le cas clinique du mois Les endofuites, une complication spécifique du traitement endovasculaire des pathologies aortiques

Documents pareils
iliaque ZENITH abdomina aortique ale) 244 février 2015 : COOK France Demandeur Les modèles Indications retenues : Service Attendu (SA) :

Surveillance de l opéré vasculaire. DIU d échographie. L examen pré et postinterventionnel. Surveillance du geste de revascularisation

Qui et quand opérer. au cours du traitement de l EI?

Dr Pierre-François Lesault Hôpital Privé de l Estuaire Le Havre

Revue de la littérature

CSMA e Colloque National en Calcul des Structures Mai 2013

Gelsoft Plus LA SEULE PROTHESE VASCULAIRE AU MONDE EN POLYESTER A STRUCTURE TRICOTEE KOPER IMPREGNEE DE GELATINE, RESISTANT A LA DILATATION

Artéfact en queue de comète à l échographie hépatique: un signe de maladie des voies biliaires intra-hépatiques

Traitements néoadjuvants des cancers du rectum. Pr. G. Portier CHU Purpan - Toulouse

Échographie normale et pathologique du grand pectoral

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

Résultat du traitement de la varicocèle chez l'adolescent par l'association coils-sclérosants.

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Pierre OLIVIER - Médecine Nucléaire

La maladie de Takayasu

PLACE DE L IRM DANS LE BILAN D EXTENSION DU CANCER DU RECTUM. Professeur Paul LEGMANN Radiologie A - Cochin Paris

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

Tronc Artériel Commun

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

PRINCIPE ET FONCTIONNEMENT DES DÉFIBRILLATEURS AUTOMATIQUES IMPLANTABLES (DAI)

J. Goupil (1), A. Fohlen (1), V. Le Pennec (1), O. Lepage (2), M. Hamon (2), M. Hamon-Kérautret (1)

Quel apport de l imagerie dans les traitements anti-angiogéniques?

AVC ischémique : diagnostic étiologique et prise en charge des artériopathies Sylvain Lanthier MD OD CSPQ

TVP fémorale. Systématisation. La TVP : écho-doppler JP Laroche Unité de Médecine Vasculaire CHU Montpellier. Thrombus mobile

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

RESTENOSES ENDOSTENTS: 51 PATIENTS

Biométrie foetale. Comité éditorial pédagogique de l'uvmaf. Date de création du document 01/ Support de Cours (Version PDF) -

La mesure de la réserve coronaire

L ATROPHIE DU SPHINCTER ANAL EXTERNE en ENDOSONOGRAPHIE TRIDIMENSIONNELLE. Vincent de PARADES PARIS

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

Case report. Hernie de Spiegel: a propos d un cas. Open Access

Grossesse et HTA. J Potin. Service de Gynécologie-Obstétrique B Centre Olympe de Gouges CHU de Tours

Prise en charge de l embolie pulmonaire

REPOUSSER LES LIMITES DE LA CHIRURGIE BARIATRIQUE DANS LES OBESITES MASSIVES AVEC COMORBIDITES

PRISE EN CHARGE DES LESIONS SPINCTERIENNES ANALES DU POST-PARTUM : DU CURATIF AU PREVENTIF

schémas du by-pass gastrique pour obésité morbide

ACCIDENTS ELECTRIQUES EN CHIRURGIE COELIOSCOPIQUE. Dr JF Gravié FCVD

CONTROVERSES en chirurgie de la hanche. C. Schwartz Conflit d intérêt: FH Orthopedics Colmar

L. Obert, T. Lascar, A. Adam

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

OSSIFICATION DU LIGAMENT VERTEBRAL COMMUN POSTERIEUR ET DU LIGT JAUNE: MYELOPATHIE CERVICALE SUBAIGUE

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Les nouveaux anticoagulants ont ils une place aux Urgences?

La prise en charge de votre artérite des membres inférieurs

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

ROBOT ET CHIRURGIE AORTIQUE:

ASPECT ECHOGRAPHIQUE NORMAL DE LA CAVITE UTERINE APRES IVG. Dr D. Tasias Département de gynécologie, d'obstétrique et de stérilité

Le traitement conservateur des tumeurs malignes des membres a largement remplacé les amputations

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Le compte rendu de scanner et d IRM du cœur. DIU Imagerie CV 2007

L IRM pas à pas Un module d enseignement interactif des bases physiques de l Imagerie par Résonance Magnétique.

