Croissance des dépenses de santé Déterminants et finalité

Documents pareils
CHAPITRE 1 : DE LA FONCTION DE DEMANDE DU CONSOMMATEUR À LA DEMANDE DE MARCHÉ

POINTS DE REPÈRE SUR LA FÉVRIER 2015 PRODUCTIVITÉ EN FRANCE

ANNEXE VII EFFETS MACROECONOMIQUES DE LA REFORME PIECE JOINTE N 2 SIMULATIONS REALISEES A PARTIR DU MODELE MACROECONOMETRIQUE MESANGE

Economie Générale Initiation Ecole des Ponts - ParisTech

Perspectives de l industrie suisse Pierres et Terres

ENSIIE. Macroéconomie - Chapitre I

Contexte Colloque Santé et Société Mai 2015

La croissance des pays développés au cours des trente dernières

Dans une année, il y a 12 mois. Dans une année, il y a 52 semaines. Dans une année, il y a 4 trimestres. Dans une année, il y a 365 jours.

Les politiques de réduction du coût salarial en Belgique

Jean-Luc Penot est Professeur à l Université de Versailles Saint Quentin et Chargé de mission auprès du Président de l Institut Montparnasse.

La politique monétaire après la crise financière mondiale : Nouveaux enjeux

Une étude de différentes analyses réalisées par le BIT

HISTOIRE MONETAIRE DE L EUROPE DE 1800 A 2007

CHAPITRE 6. LES FONCTIONS MACROÉCONOMIQUES

LSM2 : un modèle avec secteur bancaire pour le Luxembourg

- Introduction : la globalisation commerciale d hier et d aujourd hui

DEVOIR N 1 économie générale

Les défis du reporting macro-prudentiel

Avec une dépense de santé plus élevée que dans

Structure de l épargne et croissance Olivier Davanne

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne. FMI Département Afrique Mai 2010

La surveillance prudentielle des institutions de dépôt

AMÉLIORER LE RAPPORT COÛT-EFFICACITÉ DES SYSTÈMES DE SANTÉ

Par Akoété Ega AGBODJI FASEG/Université de Lomé

OBSERVATOIRE DE L EPARGNE EUROPEENNE

BANQUE CENTRALE DU CONGO

LA FINANCE EST-ELLE DEVENUE TROP CHERE? ESTIMATION DU COUT UNITAIRE D INTERMEDIATION FINANCIERE EN EUROPE

L équilibre Ressources Emplois de biens et services schématisé par une balance

DES PAROLES ET DES ACTES : LES 4 MENSONGES DE MONSIEUR LENGLET

POUVOIR D ACHAT : la condition de vie des travailleurs

NOTE DE PRESENTATION DU PROGRAMME STATISTIQUE DE L UEMOA

FINANCEMENT DU DEFICIT BUDGETAIRE AU MAROC

Simulation d impact de l augmentation des salaires du personnel de l administration publique et du SMIG et du SMAG dans le secteur privé

Vers un système monétaire international multipolaire? Agnès Bénassy-Quéré Jécos, Lyon, 10 novembre 2011

PARTENARIAT ENTRE LE SYSTEME DES NATIONS UNIES ET LE SENEGAL POUR UN DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL INCLUSIF ET DURABLE

Le rôle du secteur bancaire suisse dans la transformation de l épargne en investissements réels

Vos stratégies d attraction et de rétention vous permettent-elles d attirer et de fidéliser les meilleurs talents?

«La France d après», c est un clin d œil au slogan de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de Il ne s agira pas cependant ici de

Faut-il encourager les ménages à épargner?

Résumé du cours en graphiques En vue des prochains cours En vue de l examen final. Macroéconomie 1. Conclusion générale. Olivier Loisel.

Synergie MD. Pour que la vie suive son cours

Comparaison des enjeux énergétiques de la France et de l Allemagne

RAPPORT TECHNIQUE CCE

La question sociale globale et les migrations. Présentation de Jean Michel Severino aux semaines sociales, 28 Novembre 2010

La prévision est un art difficile de manière générale, mais c est

RAPPORT D'EXPERT SUR LE COÛT DE LA DETTE FINANCIÈRE BANQUE NATIONALE

APPEL A COMMUNICATIONS

Colloque Groupama AM CEPII. La Zone EURO: Où en est-elle? Où va-t-elle?

Banque nationale suisse

France. Conditions d ouverture des droits. Calcul des prestations. Indicateurs essentiels. France : le système de retraite en 2012

CHAPITRE «CROISSANCE, CAPITAL ET PROGRES TECHNIQUE»

Avec Gaël Callonnec (Ademe)

L accumulation de réserves de change est-elle un indicateur d enrichissement d une nation?

