La tarification d options



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La tarification d options Proposition et examen d une approche déterministe Pierre Bernhard 1 Stéphane Thiery 2 Marc Deschamps 3 Nous proposons ici une théorie de la tarification d options sur la base d un modèle de marché introduit récemment et appelé «modèle de marché à intervalles». Notre théorie à pour avantage de permettre de déterminer la prime d une option en temps continu et en temps discret, en présence de coûts de transaction, tout en conservant le même modèle de marché. A la suite de la présentation de notre modélisation, de sa résolution et de ces principaux apports, nous développons les principales difficultés et limites liées à notre approche. Notre théorie se veut complémentaire à la théorie de référence développée par F. Blac et M. Scholes, tant sur le plan théorique que sur le plan opérationnel. OPTION PRICING : A PROPOSAL AND AN EXAM OF A DETERMINISTIC APPROACH We propose a theory of option pricing using a maret model introduced recently and named intervals model maret. Our theory enable to determine the premium of an option, both in continuous and discrete time, with transaction costs, while eeping the same maret model. We will present a model, its resolution, its advantages and discuss the main limits related to our approach. Our theory is complementary to the F. Blac and M. Scholes benchmar theory. Classification JEL : G11, C61, C79 1 I3S, Université de Nice/Sophia Antipolis et CNRS. Courriel : pierre.bernhard@polytech.unice.fr 2 I3S, Université de Nice/Sophia Antipolis et CNRS. Courriel : thiery@i3s.unice.fr 3 GREDEG, Université de Nice/Sophia Antipolis et CNRS. Courriel marc.deschamps@gredeg.cnrs.fr Nous remercions les participants à la session Marchés Financiers du colloque annuel de l AFSE 2007, les participants aux Journées de Microéconomie Appliquées 2008 (et tout particulièrement ceux de la Session Théorie des options et gestion de portefeuille) et ceux du séminaire du GREDEG pour leurs commentaires et remarques. Nous restons seuls responsables des difficultés et imprécisions qui pourraient subsister, et prions les lecteurs de contacter les auteurs pour toute information complémentaire. 1

La tarification d options Proposition et examen d une approche déterministe Nous proposons ici une théorie de la tarification d options sur la base d un modèle de marché introduit récemment et appelé «modèle de marché à intervalles». Notre théorie à pour avantage de permettre de déterminer la prime d une option en temps continu et en temps discret, en présence de coûts de transaction, tout en conservant le même modèle de marché. A la suite de la présentation de notre modélisation, de sa résolution et de ces principaux apports, nous développons les principales difficultés et limites liées à notre approche. Notre théorie se veut complémentaire à la théorie de référence développée par F. Blac et M. Scholes, tant sur le plan théorique que sur le plan opérationnel. OPTION PRICING : A PROPOSAL AND AN EXAM OF A DETERMINISTIC APPROACH We propose a theory of option pricing using a maret model introduced recently and named intervals model maret. Our theory enable to determine the premium of an option, both in continuous and discrete time, with transaction costs, while eeping the same maret model. We will present a model, its resolution, its advantages and discuss the main limits related to our approach. Our theory is complementary to the F. Blac and M. Scholes benchmar theory. Classification JEL : G11, C61, C79 2

Pour ce qui est de la détermination du prix d une option, c est-à-dire la recherche du prix d un contrat (la prime) qui donne le droit et non l obligation à son souscripteur d acheter ou de vendre une certaine quantité d un actif sous-jacent à terme (dans le cas d une option européenne) ou durant une période (dans le cas d une option américaine) à un prix fixé dès le début du contrat, le modèle de F. Blac et M. Scholes [1973] est la référence incontournable. De plus ce modèle est à la fois l une des plus belles et des plus fécondes réussites scientifiques de la théorie économique, comme en atteste notamment l article de E. Han Kim et al. [2006] sur les contributions qui ont compté en économie depuis 1970, les différents manuels de théorie financière et le prix en la mémoire d Alfred Nobel du 14 octobre 1997 ; mais c est également l une des plus notables innovations de la théorie économique comme le démontre son usage commun par les praticiens, ainsi que l article de G. Faulhaber et W. Baumol [1988] qui traite des «produits pratiques» issus de la recherche théorique. On doit donc en conclure que «le mariage de la théorie et de la pratique a rarement été aussi productif que dans le cas des options» comme le souligne P. Bernstein [2000, p 231] qui considère par ailleurs que l option est «l instrument financier universel». Toutefois, si l on estime à l instar de la thèse développée par A. Rubinstein [2006] dans son adresse présidentielle à la Société d Econométrie que l économiste théoricien a pour objectif de créer des modèles destinés à «raconter des fables», il nous semble permis d imaginer une autre histoire portant sur les mêmes phénomènes. Notre approche se veut donc complémentaire à celle développée par F. Blac et M. Scholes au sens où nous proposons une modélisation du problème auquel fait face le banquier 1 et qui, au prix de certaines limites, permet de prendre en compte les coûts de transaction et de faire des choix à la fois en temps continu et en temps discret. Afin de présenter notre approche nous exposerons successivement, dans le cas d une option européenne 2, la modélisation, sa résolution et ses apports. Nous nous attacherons par la suite à discuter les difficultés et les limites de notre théorie. LA MODELISATION Notre approche suit la même logique que la théorie de F. Blac et M. Scholes puisqu elle associe à un modèle de marché le principe fondamental de R. Merton [1973] qui définit la prime (c est-à-dire le prix de vente de l option) de 1 Nous cherchons ici à savoir à quel tarif un offreur (par exemple un banquier) doit proposer une option pour ne pas faire de perte, tout en étant le plus compétitif possible. 2 Notre théorie s étend au cas des options américaines. 3