LA CHOLÉCYSTECTOMIE PAR LAPAROSCOPIE

Incontinence anale du post-partum

UN PATIENT QUI REVIENT DE LOIN. Abdelmalek AZZOUZ GRCI 29/11/2012 Service de Cardiologie A2 CHU Mustapha. Alger Centre. Algérie

SYNOPSIS INFORMATIONS GÉNÉRALES

MODULE D EXERCICE PROFESSIONNEL NOTION MÉDICO-ÉCONOMIQUE DES DE RADIOLOGIE ET IMAGERIE MÉDICALE. Dr F Lefèvre (1-2), Pr M Claudon (2)

Les différentes maladies du coeur

Les anticoagulants. PM Garcia Sam Hamati. sofomec 2008

Faut-il encore modifier nos pratiques en 2013?

Peut-on reconnaître une tumeur de bas-grade en imagerie conventionnelle? S. Foscolo, L. Taillandier, E. Schmitt, A.S. Rivierre, S. Bracard, CHU NANCY

Pseudotumor cerebri. Anatomie Le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide clair, appelé le liquide céphalo-rachidien (LCR).

journées chalonnaises de la thrombose

Direction générale de l offre de soin


Chirurgie assistée par robot et laparoscopie en 3D à l avantage des patients?

Service évaluation des actes professionnels

Transplantation hépatique à donneur vivant apparenté. Olivier Scatton, Olivier Soubrane, Service de chirurgie Cochin

IRM du Cancer du Rectum

Colette Franssen Département d Anesthésie Réanimation CHU Sart Tilman LIEGE

Après chirurgie bariatrique, quel type de tissu adipeux est perdu? Dr Emilie Montastier Hôpital Larrey, Toulouse

La transplantation rénale avec donneur vivant Aspects particuliers dans le cadre des maladies rénales transmises génétiquement

Dr N. BOUCHAOUR,Dr L.STOF, Pr B.MANSOURI Service d Imagerie Médicale CHU Beb-el-Oued Alger

Règlement concernant l obtention du «CERTIFICAT SSO DE FORMATION POSTGRADE (CFP SSO) EN IMPLANTOLOGIE ORALE»

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Collection Soins infirmiers

Conseils aux patients* Lutter activement. *pour les patients ayant subi une opération de remplacement de la hanche ou du genou

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

Gastric Bypass, Mini-Gastric Bypass et Sleeve Gastrectomy

Traitement Percutané des Rétrécissements Aortiques : Evaluation TDM Avant et Après Procédure

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

des banques pour la recherche

Radiologie Interven/onnelle sur les nodules pulmonaires. J. Palussière, X. Buy Département imagerie

Tableau des garanties Contrats collectifs

Épreuve d effort électrocardiographique

CEPHALEES POST-BRECHE DURALE. Post Dural Puncture Headache (PDPH)

Marchés des groupes à affinités

L éveinage chirurgical

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

DIAGNOSTIC DE L EMBOLIE PULMONAIRE DANS LE CONTEXTE PERI-OPERATOIRE

MODULE NATIONAL D ENSEIGNEMENT DE RADIOPROTECTION DU DES DE RADIOLOGIE

COMMISSION NATIONALE D EVALUATION DES DISPOSITIFS MEDICAUX ET DES TECHNOLOGIES DE SANTE. AVIS DE LA COMMISSION 08 février 2011 CONCLUSIONS

1985, 169, n 7, ,séancedu 22 octobre1985. ALBARÈDE et Jean-Claude DARRAS

Sujets présentés par le Professeur Olivier CUSSENOT

sur la valve mitrale À propos de l insuffisance mitrale et du traitement par implantation de clip

Médecine en Médecine en Exigences techniques

Comment évaluer. la fonction contractile?