Le système de protection sociale en santé en RDC

Raisons convaincantes d investir dans le Fonds de revenu élevé Excel

Le creusement des inégalités touche plus particulièrement les jeunes et les pauvres

Institut National de la Statistique - Annuaire Statistique du Cameroun Chapitre 26 : LE CAMEROUN DANS LA ZONE CEMAC

L'amélioration des performances économiques des territoires : méthodologie des cartes de performance. Application à la liaison Grenoble Sisteron

LES SIIC. Pierre Schoeffler Président S&Partners Senior Advisor IEIF. Étude réalisée par. Les SIIC et la retraite 1

L importance du secteur bancaire suisse

asdf Deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement Madrid (Espagne) 8-12 avril 2002 madrid

Chapitre 4 Un besoin de financement du système de retraite qui s établirait à 4 points de PIB en 2040, à réglementation inchangée

Les objectifs de l Autorité de Contrôle prudentiel

Méfiez-vous du modèle d austérité canadien

Le Québec en meilleure situation économique et financière pour faire la souveraineté

Département des affaires économiques et sociales. études méthodologiques Série F, n 85 Manuel de comptabilité nationale

Introduction Quels défis pour l Administration Publique face àla crise? Crise et leadership : quelles relations? Quels défis pour les dirigeants?

COMMENT S ASSURER SANS SE SUR ASSURER

Les comptes nationaux et le SEC 2010

Flash économique. Agglomération de Montréal. Faits saillants. Septembre 2011

PRADO, le programme de retour à domicile

Présenté par Michel Sapin, Ministre des finances et des comptes publics. Christian Eckert, Secrétaire d État chargé du budget

Journée technique ARRA Gestion quantitative de la ressource en eau

Comment évaluer la productivité et l efficacité des hôpitaux publics et privés? Les enjeux de la convergence tarifaire.

AUDIT FINANCIER ET FISCAL DE LA COMMUNE COMMUNE DE SAINT-JULIEN EN GENEVOIS

Mise en place de solutions individuelles et collectivespour

CMI ECONOMIE, FINANCE QUANTITATIVE ET STATISTIQUES - PARCOURS FORMATION EN APPRENTISSAGE

Grégoire Sentilhes et Thierry Ortmans. 23 mars Orienter l épargne vers les entreprises de taille moyenne

3. Agrégats, ratios et équilibres macroéconomiques

Détention des crédits : que nous enseignent les évolutions récentes?

Compte rendu du 7 ème colloque organisé par Groupama Asset Management, CEPII-CIREM, le 22 octobre 2009

ASSURANCE INVALIDITÉ. CARACTÉRISTIQUES Délai de carence au choix : 30, 60 ou 90 jours Durée: 2 ans Prestation de 500 à 6000$

CHAP 3 COMMENT EXPLIQUER L INSTABILITE DE LA CROISSANCE?

Les finances de la sécurité sociale

Eco-Fiche BILAN DE L ANNEE 2012 QUELLES PERSPECTIVES POUR 2013? 1

Canada-Inde Profil et perspective

Qu est-ce que la croissance économique? Quels sont ses moteurs?

ISF FCPI éligible à la réduction et l exonération de l ISF.

Introduction. Le Canada est un pays qui donne son plein rendement.

Coût de la santé pour les ménages : Vers la démutualisation des populations fragiles?

Questionnaire Profil de risque

Epargner en période de crise : le dilemme

La Théorie de la relativité des Loyers Par Alain BECHADE

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

Une famille, deux pensions

Transcription:

DOI : 10.4267/2042/47399 7 Croissance des dépenses de santé Déterminants et finalité 2005;48:365-70. Brigitte Dormont PSL - Université Paris Dauphine et CEPREMAP Présentation au Colloque des Industries Numériques et de la Santé 28-29 février 2012 L augmentation de la longévité Les conditions de la vie humaine ont été profondément modifiées par l augmentation de l espérance de vie ; L espérance de vie a plus que triplé depuis le 18ème siècle ; Aux 18ème et 19ème siècles, les progrès reposaient sur la baisse de la mortalité infantile ; Les décennies récentes sont marquées par des avancées dans la lutte contre la mortalité aux âges élevés. Espérance de vie à 60 ans 1806-2004 Mortalité par cause de décès en France de 1925 à 1999 SANTÉ PUBLIQUE Dans les dernières décennies L espérance de vie s est accrue grâce aux progrès obtenus dans la mortalité des personnes âgées Augmentation de la proportion des personnes âgées dans la population Le vieillissement de la population peut-il submerger nos systèmes de santé? Non, il faut tenir compte des ordres de grandeurs : le vieillissement ne joue qu un rôle mineur

