L infection urinaire associée au soin Le point de vue du bactériologiste Olivier Barraud

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Transcription:

L infection urinaire associée au soin Le point de vue du bactériologiste Olivier Barraud MCU-PH UMR Inserm 1092 Faculté de Médecine Université de Limoges Laboratoire de Bactériologie-Virologie-Hygiène CHU Limoges 29 ème rencontre régionale des correspondants en hygiène -CH Esquirol -6 octobre 2015

Généralités Problème de santé publique : 40 % des IAS 1 er réservoir de BMR concernent 3% des hospitalisés Agents causaux : Grande diversité d agents infectieux : Escherichia coli, autres entérobactéries, Candida sp, Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, Enterobacter sp, Acinetobacter sp Infection bénigne, taux de létalité faible : 0,1 % mais prolonge la durée de séjour des patients FDR : Sondage vésical +++: 60-80 % des cas ; à J30, 100 % de risque d IUN Endoscopie, chirurgie urologique

Conférence de consensus SPILF 2015 http://www.infectiologie.com/site/consensus_recos.php

Physiopathologie de l arbre urinaire Urines stériles Urètre distal colonisé par des microorganismes de origines : Origine digestive : entérobactéries, streptocoques, anaérobies Origine cutanée : SCN, corynébactéries Origine génitale : Lactobacillus IU par voie ascendante +++ invasion de la vessie puis parfois du rein ou de la prostate Processus de limitation du risque d infection : osmolarité, ph, acides organiques des urines limitent la croissance bactérienne Longueur de l urètre élimination mécanique par vidange de la vessie (mictions) glycoprotéines et oligosaccharides épurateurs de bactéries

Chez le patient sondé 1. Acquisition lors de la mise en place de la sonde 2. Acquisition par voie endoluminale 3. Acquisition par voie extra-luminale +++ 4. Acquisition par voie lymphatique ou hématogène Pérennisation car dommage de l uroendothélium par la sonde Résidu vésical lors du drainage ( 20 ml) biofilm

ECBU : conditions préanalytiques Chez le patient non sondé Recueil des urines de milieu de jet Après asepsie +++(lingette, compresse +Dakin ) du méat et de la région vulvaire Urines concentrées, au moins 4 h après la miction précédente Éliminer le 1 er jet +++ Chez le patient sondé Par ponction directe après désinfection de l opercule des sondes Autres solutions : ponctions sus-pubiennes(gold standard), sondage aller-retour, poches chez le NN et jeune enfant (<1h) Transport au laboratoire En moins de 2h à température ambiante Si > : À 4 C (mais altération des leucocytes dès 12h) 24h Tube avec acide borique (bactériostatique stable 24h) Renseignements cliniques indispensables : Sonde, ATB, diabète, grossesse, immunodépression

Diagnostic Bandelette urinaire (BU) Recherche de leucocytes Recherche de nitrites Non recommandé pour le diagnostic des IUAS

Diagnostic ECBU : Examen CytoBactériologique des Urines Analyse cytologique Cellules : Leucocytes, Hématies, Cellules pavimenteuses, Cellules rénales ± Cylindres, Cristaux Quantification des leucocytes et hématies /ml Analyse bactériologique Coloration de Gram possible Mise en culture (24-48 h) Milieu «standard» type CLED (ou milieux chromogènes) ± Milieu riche (chocolat) pour patients à risque : ID, grossesse

Diagnostic chez le patient non sondé Interprétation ECBU = idem IU communautaire Significativité leucocyturie: 10 4 leucocytes / ml Significativité bactériurie: fonction du germe et/ou du sexe pour E. coli(et S. saprophyticus): 10 3 UFC/mL(H ou F) pour les autres microorganismes (autres entérobactéries, Enterococcus, C. urealyticum, P. aeruginosa, S. aureus) : 10 3 UFC/mL(H) 10 4 UFC/mL(F) Absence de leucocyturie: bonne VPN d une IU : 80-90%

Diagnostic chez le patient sondé NE PAS TENIR COMPTE DE LA LEUCOCYTURIE Significativité bactériurie: 10 5 UFC/mL Si 10 3 ou 10 4 UFC/mL: contrôle de l ECBU possible Les seuils ne peuvent s opposer à un tableau clinique évident! Ne pas changer la sonde pour réaliser un ECBU.

Quand évoquer une IUAS? On parle d IUAS si l IU survient : + de 48h après une chirurgie au contact de l urine En présence d une sonde Moins de 7 jours après l ablation d une sonde Une bactériurie, même 10 5 UFC/mL, ne signifie pas une IUAS!!!... donc un antibiogramme ne signifie pas qu il faut traiter! 75% de bactériuries asymptomatiques : NE PAS TRAITER 25 % de formes symptomatiques : cystite, PNA importance de la clinique +++

Infections urinaires (IU) ou infections du tractus urinaire (ITU) = Signes cliniques locaux (cystite) et/ou généraux (pyélonéphrite PNA) + signes biologiques = Multiplication de bactéries au niveau du tractus urinaire avec réaction inflammatoire ( leucocyturie) IU simples (= sans facteur de risque de complications) IU à risque de complication = 1 facteur de complication Anomalie organique ou fonctionnelle : lithiase, tumeur, malformation anatomique, intervention chirurgicale récente Terrainphysiologique: âge 65 ans avec 3 facteurs de fragilité*, âge 75 ans, grossesse, sexe masculin Pathologie : ID grave, IRC sévère IU graves = PNA ou IU masculines avec sepsis grave ou choc septique ou drainage Colonisation urinaire = bactériurie asymptomatique * Perte de poids depuis 1 an, vitesse de marche lente, faible endurance, fatigue, activité physique réduite