Transcription:

le cas clinique du mois Les endofuites, une complication spécifique du traitement endovasculaire des pathologies aortiques S. Br u l s (1), E. Cr e e m e r s (2), G. Tr o t t e u r (3), L. Fi r k e t (4), R. Ch a u v e a u (5), P. Ma g o t t e a u x (6) Q. Desiron (7), J-O. Defraigne (8) RéSUMé : Les endofuites représentent la principale cause d échec du traitement endovasculaire des anévrysmes de l aorte thoracique et/ou abdominale. En maintenant la pression intraanévrysmale positive, les endofuites empêchent la réduction de la taille de l anévrysme et, par conséquent, exposent au risque persistant d évolution vers la rupture. Une surveillance, à vie, des anévrysmes aortiques traités par endoprothèse est donc indispensable. L objectif de cet article est d attirer l attention sur la survenue possible de cette complication et d en rapporter les éléments du diagnostic et du traitement. Mo t s -cl é s : Endofuites - Endoprothèse - Procédures endovasculaires Int r o d u c t i o n Les nouvelles méthodes endovasculaires moins invasives que la chirurgie vasculaire classique ont bénéficié ces dernières années d une explosion technologique. Ainsi des lésions vasculaires de plus en plus complexes, et bien en dehors du champ d application initial, s avèrent maintenant accessibles au traitement endovasculaire. Grâce à des taux élevés de succès immédiat et une faible morbidité, la mise en place d endoprothèse est devenue une alternative à la chirurgie conventionnelle dans le traitement des (pseudo)anévrysmes de l aorte thoracique et/ ou abdominale (1). Cependant, ces techniques endovasculaires ont occasionné de nouvelles complications potentielles qui leur sont propres. Parmi celles-ci, les endofuites représentent une des principales causes d échec de ces procédures endovasculaires (2). A titre illustratif, nous rapportons un cas d endofuite récemment rencontré dans notre service. Pré s e n tat i o n c l i n i q u e (1) Assistant, (2) Chef de Service Associé, (7) Chef de clinique, (8) Professeur ordinaire, Chef de Service, Service de Chirurgie Cardio-vasculaire et Thoracique, CHU de Liège. (3) Chef de clinique, (5) Assistant, (6) Coordinateur Médical, Service d Imagerie Médicale, CHU de Liège. (4) Etudiant, Université de Liège. En d o l e a k, a s p e c i f i c c o m p l i c at i o n o f t h e e n d ova s c u l a r treatment of aortic aneurysms SUMMARY : Endoleaks represent the most common complication of endovascular aortic aneurysm repair. With the increasing use of endovascular techniques for aortic aneurysm repair, the prevalence of endoleaks has risen. While maintaining pressurization of the aneurysm sac, endoleaks expose to persistent risks of an evolution towards rupture. Long term surveillance with imaging studies is necessary to reduce the incidence of these specific complications that may require intervention. The objective of this article is to draw the attention to the possible occurrence of these complications and to report the elements of diagnosis and treatment. Keywords : Endoleaks - Stentgraft - Endovascular procedures Nous rapportons le cas d un patient âgé de 77 ans, suivi depuis 2 ans pour une maladie anévrysmale de l aorte avec deux localisations : l une située au niveau du tiers distal de l aorte thoracique descendante et entreprenant la jonction thoraco-abdominale; l autre au niveau abdominal infrarénal. Le patient, BPCO et diabétique, a bénéficié d un stent coronaire et présente une insuffisance rénale chronique. En juillet 2009, l anévrysme thoraco-abdominal est mesuré à 7 cm de diamètre transverse. Il débute au niveau de la région post-isthmique de l aorte thoracique descendante et s étend jusqu à hauteur de l émergence du tronc cœliaque (Fig. 1Aet 2A). L anévrysme infrarénal mesure 53 mm de diamètre transverse. Un traitement endovasculaire est proposé pour l anévrysme thoraco-abdominal sous réserve d un collet sain supracoeliaque de moins de 10 mm de hauteur. En ce qui concerne l anévrysme abdominal infra-rénal, l absence de collet sousrénal contre-indique l approche endovasculaire. La procédure est réalisée sous anesthésie générale par un abord chirurgical artériel fémoral droit et consiste en la mise en place de deux endoprothèses couvertes (type Zénith Cook ) de 36 mm de diamètre, et mesurant respectivement 127 et 136 mm de longueur avec un chevauchement sur une distance d environ 100 mm. L ancrage distal est obtenu par un stent non couvert, la partie couverte de l endoprothèse s arrêtant en amont de l émergence du tronc cœliaque. Le modelage des zones anastomotiques est effectué au ballon compliant de 40 mm de diamètre. Le Rev Med Liège 2011; 66 : 11 : 559-563 559

