Se curite du revenu en agriculture Le 8 juin 2016 MISE EN PLACE DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA SÉCURITÉ DU REVENU EN AGRICULTURE Au cours des dernières années, plusieurs facteurs ont affaibli le filet de sécurité du revenu des entreprises agricoles québécoises avec, en tête de liste, les mesures de resserrement du Programme d assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) et les coupes du gouvernement fédéral dans les programmes de Cultivons l avenir 2. Depuis 2009, la majorité des productions couvertes à l ASRA ont, à un moment ou à un autre, connu des difficultés et dans certains secteurs, la production a diminué de 30 à 50 %. DIMINUTION DE 35 % DU NOMBRE DE BOVINS DE BOUCHERIE VENDUS ENTRE 2008 ET 2015 700 000 600 000 500 000 400 000 300 000 200 000 100 000 0 89 105 163 083 83 213 146 388 65 591 69 980 214 556 140 000 134 000 166 245 112 600 91 665 191 079 169 309 130 400 129 800 2008 2010 2014 2015 Veaux d'embouche Bouvillons d'abattage Veaux de lait Veaux de grain Source : Producteurs de bovins du Québec, 2016. À l automne 2013, le ministre de l Agriculture mettait en place le Groupe de travail sur la sécurité du revenu en agriculture au Québec et lui confiait le mandat de proposer des actions à réaliser pour adapter les outils de gestion des risques afin d offrir un filet de protection à toutes les productions et de supporter adéquatement les entreprises. Dans la même foulée il annonçait des mesures, notamment le programme Agri Québec PLUS, afin de limiter, du moins en partie, les impacts des coupes fédérales pour les producteurs agricoles du Québec.
UN INVESTISSEMENT ANNUEL DE 130 M$ EST REQUIS Dans leur rapport publié en février 2015, les membres du Groupe de travail 1 se sont unanimement prononcés sur différents éléments, certains devant être mis en place à court terme et d autres, analysés pour une mise en œuvre à moyen terme. En voici un aperçu : Bonification d Agri Québec Augmentation du taux de contribution gouvernemental de 3 à 3,5 % (4,6 M$). Augmentation du taux de contribution pour le secteur aquacole de 3,6 à 4,5 % (80 000 $). Augmentation du taux de contribution pour prendre en compte les caractéristiques régionales, sectorielles et celles des entreprises de petite taille. Bonification d Agri Québec PLUS Augmentation du taux de couverture de la marge de référence de 80 à 85 % (3,2 M$). Ajout d un mécanisme de redressement des marges de référence. Admissibilité des secteurs sous gestion de l offre lorsque la marge diminue de plus de 30 % (0,7 M$). Bonification de l'asra Inclusion des prélevés au plan conjoint pour la recherche et la promotion dans le calcul du revenu stabilisé (2,4 M$). Maximum de trois années antérieures pour la récupération des sommes représentant les arrimages cumulés. Ajustement de la rémunération de l exploitant (40 à 60 M$). Aide à l investissement Mise en place d un programme d appui au développement comportant un volet régional et un volet spécifique aux problématiques sectorielles (50 M$). L application de l ensemble de ces mesures coûterait 130 M$ annuellement et donnerait aux entreprises agricoles un signal fort, capable de stimuler les investissements à la ferme. Malheureusement, la mise en œuvre des recommandations les plus déterminantes est retardée, alors que les propositions secondaires sont rapidement adoptées : force est de constater l ordre de priorité qui avait été établi n a pas été retenu. 1 La composition du Groupe de travail était la suivante : deux représentants du MAPAQ, deux de La Financière agricole du Québec (FADQ), deux de l Union des producteurs agricoles (UPA) et deux membres externes, soit M. Maurice Doyon de l Université Laval et Mme Claire Bolduc de Solidarité rurale du Québec.
PENDANT CE TEMPS LE QUÉBEC PERD DU TERRAIN L inaction gouvernementale coûte cher et fait perdre du terrain à l agriculture québécoise. Selon des données de Statistique Canada, les investissements en agriculture au Québec sont passés de 496 M$ en 2006 à 609 M$ en 2015 après avoir flirté avec un sommet de 700 M$ de 2008 à 2010. Ces montants sont en dollars courants, ce qui veut dire que les chiffres plus anciens seraient un peu plus élevés en dollars d aujourd hui. Il y a donc eu peu d évolution en 10 ans. Au cours de la même période, les investissements en agriculture au Canada, incluant le Québec, ont augmenté de 260 %, passant de 1 603 M$ à 4 175 M$ en dollars courants. L Ontario, qui a vu ses investissements agricoles doubler et passer de 722 M$ à 1 439 M$ pendant la même période, fait également bonne figure. En fait, depuis 2006, les investissements agricoles stagnent au Québec et depuis 2010 ils accusent un sérieux retard par rapport à l Ontario. Or, 2010 est, rappelons le, l année de mise en œuvre des mesures de redressement de l ASRA qui ont contribué à la perte d environ 30 % des entreprises dans les secteurs ovin, porcin et bovin. M$ 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 1 603 DÉPENSES EN IMMOBILISATIONS, AGRICULTURE (2006 À 2015, M$) 2 467 2 505 3 563 3 569 3 453 3 588 4 013 4 109 4 175 722 877 901 990 989 1 092 1 125 1 299 1 366 1 439 496 654 697 710 720 673 686 631 593 609 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Québec Ontario Autres provinces Source : Statistique Canada. Tableau 029 0045 Immobilisations et réparations, selon le Système de Classification des Industries de l'amérique du Nord (SCIAN), Canada, provinces et territoires, annuel (dollars), 2016. Toujours, pendant cette période, l Ontario incluait l agriculture dans son plan de développement économique et la première ministre libérale, Kathleen Wynne, prenait personnellement ce dossier en mains avec la mise en place d une politique agricole où tous
les ministères travaillent ensemble. Un programme de stabilisation des revenus (Risk Management Program ou RMP) basé sur le coût de production a notamment été mis en place en 2011. Le climat était donc propice à l investissement. Dans l Ouest, l assurance récolte et le programme fédéral Agri relance ont couvert une bonne partie des risques climatiques associés aux cultures. Si le Québec avait suivi le même rythme que l Ontario, il aurait investi 1 G$ de plus entre 2006 et 2015 et 2,4 G$ de plus selon le rythme canadien. Il y a donc un déficit d investissements qui risque fort de nuire à la compétitivité de notre secteur agricole si rien n est fait pour redresser la situation. D ailleurs, depuis 2010, la baisse significative des valeurs assurées à l ASRA, près de 40 % des recettes monétaires agricoles du Québec, démontre assez bien l inertie actuelle du secteur agricole à poursuivre son développement. 4,5 VALEUR ASSURÉE TOTALE DE L'ASRA (1990 À 2014, MILLIARD DE $) Prévisions de la FADQ de 2009 Valeur assurée (G$) 2,3 4,0 3,8 3,6 3,5 3,4 3,5 3,3 3,1 3,1 3,0 3,0 2,5 2,0 1,8 2,0 1,9 2,1 1,5 1,6 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Source : Historique général du Programme d assurance stabilisation des revenus agricoles, La Financière agricole.
