Bruxelles 9 mars 2015 Recyclage UB3 L article 16 CDFU :une nouvelle verdeur pour la liberté d entreprendre? Thierry LEONARD Avocat au barreau de Bruxelles (Ulys) Professeur à l Université Saint-Louis-Bruxelles thierry.leonard@ulys.net www.ulys.net 1
Introduction «La liberté d entreprise est reconnue conformément au droit de l Union et aux législations et pratiques nationales» (art. 16 Charte des Droits Fondamentaux de l Union) Remarquable car la liberté d entreprise est absente des autres catalogues de droits fondamentaux 2
Plan Remarquable car le Traité de Lisbonne a hissé la Charte au plus haute niveau de la hiérarchie des normes européennes (même valeur que le traité-art. 6 1 er T.U.E.) Remarquable car l article 16 s immisce dans de plus en plus de litiges soumis à la C.J.U.E., notamment entre personnes privées (arrêts Sabam, UPC, aff. Huawei ) 3
Plan I. Quels sont les destinataires des droits et devoirs contenus dans la Charte? II. Quels sont l objet et la portée de l article 16 de la Charte? III. Comment la CJUE résout-elle les conflits où est invoqué une violation de la liberté d entreprise? Conclusions : utilité certaine de l article 16 de la Charte en droit interne et européen 4
I. Destinataires de la Charte (art. 51 1 er de la Charte) 1 er Destinataire : l UE (ses institutions, organes et organismes) 2 ème destinataires : les Etats Membres mais «uniquement lorsqu ils mettent en œuvre le droit de l Union» càd lorsqu une réglementation «entre dans le champ d application de ce droit» 5
I. Destinataires de la Charte (art. 51 1 er de la Charte) E.M. doivent respecter le contenu de la Charte: S ils arrêtent des mesures d exécution d un règlement ou d une décision de l UE; S ils transposent une directive prennent des mesures visant à rencontrer le but qui y est inscrit; S ils posent un acte administratif dans un domaine couvert par une directive ou un règlement; S ils portent atteinte prima facie à une des libertés économiques de circulation; 6
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte Avant la Charte : la liberté d entreprise est reconnue comme un principe général du droit de l Union (arrêt Nold-1974, confirmé ensuite) ratio : reconnu comme droit fondamental dans les droits de l Union, ayant valeur constitutionnel limites : droit non absolu : limites possibles si servent l intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, des interventions démesurées qui porteraient atteinte à la substance de la liberté 7
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte «La liberté d entreprise est reconnue conformément au droit de l Union et aux législations et pratiques nationales» (art. 16 Charte des Droits Fondamentaux de l Union) reconnaissance «timide» en fonction de l état du droit de l Union; explication «historique» : contrepoids à l insertion des droits sociaux; explication par les «explications» officielles (2 ème version); 8
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte Les «explications» officielles: Liberté à trois facettes : liberté d exercer une activité économique et commerciale, liberté contractuelle et la «concurrence libre»; À apprécier dans la continuité de la jurisprudence antérieure de la Cour MAIS controverse sur le sort d un principe général inséré dans la Charte; 9
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte Question ouverte : la liberté d entreprise : «droit fondamental» ou «principe»? source de la distinction : la reconnaissance problématique des droits sociaux (distinction plus politique que juridique) distinction consacrée aux articles 52, 5 et 51, 1 er de la Charte 10
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte effets du «principe» : -mise en œuvre potestative; -pas de droit à une action positive de l UE et/ou des Etats Membres; -invocation devant un juge seulement pour l interprétation et le contrôle de la légalité de la «mise en œuvre» des principes (controversé); -absence d effet d exclusion de la norme qui y porte atteinte dans les rapports de droit privé (controversé; cfr arrêt AMS du 15 janvier 2014) 11
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte Absence dans la Charte et ses «explications» de critères de distinction a priori entre «droits fondamentaux» et «principes» appréciation au cas par cas : la Cour hésite clairement à trancher; critère le plus convainquant : nécessité d une «concrétisation» de la règle contenue dans la Charte (en phase avec la ratio de la distinction); 12
II. Objet et portée de l article 16 de la Charte La liberté d entreprise, un «droit fondamental» à part entière : elle n a en principe besoin d aucune concrétisation pour devenir effective : Parce que déjà un principe général avant la Charte; Du fait de sa valeur «résiduelle» : elle s applique chaque fois qu une loi restrictive n y fait pas obstacle; Et la jurisprudence de la Cour semble aller dans ce sens : mise en balance continue avec d autres droits fondamentaux; 13
III. Résolution des conflits Principe de limitation de l article 52, al. 1 er de la Charte : «Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui.» 14
III. Résolution des conflits Essai de classement des arrêts de la CJUE relatifs à l article 16 depuis 2010 selon trois «techniques de résolution» de conflits : La limite du «contenu essentiel» : exemple de l arrêt Alemo-Heron du 18 juillet 2013; La limite du «principe de proportionnalité» sensu stricto: rappel; La limite du «juste équilibre»: exemples des arrêts «Sabam» (Scarlet en 2011; Netlog en 2012); 15
III. Résolution des conflits Portée prospective de la triple distinction constatée : Le principe du «contenu essentiel» : vérifier si le point d irréductibilité du droit a été dépassé en dehors de tout rapport de proportionnalité (mise en balance pas nécessaire : sanction si liberté annihilée); Le principe du «juste équilibre» : applicable si conflits de droits fondamentaux : droits d égale valeur dont le respect s impose a priori avec la même intensité le critère n est pas la disproportion ou la démesure mais le juste compromis; 16
III. Résolution des conflits Le principe de «proportionnalité» : applicable si l atteinte à une liberté est prise au nom d un objectif d intérêt général (sans générer de conflits entre droits fondamentaux); 17
IV. Conclusions La liberté d entreprise, comme droit fondamental de la Charte, force la prise en compte : pas un droit de «seconde zone»; L invocation de la liberté d entreprise constitue un moyen de défense efficace contre certains actes particulièrement attentatoires; Son effet reconnu dans les relations de droit privé est particulièrement significatif 18
MERCI! 19