S. Br u l s e t c o l l. Figure 1. Reconstruction CT scanner en 3D. A. Anévrysme de l aorte thoracique descendante (flèche). B. Endoprothèse (stentgraft) en place; présence d une fuite de contraste (endofuite type I) au niveau de la poche anévrysmale (flèche). C. Correction de l endofuite par une extension endoprothétique; exclusion de l anévrysme Dis c u s s i o n Définition et classification Figure 2. A. Aspect tomodensitométrique de l anévrysme, partiellement thrombosé, du tiers distal de l aorte thoracique descendante entreprenant la jonction thoraco-abdominale dont le diamètre transverse est de 7cm. B. Scanner de contrôle après implantation des endoprothèses, mettant en évidence une endofuite à partir de l anastomose distale supracoeliaque (flèche). contrôle angiographique immédiat montre un positionnement correct du matériel prothétique et l absence d endofuite. Le scanner de contrôle réalisé après 72 heures met en évidence une endofuite de type I, reperfusant la poche anévrysmale à partir de l anastomose distale supracoeliaque, entre le stent non couvert de fixation et l endoprothèse (Fig. 1B et 2 B). La correction est réalisée en semi-urgence par mise en place d une extension endoprothétique couverte de 77 mm de longueur. La procédure est similaire et l endoprothèse est déployée sur la jonction thoraco-abdominale avec couverture délibérée de l ostium du tronc cœliaque. Les contrôles angiographique et scannographique montrent un positionnement correct des endoprothèses, l absence d extravasation de contraste avec l exclusion de l anévrysme et la persistance d une opacification antégrade du tronc cœliaque, la couverture prothétique s arrêtant juste à l émergence de celui-ci (Fig. 1C). Les endofuites (endoleaks) sont définies comme la persistance d un flux sanguin en dehors de la prothèse et au sein du sac anévrysmal ; elles représentent l une des principales causes d échec des procédures endovasculaires (2). La classification de WHITE (2), couramment employée, définit 4 types d endofuites (Tableau I et Fig. 3) en fonction de leur localisation et de leur origine (site d entrée du sang dans le sac anévrysmal) et indépendamment du type de prothèse utilisée. Dans certains cas, aucune endofuite ne peut être mise en évidence par les différentes techniques d imagerie alors même qu on assiste à une augmentation du diamètre maximal de l anévrysme; on parlera alors d endotension ou endofuite de type V. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène d endotension : flux sanguin insensible à la détection par les techniques d imagerie conventionnelles, infection, ou encore transmission des pulsations de la paroi endoprothétique, à travers l espace périprothétique, à la paroi anévrysmale native (6). Cette classification est essentielle, car elle permet de déterminer la prise en charge thérapeutique. Initialement décrite pour l aorte infra-rénale, une classification similaire des endofuites thoraciques est actuellement utilisée. Les endofuites peuvent également être classées chronologiquement : les endofuites primaires étant découvertes dans les 30 premiers jours 560 Rev Med Liège 2011; 66 : 11 : 559-563

