Association des MBA du Québec. Allocution de Jean-Marc Eustache Président et chef de la direction Transat A.T. inc.



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Transcription:

Association des MBA du Québec Allocution de Jean-Marc Eustache Président et chef de la direction Transat A.T. inc. Le 12 octobre 2011

Bonjour Mesdames, Messieurs, J ai eu le privilège d être à cette tribune de l Association des MBA du Québec il y a huit ans, en 2003. J avais alors profité de l occasion pour tracer un portrait du tourisme international et de Transat. Et je m étais même avancé un peu sur ce que l avenir pouvait nous réserver, ou du moins, j ai évoqué certaines tendances et enjeux qui demandaient selon moi qu on s y attarde. Le premier phénomène que je mettais en lumière, à l époque, c était la croissance du tourisme international, et la relativement bonne performance du Canada. En effet, même si l année 2003 avait été difficile à cause de la crise du SARS, en 2002 nous avions enregistré au Canada quelque 20 millions de visiteurs étrangers, un record. La croissance était au rendez-vous d année en année, et tout permettait de croire à des lendemains qui chantent. Globalement, le tourisme international, effectivement, a poursuivi sa croissance. De 700 millions de touristes en 2002, nous sommes passés à 940 millions en 2010, une augmentation de 34 %... et ce en dépit des guerres, attentats, tsunamis, grippes aviaires, ouragans, pirates, volcans, crises économiques et autres révolutions autant de phénomènes qui sont pratiquement devenus notre pain quotidien. Les touristes, nous l avons toujours dit, ont la couenne dure, et notre industrie résiste très bien aux récessions, entre autres. Tant mieux d ailleurs, parce qu au train où vont les choses, il y a un autre test qui nous attend dans les prochains 12 à 24 mois. Bref, tous les pays, ou presque, ont participé à la fête. Et c est une assez grosse fête. Les dépenses de ces touristes, 480 milliards de dollars US en 2002, sont évaluées à 919 milliards en 2010, pratiquement le double. Pour ce qui est du Canada, ce que je ne savais pas, en novembre 2003, c est que nous n étions pas invités à la fête, que nous étions au point de bascule. En effet, pendant que le marché grandissait du tiers, le tourisme international diminuait chez nous de 20 %. Notre part du marché mondial, d environ 3 % en 2002, est passée graduellement sous la barre 2

du 2 %. Nous sommes le seul pays au monde à avoir subi une telle humiliation pendant ces annéeslà, d autant plus déplaisante que nous faisions partie de la liste des 10 premières destinations dans le monde ce qui est maintenant chose du passé. Encore aujourd hui, quand on demande aux gens quels pays ils aimeraient visiter, quels pays les allument, le Canada est dans la liste. Le problème, c est que quand vient le temps d acheter, ils se disent, pour une raison ou une autre, que le Canada, c est loin, et ça peut attendre. Et huit ans plus tard, à l exception de l industrie elle-même, qui est bien consciente, tout ça s est fait dans une indifférence assez généralisée. Évidemment, les explications sont nombreuses. Aucun facteur n explique à lui seul cette situation. Mais quand on cherche des pistes de solution, on en trouve. Ainsi, des études menées par le World Economic Forum, par exemple, ont montré que le Canada était une destination peu compétitive au niveau des prix, y compris, entre autres, sur le plan des frais aéroportuaires, ce qui contribue à compliquer l accès. Mais si j avais à isoler un facteur qui compte plus que les autres, je dirais que le grand drame du tourisme, c est que peu de gens, peu de décideurs, en reconnaissent le poids, l importance et le potentiel. Pourtant, pour le Canada, aujourd hui, le tourisme représente des revenus de 73,4 milliards de dollars, un PIB de 29,4 milliards de dollars, soit 1,9 % du PIB global, et près de 600 000 emplois 1. À ce titre, je suis heureux de souligner que le Gouvernement du Canada a annoncé il y a une semaine sa stratégie nationale en matière de développement touristique. Nous l attendions depuis longtemps, et nous avons été agréablement surpris de constater notamment trois choses dans le document, à savoir : De un, la reconnaissance de l importance du tourisme pour notre économie et pour la création d emplois. De deux, la fixation d un objectif chiffré, à savoir une augmentation des revenus touristiques de l ordre de 35 % d ici 2015. C est ambitieux, et c est mesurable, et on aime ça. 1 Commission canadienne du tourisme, Tourism Snapshot, 2010 Year-in-review. 3

