FRACTURES DE L EXTRÉMITÉ DISTALE DU RADIUS E LESPRIT JC LE HUEC Ce sont des fractures fréquentes mais très polymorphes. On les observe à tous les âges : - Chez la personne âgée +++ (ostéoporose) - Chez le sujet jeune souvent après un traumatisme violent (fractures comminutives) - Chez les enfants (décollements épiphysaires) 1- ANATOMOPATHOLOGIE ET MÉCANISMES a- Fractures sus-articulaires a1- Fractures sus-articulaires à déplacement postérieur C est la classique fracture de Pouteau-Colles. Elle fait suite à une chute sur un poignet en hyper-extension (fracture par compression extension). Elle se rencontre surtout chez la personne âgée (femme) et ostéoporotique. Le trait de fracture siège entre 15 et 25 mm au dessus de l interligne articulaire. 1
Le trait est oblique en bas et en avant. L épiphyse est basculée en arrière et en dehors (main botte radiale). Il existe donc : - Une horizontalisation de la ligne bi-styloïdienne (signe de Laugier) qui est normalement oblique de 10 - Une bascule externe de l épiphyse radiale dans le plan frontal qui se traduit par une diminution de l angle d ouverture de la glène radiale (normalement de 25 ) - Une diminution de l index radio-cubital inférieur dans le plan frontal (normalement de 2 mm) - Une bascule postérieure de l épiphyse radiale dans le plan sagittal - On retrouve souvent une comminution postérieure qui est source d instabilité Si une fracture de Pouteau-Colles est associée à un arrachement de la styloïde cubitale, on parle de fracture de Gérard-Marchant. Cette forme est très fréquente. Sa sémiologie est la même que celle d une fracture de Pouteau- Colles. a2- Fractures sus-articulaires à déplacement antérieur C est la fracture de Goyrand-Smith. On a un déplacement inverse de celui de la fracture de Pouteau-Colles. La déformation clinique est ici en «ventre de fourchette». Le diagnostic est radiologique. 2
b- Fractures articulaires b1- Fractures articulaires à déplacement postérieur Il s agit de fractures sus-articulaires à déplacement postérieur (type Pouteau- Colles) qui présentent, en plus, des traits de refend touchant la surface articulaire. Ce sont les fractures les plus fréquentes (25% des cas). Le mécanisme et la clinique sont les mêmes que dans les fractures de Pouteau-Colles. b2- Fractures articulaires comminutives du sujet jeune Elles sont dues à des traumatismes violents (haute énergie). Elles réalisent un véritable «éclatement» du massif métaphyso-épiphysaire du radius. Le déplacement est en général important (le plus souvent postérieur). b3- Fractures cunéennes externes Elles sont en général peu déplacées. Elles sont par contre souvent associées à des lésions osseuses ou ligamentaires de la 1 ère rangée du carpe. b4- Fractures marginales antérieures Elles sont dues à une chute sur un poignet en hyper-flexion (fractures en compression flexion). On a une séparation de la marge antérieure de la glène radiale avec un déplacement en avant du carpe. 3
On observe tous les stades intermédiaires entre la simple fracture marginale antérieure et les fractures complexes avec luxation complète du carpe. 2- DIAGNOSTIC CLINIQUE On prendra pour type de description les fractures à déplacement postérieur qui sont de loin les plus fréquentes (fracture de Pouteau-Colles, fracture de Gérard- Marchant, fractures articulaires à déplacement postérieur). a- Signes fonctionnels - Douleur vive du poignet - Impotence fonctionnelle - Attitude des traumatisés du membre supérieur b- Inspection L inspection retrouve : - Un œdème du poignet - De face, une déformation en baïonnette externe (= en main bote radiale) : la main est translatée en dehors - De face, une saillie de la tête cubitale - De profil, une déformation «en dos de fourchette» : l épiphyse radiale est déplacée en arrière et fait saillie à la face postérieure de l extrémité distale de l avant-bras 4
c- Palpation La palpation retrouve : - Une douleur à la face postérieure du poignet - Une horizontalisation de la ligne bi-styloïdienne par ascension de la styloïde radiale (signe de Laugier) d- Complications immédiates L examen clinique se termine en recherchant les complications immédiates qui sont très rares : - Ouverture cutanée, le plus souvent punctiforme - Compression nerveuse (médian) 3- DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE a- Technique Devant une suspicion de fracture du poignet, il faut demander : - Une incidence de face stricte - Une incidence de profil strict - Les clichés de ¾ sont rarement nécessaires b- Résultats (voir classification) 5