Le c a s c l i n i q u e d u m o i s. Le s e n d o f u i t e s Tableau I. Classification des endofuites (2, 3, 4, 5) Type I : correspondent à des fuites au niveau des sites d attachement de l endoprothèse A. Extrémité proximale de l endoprothèse B. Extrémité distale de l endoprothèse Type II : correspondent à un flux rétrograde venant des branches collatérales de l anévrysme A. Simple, une seule branche artérielle perméable réalise l endofuite B. Complexe, deux branches ou plus sont perméables et mises en cause Type III : correspondent à un défaut structural de l endoprothèse A. Fuite à la jonction entre deux éléments de l endoprothèse (déconnection) B. Déchirure de l endoprothèse (mineure < 2mm ; majeure 2mm) Type IV : définit le suintement à travers le tissu de l endoprothèse, lié à la porosité de la prothèse. Type V : correspondent à des anévrysmes maintenus sous tension et dont le diamètre ne diminue pas, mais sans fuite visible avec les techniques d imagerie actuelles. post-opératoires et les endofuites secondaires, découvertes plus tardivement. Fréquence et étiologies Tous types d endofuites confondus, on estime leur taux de survenue à 5 à 20% des cas de pose d endoprothèse aortique thoracique et/ou abdominale (7, 8). Les facteurs déterminant la survenue d une endofuite, quel qu en soit le type, sont la morphologie des collets supérieur et inférieur, la distance totale à exclure, le diamètre aortique maximal, les angulations et les calcifications, et l utilisation de plusieurs stents (7). Notons que les endofuites ont été observées avec tous les types commerciaux d endoprothèses utilisées. Méthodes de diagnostic L importance diagnostique des endofuites est capitale, puisqu elles sont directement liées aux risques de reprise, de conversion chirurgicale et de rupture. En effet, la persistance de ces endofuites maintient la pression intra-anévrysmale positive et empêche la réduction de la taille de l anévrysme; par conséquent, il n existe pas de protection contre une rupture éventuelle (9, 10). A l inverse, un des critères de bonne évolutivité et de réussite du traitement endovasculaire est l observation d une réduction de la taille du sac anévrysmal (11). De nombreuses études (12-14) ont clairement démontré l association entre, d une part, la dépressurisation du sac anévrysmal et la réduction de son diamètre et, d autre part, l augmentation de la taille du sac anévrysmal et l hyper-pressurisation du sac. En outre, une expansion anévrysmale sans fuite visible (endotension ou endofuite de type V) est généralement associée à une hyperpression intra-anévrysmale. Récemment, Hinnen et al (14), ont montré que la pression intra-anévrysmale après mise en place d une endoprothèse n était pas spécifique du type d endofuite et dépendait de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci, on retrouve les propriétés mécaniques de la paroi anévrysmale, le type de prothèse et la taille de l anévrysme. Dès lors, à un même type d endofuite, ne correspond pas un même risque de rupture. Notons enfin que le déploiement d une endoprothèse n aboutit pas immédiatement à une réduction de la pression intra-anévrysmale; la chute de pression peut prendre de 1 semaine à 2 ans et peut parfois ne jamais se produire (14). Figure 3. Mécanismes des endofuites (1). Rev Med Liège 2011; 66 : 11 : 559-563 561