De trois, la reconnaissance qu une foule de ministères et d agences gouvernementales a un impact sur le tourisme et qu on doit améliorer considérablement la coordination si on veut vraiment en arriver à une stratégie qui donne des résultats. C est un bon départ, et nous avons assuré le Gouvernement de notre appui. En 2003, j avais aussi suscité l étonnement en évoquant que l Organisation mondiale du tourisme prévoyait 100 millions de touristes chinois en 2020, dont on pouvait espérer que 1 % (un million) viendraient visiter le Canada. En fait, c était là ma façon d illustrer un phénomène plus général, qui était le bouleversement que vivait notre industrie au niveau des marchés sources et des marchés de destination. Alors qu historiquement les touristes étaient venus surtout d une quinzaine de pays industrialisés, et visitaient à peu près toujours les destinations classiques, de plus en plus les voyageurs venaient de partout dans le monde, et la liste des destinations en concurrence s allongeait sans cesse. Ce phénomène s est considérablement affirmé et demeure une tendance lourde. Notre industrie, notre marché changent rapidement, et c est ce qui explique justement sa vitalité. Parmi les facteurs qui expliquent la croissance, il y a l émergence d une nouvelle classe moyenne, dans des pays où il n y en avait presque pas, et aussi l arrivée sur le marché de voyageurs en provenance de l ancien Bloc de l Est. Il y a dix ans, il y avait dans le monde plus de touristes nord-américains que de touristes asiatiques, malgré l écart de population. En 2010, il y a 28 % plus de voyageurs asiatiques que de voyageurs nord-américains 2. Les Russes dépensaient 11 milliards en voyages à l étranger en 2002, c était 27 milliards en 2010. Pour ce qui est des Chinois, le Canada en a reçu un peu moins de 200 000 en 2010, mais tous les espoirs sont permis, puisque le Canada n est une destination approuvée par la Chine que depuis 2010, justement. 2 197 millions de touristes asiatiques, par rapport à 154 millions de touristes en provenance des Amériques. UNWTO Tourism Highlights, édition 2011. 4

Bref, plus de gens voyagent de plus en plus. Et pendant que le Canada perdait 20 % de ses visiteurs (2002-2010) et le tiers de sa part de marché, on enregistrait ailleurs des hausses assez spectaculaires. Par exemple la Turquie, 27 millions de visiteurs en 2010, et 111 % d augmentation depuis 2002 ; le Pérou, 166 % d augmentation ; l Egypte, 186 % ; et la Thaïlande, 146 % 3. En 2002, 130 millions de personnes ont visité l Asie. En 2010, 204 millions, 57 % de plus. En 2002, 77 millions de personnes ont visité l Amérique du Nord. En 2010, 98 millions, 27 % de plus. En 2002, 20 millions de personnes ont visité le Canada. En 2010, à peine 16 millions, 20 % de moins. Les destinations non-traditionnelles ont la cote. Au cours des 10 dernières années, les économies émergentes ont vu leur tourisme croître en moyenne de 5,6 % par année, par rapport à 1,8 % pour les économies dites avancées 4. Parmi les facteurs qui ont encouragé le développement touristique, et qui encore aujourd hui sont à l œuvre, il y a bien sûr la facilité accrue avec laquelle on peut se déplacer en avion. La technologie, la concurrence, l apparition des «low-cost» ont combiné leurs effets pour entraîner une augmentation importante du nombre de voyageurs et une chute considérable des prix. Évidemment, Internet a joué et continue de jouer un rôle central là-dedans, facilitant la circulation de l information et la recherche de la meilleure aubaine. Aujourd hui, le consommateur, le voyageur, est roi comme il ne l a jamais été. Quand on fait abstraction de l inflation, le prix des voyages en avion a diminué d au moins 50 %, voire davantage, depuis 25 ans. 3 UNWTO Tourism Highlights, édition 2011. 4 UNWTO Tourism Highlights, édition 2011. 5