manière unique et cohérente 1. Toutefois à la différence de ces derniers, nous n utilisons pas le modèle de marché de Bachelier [1900] Samuelson [1965] mais un «modèle à intervalles» qui conduit à l abandon d une formalisation probabiliste au profit d une approche de type commande robuste, donnant la prime comme solution d un jeu Min-Max. Il faut néanmoins noter que cette même approche, appliquée au modèle de Samuelson, redonne la formule de Blac et Scholes (voir P. Bernhard [2005b, p 98] sur ce point) et donc que notre contribution n est pas liée à l outil mathématique que nous utilisons. Le modèle de marché à intervalles et le modèle de portefeuille Le point de départ et le cœur de notre analyse repose sur ce qui apparaît dans la littérature sous l intitulé de «modèle de marché à intervalles» 2 et qui a été introduit simultanément et indépendamment par B. Roorda, J. Engwarda, H. Schumacher [2005], J-P. Aubin, D. Pujal et P. Saint-Pierre [2005] et P. Bernhard [2005a]. Ce modèle a pour caractéristique principale d abandonner l approche probabiliste. Il décrit un marché par un ensemble de trajectoires de prix possibles (sans probabilités sur les trajectoires) et fait l hypothèse que le taux de variation relatif du cours de l actif sous-jacent, bien qu imprédictible 3, est borné par deux bornes connuesτ < 0 et τ > 0, fixes dans le temps. Cela conduit à la définition suivante : Définition Un modèle de marché à intervalles est un ensemble de trajectoires de prix i S() t dont la variation relative, s/ s = τ, appartient à l ensemble Ψ des fonctions mesurables telles que τ( t) τ, τ, t [ 0, T], où t représente le temps et T la date d exercice (ou échéance). Le cours actualisé à l échéance de l actif sous-jacent, noté u(t), sur lequel porte l option est supposé ici satisfaire l hypothèse de marché à intervalles. Sur cette base nous présenterons dans un premier temps le modèle dans le cas 1 Techniquement, le principe de R. Merton définit la prime comme la plus petite valeur initiale d un portefeuille de couverture autofinancé. Il s agit ici pour le banquier de fixer son prix de vente de l option à ses clients, à un prix compétitif, et de telle manière que quel que soit l évolution du cours de l actif sous-jacent, il soit en mesure de gérer son portefeuille initial pour honorer son contrat sans subir de perte. 2 Cette dénomination provient de B. Roorda, J. Engwarda et H. Schumacher [2005]. 3 Nous attirons tout particulièrement l attention sur ce point. En effet, comme notre modèle de marché est dépourvu de toute structure probabiliste, celui-ci ne fait ni ne permet, en aucun cas, des prédictions sur les cours futurs de l actif. 4