S. Br u l s e t c o l l. Figure 4. Aspect tomodensitométrique d un anévrysme de l aorte abdominale 3 mois après traitement par endoprothèse bifurqué. A. Phase précoce, absence d endofuite. B. Phase artérielle, présence d une fuite de contraste au niveau de la partie postérieure du sac anévrysmal, correspondant à une reperméabilisation rétrograde par un rameau artériel lombaire (type II). Des connaissances approfondies sur le sujet permettraient une identification précoce des patients qui présenteront un risque de rupture en l absence d endofuite visible. La prise en charge optimale des endofuites repose avant tout sur leur détection. Cet objectif est particulièrement difficile pour le type V, non visible par l imagerie conventionnelle (CT-scanner) alors même qu on assiste à une augmentation du diamètre de l anévrysme. Ceci laisse à penser que l absence d endofuite visible peut, à tort, suggérer l absence d endotension et que la mesure régulière du diamètre et/ou du volume du sac anévrysmal doit impérativement faire partie du suivi (15, 16). Sachant que la mortalité en cas de conversion chirurgicale tardive peut atteindre plus de 25% (17), on comprend l importance de détecter, quantifier et suivre de manière rigoureuse les endofuites, afin de les traiter le cas échéant. Afin de détecter les endofuites ou les phénomènes d endotension, des protocoles de suivi rigoureux sont mis en place après toute procédure endovasculaire. Le patient est surveillé par des examens d imagerie répétés, réalisés +/- 72h en post-opératoire, ainsi qu à 1, 3, 6, 12, et 24 mois, puis une fois par an en l absence d anomalie. L angio-scanner est toujours considéré à l heure actuelle comme étant la technique d imagerie de choix dans la détection des endofuites et doit être intégré de manière rigoureuse aux protocoles de suivi du patient (18). L endofuite apparaît comme une zone hyperintense autour des limites de la prothèse, mais comprise à l intérieur du sac anévrysmal. Mieux perçue à la phase artérielle ou tardive (Fig. 4), elle est indétectable en l absence de contraste. L échographie-doppler couleur permet de repérer les fuites et peut être sensibilisée par l utilisation de produit de contraste injectable. Elle offre l avantage de fournir des données dynamiques (vélocité et direction du flux sanguin dans le sac anévrysmal ou dans la collatérale alimentant celui-ci) (16). Son caractère dit «opérateur-dépendant» ne permet pas de lui donner une place systématique dans la surveillance. De récentes études montrent que l IRM peut détecter des endofuites et serait même plus sensible que le scanner pour la détection des petites fuites (6). Néanmoins, l IRM ne peut être utilisée qu avec les endoprothèses peu ou pas ferromagnétiques afin d éviter les artefacts qui rendent son interprétation impossible, ce qui en fait un examen moins performant que l angio-scanner (6). Notons que l artériographie n a pas sa place dans la surveillance systématique des endoprothèses. Des études actuellement en cours, tentent à développer des systèmes permettant de surveiller la pression dans la poche anévrysmale de manière électronique. Un tel procédé permettrait une surveillance aisée et répétée du patient sans multiplier les examens d imagerie qui sont contraignants et représentent une source non négligeable d irradiation. Le développement des techniques de mesure de la pression intra-anévrysmale occuperont une place dans un avenir proche pour le suivi des patients (19). Tr a i t e m e n t Les endofuites de type I et III prouvent l absence d exclusion du sac anévrysmal de la circulation systémique; le risque de rupture est donc important. Le consensus général est de les traiter activement dès leur mise en évidence avec, soit une nouvelle procédure endovasculaire et la mise en place d une extension prothétique couverte (= cuff) ou d une nouvelle endoprothèse, soit une conversion chirurgicale avec mise à plat et greffe d une prothèse conventionnelle (6). Les endofuites de type IV, devenues rares avec les nouvelles générations d endoprothèse (14), seront traitées si elles persistent au-delà d un mois, 562 Rev Med Liège 2011; 66 : 11 : 559-563