Consommateur roi, oui mais consommateur roi égale tout un défi pour les entreprises qui elles doivent se battre becs et ongles pour développer leur gamme de produits, augmenter la qualité de la prestation, réduire leurs coûts et dégager un profit, pendant que leurs clients montent dans les appareils de plus en plus frustrés, notamment par une ergonomie aéroportuaire qui tient du parcours du combattant. Je suis sidéré, en ce début de 21 e siècle, qu on en soit là, et qu on ne voit aucune amélioration à l horizon. L Association internationale du transport aérien, en tout cas, a lancé des idées, et j espère de tout cœur qu elle sera écoutée. C est tout un pan de l économie mondiale qui en bénéficierait. Au niveau de la sécurité par exemple, les efforts actuels sont largement centrés sur la recherche d objets. En les dirigeants plutôt vers l identification des personnes suspectes, on pourrait, technologie aidant, en arriver à des processus beaucoup plus fluides dans les aéroports. Les études montrent également l importance de travailler sur notre produit sur la destination. Je parle ici du produit pris dans son ensemble, mais aussi de la richesse de l offre qu on peut trouver sur le terrain, aussi bien au niveau des services comme l hébergement et la restauration, que des attractions à proprement parler. Tout le monde s entend que le Canada a un excellent fond de commerce. Mais il y a aussi un consensus, dans l industrie, qu un certain resserrement des boulons s impose. Nos clients ont changé, la concurrence est plus forte qu avant, on ne peut pas espérer tirer notre épingle du jeu sans changer de stratégie. Le produit, le marketing aussi, sont des thèmes que j avais touchés en 2003, et si un peu de chemin a été parcouru, à mon avis nous sommes collectivement plutôt lents à changer. Plus que jamais, on doit souhaiter que nos gouvernements fassent preuve de leadership sur la question du développement touristique. A ce titre, je voudrais évoquer les travaux du Comité performance de l industrie touristique, dont le rapport a été rendu public en mai dernier, et qui propose une vision et un cadre de travail, du moins pour le Québec. Il s agit justement de devenir, d ici 2020, une destination de calibre international, principalement en s attaquant au produit. Trois axes de positionnement sont proposés. 6

D abord reconnaître que nous avons deux portes d entrée, deux pôles d attraction majeurs, que sont Montréal et Québec et renforcer le potentiel de chacune. Autrement dit, pas de tourisme international sans une personnalité forte pour nos deux principaux attraits. Ensuite, le fleuve St-Laurent. À la fois au sens strict, mais aussi au sens métaphorique. Le Québec pivote littéralement autour du fleuve St-Laurent. Sa géographie, sa morphologie, notre culture, tout peut se rattacher au St-Laurent au sens large. Trois. Renforcer et exploiter intelligemment le potentiel des régions sur toutes leurs saisons, en assumant pleinement notre nordicité. Évidemment, c est un point de départ, et il va falloir au cours des prochaines années s attaquer aux détails, là où comme chacun sait on peut trouver le Diable. On verra bien. Mais le groupe de travail en question, présidé par Gilbert Rozon, a abattu un travail remarquable en peu de temps. Les fondations sont là, il reste à construire. Depuis nos débuts comme voyagiste, chez Transat, nous avons toujours tenté de profiter de ces flux touristiques que j évoquais plus tôt, et surtout de leur évolution. Même si aujourd hui nous dépendons encore beaucoup de trois marchés sources principaux, le Canada, la France et le Royaume-Uni, il n en reste pas moins que nous avons manœuvré, historiquement, pour tenter d élargir nos marchés sources et de destination. La manifestation la plus tangible de cette approche, aujourd hui, c est notre position unique sur le marché transatlantique, avec 70 liaisons entre 9 villes canadiennes et 36 villes dans 12 pays européens. Personne d autre, ni voyagiste, ni compagnie aérienne, n a monté une offre aussi riche et aussi bien adaptée au marché touristique. Ceci représente environ 1,2 million de sièges, et a fait de nous le voyagiste numéro un sur la France et le Royaume-Uni. Nous n aurions pas réussi à mettre en place cette machine de guerre sans prendre pied solidement en Europe. De tous ces sièges, une bonne moitié est vendue à des Français, des Britanniques, des Espagnols, des Italiens, des Belges, des Allemands, etc. Nous possédons aujourd hui des entreprises fermement installées dans quatre pays européens, nous avons passé des ententes avec des partenaires commerciaux qui nous distribuent, et le site web transactionnel d Air Transat est accessible dans 8 langues. 7

