Chapitre X. Chapitre X : Matrice inverse et réciproque d une application

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Chapitre X Chapitre X : Matrice inverse et réciproque d une application

Introduction Dans ce chapitre, on fera le lien entre la matrice d une application linéaire et l inverse d une matrice (notion vue au premier quadrimestre).

Réciproque d une fonction Etant donné une fonction (pas nécessairement une application linéaire) f : A B, il est utile de pourvoir disposer, si elle existe, de sa réciproque f 1. La fonction f 1 est par définition une fonction f 1 : B A telle que f 1 (f (a)) = a pour tout a A et f (f 1 (b)) = b pour tout b B.

Réciproque d une fonction Exemple 1 La fonction f : R + R + : x x 2 admet pour réciproque f 1 : R + R + : x x. L existence de cette réciproque est bien pratique : si on souhaite par exemple résoudre l équation x 2 = 5 sur R +, il suffit de prendre l image des deux membres de l équation par la réciproque f 1 et on obtient alors x = 5.

Réciproque d une fonction L existence de f 1 implique que f est injective. En effet, s il existe deux nombres x et y tels que f (x) = f (y) := z, comment faire pour définir f 1 (z)? Est-ce que f 1 (z) = x ou f 1 (z) = y? Par exemple, si on considère g : R R + : x x 2, on ne peut définir sa réciproque vu que g n est pas injective sur R. C est la raison pour laquelle on restreint le domaine de g à R + avant de définir sa réciproque (comme expliqué dans l exemple précédent).

Réciproque d une fonction Donc, si f n est pas injective, il n y a pas d espoir de pouvoir définir une fonction réciproque f 1 : B A. Bien sûr, on peut quand même essayer de résoudre l équation f (x) = z pour z B. (Par exemple : si on veut résoudre x 2 = 5 sur R on a simplement x = 5 ou x = 5.) Il n empêche que si il existe une fonction réciproque, on aimerait pouvoir la trouver. Ca fournit un moyen systématique de résoudre f (x) = z : on applique simplement f 1 aux deux membres.

Réciproque d une fonction Théorème 2 La fonction f : A B admet une réciproque si et seulement si f est bijective. Démonstration : Si f n est pas injective, on vient d expliquer que f 1 ne peut exister. Si f n est pas surjective certains éléments de B ne peuvent avoir d image (donc f 1 n existe pas non plus). Si f est bijective, tout élément b B est atteint par un seul élément a b A et il suffit alors de définir f 1 : B A : b a b.

Réciproque d une fonction Remarque : dire que f 1 est l inverse de f revient à dire que (f f 1 ) est la fonction identité sur B et (f 1 f ) est la fonction identité sur A. La fonction identité sur l ensemble X est la fonction qui fixe tous les points de X : Id : X X : x x.

Réciproque d une fonction Exemple 3 La fonction f : R R + 0 : x 2x est bijective et admet pour réciproque la fonction log 2 : R + 0 R : x log 2(x). On va maintenant étudier l existence des réciproques dans le cas des applications linéaires f : V W où V et W sont des espaces vectoriels sur K.

Réciproque d un isomorphisme Il suffit donc de s assurer que f : V W est bijective pour savoir qu une réciproque f 1 : W V existe. Rappel (voir Chapitre VII) : une application linéaire bijective f : V W est appelée isomorphisme d espace vectoriels. Si une telle bijection existe, on dit que V et W sont isomorphes. Lorsque V = W, on parle d automorphisme ou bien de permutation linéaire.

Isomorphismes Dans la suite, on se limitera aux espaces vectoriels de dimension finie sur K. En fait : Théorème 4 Soit V et W deux espaces vectoriels de dimension finie sur K. Alors il existe une bijection f : V W si et seulement si dim K (V ) = dim K (W ). Démonstration : Si f : V W est une bijection linéaire, on vérifie facilement que si {e 1,..., e n } est une base de V alors {f (e 1 ),..., f (e n )} est une base de Im(f ) = W. Donc V et W ont même dimension. Si V et W ont même dimension et si {e 1,..., e n } et W = {f 1,..., f n } sont des bases de V et W respectivement, on vérifie à nouveau facilement que l unique application linéaire f : V W telle que f (e i ) = f i est une bijection.