Le c a s c l i n i q u e d u m o i s. Le s e n d o f u i t e s car elles sont alors considérées comme des endofuites de type III. Il n y a pas, à l heure actuelle, de consensus thérapeutique concernant les endofuites de type II (18). De nombreux auteurs sont de plus en plus favorables à un traitement radical une fois le diagnostic établi, en raison de la participation de ces endofuites à un risque évolutif vers la rupture. Plusieurs alternatives thérapeutiques sont actuellement proposées (18). L une d entre elles consiste en l embolisation par voie endovasculaire, c est-à-dire l oblitération de la collatérale responsable par la mise en place de corps étrangers métalliques millimétriques (coils), entraînant une thrombose de la lumière artérielle. Une autre option thérapeutique pourrait être la chirurgie vasculaire laparoscopique, permettant un contrôle et un traitement radical aisé des endofuites de type II à l aide de clip, tout en restant moins invasif que la chirurgie conventionnelle (20). Néanmoins, dans la plupart des cas, les endofuites de type II seront traitées de manière conservatrice par surveillance rapprochée, sauf si une expansion se poursuit au cours de la surveillance. La prise en charge des endofuites de type V étant limitée, il est important d en confirmer la présence par différentes techniques d imagerie (scanner, IRM, échographie doppler). Si l endotension se confirme, elle impose une approche chirurgicale (18), voire une nouvelle procédure endovasculaire avec mise en place d une nouvelle endoprothèse (21). Il est clair que l approche endovasculaire du traitement de l anévrysme, aussi élégante soit-elle, ne doit pas faire oublier qu elle peut s accompagner de complications sérieuses et, dans un certain nombre de cas, requérir une reprise endovasculaire voire, même, une conversion avec prise en charge chirurgicale classique, parfois en urgence. Pour toutes ces raisons, une surveillance à vie est donc nécessaire. Bi b l i o g r a p h i e 1. Creemers E, Trotteur GB, Dondelinger RF. Le traitement endovasculaire des anévrysmes de l aorte abdominale à l université de Liège. Rev med Lg, 2007, 62, 26-29. 2. White GH, Yu W, May J, et al. Endoleak as a complication of endoluminal grafting of abdominal aortic aneurysms : classification, incidence, diagnosis and management. J Endovas Surg, 1997, 4, 152-168. 3. White GH, May J, Waugh RC, et al. Type I and type II endoleak: A more useful classification for reporting results of endoluminal AAA repair. J Endovasc Surg, 1998, 5, 189-193. 4. Veith FJ, Baum RA, Ohki T, et al. Nature and significance of endoleaks and endotension : summary of opinions expressed at an international conference. J Vasc Surg, 2002, 35, 1029-1035. 5. Buth J, Harris PL, Van Marrewijk C, et al. The significance of different types of endoleaks: From the EUROS- TAR data registry. Seminars in Vasc Surg, 2003, 16, 95-101. 6. Cao P, De Rango P, Verzini F, Parlani G. Endoleak after endovascular aortic repair : classification, diagnosis and management following endovascular thoracic and abdominal aortic repair. J Cardiovasc Surg, 2010, 51, 53-69. 7. Parmer SS, Carpenter JP, Stavropoulos SW, et al. Endoleaks after endovascular repair of thoracic aortic aneurysms. J Vasc Surg, 2006, 44, 447-452. 8. Van Manewijk C, Buth J, Harris PL. Significiance of endoleaks after endovascular repair of abdominal aortic aneurysms : the Eurostar experience. J Vasc Surg, 2002, 35, 461-473. 9. Makaroun M, Zajko A, Sugimoto, et al. Fate of endoleaks after endoluminal repair of abdominal aortic aneurysms with an EVT device. Eur J Vas Endovasc Surg, 1999, 18, 185-190. 10. Baum RA, Carpenter JP, Cope C, et al. Aneurysm sac pressure measurements after endovascular repair of abdominal aortic aneurysms. J Vasc Surg, 2001, 33, 32-41. 11. Resch T, Ivancev K, Brunkwall J, et al. Midterm changes in aortic aneurysm morphology after endovascular repair. J Endovasc Ther, 2000, 7, 279-285. 12. Dias NV, Ivencev K, Kölbel T, et al. Intra-aneurysm sac pressure in patients with unchanged AAA diameter after EVAR. Eur J Vasc Endovasc Surg, 2010, 39, 35-41. 13. Dias NV, Ivancev K, Malina M, et al. Intra-aneurysm sac pressure measurements after endovascular aneurysm repair: differences between shrinking, unchanged, and expanding aneurysms with and without endoleaks. J Vasc Surg, 2004, 39, 1229-1235. 14. Hinnen JW, Koning OHJ, Van Bockel JH, et al. Aneurysm sac pressure after EVAR : the role of endoleak. Eur J Vasc Endovasc Surg, 2007, 34, 432-441. 15. Gilling-Smith GL, Martin J, Harris PL, et al. Freedom from endoleak after endovascular aneurysm repair does not equal treatment success. Eur J Vasc Endovasc Surg, 2000, 19, 421-425. 16. White GH, May J, Petrasek P, et al. Endotension : an explanation for continued AAA growth after successful endoluminal repair. J Endovasc Surg, 1999, 6, 308-315. 17. Cuypers PWM, Laheij RJF, Buth J. Which factors increase the risk of conversion to open surgery following endovascular abdominal aortic aneurysm repair? The EUROSTAR Collaborators. Eur J Vasc Endovasc Surg, 2000, 20, 183-189. 18. Stavropoulos SW, charagundla SR. Imaging techniques for detection and management of endoleaks after endovascular aneurysm repair. Radiology, 2007, 243, 641-655. 19. Dias NV, Ivancev K, Malina M, et al. Direct intra-aneurysm sac pressure measurement using tippressure sensors: in vivo and in vitro evaluation. J Vasc Surg, 2004, 40, 711-716. 20. Parodi JC. Long-term outcome after aortic repair : the Buenos Aires Experience. Seminars in Vasc Surg, 2003, 16, 113-122. 21. Zimpfer D, Schoder M, Gottardi R, et al. Treatment of type V endoleaks by endovascular redo stent-graft placement. Ann Thorac Surg, 2007, 83, 664-666. Les demandes de tirés à part sont à adresser au Pr J.O. Defraigne Service de Chirurgie Cardio-Vasculaire et Thoracique, CHU de Liège, 4000 Liège, Belgique. Rev Med Liège 2011; 66 : 11 : 559-563 563