continu, afin de pouvoir dans un second temps présenter le cas discret 1 qui en est un échantillonnage (ce qui signifie que l on ne change pas de modèle d actif) 2. Dans le cas continu, le cours de l actif sous-jacent est dès lors défini par u(0) et τ () Ψ, sous la relation différentielle : i u = τu. (1) Sur la base de ce modèle de marché, tout comme dans la théorie de F. Blac et M. Scholes, on s appuie sur la construction d un portefeuille contenant une quantité variable de l actif sous-jacent et une quantité variable d un actif non risqué (bons sans risques) 3. En accord avec le principe de Merton, nous cherchons à gérer ce portefeuille à travers une stratégie autofinancée en présence de coûts de transaction 4, de telle sorte que la valeur du portefeuille à l échéance soit supérieure ou égale au paiement du banquier à son client. On M u T, est une parle alors de portefeuille de couverture. Le paiement, noté ( ( )) fonction de la valeur du cours à l échéance u( T ). Pour le modèle de portefeuille on introduit deux variables, le montant investi en actif sous-jacent (v) et la valeur du portefeuille de couverture (w). Le banquier peut effectuer des ordres d achat et de vente, c est-à-dire des transactions autofinancées (ξ ), en temps continu avec un débit de transaction t t avec des amplitudes ( ξ ()) et/ou en temps discret à une suite d instants { } C (c est-à-dire des montants) { ξ } correspondants, tous deux choisis librement. On définit ainsi l ensemble des transactions admissibles par : ξ() t = ξ ( t) ξ δ( t t ). (2) C 1 De façon classique, dans le cas continu comme dans le cas discret, nous supposerons l atomicité des agents, la liquidité du marché et des actifs infiniment divisibles. 2 Ce point est crucial dans notre modélisation puisqu il nous permet d obtenir une convergence de la solution de la théorie en temps discret vers celle en temps continu sans changer de modèle d actif au fur et à mesure que l on réduit le pas de temps, à la différence de la convergence de la théorie discrète de J. Cox, S. Ross et M. Rubinstein [1979] vers celle continue de F. Blac et M. Scholes. 3 Cet actif évolue à un taux d intérêt (ρ), mais celui-ci ne joue ici aucun rôle dans la dynamique, du fait de l actualisation de toutes les variables à l échéance au taux ρ. 4 Un portefeuille est dit autofinancé si chacune des transactions s effectue sans ajouts ni retraits de fonds dans le portefeuille. En présence de coûts de transaction, le portefeuille est dit autofinancé si chaque transaction finance ses coûts. 5 L expression de ce paiement est propre au type de l option européenne considérée (call vanille, put vanille, call digital, put digital, ). 5

La dynamique de portefeuille est donnée par le système d équations suivant (voir P. Bernhard et al. [2007, p 2284] pour plus de détails) : i ( ) ( ) v = τv ξ et v t = v t ξ i C ( ) et ( ) ( ) C ( ) w = τv C ξ w t = w t ξ C (3) (4) où t l instant désigne la valeur des grandeurs concernées juste après la transaction de t, sans modification du cours de l actif sous-jacent ( ( ) ( ) u t = u t ) et où la fonction positive C ( ) représente les coûts de transaction. Ces derniers sont supposés ici proportionnels au montant de la transaction et sont donc représentés par une fonction linéaire par morceaux : ε ( ξ) ξ ε ( ξ) C = C avec = sign, C < 0 et C > 0. (5) L équation (4) montre notamment que toute transaction, continue ou discrète, induit une baisse en valeur du portefeuille égale aux coûts de transaction. On retrouve ainsi la notion d autofinancement du portefeuille. Mathématiquement, l absence de toute structure probabiliste dans notre modèle interdit toute inférence des cours futurs à partir des cours passés, ce qui serait susceptible de créer des opportunités d arbitrage. En outre, comme le banquier ne doit avoir aucune information sur les cours futurs 1, on utilise les stratégies dites non anticipatives qui sont recherchées sous la forme d une rétroaction d état 2 : () t ( t u( t) v( t) ) ξ = ϕ,, avec ϕ Φ, (6) où Φ représente l ensemble des fonctions de rétroactions d état pour lesquelles l équation (3) a une solution unique. La transaction à un instant donné correspond donc à une fonction de la valeur du cours et du montant investit en sous-jacent au même instant. Dans le cas discret, on conserve le même modèle de marché. Par contre le modèle de portefeuille (équation (3)) est restreint aux seules transactions finies 1 Toute possibilité de prédiction est ainsi évitée. 2 La définition précise de l ensemble des rétroactions d état (feedbacs) admissibles pose des problèmes techniques. C est pourquoi la théorie complète utilise ici la notion de stratégie non anticipative dont les rétroactions d état constituent un sous-ensemble. On peut se reporter, pour plus de précisions sur cette question, à P. Bernhard et al. [2007, p 2285]. 6