Isomorphismes Le théorème précédent affirme donc que deux espaces vectoriels de dimension n N sur K sont toujours "les mêmes, mais vus différemment". En particulier, tout espace vectoriel de dimension n est isomorphe à K n! Exemple 5 L espace vectoriel R 2 sur R est isomorphe au sous-espace V = {(x, y, 0) x, y R} = <(1, 0, 0), (0, 1, 0)> de R 3 vu que V et R 2 ont même dimension (à savoir 2)! Par contre, il n existe aucune bijection linéaire entre R et R 2, ni entre R 2 et R 3, ni...

Isomorphismes En tout cas, on peut supposer que dim K (V ) = dim K (W ) lorsqu on étudie les bijections de V W. Comme tout espace vectoriel de dimension n sur K est isomorphe à K n, on ne perd pas grand chose à supposer de plus que V = W = K n pour un certain n N 0.

Réciproque d une permutation linéaire On va donc chercher à voir quand une application linéaire f : K n K n est bijective, et dans ce cas, comment faire pour calculer la réciproque f 1.

Réciproque d une permutation linéaire Remarquons qu on a déjà fourni des éléments de réponse à cette question dans le Chapitre VII. Pour vérifier qu un opérateur linéaire f : V V (avec V de dimension finie) est injectif, on vérifie que Ker(f ) = {0 V }. De plus, on a démontré (voir le Chapitre VII) : Théorème 6 Soit f : K n K n un opérateur linéaire. Alors f est injectif si et seulement si f est surjectif.

Réciproque d une permutation linéaire Donc, dans le cas d un opérateur linéaire f : K n K n, il suffit de vérifier que Ker(f ) = {(0, 0,..., 0)} pour conclure que f est bijectif (ce qui ne nous dit pas encore comment trouver f 1 ).

Réciproque d une permutation linéaire Exemple 7 On vérifie que l opérateur linéaire de R 3 f : R 3 R 3 : (x, y, z) (x + 2y + z, 3z, 2x y) est une permutation linéaire en vérifiant que le système x + 2y + z = 0 3z = 0 2x y = 0 n admet que (0, 0, 0) comme solution. (1) Donc, f 1 existe, mais comment la trouver?

Réciproque d une permutation linéaire Remarquons tout d abord que la réciproque d une permutation linéaire est aussi une permutation linéaire : Théorème 8 Si f : K n K n est une permutation linéaire alors sa réciproque f 1 : K n K n est aussi linéaire (donc est aussi une permutation linéaire). Démonstration : On veut vérifier que pour tous w 1, w 2 K n. Mais f 1 (w 1 + w 2 ) = f 1 (w 1 ) + f 1 (w 2 ) f (f 1 (w 1 ) + f 1 (w 2 )) = f (f 1 (w 1 )) + f (f 1 (w 2 )) = w 1 + w 2 donc forcément f 1 (w 1 + w 2 ) = f 1 (w 1 ) + f 1 (w 2 ). On vérifie de même que f 1 (λw) = λf 1 (w) pour tout w K n.

Réciproque d une permutation linéaire Exemple 9 Considérons les opérateurs linéaires f : R 2 R 2 : (x, y) (2x, y) et g : R 2 R 2 : (x, y) ( x 2, y). On a alors (g f )(x, y) = (x, y) = (f g)(x, y). Donc f et g sont inversibles et on a f 1 = g, g 1 = f.

Réciproque d une permutation linéaire Exemple (Suite de l exemple précédent) Remarquons que les matrices M f de f et M g de g dans la base canonique sont ( ) ( M f 2 0 1 ) = M g = 2 0 0 1 0 1 On a M g M f = M f M g = ( ) 1 0 0 1 et la matrice ( 1 ) 0 0 1 est la matrice de l application identité.

Réciproque d une permutation linéaire Sur l exemple précédent, on voit que la matrice de f 1 est simplement l inverse de la matrice de f selon la définition vue au premier quadrimestre. Rappel : une matrice carrée A Mat(n n, K) est inversible s il existe une matrice B telle que AB = BA = I avec I la matrice identité. Dans ce cas, on dit que B est l inverse de A et on note B = A 1. S il existe, l inverse de A est unique.