Nous sommes aussi demeurés fidèles à un modèle de distribution qui nous a bien réussi, lequel fait une large place aux agences de voyages. Car oui, en 2011, les agents de voyages continuent de jouer un rôle fondamental auprès des clients. Autre élément de la stratégie : nous attirons nos clients, aussi bien au Canada qu en Europe, avec une offre qui va beaucoup plus loin que le transport aérien. Pour ce qui est du marché européen (et international), nous sommes le premier voyagiste réceptif au Canada, avec près de 500 000 passagers, dont une bonne partie a acheté avec nous non seulement un siège, mais aussi un forfait, un circuit, ou d autres services touristiques. À ce titre, nous sommes donc un partenaire majeur pour l industrie touristique canadienne. Des centaines, pour ne pas dire des milliers de prestataires de services touristiques comptent sur nous pour les représenter à l étranger. Nous participons activement, de concert avec l industrie et les gouvernements, à la promotion du Canada. En tant que voyagiste expéditif canadien, nous avons au cours des 25 dernières années élargi sans relâche notre offre, aussi bien quant aux types de produits qu aux destinations. Par exemple, nous vendons près de 80 000 croisières par année, et avec Transat Découvertes nous offrons des circuits accompagnés et individuels partout dans le monde. Et troisièmement, bien que la conjoncture pose des défis, nous posons des jalons pour développer de nouveaux marchés sources. D où par exemple l ouverture en 2010 de Eleva Travel, à Monterrey, au Mexique. Eleva Travel vise les voyageurs mexicains. Les Canadiens continuent de voyager, et tant mieux. Au Canada, Transat Tours Canada, notre navire amiral, offre une foule de destinations voyage aux Canadiens, notamment au Mexique, dans les Caraïbes et en Europe, et vend ses produits sous trois marques bien connues : Vacances Transat, Nolitours et Air Transat. Ce qui a changé depuis 2003, sur le marché expéditif canadien, c est que la concurrence s est beaucoup accrue, et, Internet aidant, le marché est devenu extraordinairement efficace en termes économiques. En clair, il est devenu très facile pour le consommateur de trouver le meilleur prix, et il y a une course folle de la part des voyagistes pour se gagner le cœur des voyageurs. Donc, on en revient au concept, encore une fois, du consommateur roi. 8

Ceci est particulièrement vrai sur le marché des destinations soleil, où le prix demeure un élément majeur de l équation pour le consommateur. Tous les voyagistes, et notamment ceux de notre catégorie, qui ont une masse critique internationale, subissent donc des pressions de toutes sortes qui les forcent à réfléchir à leur modèle de fonctionnement et à leurs structures. Ce n est pas quelque chose qu on vient de découvrir, et notre organisation a beaucoup changé ces 10 dernières années. Mais c est simple : il faut sans cesse sur le métier remettre son ouvrage, comme dit l adage. Ce qui était présent en 2003, mais qui est passé à l avant-plan de nos jours, c est toute la question de l environnement, et entre autres des émissions de gaz à effet de serre liés à l aviation, et par extension au tourisme. De manière générale, on estime que le tourisme, pris dans son ensemble, est responsable de 5 % des émissions des gaz à effet de serre. L aviation, qui ne dépend qu en partie du tourisme, représenterait pour sa part environ 2 % (pour information, c est 12 fois moins que la déforestation). L industrie a un intérêt bien senti à exploiter des avions qui consomment moins, et les constructeurs l ont compris depuis longtemps. Les appareils d aujourd hui sont 20 % plus efficaces qu il y a 10 ans, la consommation par passager a diminué de 14 % depuis 10 ans, et l objectif que nous nous fixons est une diminution additionnelle de 25 % d ici 2020 (par rapport à 2005) 5. Historiquement, la consommation par passager/kilomètre n a cessé de diminuer. À terme, le but serait d en arriver à une croissance zéro des émissions de CO2 liées à l aviation. Différentes stratégies vont se combiner pour y arriver, comme par exemple l émergence des biocarburants, mais aussi une gestion plus efficace du trafic aérien. Par exemple, il a été estimé qu une décongestion du ciel, si les moyens nécessaires étaient mis en œuvre, pourrait amener une réduction de quelque 10 % des émissions. Le tourisme et le voyage représentent plus de 200 millions d emplois dans le monde. L industrie s est toujours montrée très responsable, et franchement, et je ne pense pas que des mesures visant à 5 Association internationale du transport aérien 9