ne pouvant intervenir qu à des instants ( t ) multiples du pas de discrétisation (h) d où t = h, où { 0,1,..., K}, avec T = Kh. Le banquier est donc soumis à la contrainte suivante sur ses transactions : c ( ) 0, ξ t = t = h. (7) L hypothèse τ () t τ, τ provenant de la définition du marché à intervalles, se traduit alors par la relation de = u t u t u t avec: récurrence ( ( ) ( )) ( ) τ / 1 et τ τ, τ h h, (8) { } ε τ h τ = 1, ε,. (9) h e ε On note Ψ D l ensemble des suites { τ } satisfaisant l équation (8). De manière analogue au temps continu (voir P. Bernhard et al. [2007, p 2283-2286]), et en prenant comme convention de noter u( t ) = u( h) = u et de la même façon les autres variables, on obtient la dynamique de marché et de portefeuille suivante : ( 1 τ ) u, ( 1 τ )( v ξ ), τ ( ξ ) ( ξ ) u = 1 v = 1 w = w v C 1. (10) Les coûts de transaction sont formalisés de la même manière que dans le cas continu et sont donc données par l équation (5). Les stratégies de transaction sont également trouvées sous la forme d une rétroaction d état et de la forme : ( u v ) ξ = ϕ, avec ϕ Φ Φ. (11) D L approche en terme de commande robuste et le jeu Min-Max Il est maintenant possible, en temps continu et en temps discret, de rechercher la prime définie en accord avec le principe de Merton comme la plus petite valeur d un portefeuille initial ( ( ) 0 w ) avec lequel il est possible d adopter une stratégie de transaction autofinancée de telle sorte qu à 7

l échéance on respecte la condition de couverture, c est-à-dire que le portefeuille soit de valeur ( w( T ) ) supérieure ou égale au paiement ( M ( u( T ))). Dans une approche en terme de commande robuste (ou approche en «valeur garantie»), on souhaite satisfaire cette condition quelle que soit la trajectoire du cours de l actif sous-jacent satisfaisant l hypothèse du modèle de marché à intervalles, à savoir τ (). Ψ à u(0) fixé. Ainsi dans le cas continu, on dit que la stratégie ξ( t) = ϕ( t, u( t), v( t) ) est une stratégie de couverture par commande robuste, pour un cours initial u ( 0), si : ()., w( T) M( u( T) ) τ Ψ. (12) En intégrant la dynamique du portefeuille (l équation (4) ) sur toute la durée de l option ([0,T]) il vient : T w( T) w( 0) = ( τ ( s) v( s) C( ξ ( s) )) ds C( ξ ) C. (13) 0 En utilisant le w( T ) de l équation (13) dans l équation (12), la condition de couverture (12) se réécrit sous la forme d une condition portant sur la valeur initiale du portefeuille : τ () Ψ, T w 0 M u T s v s C s ds C C ( ) ( ( )) ( τ ( ) ( ) ( ξ ( ))) ( ξ ) qui est équivalente à :, (14) 0 ( ) τ (). Ψ ( ( )) ( τ( ) ( ) ( ξ ( ))) ( ) C ξ 0 T w 0 sup M u T s v s C s ds C. (15) Cette équation fournit au banquier la condition nécessaire sur la valeur initiale, pour une stratégie de transaction donnée, qui lui permet de se couvrir contre toutes variations du cours (c est-à-dire pour laquelle il est certain de pas subir de perte). Le banquier cherche également à faire une offre la plus compétitive possible. En effet, s il pouvait vendre ce contrat à un prix supérieur, 8

cela créerait une opportunité d arbitrage. La prime P( u( 0) ) est alors définie en fonction de la valeur initial du cours de l actif sous-jacent par : ( ( 0) ) P u = inf sup ϕ Φ τ (). Ψ T (( )) ( τ()() ( ξ ())) d ( ξ ) C 0 M u T s v s C s s C, (16) avec ( ) v 0 = 0 (la prime étant versée en bons sans risque). Ce critère (équation (16)) associé à la dynamique (équations (1) et (3)) définit un jeu différentiel Min-Max 1. En somme, dans ce jeu Min-Max, le «Max» correspond à la pire des trajectoires du cours pour le trader en accord avec l approche par commande robuste utilisée sur l ensemble des trajectoires τ ( i ) Ψ ; et le «Min» provient du fait que le trader cherche la stratégie de transaction lui permettant de minimiser la valeur w( 0) du portefeuille initial en accord avec le principe de R. Merton. Dans le cas discret, la valeur du portefeuille à l échéance en fonction de sa valeur initiale, se déduit par sommation de la dernière équation du système (10) pour les indices variant de 0 à K 1, on obtient : K 1 τ ( ξ ) ( ξ ). (17) w w = v C K 0 = 0 En partant de l équation (12) et en suivant une analyse analogue à celle de la théorie en temps continu (l équation (17) remplaçant maintenant l équation (13)), la prime en temps discret est définie 2 par : K 1 ( ( )) [ τ ( ξ ) ( ξ )] P( u( 0) ) = min sup M u T v C, (18) ϕ Φ D { τ } Ψ D = 0 qui, avec la dynamique (les équations (10) ) forme à nouveau un jeu dynamique Min-Max. 1 A strictement parler il s agit ici d un jeu Min-Max impulsionnel puisque les transactions admissibles du banquier sont continues et impulsionnelles. 2 A la différence du cas continu, dans le cas discret la stratégie qui minimise la valeur du portefeuille de couverture est toujours atteinte, d où le «Min» dans l équation (18) en lieu et place de l «Inf» de l équation (16). 9