PENDANT CE TEMPS LE SOUTIEN AU SECTEUR AGRICOLE EST EN CHUTE LIBRE Le soutien gouvernemental à l agriculture québécoise n a jamais été aussi faible qu il ne l est actuellement. ÉVOLUTION DES PAIEMENTS DE TRANSFERT AUX AGRICULTEURS QUÉBÉCOIS (M$) Millions de dolars 1200 1000 800 600 400 749 858 1 134 1 092 1 060 617 656 769 506 321 200 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Source : Statistique Canada. Tableau CANSIM 002 0001. Compilation DREPA UPA 2016. En 2015, l aide financière versée aux fermes du Québec était inférieure, en pourcentage des revenus agricoles, à la moyenne canadienne. Elle était aussi deux fois moins élevée que celle versée aux entreprises agricoles de l Ouest canadien. Depuis 2007, l aide financière versée au Québec est en chute libre. 6,0% 5,0% 4,0% PROPORTION DES PAIEMENTS DE PROGRAMME PAR RAPPORT AUX REVENUS DE MARCHÉ, 2015 3,7% 4,3% 5,1% 5,2% 5,5% 3,0% 2,0% 1,0% 0,0% 1,0% 1,2% 2,5% 2,5% 1,8% 0,2% T. N.L. N. B. C. B. N. É. Ont. Qc Canada Sask. Alb. ÎPÉ Man.
Pourtant, malgré le fait que ses budgets ont été amputés, la FADQ dispose toujours d une marge de manœuvre importante pour investir dans ses programmes, à savoir : Des surplus en 2016 2017 qui devraient excéder les 100 M$; Des surplus d opérations de plus de 500 M$ sur 5 ans; Des fonds ASRA pratiquement en équilibre (de 800 M$ à 150 M$ de déficit); Un fonds d assurance récolte qui atteint près de 300 M$ (environ 5x les primes). L agriculture et l agroalimentaire génèrent 5% de la richesse et des emplois au Québec. Le désinvestissement actuel de l État, dans ce secteur névralgique de notre économie, est incompréhensible. PENDANT CE TEMPS ON RÉDUIT LE FILET DE SÉCURITÉ Pendant ce temps, l accès à Agri Québec est suspendu pour les secteurs couverts par l ASRA et les producteurs concernés devront choisir, d ici le 1 er juillet 2016, entre l ASRA et les programmes Agri (Agri stabilité, Agri Québec Plus, Agri investissement et Agri Québec). Or, contre les risques d entreprises, les programmes Agri sont loin d offrir une couverture aussi efficace que l ASRA. Par contre, dans un contexte où seuls les programmes Agri Québec et Agri Québec PLUS sont bonifiés, que l ASRA ne connaît pas d améliorations et que les arrimages cumulés sont maintenus, la FADQ n offre pas un véritable choix aux producteurs. Cette situation doit être corrigée, notamment en donnant suite aux propositions soumises par le groupe de travail afin d améliorer la portée et l efficacité du programme d ASRA : les arrimages cumulés doivent être annulés les prélevés liés à la recherche et à la promotion doit être intégrés au calcul du revenu stabilisé le travail de gestionnaire des exploitants doit être reconnu. Concernant ces derniers éléments, le fait de rendre admissible le programme Agri Québec sans arrimage aux productions assurées par l ASRA est une solution alternative qui permet de simplifier le traitement administratif des programmes. Cette solution pourrait être temporaire afin de donner le temps à la FADQ d apporter les modifications demandées tant à l ASRA et qu aux programmes AGRI (ex. redressement des marges) Seule la mise en œuvre des améliorations proposées permettra aux producteurs de faire un choix éclairé entre deux options plus équilibrées. Mais plus important, la bonification simultanée des programmes Agri Québec, Agri Québec Plus et ASRA enverrait un signal fort aux producteurs agricoles québécois au regard des investissements. Elle constituerait un levier de développement pour le secteur et une contribution à la croissance économique du Québec pour les prochaines années. Enfin, elle permettrait de répondre aux attentes sociétales de plus en plus élevées.