8 Hegel Vol. 2 N 2 2012 Une illustration pour comprendre les mécanismes en jeu Raisonnement standard Vieillissement 2005-2050 Dépenses de santé par âge en 2000

9 La principale source de croissance des dépenses de santé au niveau macro Analyse rétrospective pour la France Analyse rétrospective 1992-2000 (Dormont-Grignon-Huber, 2006) et 2000-2008 (Dormont-Huber, à paraître) ; Échantillons d assurés sociaux français observés en 1992, 2000 et 2008 ; Information individuelle détaillée sur les maladies chroniques ; Méthodes de micro simulation pour évaluer les composantes du déplacement vers le haut du profil des dépenses. Le vieillissement n explique qu une faible part de la progression des dépenses de soins : moins d un dixième de la croissance sur 1992-2000, moins d un cinquième sur 2000-2008 L évolution de la morbidité a un impact faible, qui est même négatif sur 1992-2000 (freinage de la croissance des dépenses de santé) Les changements de pratiques, à âge et maladie donnés, expliquent l essentiel de la progression des dépenses : - Inefficience - Ou progrès technique?

10 Hegel Vol. 2 N 2 2012 La dynamique du progrès médical Conception traditionnelle du progrès technique : source de gains de productivité. Pourquoi serait-il responsable de la hausse des coûts? Deux mécanismes entrent en jeu : - Substitution : gain d efficacité - Diffusion : utilisation croissante de l innovation La croissance des coûts résulte principalement de la diffusion des innovations (Cutler & McClellan, 1996) : - Exemple : traitement de la crise cardiaque avec le Pontage et l Angioplastie - Autres exemples : chirurgie de la cataracte, prothèse de la hanche Intégration du progrès technique dans les prévisions macroéconomiques Hypothèse de croissance des dépenses de santé supérieure de 1 ou 2 points à celle du revenu Variation des dépenses de santé dans le PIB pour EU15 entre 2005 et 2050 - Si rythme différentiel = 1 point : 7.7 % à 12.8 % soit + 5.1 points - Si rythme différentiel = 2 points : 7.7 % à 19.7 % soit + 12 points Cette croissance est-elle soutenable? Cutler (2003) : dans toutes les hypothèses, on prévoit une croissance positive de la consommation des ménages hors santé (OCDE) Pour la période 2000-2050 : - Si rythme différentiel = 1 point, la consommation hors santé croîtrait de 150 % - Si rythme différentiel = 2 points, la consommation hors santé croîtrait de 100 % Que ces dépenses puissent être financées ne signifie pas qu une telle évolution soit souhaitable. La croissance des dépenses est-elle souhaitable? Quel est l impact des soins médicaux sur la longévité et la santé? Evaluée en unités monétaires, la valeur des gains en santé et en longévité est-elle supérieure ou égale aux coûts liés aux dépenses? En utilisant la valeur statistique de la vie, on peut mesurer la valeur des gains en santé et en longévité (Murphy & Topel, 2006) ; Résultat spectaculaire : pour les Etats-Unis entre 1970 et 2000, les gains en santé et en longévité correspondent chaque année à une valeur équivalente à 32% du PIB! La valeur de ces gains est supérieure au coût associé (15 % du Pib pour les dépenses de santé aux États-Unis) Ainsi, la diffusion des nouvelles technologies a entraîné des dépenses additionnelles, mais a aussi créé de la valeur grâce aux gains en longévité et en santé ; Pour les Etats-Unis entre 1970 et 2000 cette valeur dépasse largement le coût des soins.

11 Remarque : ici, la santé est conçue comme facteur de bien-être et non comme facteur de productivité et de croissance (autre ligne d argument, importante aussi) Conclusions Le vieillissement est un facteur mineur de la croissance des dépenses de santé ; Les changements de pratiques sont le facteur déterminant de l augmentation des dépenses Enjeux d un tel résultat : - La croissance des dépenses de santé ne résulte pas d un processus exogène incontrôlé mais de la diffusion de nouvelles technologies qui créent de la valeur grâce aux gains en longévité et en santé. - Pour favoriser cette diffusion, des gains d efficience doivent être trouvés avec une meilleure organisation du système de soins Références 1. Dormont B. Les dépenses de santé. Une augmentation salutaire? Opuscule du CEPREMAP, Editions Rue d Ulm, 2009 http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/opus15.pdf