RESOLUTION : PRINCIPES ET SOLUTIONS EXPLICITES 1 Partant des éléments précédents, nous allons introduire la fonction valeur, qui est la solution globale pour toutes les conditions initiales, de l équation (16) dans le cas continu, et de l équation (18) dans le cas discret. Du point de vue mathématique, le jeu peut alors se résoudre en temps continu à l aide d outils issus de la théorie des jeux différentiels d Isaacs-Breawell et/ou du concept de solution de viscosité 2 (ce concept est un concept de solution faible et permet de généraliser le concept de solution d une équation aux dérivées partielles du premier ordre à des fonctions présentant des discontinuités de gradient) 3. En temps discret, la résolution du jeu se fait par le biais d un algorithme de programmation dynamique (l équation d Isaacs discrète). Sauf mention contraire, nous analysons seulement ici le cas d un call vanille. Résolution dans le cas continu Dans le cas continu, la fonction valeur associée au jeu Min-Max s écrit : (, (), v() t ) W t u t = inf sup M u T s v s C s s C C ϕ Φ τ (). Ψ t / t t T ( ( )) ( τ( ) ( ) ( ξ ( ))) d ( ξ ) (19) et la prime (équation (16)) correspond à P( u( 0) ) W( 0, u( 0 ),0) =. L équation (19) doit alors être solution de viscosité de l équation d Isaacs suivante : { W W u W τ v W C W C } τ τ, τ 0 = min max 1,, t u v v v, (20) 1 Nous avons ici privilégié une présentation de la démarche et de la solution, au détriment d une résolution pas à pas utilisant la technique mathématique. Les démonstrations sont disponibles sur demande aux auteurs. 2 Ce concept a été introduit par W. Fleming, renouvelé par une approche utilisant des «fonctions tests» à partir de 1981 par M. Crandall et P-L. Lions, et étendu aux jeux différentiels par L. Evans et P. Souganidis. 3 Pour une présentation de la théorie des jeux différentiels et des solutions de viscosité on peut se reporter à l article de A. Friedman [2007]. 10

avec la condition au bord W( Tuv,, ) M( u) ( uv, ) = (voir P. Bernhard et al. [2006, p 348-349] et S. Thiery [2008, Chap 5] sur ce point). A l aide d outils de la théorie des jeux différentiels (voir P. Bernhard [2005b, p 11-12] et P. Bernhard et al. [2006, p 9]) il a été démontré qu on peut établir la formule de représentation suivante : (,, ) ˆ(, ) ε (, )( ˆ(, ) ) W t u v = w t u q t u v t u v, (21) dans laquelle ε = sign ( vˆ ( t, u) v), le vecteur colonne ( ˆ(, ), ˆ(, )) v t u w t u est obtenu comme la solution d un système d équations aux dérivées partielles linéaires du premier ordre couplées, et où q ( t, u) et q ( t, u) sont deux fonctions connues dont l expression dépend du type de l option considérée 1. On complète cette analyse en montrant que la fonction W obtenue dans l équation (21) est bien solution de viscosité de l équation (20) (voir P. Bernhard et al. [2007, p 2298-2300] et S. Thiery [2008, Chap 5] pour les détails de la preuve). t Résolution dans le cas discret Dans le cas discret, avec pour pas d échantillonnage h, la fonction valeur associée au jeu Min-Max s écrit : W u v M u v C ( ) [ ( ) ( )] K 1 h (, ) = min sup τ ξ ξ K ϕ Φ D { τ } Ψ D =, (22) et s obtient à partir de l équation d Isaacs discrète (voir P. Bernhard et al. [2007, p 2289]). On peut montrer un théorème de représentation analogue à l équation (20) : ( ) ε (, ) ˆ ( ) (, ) ˆ ( ) h h h W u v = w u q h u v u v, (23) 1 Pour les expressions dans le cadre d un call vanille, on peut se reporter à P. Bernhard [2005b] et P. Bernhard et al. [2007, p 2287-2288]. Dans les cas d un call digital de type cash or nothing, d un put vanille et d un put digital de type cash or nothing, on peut se reporter à S. Thiery [2008, Chap 3 et 4]. 11