c- Lésions associées Le bilan radiologique permet de faire le bilan des lésions associées : - Les lésions de l articulation radio-cubitale inférieure sont extrêmement fréquentes - Une fracture de la styloïde cubitale est retrouvée dans quasiment 50 % des cas - Les lésions du carpe (fracture du scaphoïde, entorse grave scapholunaire) sont plus rares 4- EVOLUTION a- Evolution favorable La consolidation est obtenue en 4 à 6 semaines. La pseudarthrose est exceptionnelle. Le résultat fonctionnel dépend de la qualité de la réduction initiale et de l absence de complications. b- Complications secondaires b1- Déplacement secondaire sous plâtre C est une complication fréquente du traitement orthopédique. Il est en général du : - A la présence d une comminution postérieure source d instabilité - A une mauvaise confection du plâtre (plâtre insuffisamment moulé ou en mauvaise position) 6
b2- Enraidissement C est également une complication fréquente. L enraidissement concerne non seulement le poignet mais également les métacarpo-phalangiennes. Il est du : - A l œdème post-traumatique - Aux troubles vaso-moteurs associés - A la mauvaise confection du plâtre (qui doit normalement laisser libres les métacarpo-phalangiennes) - A un éventuel syndrome algo-neuro-dystrophique associé Cet enraidissement nécessite une prise en charge kinésithérapique adaptée et prolongée. b3- Syndrome algo-neuro-dystrophique Une algo-neuro-dystrophie peut compliquer de façon imprévisible toute fracture du poignet (opérée ou non). Son traitement comprend une prise en charge kinésithérapique adaptée et prolongée associée à un traitement médical (calcitonine, griséfuline). b4- Syndrome du canal carpien Relativement rare, il est du à la compression du nerf médian par l œdème post-traumatique et par les troubles vaso-moteurs associés. 7
c- Complications tardives c1- Cals vicieux Ils sont dus : - A une réduction initiale insuffisante - A un déplacement secondaire Ils peuvent être soit sus-articulaires, soit articulaires. Ils sont à l origine : - D une limitation des mobilités articulaires - De douleurs - D une diminution de la force de préhension de la main - De séquelles esthétiques (main botte radiale) - D arthrose radio-carpienne s ils sont articulaires Ils peuvent nécessiter des ostéotomies correctrices. c2- Rupture du tendon du long extenseur du pouce C est une complication rare mais classique. La rupture se fait par conflit soit avec une broche d ostéosynthèse, soit avec le cal osseux. c3- Névromes de la branche sensitive du nerf radial Il se voit après embrochage percutané. 8
5- MÉTHODES DE TRAITEMENT Le traitement diffère en fonction du type de fracture. a- Réduction Elle doit être la plus anatomique possible. La réduction des fractures à déplacement postérieur se fait au bloc opératoire, sous anesthésie et sous le contrôle d un amplificateur de brillance. La réduction se fait par traction, flexion palmaire et inclinaison cubitale. b- Contention b1- Traitement orthopédique - Manchette plâtrée ou en résine - Plâtre brachio-palmaire (plâtre ou résine) b2- Traitement chirurgical - Embrochage percutané classique - Embrochage percutané intra-focal de Kapandji - Plaque console antérieure - Fixateur externe c- Rééducation Elle doit être débutée immédiatement par la mobilisation active et passive des doigts dans le plâtre. Elle sera poursuivie à l ablation de la contention plâtrée. 9
6- INDICATIONS a- Fractures à déplacement postérieur a1- Fractures non déplacées Le traitement est orthopédique. Il consiste en une immobilisation par plâtre (plâtre ou résine) brachio-palmaire pendant 5-6 semaines. Dans certains cas de fractures très stables, on peut se contenter d une simple immobilisation par une manchette anté-brachio-palmaire. Une surveillance radiologique est indispensable au 10 ème et 21 ème jour afin de dépister tout déplacement secondaire (+++). a2- Fractures déplacées Le traitement consiste en une réduction sous anesthésie (AG ou anesthésie loco-régionale) au bloc opératoire et sous le contrôle d un amplificateur de brillance. La réduction se fait en flexion palmaire et inclinaison cubitale du poignet. La contention de la fracture est assurée : - Soit par un plâtre brachio-palmaire en position de réduction - Soit par un embrochage percutané (classique ou de Kapandji) Le choix entre ces deux options est fonction de l instabilité du foyer de fracture. 10
b- Fractures à déplacement antérieur Ce sont des fractures instables qui se déplacent toujours sous plâtre et qui ne peuvent donc pas être traitées orthopédiquement. Leur traitement est donc toujours chirurgical et consiste en une ostéosynthèse par plaque console antérieure. c- Fractures comminutives Ces fractures ne peuvent être synthésées par embrochage car elles sont trop instables et comminutives. On réalise donc une ostéosynthèse par fixateur externe (ligamento-taxis). Dans le cas des fracas articulaires du sujet jeune, tout doit être fait pour restaurer des surfaces articulaires les plus anatomiques possibles. On est donc parfois amené à combiner les différentes techniques chirurgicales (plaque antérieure + broches + fixateur externe). 11