Réciproque d une permutation linéaire Théorème 10 Soit f : K n K n un opérateur linéaire et M sa matrice dans une base B de K n. Alors f est bijectif si et seulement si M est inversible, auquel cas la matrice de f 1 est précisément l inverse M 1 de M. C est évident vu que f est bijectif si et seulement si f 1 existe, et dire que (f f 1 ) = (f 1 f ) = Id revient à dire que, si N est la matrice de f 1 dans B : MN = NM = I. (Car on a vu au Chapitre IX que la matrice d une composée est le produit des matrices).

Matrice et opérations Pour résumer les choses, nous sommes donc parvenus à donner du sens : a la somme de deux matrices : c est la matrice de la somme des applications linéaires associées, au produit de deux matrices : c est la matrice de la composée des applications linéaires associées, au produit d une matrice par un scalaire : c est la matrice de l application linéaire obtenue en multipliant l application linéaire associée par le scalaire, à l inverse d une matrice (si elle existe) : c est la matrice de la réciproque de l application linéaire associée.

Réciproque d une permutation linéaire Exemple 11 Soit f : R 3 R 3 : (x, y, z) (x + y, x y, x). Il est facile de voir que f n est pas injective, par exemple car f (0, 0, 1) = (0, 0, 0) = f (0, 0, 0) (si on ne le voit pas, il suffit de calculer le noyau). Donc f 1 n existe pas. La matrice de f dans la base canonique est 1 1 0 M = 1 1 0 1 0 0 et cette matrice ne peut donc pas être inversible.

Réciproque et inverse Donc, on a ramené l étude de la réciproque éventuelle d un opérateur linéaire f : K n K n au problème suivant : Etant donné une matrice M Mat(n n, K) (M représente f dans une base donnée de K n ), est-ce que M est inversible? Si oui, comment calculer son inverse?

Réciproque et inverse En fait, on peut toujours considérer que M représente f dans la base canonique, c est-à-dire que f est l opérateur linéaire de K n défini par x 1 f (x) = M. x 2... x n

Réciproque et inverse On va maintenant énoncé un théorème qui résume les différentes conditions équivalentes qui expriment que f : K n K n est une permutation linéaire de K n. Rappelons pour ce faire que le rang de f est la dimension de son image (la dimension du sous-espace de K n engendré par les colonnes de M).

Réciproque et inverse Théorème 12 Soit f : K n K n un opérateur linéaire représenté par sa matrice M dans la base canonique. Alors les affirmations suivantes sont équivalentes : 1 f est un automorphisme (une permutation linéaire) de K n, 2 f est bijectif, 3 f est injectif (c est-à-dire, son noyau Ker(f ) est réduit au vecteur nul {(0, 0,..., 0)}), 4 Le rang de f est n, 5 M est inversible, 6 Le rang de M est n, 7 Les colonnes de M sont linéairement indépendantes, 8 Les lignes de M sont linéairement indépendantes.

Réciproque et inverse La démonstration de ce théorème résulte immédiatement de tout ce qu on a vu sur les applications linéaires. Nous allons cependant bien réexpliquer où tout cela a été prouvé.

Explication du théorème 12 Le point 1 est équivalent au point 2 par définition : un automorphisme (aussi appelé permutation linéaire) est un opérateur linéaire bijectif. Le point 2 est équivalent au point 3 car on a vu (fin du Chapitre VII) qu un opérateur linéaire en dimension finie est bijectif si et seulement si il est injectif si et seulement si son noyau est trivial.

Explication du théorème 12 On a aussi vu à la fin du Chapitre VII qu un opérateur linéaire en dimension finie est injectif si seulement si il est surjectif. Ici, surjectif signifie que l image de f est K n tout entier, c est-à-dire que l image de f est de dimension n, c est-à-dire que le rang de f est de dimension n. D où l équivalence du point 3 avec le point 4

Explication du théorème 12 Le rang de f vaut n si et seulement si f est bijectif si et seulement si la matrice de M est inversible. Ceci explique que le point 4 est équivalent au point 5.

Explication du théorème 12 La matrice M est inversible si et seulement si f est bijective si et seulement si le rang de f est n. Mais le rang de f est le rang de M, donc le point 5 est équivalent au point 6.