( v u v) h où sign ˆ ( ) ε =, les q ε sont les mêmes fonctions que précédemment et ( ) h h le vecteur colonne ˆ ( ), ˆ ( ) t v u w u sont donnés par une récursion linéaire (en ). Ce théorème conduit à un algorithme simple et rapide (comme le démontrent P. Bernard et al. [2007, p 2289-2290]), donc applicable en pratique. APPORTS DE CETTE THEORIE Compte tenu de notre objectif qui était de développer une théorie unique en temps continu et en temps discret, en présence de coûts de transaction, les principaux apports de notre théorie sont naturellement liés à ces deux buts. Une modélisation unique Dans notre analyse, l hypothèse du modèle de marché à intervalles se traduit sous la forme d une équation différentielle (en temps continu) ou d une équation de récurrence (en temps discret). Le modèle de marché en temps discret est ainsi un échantillonnage de celui en temps continu. Concernant le modèle de portefeuille le modèle en temps discret correspond à celui en temps continu avec la contrainte de l équation (7) sur les transactions admissibles du banquier. En d autres termes, parce qu elle ne change pas de structure (de modèle de marché et de portefeuille), notre modélisation permet de développer simultanément une théorie de la tarification d options en temps continu et en temps discret. Par ailleurs, P. Bernhard et al. [2006] ont prouvé un théorème de convergence de la fonction valeur, donc de la prime, du problème en temps discret vers celle en temps continu. Cette converge s effectue de manière décroissante monotone, lorsque le pas de temps tend vers zéro, sans changer de modèle de marché en fonction de ce dernier, à la différence de la convergence de la solution de J. Cox et al [1979] vers celle de F. Blac et M. Scholes [1973]. Il en résulte que l algorithme rapide du problème en temps discret est aussi un algorithme d approximation, facilement calculable, de la prime en temps continu. Grâce au théorème de convergence, en appliquant la stratégie optimale obtenue en temps discret (qui est applicable en pratique), on assure la couverture en temps continu 1. 1 Le caractère décroissant monotone de la convergence conduit au fait que l on surestime légèrement la prime en temps continu lorsque le pas de temps est faible. La couverture reste donc assurée en temps continu en appliquant la stratégie en temps discret. 12

Au final, sur un plan normatif, l algorithme rapide fournit un outil opérationnel pour les financiers en charge de ces questions. L intégration des coûts de transaction Notre modélisation permet la prise en compte, de façon naturelle, des coûts de transaction dans l équation d autofinancement du portefeuille. A notre sens cet aspect permet de saisir un point aveugle de la théorie de F. Blac et M. Scholes 1 et donc d étendre le champ de l analyse théorique des options. En outre, l intégration des coûts de transaction peut être considérée comme décrivant mieux la pratique et donc de la réalité des marchés financiers 2. Enfin, cette modélisation pourrait permettre de comprendre et d estimer l impact des coûts de transaction sur les stratégies de transaction et la tarification de la prime 3, et donc contribuer à permettre au régulateur d évaluer la réglementation des marchés financiers sur ce point. DIFFICULTES ET LIMITES En contrepartie des apports liés à cette modélisation, il existe des difficultés et des limites. Parmi les limites les moins essentielles, on compte le fait que notre modélisation ne semble pas être en mesure de traiter le cas des options arc-enciel (options portant sur plusieurs actifs sous-jacents) et qu elle nécessite la présence de coûts de transaction. En effet, notre impossibilité à traiter le cas des options arc-en-ciel n est pas due au modèle de marché à intervalles, mais découle de la difficulté à résoudre des jeux différentiels en grande dimension (dimension 2(n1) pour n actifs sous-jacents) 4. Enfin, si notre modélisation nous permet de traiter des coûts de transaction, grands ou petits, elle oblige à les supposer non nuls 5, ce qui ne nous semble pas très problématique puisqu en 1 Le fait que, malgré l absence de prise en compte des coûts de transaction, les conclusions de la théorie de F. Blac et M. Scholes aient une réelle portée pratique est une preuve de la très forte robustesse de cette modélisation. 2 Il est évident que l intérêt et la pertinence de cet aspect varient selon la posture méthodologique que l économiste adopte. En effet, un économiste adhérant à la position instrumentaliste défendue par M. Friedman [1995] ne sera pas sensible à cet argument. 3 Intuitivement, il est clair que plus les coûts de transaction sont élevés, moins les agents ont intérêt à effectuer de transactions, et plus la prime sera importante. 4 Pour preuve, en utilisant un modèle de marché très semblable au notre, V. Kolool stov [1998] parvient à traiter le cas des options arc-en-ciel. 5 Sans eux, la théorie se trivialise pour donner la stratégie de couverture dite «stop loss», et une prime égale à 0 ou K, suivant la valeur de u(0). 13

