itō.

Cascade continue lognormale On définit (cf. Bacry et Muzy 2002) θ(t) = lim l 0 t 0 ea l (u) du, où pour l > 0, a l (u) est un processus gaussien stationnaire, tel que E[a l (u)] = 1/2Var[a l (u)], si bien que E [ e a l (u) ] = 1 sa covariance asymptotique est quand l 0 Cov[a l (0), a l (u)] { λ 2 log(t / u ) si 0 < u T 0 si u T. pour r (0, 1) ( arl (ru), 0 u T ) law = wr + ( a l (u), 0 u T ) où w r N (λ 2 /2 log(r), λ 2 log(r)) est indépendante de a l. Cela donne la propriété d autosimilarité stochastique.

Cascade continue lognormale On définit (cf. Bacry et Muzy 2002) θ(t) = lim l 0 t 0 ea l (u) du, où pour l > 0, a l (u) est un processus gaussien stationnaire, tel que E[a l (u)] = 1/2Var[a l (u)], si bien que E [ e a l (u) ] = 1 sa covariance asymptotique est quand l 0 Cov[a l (0), a l (u)] { λ 2 log(t / u ) si 0 < u T 0 si u T. pour r (0, 1) ( arl (ru), 0 u T ) law = wr + ( a l (u), 0 u T ) où w r N (λ 2 /2 log(r), λ 2 log(r)) est indépendante de a l. Cela donne la propriété d autosimilarité stochastique.

Intérêt du modèle lognormal Le modèle ne repose que sur les paramètres T et λ 2, typiquement sur des données financières T un an, λ 2 0.04. Il vérifie la propriété d autosimilarité stochastique, et reproduit bien les fait stylisés observés sur les cours d actifs financiers hors asymétrie (Bouchaud et Potters 2003). Applications par ex. en prévision de volatilité (Calvet et Fisher 2008, Bacry, Kozhemyak et Muzy 2009, Duchon, Robert et Vargas 2009). Extensions directes au cas log-infiniment divisible.

Le cadre de l analyse multifractale Modèles aléatoires multifractals Modèle symétrique Modèle asymétrique

Intégrale contre un mbf Nous étudions t X H (t) = lim e a l (u) db H (u); l 0 0 c est un modèle déjà évoqué dans la littérature dans le cas où a l et B H sont indépendants (Ludña 2008, Abry, Chainais, Coutin et Pipiras 2009). Nous construisons a l et B H de telle sorte que db H (t) soit corrélé négativement avec a l (t + s) pour s > 0 (mais ils sont indépendants pour s < 0). Nous arrivons à obtenir la propriété d autosimilarité stochastique. Un problème pour la modélisation de données financières vient de la corrélation des accroissements de B H qui se retrouve dans celle des accroissements de X H.

Choix de H Scaling du moment d ordre 2 : E [ X H (t) 2] = c H (2)t 2H λ2. On examine donc le régime 2H λ 2 1. Posons d = 2H λ 2 1. (Le processus X H n est bien défini que si d > 0.) Nous obtenons quand d 0 : Corr [ δ τ X H (0), δ τ X H (kτ) ] d pour k 1 Corr [ δ τ X H (0), δ τ X H (kτ) 2] d 1/2 pour k 0 Corr [ δ τ X H (0), δ τ X H (kτ) 2] d 3/2 pour k 1. Un régime d 0.03 permet d obtenir à la fois un leverage effect mesurable, et des incréments quasi-décorrélés.

Résultats de simulation De haut en bas, d = 0.01, 0.03, 0.06. À gauche, l autocorrélogramme des rendements, à droite, le corrélogramme des rendements et de leurs carrés. 0.00 0.10 0 20 40 60 80 100 0.20 0.00 100 50 0 50 100 0.00 0.10 0 20 40 60 80 100 0.20 0.00 100 50 0 50 100 0.00 0.10 0 20 40 60 80 100 0.20 0.00 100 50 0 50 100