Explication du théorème 12 Si le rang de M vaut n, cela signifie que les n colonnes de M sont linéairement indépendantes (de façon équivalentes : elles forment une base de K n ). Donc le point 6 est équivalent au point 7.

Explication du théorème 12 On a mentionné au Chapitre IX que le rang d une matrice est égal au rang de sa transposée, ce qui explique l équivalence entre le point 7 et 8.

Explication du théorème 12 Le théorème 12 nous donne donc un premier critère pour voir si une matrice admet un inverse : on regarde si ses lignes ou ses colonnes (au choix!) sont linéairement indépendantes.

Explication du théorème 12 Exemple 13 La matrice M = 1 2 0 5 2 4 1 6 1 2 3 8 1 2 3 1 n est pas inversible. En effet, la deuxième colonne de M vaut 2 fois la première colonne de M. Donc le rang de M est au plus de 3, et M ne peut être inversible par le théorème 12.

Explication du théorème 12 On peut se servir du théorème 12 pour déterminer si un système de n équations linéaires à n inconnues admet une unique solution. Rappelons qu un tel système peut s écrire sous la forme Au = b avec A la matrice des coefficients, u le vecteur colonne des inconnues et b le vecteur colonne des termes indépendants.

Explication du théorème 12 Exemple 14 Le système 3x + 3y z = 6 x y + 5z = 4 2x + 2y + 6z = 4 peut s écrire Au = b avec 3 3 1 x 6 A = 1 1 5, u = y, b = 4 2 2 6 z 4 (2)

Explication du théorème 12 Théorème 15 Le système de n équations à n inconnues à coefficients dans le corps K Ax = b admet une unique solution si et seulement si la matrice A Mat(n n, K) est inversible. Dans ce cas, x = A 1 b. Démonstration : Si A est inversible, on multiplie les deux membres de l équation Ax = b par A 1 et on trouve que A 1 (Ax) = (A 1 A)x = Ix = x = A 1 b qui est donc l unique solution du système. En revanche, si A n est pas inversible, l opérateur linéaire de K n défini par f (x) = Ax n est pas injectif (par le théorème 12). Le système admet donc soit zéro solutions (si b n est pas dans l image de f ) soit plusieurs solutions car si Ax = b et y Ker(f ) alors A(x + y) = Ax + Ay = b.

Matrice inverse Pour calculer effectivement l inverse de la matrice M, on peut procéder comme au premier quadrimestre : 1 Soit on utilise la méthode basée sur le déterminant de M, 2 Soit on fait des manipulations sur les lignes de A pour transformer A en la matrice identité. Appliquer les même manipulations sur la matrice identité livre la matrice M 1. Les manipulations admises sont : ajouter un multiple d une ligne à une autre ligne, diviser une ligne par un scalaire non nul.

Matrice inverse Illutrons la deuxième méthode sur un exemple concret. Cela fonctionne comme au premier quadrimestre, sauf qu on fait les calculs dans le corps K.

Matrice inverse Exemple 16 Calculons l inverse de la matrice M Mat(3 3, Z 2 ) définie par 1 1 0 M = 1 0 1 1 1 1 La matrice M est bien de rang 3, elle admet donc un inverse. Ecrivons : 1 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 1 1 1 0 0 1 Remarque : comme la matrice est à coefficients dans Z 2, on ne devra jamais diviser (vu que le seul élément non nul est 1), c est pratique!

Matrice inverse Exemple (Suite de l exemple précédent) 1 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 1 1 1 0 0 1 On soustrait la première ligne à la deuxième et à la troisième de façon à transformer la premier colonne en le vecteur (1, 0, 0). On obtient (rappel : 1 = 1 dans Z 2 ) : 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 0 1

Matrice inverse Exemple (Suite de l exemple précédent) 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 0 1 A présent, on soustrait la deuxième ligne à la première pour transformer la deuxième colonne en (0, 1, 0). On obtient : 1 0 1 0 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 0 1

Matrice inverse Exemple (Suite de l exemple précédent) 1 0 1 0 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 0 1 Finalement, on soustrait la troisième ligne aux deux premières pour transformer la troisième colonne en (0, 0, 1) : 1 0 0 1 1 1 0 1 0 0 1 1 0 0 1 1 0 1

Matrice inverse Exemple (Suite de l exemple précédent) Donc, l inverse (sur le corps Z 2, pas sur R!) de la matrice est 1 1 0 M = 1 0 1 1 1 1 1 1 1 M 1 = 0 1 1 1 0 1 On peut le vérifier en effectuant le produit MM 1 = M 1 M et en constatant qu on obtient bien la matrice identité.