l absence de coûts de transaction notre modélisation aurait pour seul défaut de légèrement surévaluer la prime. A contrario, nous considérons que la détermination empirique des bornes τ etτ à adopter, et le fait que notre théorie repose sur un marché incomplet au sens de la théorie financière, constituent respectivement la principale difficulté et la principale limite de notre analyse. Le choix des bornes Comme nous l avons signalé précédemment, la principale difficulté de notre théorie porte sur le caractère borné du taux de variation relatif qui consiste à faire l hypothèse peu réaliste, qu à chaque instant, le taux de variation relatif est compris entre deux bornes connues. Si nous choisissons des bornes suffisamment grandes en valeur absolue pour permettre au modèle de marché d être (presque) toujours satisfait, alors ce choix n est pas compétitif car il conduit à une prime beaucoup plus grande que celle nécessaire pour assurer la couverture 1. Au contraire, si nous choisissons des bornes trop petites en valeur absolue, la couverture ne sera (presque) jamais assurée en raison des fréquentes violations de l hypothèse du modèle de marché à intervalles, qui engendreront au final une perte pour le banquier. Par conséquent, nous obtiendrons une prime réaliste en tolérant des violations suffisamment régulières de notre modèle de marché. En d autres termes, il s agit de déterminer quelles doivent être les bornes les plus petites qui assurent au banquier que les pertes liées aux violations du modèle seront, au moins, compensées par les gains réalisés lorsque l hypothèse de marché est vérifiée. Pour choisir au mieux les bornes de variation d un actif sous-jacent donné, il faut alors avoir recours à une étude de la robustesse de la stratégie de couverture par rapport à l hypothèse de notre modèle de marché, alliée à une étude statistique des cours passés afin d estimer la proportion des variations pouvant violer notre hypothèse (les données aberrantes). D un point de vue pratique, une des méthodes possibles consisterait à faire, dans un premier temps, une étude économétrique des cours passés de l actif sous-jacent pour déterminer une loi statistique et un support [ σ, σ ] sur lequel le cours a réellement évolué. Il s agirait, dans un second temps, d examiner pour cette loi statistique l effet de la stratégie de transaction calculée à l aide de 1 Compte tenu de l approche en termes de commande robuste, le banquier obtient un gain chaque fois que la variation du cours se situe entre les deux bornes sans correspondre au pire des cas. 14

la commande robuste, pour différents choix d intervalles τ, τ, contenus σ, σ, et de plus en plus restreints. dans [ ] A défaut d une étude économétrique précise, nous avons choisi ici d illustrer ce principe en considérant un intervalle τ, τ donné que l on élargit à un σ, σ muni d une loi uniforme puis d une loi triangulaire 1. support [ ] Pour cette illustration nous choisissons les paramètres de taux de variation relatif journalier τ = 0, 05 et τ = 0, 03, des coûts de transactions proportionnels avec C = 0, 007 à l achat et C = 0, 007 à la vente, un strie unitaire ( K = 1), une échéance de l option T = 44 (soit deux mois boursiers) et un pas de temps de un jour 2. Par ailleurs, nous introduisons, par commodité, la notation σ, σ = ( 1 ) τ,( 1 ) τ avec 0, où le paramètre caractérise l élargissement de l intervalle τ, τ. Sur les deux Figures suivantes, l axe des abscisses représente la valeur du cours à l instant initial et, sur l axe des ordonnées nous comparons : La prime, P( u ( 0) ), obtenue à l aide de l approche par commande robuste sur l intervalle τ, τ ; La prime, notée Q ( u( 0) ), nécessaire pour couvrir en espérance mathématique l option lorsque le cours évolue sur le support élargi σ, σ muni de la loi de probabilité considérée 3. [ ] Pour être plus complet, il conviendrait en fait de considérer, au-delà de l espérance mathématique, des variations statistiques des paiements encourus, typiquement pour des variations à deux sigma. Cette analyse aurait pour avantage d indiquer quelle prime garantit la couverture dans une proportion déterminée des cas 4. 1 On entend par loi triangulaire une loi dont la densité correspond à une fonction affine par morceaux, nulle à chaque point extrémal, et maximum en 0. 2 Le banquier n a donc la possibilité d effectuer des transactions qu à la fréquence d une fois par jour. 3 Sur chacune des deux figures suivantes, nous n avons représenté cette prime que pour trois valeurs différentes de, pour des raisons de lisibilité. 4 L inégalité de Bienaymé-Tchébytchev nous apprend qu un écart de deux écart-type couvre 75% des cas et trois écart-type 90% des cas. Pour une loi normale, ces bornes passent respectivement à 95% des cas et 99,7% des cas. 15