étouffer notre industrie soient dans l intérêt public. De telles mesures, adoptées ici et là dans le monde, sous forme de taxes par exemple, font plutôt la preuve d un manque d imagination. En 2003, déjà, Air Transat a mis en place un plan de gestion du carburant, pour diminuer nos coûts et nos émissions. On a étudié une foule de mesures, et mesuré pour chacune d elle les gains potentiels. Ça va du lavage plus fréquent des moteurs jusqu à des modifications aux techniques de freinage, en passant par l acquisition de logiciels qui permettent de mettre au point des plans de vol plus performants, et bien entendu une foule de mesure visant à réduire le poids du matériel embarqué. On estime aujourd hui que ce programme a entraîné une réduction de 5 % de la consommation et des émissions. Nous ne sommes pas le seul transporteur à avoir pris des mesures semblables, bien sûr. Mais nous nous sommes distingués par notre rigueur et notre transparence. Nous avons commencé à divulguer nos émissions en 2007, et nous le faisons toujours, et en Amérique du Nord, ce n est pas encore la norme de le faire. Et à 3,30 litres par passager par 100 km, notre performance s avère parmi les meilleures au monde. Vous n avez pas besoin de me croire sur parole. Au début 2011, un organisme indépendant allemand a produit une étude analysant la performance d environ 100 compagnies aériennes dans le monde. Air Transat s est classée au troisième rang globalement, et au premier rang dans la catégorie des transporteurs long-courriers 6. Mais notre engagement envers l avenir embrasse beaucoup plus large que le CO 2. C est quelque chose que je n avais pas touché dans mon discours en 2003, puisque ce n est qu en 2006 que nous avons pris fermement le virage du développement durable. Partout dans le monde, l industrie touristique, ou du moins une partie de l industrie touristique, a assimilé le fait qu il faut faire évoluer nos façons de faire. Et notamment travailler de concert avec les partenaires et avec les destinations pour que les enjeux et les impacts sociaux, économiques et environnementaux, qui sont en interaction, soient considérés dans leur ensemble Et ce pour le bien, et dans l intérêt, de toutes les parties prenantes. 6 www. atmosfair.de 10

Pour Transat, c est depuis cinq ans une priorité. Nous avons été heureux de constater à quel point nos employés ont embrassé cette façon de penser. Même chose pour plusieurs de nos partenaires, qui travaillaient déjà dans cette veine, et qui ont été encouragés de nous voir bouger. Même chose, j irais jusqu à dire, pour plusieurs de nos clients, même si à ce titre, c est vrai que beaucoup reste à faire. Aujourd hui, nos efforts vont dans plusieurs directions, et je me contenterai ce midi de quelques exemples : Nous avons pris des mesures pour encourager nos milliers de fournisseurs et partenaires à améliorer leurs façons de faire. Notamment environnementales, mais pas seulement. Nous avons ainsi implanté un programme spécifiquement pour les hôteliers, et mis en place une politique d approvisionnement responsable. Nous achetons chaque année pour quelque deux milliards de dollars de services touristiques, et nous avons, comme voyagiste un véritable effet de levier. Nous collaborons bien davantage qu avant avec les destinations, pour que les collectivités profitent du tourisme. Cela prend plusieurs formes. Nous avons soutenu financièrement des projets de tourisme durable dans 10 pays, pour environ un demi-million de dollars ; nous nous sommes associés à SOS Villages d Enfants, qui prend sous son aile des dizaines de milliers d enfants défavorisés, partout dans le monde ; nous nous sommes aussi associés à Au-delà-des-frontières, pour lutter ensemble contre le tourisme sexuel impliquant des mineurs. Et troisièmement, bien sûr, de concert avec nos employés, qui se sont montrés très motivés, nous nous efforçons de réduire notre impact environnemental et de sensibiliser nos gens à l importance de voir évoluer les comportements. Bref, nous n évoluons pas dans une industrie de tout repos, loin de là. Les marges sont minces, très minces. Transat est un voyagiste international, verticalement intégré, le cinquième ou le sixième au monde en chiffre d affaires, selon le taux de change du jour. Nous sommes le premier au Canada, le quatrième en France. Bon an mal an nous servons 3 millions de voyageurs, et nos revenus ont été en 2010 de 3,5 milliards de dollars. 11

Nous allons au cours des prochains mois, encore une fois, nous réinventer, et nos clients, nos employés, nos actionnaires et nos partenaires, y compris à destination, en bénéficieront. Merci. 12