Matrice inverse Pourquoi cette méthode fonctionne t-elle? Simplement car ajouter λ fois la ligne j à la ligne i de M revient à multiplier M par la matrice I + λe ij ou E ij est la matrice ayant des zéros partout sauf un 1 en position (i, j). Donc, si on multiplie M par un certains nombre de matrices de la forme I + λe ij et qu on retombe sur l identité, le produit des I + λe ij sera M 1. Et on encode exactement le produit de ces matrices dans le tableau de droite!

Matrice inverse On appelle parfois cette méthode la méthode de Gauss. Elle est similaire à la méthode de Gauss pour résoudre des systèmes, sauf qu on s en sert pour inverser une matrice.

Matrice inverse Exemple 17 L unique solution du système linéaire sur Z 2 est 1 1 0 x 1 1 0 1 y = 0 1 1 1 z 1 est x 1 1 1 1 0 y = 0 1 1 0 = 1 z 1 0 1 1 0

Matrice et déterminants A propos des déterminants : tout ce qui a été dit au premier quadrimestre (la définition, les propriétés, la façon de calculer un déterminant) sont à nouveau toujours valable sur un corps quelconque. Bien sûr, si M Mat(n n, K), alors det(m) K. Remarque : nous n avions démontré aucune des propriétés au premier quadrimestre, et on ne le fera pas d avantage ici. Pourquoi?

Matrice et déterminants Pour démontrer les propriétés des déterminants, on utilise une définition plus théorique de celui-ci. Cette définition fait intervenir les formes multilinéaires alternées et les permutations paires/impaires. Ces sujets ne sont pas au programme de ce cours. A notre niveau, on peut donc admettre les propriétés des déterminants sans démonstration.

Matrice et déterminants Les déterminants nous intéressent principalement pour le résultat important suivant : Théorème 18 La matrice M Mat(n n, K) est inversible si et seulement si son déterminant det(m) est non nul. Dans ce cas, la matrice inverse peut s écrire : 1 det(m) ( M) t avec M la comatrice de M, c est-à-dire : M ij vaut ( 1) i+j D ij avec D ij le déterminant de la matrice obtenue en enlevant la ligne i et la colonne j de M.

Matrice et déterminants Le calcul M 1 à partir de la comatrice n est cependant pas très efficace d un point de vue algorithmique (il faut calculer n 2 déterminants (n 1) (n 1)). Des algorithmes efficaces seront étudiés dans le cours de Calcul Formel et Numérique (BA2) pour les problèmes suivants : résoudre un système, calculer le déterminant et l inverse de M.

Matrice et déterminants On peut aussi démontrer les propriétés suivantes (vraies quel que soit le corps K) : det(a.b) = det(a) det(b), det(a t ) = det(a), c est-à-dire : le déterminant d un produit de matrices est égal au produit des déterminants, le déterminant de la transposée est égal au déterminant. Ici, A et B sont des matrices quelconques de Mat(n n, K).

Matrice et déterminants Exemple 19 Une matrice deux fois deux à coefficients dans K : ( ) a b c d est inversible si et seulement si ad bc 0. Par exemple, la matrice suivante de Mat(2 2, C) n est pas inversible : ( ) i 1 car i 2 + 1 = 0. (On aurait aussi pu constater que la première colonne vaut i fois la deuxième). 1 i

Matrice et déterminants En résumé : Théorème 20 Soit M Mat(n n, K). Alors les propriétés suivantes sont équivalentes : 1 M est la matrice dans la base canonique d une permutation linéaire de K n, 2 M est inversible, 3 Le rang de M est n, 4 Les colonnes de M sont linéairement indépendantes, 5 Les lignes de M sont linéairement indépendantes, 6 det(m) 0, 7 Pour tout b Mat(n 1, K), le système Ax = b admet une unique solution.

Application Donnons à présent une application du calcul de l inverse d une matrice en cryptographie.