Figure 1 : Comparaison des primes dans le cas d une loi uniforme Figure 2 : Comparaison des primes dans le cas d une loi triangulaire Sur la Figure 1 (respectivement la Figure 2), la courbe avec = 0,85 (respectivement = 1,62), bien que non représentée ici pour des questions de lisibilité 1, peut difficilement être distinguée de la prime P( u ( 0) ), ce qui induit les choix respectifs de l intervalle τ, τ, de façon à assurer la couverture tout en offrant une prime compétitive, pour les deux lois étudiées. On peut aussi constater sur la Figure 1 et la Figure 2 que l apparence générale des courbes 1 Sur demande, un tracé contenant plus de courbes et utilisant des couleurs peut être fournis par les auteurs. 16

représentant la prime ( ( 0) ) P u est très semblable à celle obtenu avec la formule de F. Blac et M. Scholes 1. En complément, sur la Figure 3 nous traçons, pour u( 0) ( ) ( ) P K Q K = K, la différence en fonction de la valeur de l élargissement, pour chacune des σ, σ. Cette dernière Figure montre deux lois étudiées sur l support [ ] clairement que jusqu à un élargissement de 85% pour la loi uniforme, et de 162% pour la loi triangulaire, la couverture (en espérance) reste assurée pour le banquier avec le choix de l intervalle[ σ, σ ]. Autrement dit, dans le cas d une loi uniforme, on peut ignorer jusqu à 46% des données extrêmes, et dans le cas d une loi triangulaire, jusqu à 62% des données extrêmes, pour fixer l intervalle τ, τ. Figure 3 : Impact du paramètre d élargissement sur la couverture En conclusion, il ressort de notre analyse que notre modèle de marché présente pour les deux lois étudiées ici une forte robustesse. Notre théorie tolère donc des violations régulières de son hypothèse principale de variation bornée. Ainsi, tout comme la théorie de F. Blac et M. Scholes est parfaitement opérationnelle du fait de sa robustesse mathématique, il nous semble que la théorie que nous proposons ici pourrait, au vu de ces premiers résultats, mériter un intérêt du monde académique et des praticiens. 1 Cette correspondance peut être vue comme une conséquence du théorème de convergence allié au fait que pour les options à paiement convexe, notre théorie coïncide avec celle J. Cox, S. Ross et M. Rubinstein [1979] en l absence de coûts de transaction (voir P. Bernhard [2005b] pour plus de détails). 17

Le caractère incomplet du modèle de marché La principale limite, et donc la principale faiblesse de notre théorie provient du fait que le modèle de marché à intervalles est incomplet (au sens de la théorie financière) menant à une couverture par super-réplication, et à un prix auquel le vendeur souhaite vendre et non à un prix d équilibre. Il résulte de cette incomplétude que dans notre théorie, la prime d un ensemble d options (par exemple, un call et un put de même échéance) ne peut pas être obtenue comme la somme des primes de chacune des options qui le composent. Autrement dit, couvrir un ensemble d options n est pas identique à couvrir ces options séparément 1. Ce point constitue la faiblesse principale de notre théorie, puisque pour déterminer la prime d une option donnée, elle nous oblige à refaire entièrement l étude. CONCLUSION Cet article a eu pour but de démontrer la possibilité d une modélisation complémentaire à celle proposé par F. Blac et M. Scholes. En effet, outre l introduction de coûts de transactions et une modélisation en temps discret, P. Bernhard et al. [2006] ont prouvés l existence d un théorème de convergence de la fonction valeur, et donc de la prime, du problème en temps discret vers celle du problème en temps continu lorsque le pas de temps tend vers zéro, en conservant le même modèle de marché pour chaque pas de temps. Ainsi, l algorithme rapide du problème en temps discret est aussi un algorithme d approximation de la valeur en temps continu, qui devient ainsi aisément calculable. Parmi les perspectives, nous travaillons actuellement sur l effet de l ajout de coûts fixes, et sur le problème inverse de la calibration de notre modèle qui consiste à déterminer le choix des bornes τ etτ à partir de l exploitation de différents cours d option sur le marché (actif et prime). Toutefois, il s agit pour nous, actuellement, d une simple «fable» au sens de A. Rubinstein [2006], et seul le monde académique et les praticiens pourront, à l avenir, dire si elle a quelque utilité pour eux. 1 Il en résulte notamment l absence de relation de parité call-put. 18

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