Application Décidons d encoder un message contenant m lettres au moyen d un mot de l espace vectoriel (Z 29 ) m. Même si l alphabet comporte 26 lettres, on prend Z 29 et non par Z 26 car 29 est premier (donc Z 29 est un corps.) Il suffit de décider que A est encodé par 1, B par 2,..., Z par 26 et on décide (par exemple) que 0 désigne un espace, 27 représente é et 28 représente è.

Application Pour crypter le message x (Z 29 ) m, on choisit une matrice inversible M Mat(m m, Z 29 ) et on calcule y := Mx Donc y est le message crypté (on peut éventuellement le retranscrire en lettres). On s assure que le destinataire connaisse M, et il n aura qu a calculer M 1 y s il veut décrypter le message.

Application Une personne qui ne connaît pas M aura donc du mal à savoir ce que le message crypté y signifie. Il faut pour cela pouvoir décoder le message en utilisant M (on dit que M est la clé de cryptage).

Application Prenons par exemple m = 4 et codons le mot INFO. Ce mot sera donc représenté par le vecteur (9, 14, 6, 15) de (Z 29 ) 4. Comme clé de cryptage, on utilise : 1 2 3 0 M = 1 1 0 1 2 3 4 5 1 0 0 8

Application On peut vérifier que M est bien de rang maximal (ou alors on utilise un logiciel de calcul, comme Sage) et que 15 11 25 12 M 1 = 5 24 18 22 21 19 28 20 9 24 15 24

Application Le message crypté est alors C est-à-dire : ZINM 1 2 3 0 9 26 1 1 0 1 14 2 3 4 5 6 = 9 14 1 0 0 8 15 13

Application Le destinataire qui souhaite décoder ZINM retranscrit le message dans (Z 29 ) 4 : (26, 9, 14, 13) et calcule 26 9 M 1. 9 14 = 14 6 13 15

Le groupe linéaire général Avant de conclure ce chapitre, il nous reste à introduire une notion importante : le groupe linéaire général.

Le groupe linéaire général Considérons le sous-ensemble GL n (K) de toutes les matices de Mat(n n, K) qui sont inversibles. Alors : 1) La multiplication matricielle est une loi interne sur GL n (K). En effet, si M et N sont deux matrices inversibles, alors le produit MN est aussi inversible car MN(N 1 M 1 ) = M(NN 1 )M 1 = MM 1 = I = (N 1 M 1 )MN donc N 1 M 1 est l inverse de MN.

Le groupe linéaire général 2) La matrice identité I est inversible. Elle comporte des 1 sur la diagonale et des 0 partout ailleurs (et son déterminant vaut 1). La matrice I est un élément neutre pour la multiplication matricielle vu que pour toute matrice M : M.I = I.M = M 3) Toute matrice inversible admet un inverse (évidemment!) M 1 tel que MM 1 = M 1 M = 1. 4) Le produit matriciel est associatif (on le sait depuis longtemps).

Le groupe linéaire général On résume toutes ces propriétés en disant que (GL n (K),.) forme un groupe (le. représente la multiplication matricielle).

Le groupe linéaire général On avait déjà parlé de groupe commutatif au premier quadrimestre à l occasion du cours du sur les matrices. Ici, le groupe en question n est pas commutatif vu que le produit matriciel n est pas commutatif MN NM en général.

Le groupe linéaire général On appelle (GL n (K),.) le groupe linéaire général d ordre n sur K. Vu l importance des matrices inversibles, ce groupe a déja été bien étudié et on connaît pas mal de propriétés (on n entrera pas dans les détails ici).

Groupes De façon plus générale, en mathématiques, les ensembles munis d une loi interne, associative, avec élément neutre et dont tout élément est inversible sont appelés groupes. De même que pour les espaces vectoriels, les groupes sont fort étudiés (et on connaît de nombreux exemples).

Résumé des points importants du chapitre 1 La réciproque d une fonction f : A B. Cette réciproque existe si et seulement si f est bijective, 2 La matrice de la réciproque de la permutation linéaire f est l inverse de la matrice de f, 3 Les différentes caractérisations équivalentes d une matrice inversible (y compris celle avec le déterminant). Le calcul de l inverse avec la méthode de Gauss, 4 Le groupe linéaire général.